L’église Saint-Hippolyte de Combertault

• France    • Bourgogne - Franche-Comté    • Article précédent   • Article suivant   


Première étude de février 2019


Voici ce que dit sur cette église le site Internet consacré à la Bourgogne Romane : « La petite église de Combertault renferme les vestiges importants d’une ancienne abbatiale de la première moitié du XIe siècle, ainsi que les fresques romanes les plus importantes du département. Une communauté de chanoines réguliers, appartenant au siège épiscopal de Chalon y fut fondée en 1030. Réduite au rang de prieuré vers 1070-1080, le site dépendait de Saint-Étienne de Caen, puis de Saint-Bénigne de Dijon ... Le décor de fresques est digne d’intérêt. Attribué aux années 1100, voire peut-être même plus ancien, le décor aux ocres jaunes et rouges est proche du fameux Christ à cheval de la cathédrale d’Auxerre. Dans l’abside, on admire des saints et anges entre les arcatures, des scènes de la vie de Saint Hippolyte, patron de l’église, et un décor de losanges. Le grand Christ en Gloire du cul-de-four a été perdu. Dans la travée de chœur, les arcatures abritent des figures de saints, des anges en buste et un décor géométrique. Le chevet en petit appareil régulier est très bien composé, avec le décor de bandes lombardes entourant les baies et son bandeau aux dents de scie. L’ensemble a été restauré aux années 1990. »

Par ailleurs le site Internet « Care » fournit quelques informations complémentaires : «  L’édifice se situe au sud-est de Beaune, dans la plaine. Il subsiste les travées orientales de la nef et le chœur. Les restes du croisillon Sud sont englobés dans une aile de l’ancien prieuré devenu la mairie.

Aucune structure n’a été retrouvée, mais la présence de céramiques antiques de la fin du IIe-III e siècles dans plusieurs niveaux de remblais, et un niveau de sol en tuileau, perturbé par la fondation du XIe siècle, suggère une occupation préalable.

De grands blocs antiques, visibles à l’extérieur, pourraient provenir du castrum de Beaune, à 8 km.
»

L’information selon laquelle une communauté monastique y fut fondée en 1030 est très intéressante. Il ne faudrait pas pour autant exagérer l’importance de cette information probablement liée à la lecture d’une charte datée de 1030. Nous avons à plusieurs reprises mis en garde sur la signification que l’on doit donner aux mots
« fonder une communauté à un endroit donné ». Fonder une communauté signifie réunir un groupe de personnes dans un but précis et pour un temps indéterminé. Mais cela signifie aussi donner à ce groupe de personnes les moyens de subsister afin de réaliser ce but : se loger, se vêtir, se nourrir, et pour une communauté monastique, pouvoir accéder à la prière. En conséquence, la fondation d’une communauté à un endroit donné peut se traduire de trois façons différentes. Soit la communauté s’installe dans des bâtiments construits longtemps auparavant, en remplacement d’une autre communauté déficiente. Soit la communauté s’installe dans des bâtiments neufs spécialement prévus pour elle. Soit la communauté s’installe dans des bâtiments de peu d’importance, et au fur et à mesure de son enrichissement, construit de nouveaux bâtiments plus importants. Dans le cas présent, la fondation de 1030 ne peut signifier que l’église Saint-Hippolyte date de la même période. D’autant que la construction d’une église peut être exécutée en plusieurs étapes de travaux.

Le plan (image 1) révèle une nef à trois vaisseaux en grande partie détruite. Malheureusement, nous n’avons pas d’image des parties restantes de la nef côté Sud.

À l’extérieur, on peut voir un chevet à arcatures lombardes (images 2 et 3).

Les images 5 et 6 révèlent les fresques aux tons rouges décrites ci-dessus. Nous ne sommes pas encore en mesure de dater les fresques. Comme il est dit ci-dessus, celles-ci pourraient être antérieures à l’an 1100.

On remarque sur l'image 6 une rupture de style entre, d’une part les demi-colonnes cylindriques du dessous, et les arcs plaqués contre le mur de l’abside. Logiquement, il ne devrait pas y avoir des demi-colonnes cylindriques mais des pilastres ou des colonnettes surmontées de chapiteaux. C’est du moins ce que l’on voit dans la plupart des absides que nous connaissons. Y aurait-il dans cette rupture de style le témoignage de deux étapes de travaux ?

Datation envisagée pour l’église Saint-Hippolyte de Combertault : an 975 avec un écart de 75 ans.



Ajout de texte et d'images le 23 janvier 2025

Le texte ci-dessus a été écrit en février 2019. Nous n'avions pas auparavant visité cette église et toute notre recherche était basée sur divers documents comme le livre Bourgogne Romane de la collection Zodiaque et des textes et images issus d'Internet.

Nous avons visité ce monument en septembre 2,024, en compagnie de Alain et Anne-Marie Le Stang. Les images suivantes de 8 à 30 ont été prises lors de cette visite.

Image 7 : Reprise du plan de l'image 1. Ce dernier représente l'édifice que les fouilles ont permis de reconstituer à une période : ce n'est probablement pas celui de l'édifice tel qu'il était à l'origine, ce dernier ayant subi beaucoup de transformations. En tout cas ce n'est pas le plan actuel, certaines parties de l'église étant à l'emplacement de la mairie, située sous le trait orange.

Le trait en bleu marine désigne les parties existantes. Le trait en bleu clair, les parties disparues repérées sans doute au cours de fouilles. Nous avons repeint en jaune des parties en bleu marine (donc existantes) mais que nous n'avons pas repérées lors de notre visite. Le tracé vert permet de repérer la construction recouverte d'un enduit en ocre jaune située sous le clocher (image 11).

La lettre A permet de situer l'emplacement du départ de l'arc du collatéral Nord (image 12).

Les lettres B, C et D permettent de situer les emplacement des piliers cylindriques des images 14, pour C et D, et 15, pour B.

La lettre E permet de situer l'emplacement du départ de l'arc du collatéral Sud, côté vaisseau central (image 23).

Les trois lettres SCS identifient la Salle du Collatéral Sud des images 22, 23 et 24.


Analyse de l'architecture de l'édifice

Le plan de l'image 7 : lors de notre visite, nous ne disposions pas de ce plan et nous n'avons pas pu vérifier s'il y avait conformité entre ce plan et nos propres observations. En particulier, nous n 'avons pas détecté les parties disparues (en bleu clair). Très probablement, ces parties disparues ont été détectées lors de fouilles mais l'espace étant utilisé comme cimetière, les traces de ces fouilles ont dû disparaître aussi. Le principal problème est celui des absidioles Nord et Sud. Elles sont indiquées sur le plan comme parties disparues mais non visibles sur place. Ont-elles vraiment existé ou ont-elles étaient inventées ? Le problème est important car elles sont, sur le plan, greffées sur un transept. Or l'existence d'un transept est un marqueur de datation. En simplifiant un peu outrancièrement, deux plans d'églises à nefs à trois vaisseaux se seraient succédé dans le temps : les église dépourvues de transept avec trois absides en prolongement de chaque vaisseau, et les églises avec transept débordant et trois absides dont deux greffées sur le transept. Ce dernier plan serait celui de cette église. Et comme il n'y a pas de trace d'absidiole prolongeant les collatéraux, on peut envisager que la partie concernant le transept et les collatéraux a pu être édifiée durant la période romane (XIe-XIIe siècle).

Images 8 et 9. Ce que nous venons d'écrire précédemment ne concernait que le transept presque entièrement disparu (il ne resterait que la salle du collatéral Sud , SCS sur le plan). Il est possible que cette dernière partie ait été construite après, en remplacement d'une construction initiale. Et que le chœur et l’avant-chœur qui existent encore soient plus anciens. Le chevet (image 8) est décoré d'arcatures lombardes de première génération. Cette partie pourrait donc être plus ancienne que le transept disparu. En effet, les arcatures lombardes de première génération sont souvent associées à des églises dépourvues de transept. On remarque cependant quelques anomalies : des fenêtres trop grandes pour la période envisagée et une bordure du toit nettement au-dessus de la frise en zigzags surmontant les arcatures, alors qu'elle devrait coïncider avec celle-ci. Tout cela laisse envisager qu'à une date donnée, la toiture du chevet a été surélevée, et que, peut-être au même moment, les fenêtres ont été agrandies.

Toujours sur l'image 9, on observe que l’avant-chœur n'est pas décoré d'arcatures lombardes. Par contre, il possède une frise en zigzags surmontée d'une frise en dents d'engrenages. Le parement de son mur extérieur Nord témoigne d'une alternance de lits de pierres de différentes provenances et de différents formats (image 10). Y a-t-il eu plusieurs campagnes de travaux successives ? Ou bien plusieurs fournisseurs de matériaux au cours d'une seule campagne de travaux ?

Image 12 : c'est une vue détaillée de l'image 11. Nous avons fait apparaître, un peu maladroitement, en traits rouges, les restes du transept (point E du plan), avec, à gauche, un fragment d'arc du collatéral Nord, et, à droite, l'arc triomphal, qui lui a été conservé intact. On le retrouve sur l'image 16 au-dessus de la poutre de gloire.

Image 13 : l'église (ou plutôt ce qui reste de l'église primitive) vue en direction de l'Est. Le mur extérieur Sud, flanqué de deux colonnes semi-cylindriques, est à l'extrême droite. Le collatéral Sud disparu longeait ce mur en direction du bâtiment en forme de tourelle qui abrite la salle SCS, seul reste de ce collatéral Sud.

Images 14 et 15 : restes des colonnes B, C et D. Les colonnes B (image 15) et C (image 14) sont semi-cylindriques. En ce qui concerne la colonne D (image 14), on ne sait pas si elle est ou non semi-cylindrique. Elle semble située sur un entablement rectangulaire et il resterait un fragment monolithe semi-cylindrique mais de moindre diamètre que celui des colonnes voisines. Dans notre étude précédente, nous nous étions étonnés de la présence de colonnes cylindriques à l'intérieur de l'église. Observons par exemple l'image 21. Pour nous, cette image n'a rien de roman. En architecture romane, les arcs en plein cintre retombent sur des tailloirs puis sur des chapiteaux. Lesquels reposent sur des colonnes. L'arc doit arriver verticalement sur les tailloirs. Ce doit être un arc de 180° , ce qui n'est pas le cas ici. La tailloir doit être d'une moins grande largeur que le sommet du pilier que l'on a ici. La base du chapiteau doit être moins large que le tailloir et de même largeur que la colonne qui le soutient.

Nous pensons, sans preuve définitive, que la structure romane existe bien. Mais probablement dans le but de la renforcer, les piliers anciens, de moins grande largeur ont été recouverts par un petit appareil de pierres rectangulaires (piliers B et C). Le pilier D serait un témoin de la structure ancienne.

On remarque sur l'image 16 que l’avant-chœur est surmonté d'une voûte sur croisée d'ogives typiquement gothique. Mais les images 17 du mur Sud de cet avant-chœur et 21 du mur Nord font apparaître que les ogives recouvrent en partie les arcs en plein cintre plaqués contre ces murs. Non seulement les arcs mais aussi les fresques au-dessus de ces arcs. Cela signifie que la voûte a été posée postérieurement aux arcades et aux fresques.

À l'inverse, les images 19 et 20 du chœur montrent qu'il existe des fresques dans l'arrondi de la voûte en cul-de-four (coin gauche). Ces fresques ont donc était posées après la mise en place de cette voûte, et en respectant le contour des fenêtres. Nous avons vu auparavant que la toiture du chœur avait été surélevée par rapport aux arcatures lombardes. La pose de cette voûte serait donc postérieure au XIIe siècle (si les arcatures lombardes datent du XIe siècle) et il en serait de même pour les fresques.


Image 22 : Salle du collatéral Sud. Elle est vue en direction de l'Est.

Image 23 : Vue du coin supérieur Nord-Est de la salle du collatéral Sud (position E du plan de l'image 7). On remarque la présence d'un pilier cylindrique symétrique de celui repéré sur les images 11 et 12 (lettre A du plan). On remarque aussi le départ de deux arcs. La symétrie n'est pas tout à fait parfaite car sur l'image 12, les arcs étaient dirigés ver le Nord et vers le Sud alors que dans le cas présent, ils sont dirigés vers le Sud et vers l'Ouest. Nous pensons que ces arcs, dirigés vers l'Ouest dans le cas A, vers le Nord, dans le cas E,  existent, mais sont cachés sous les enduits.

Image 24 : Salle du collatéral Sud. Elle est vue en direction du Sud. Remarquer qu'à droite, l'arc repose sur un pilier semi-cylindrique.


Les fresques

Ce qu'il reste de ces fresques montre qu'à l'origine, elles devaient former un ensemble très important. D'abord, parce qu'il ne reste qu'une petite partie de l'église initiale qui devait être entièrement recouverte de fresques (voir celle qui subsiste dans la salle du collatéral Sud, image 22). Ensuite, parce que les murs étaient plus élevés (sur l'image 21, la voûte recouvre une partie importante de la scène peinte qui devait à l'origine être inscrite dans un cadre rectangulaire).

La lecture des diverses scènes se révèle délicate. On repère des figures d'anges ou de saints sans préciser de qui il s'agit (images 27, 28, 29, 30). Parfois la fresque a été recouverte par une croix de consécration inscrite dans un cercle (image 30). On retrouve d'ailleurs un peu partout ces croix de consécration. Ainsi, sur les hauts piliers des images 18 et 20, on peut voir deux sortes de croix de consécration : à mi hauteur, un grand disque de couleur ocre contenant une croix noire, et un mètre en dessous, un disque plus petit de couleur blanche. Ces deux types de croix montrent que cette église a été consacrée au moins deux fois, très probablement plus encore.

Les images 25 et 26 montrent la partie la mieux conservée de ces fresques. À gauche, un saint en position horizontale tend les bras vers on ne sait quel objet. À droite, un homme auréolé semble étendu sur deux chevaux au galop. Face à ces deux chevaux, un personnage dont on ne distingue que le pantalon et les bottes a probablement était ajouté comme graffiti au début du XXe siècle.


Datation envisagée pour cette église

Nous pensions qu'en l'étudiant plus attentivement, nous obtiendrions plus de renseignements sur cette église et que nous arriverions à mieux la dater. Nous avouons notre échec sur ce point. Et nous proposons une datation plus étalée dans le temps que celle proposée auparavant : an 975 avec un écart de 125 ans.