L'église Saint-Michel de Saint-Génis-des-Fontaines
L'église Saint-Michel de
Saint-Génis-des-Fontaines est principalement connue pour son
célèbre tympan situé sur la façade Ouest (image
2). Concernant ce linteau
(image 3),
voici ce qui est écrit sur le livre «
Roussillon Roman » de la collection Zodiaque
par Marcel Durliat : « Une
belle pièce archéologique ! Ne porte-t-elle pas sur elle,
avec son acte de naissance, le plus précieux des
renseignements pourchassés par les historiens de l'art :
l'âge, cette donnée indispensable pour classer et
cataloguer. L'inscription courant sur une large bande ne
saurait être plus explicite : « ANNO VIDESIMO QUARTO
ROBBERTO REGE WILLELMUS GRATIA ARA ISTA OPERA PIERRI
IUSSIT IN HONORE SANCTI GENESII CENOBII QUE VOCANT
FONTANAS », ce qui signifie : « La
vingt-quatrième année du règne du roi Robert, Guilhem,
abbé par la grâce de Dieu, ordonna de faire cette œuvre en
l'honneur de saint Génis au monastère que l'on appelle des
Fontaines. »
Le roi auquel référence
est faite est le roi des Francs : le Roussillon préroman
et roman n'en connut jamais d'autre, pas plus que la
Catalogne d'ailleurs. Certes, les liens de dépendance
envers ce souverain lointain s'étaient bien desserrés
depuis Charlemagne, au point de perdre toute valeur
réelle, mais la tradition s'en maintenait dans le domaine
de la diplomatique. Il s'agit donc de Robert le Pieux,
dont le règne débuta le 24 octobre 996. La vingt-quatrième
année de son règne s'étend donc, … d'octobre 1019 à
octobre 1020. »
Ce texte est à la fois révélateur d'une erreur et d'un
raisonnement quasi infaillible. L'erreur réside dans
l'affirmation : « Certes,
les liens de dépendance envers ce souverain lointain
s'étaient bien desserrés depuis Charlemagne, au point de
perdre toute valeur réelle, mais la tradition s'en
maintenait dans le domaine de la diplomatique »,
qui, grâce au mot « diplomatique », sous-entend l'existence
de deux « États » différents, l'un étant « l 'État Français
» l'autre « l’État Barcelonais » (à remarquer que le mot «
État » est mis entre guillemets, car la notion que nous
avons d'un « État » est différente de celle qu'avaient les
peuples du Premier Millénaire. D'ailleurs, il faudrait
plutôt parler de « peuples » obéissant à des lois : le
peuple Franc pour la loi franque, le peuple Romain pour la
loi romaine, etc. Dans le cas présent, la communauté de
Saint-Génis est sous la dépendance du roi des Francs et
obéit à la loi franque.
Mais quel est le raisonnement infaillible ? Ce raisonnement
est celui de « l'en-tête ». Actuellement, lorsqu'on va en
direction du Nord-Est de la France, on peut franchir des
frontières sans s'en apercevoir. Comment faire pour
déterminer dans quel pays on se trouve ? Il suffit d'aller
dans la mairie du lieu où l'on se trouve et de consulter sur
un panneau l'en-tête d'un document officiel. S'il est écrit
« République Française », cela signifie que vous êtes en
France, s'il est écrit « Royaume de Belgique », vous êtes en
Belgique. L'en-tête est primordiale car elle définit qui est
le « patron ». C'est-à-dire celui qui fait régner la
justice, qui protège contre les ennemis, qui perçoit les
impôts. Bien sûr, il existe des intermédiaires entre ce «
patron » et ses « sujets ». Dans le cas présent, il doit
s'agir du comte de Barcelone. Mais le comte de Barcelone
n'est qu'un intermédiaire. Il peut tenter d'usurper le
pouvoir sur les terres qu'il contrôle. Mais s'il échoue, il
risque fort d'être exécuté. Et s'il réussit, il change
l'en-tête pour bien montrer qu'à présent, c'est bien lui le
maître.
Concernant la datation du linteau, au vu
du texte, la cause semble entendue et la réponse définitive.
Ce tympan daterait de l'année 1020.
Pourtant ce n'est peut-être pas aussi simple qu'il y paraît.
Tout d'abord, ce que nous appelons « linteau » était-il, à
l'origine un linteau ? Le portail qui l'entoure n'a rien de
roman. Nous pensons qu''il s'agirait plutôt d'un devant
d'autel.
Le décor de ce « linteau » est lui aussi surprenant. Les
arcs outrepassés ainsi que les autres éléments
caractéristiques de ce décor (palmettes, vêtements des
personnages, leurs visages) font penser à de l'art
wisigothique. Un art bien antérieur à l'an mille. De plus,
cet art n'a rien de commun avec l'art franc du XIesiècle.
Remarquons surtout sur les images
5 et 6 une anomalie. D'une part, le tracé régulier
du décor de palmettes. D'autre part, le tracé irrégulier
voire anarchique du texte épigraphique. Nous envisageons
l'hypothèse selon laquelle ce texte a été écrit en 1020 sur
un bas relief antérieur que nous datons de l'an 800 avec un
écart de 150 ans.
Le
cloître
Voici ce que nous apprend sur ce cloître la page qui lui est
conscrée sur le site Internet Wikipedia : «
Le cloître de
Saint-Génis-des-Fontaines, daté de 1271-1283 sous
l'abbé Michel, dont les restes ont été classés au titre
des monuments historiques par arrêté du 17 juillet 1924.
Les deux tiers de ce cloître ont été achetés par
l'antiquaire Paul Gouvert en 1924. Ayant deux clients
potentiels, il fait sculpter en véritable marbre rose de
Villefranche-de-Conflent 23 chapiteaux supplémentaires. Il
peut alors vendre un premier cloître au banquier grec Zani
Nicolas Chrysoveloni en 1925, qui l'a transporté et
remonté dans le parc de son château des Mesnils tout en
offrant trois colonnes et deux arcades au musée du Louvre.
Il vend ensuite un deuxième cloître supposé tout aussi
authentique au musée de Philadelphie en 1928. Il s'est
alors posé le problème de l'authenticité des éléments du
château des Mesnuls. Ces éléments ont été authentifiés au
moment de leur démontage, l'essentiel du cloître de
Philadelphie étant constitué de copies. L'État a acheté le
cloître qui se trouvait au château des Mesnuls en 1982 et
le musée du Louvre a restitué en 1984 les éléments en sa
possession pour reconstruire le cloître à son emplacement
initial de Saint-Génis-des-Fontaines. »
Nous ne décrirons pas les images
de 11 à 15 de ce cloître qui, d'après la datation
1271-1283 qui nous est proposée, se situe hors du cadre de
notre étude. Nous voulons seulement souligner ce que nous
apprend le texte ci-dessus. À savoir que ce cloître a fait
en partie l'objet d'une manipulation frauduleuse. Cette
information, qui est pour nous une révélation, nous oblige à
des remises en question. On a pu identifier la fraude parce
que l'antiquaire avait vendu deux fois le même cloître. Mais
ne serait-il pas possible que des fraudes analogues n'aient
pas été découvertes ? On songe en particulier aux cloîtres
de Saint-Guilhem-le- Désert ou de Saint-Michel-de-Cuxa
reconstitués au musée des Cloisters de New-York ou à
certains éléments des mêmes cloîtres restés sur place.
Si nous évoquons cela, c'est parce que lors de notre étude
sur les chapiteaux du cloître de Saint-Michel-de-Cuxa, nous
avons remarqué que certains thèmes sculptés n'avaient pas
leurs équivalents ailleurs (du moins jusqu'à preuve du
contraire). En attendant d'en savoir davantage, nous avions
laissé le problème en suspens. À présent, nous sommes
obligés d'envisager une autre possibilité : à savoir que ces
chapiteaux qui ne semblent pas avoir d'équivalent ailleurs
qu'à Saint-Michel-de-Cuxa pourraient être des faux fabriqués
au XXesiècle.Mais il ne s'agit là que d'une
hypothèse parmi d'autres.