L'église Saint-Genest de Lavardin
Nous avons effectué une visite rapide de ce monument en août
2009 - bien avant que nous envisagions de créer ce site
Internet sur le Premier Millénaire - et une partie des
images de cette page a été réalisée lors de cette visite.
Cette église a été décrite par le Docteur Robert Gamard dans
l'ouvrage «
Touraine Romane » de la collection
Zodiaque. En voici des extraits concernant
l'historique de cette église :
« Saint
Julien, venu d'Italie au milieu du IIIesiècle
pour évangéliser les Cénomans, y aurait, selon la légende,
fondé une église. On peut affirmer avec certitude que les
invasions du cinquième siècle détruisirent tout.
Au
septième siècle, le riche tourangeau Richimer, ayant
obtenu d'Aigilbert, évêque du Mans, de se retirer “dans un
lieu pauvre où il pourrait vivre pauvre comme
Jésus-Christ”, Lavardin lui fut assigné. Mais ses
disciples devinrent si nombreux qu'il construisit non loin
de là un monastère dans un vallon où ne subsiste que son
nom : Saint Rimay.
Les
Normands ravagèrent la vallée au IXesiècle.
Ils s'attaquaient avec prédilection aux édifices
religieux. [...] »
Commentaire sur
cette partie de texte : On retrouve là un certain
nombre de poncifs que nous avons critiqués en de multiples
occasions. Ainsi la phrase, « On
peut affirmer avec certitude que les invasions du
cinquième siècle détruisirent tout. », est issue de
la croyance dans la destruction totale des monuments
provoquée par les seuls barbares. Cette croyance, par
ailleurs non fondée - la très grande majorité des villes a
été conservée et, pour celles qui ont disparu, la
destruction par des humains n'est pas prouvée ; des
monuments romains existent encore ; notre site Internet fait
apparaître une plus grande ancienneté d'un nombre important
d'églises -, a conduit à un raisonnement redondant dit du
«serpent qui se mord la queue». Et, comme dans l'histoire du
serpent qui se mord la queue, plus le serpent progresse,
plus la boucle se referme, dans ce raisonnement redondant,
la croyance en une fondation au IIIesiècle,
puis en une destruction barbare au cinquième siècle, finit
par devenir certitude. Autre poncif : les destructions par
les Normands : « Les
Normands ravagèrent la vallée au IXesiècle.
Ils s'attaquaient avec prédilection aux édifices religieux.
[...] ». Il est certes possible que les Normands aient
détruit l'église de Lavardin au IXesiècle.
Mais nous misons sur le fait que ce n'est pas le cas. Plus
exactement, nous pensons que l'hypothèse selon laquelle
cette église aurait été détruite par les Normands ne repose
sur aucun argument sérieux. Les textes relatant des
incursions normandes sont rares et ils ont souvent été
montés en épingle au détriment d'autres textes révélant des
luttes internes ou des conflits vis-à-vis de pouvoirs
constitués. Dans le cas présent il existe sans doute un
texte relatant une incursion de Normands dans la vallée.
Mais de quelle vallée s'agit-il ? de la Loire ? du
Loir ? De quels Normands s'agit-il ? de Vikings ? d'hommes
venus du Nord ? de pirates ou brigands issus de nations
diverses regroupés en bandes invariablement désignés comme
«Normands» ?
Continuons notre lecture du texte du
Docteur Robert Gamard :
« Au
XIIesiècle, Lavardin appartient à Bouchard,
le Vieux “Ratepilate”, qui remet la forteresse à son féal
Salomon. Celui-ci, de simple garde forestier, se fit
Seigneur et édifia, entre 1012 et 1047, le prieuré Saint
Gildéric. Ici apparaît l'église Saint-Genest, car c'est à
cette occasion que nous apprenons l'existence d'un
sanctuaire dédié à ce martyr, administré par un chapitre
désigné par les évêques du Mans.
“ Les
moines de Saint Genest, ayant vendu le terrain sur lequel
se construisait le Prieuré Saint-Gildéric, dans la baille
(?) du château de Lavardin, se trouvèrent donc avoir à la
fois sous la main l'argent et le maître d’œuvre, et ils en
profitèrent pour reconstruire leur église qui pouvait
dater d'une époque beaucoup plus ancienne, car c'était un
prieuré de Saint-Georges-des-Bois, abbaye voisine dont la
fondation remonterait à l'époque “mérovingienne”, très
exactement, dit la tradition, à Hildebert I er,
roi des Francs.”. L'abbé Plat, à qui nous devons la
citation précédente, estime que l'église de Lavardin est
datée par la ressemblance absolue de ses anciens
chapiteaux avec ceux de Saint-Gildéric. Le nouveau
sanctuaire fut élevé sur l'emplacement de l'ancien.
»
Commentaires sur
le texte ci-dessus :
Nous n'avons rien trouvé sur le prieuré de Saint-Gildéric
ici associé à l'église Saint-Genest.
Nous retrouvons le raisonnement que l'auteur du texte a mis
en œuvre dans le texte précédent : aucun document ancien ne
vient prouver que l'église ancienne de Saint-Genest a été
reconstruite entre 1032 et 1047. Toute l'argumentation a
probablement été échafaudée à partir de la lecture de deux
chartes, l'une de 1032, l'autre de 1047, parlant
essentiellement de Saint-Gildéric et accessoirement de
Saint-Genest. Comme il arrive souvent dans des cas
analogues, l'histoire du village a été écrite par un érudit
local, ici, l'abbé Plat. Face à la rareté des écrits mis à
sa disposition, l'érudit en question, a agrémenté son
discours de références diverses - ici le roi Hildebert, les
mérovingiens, les normands. Les chartes de 1032 et de 1047
qui n'avaient peut être pas de rapports directs avec des
constructions quelconques, sont devenues des dates de
constructions. Mieux : dates de construction de l'église
entière. Mieux encore : dates de reconstruction de cette
église.
L'image
7 est celle du plan au sol de l'église de
Lavardin. La description des légendes donnant les dates, en
bas et à droite de l'image a été en partie tronquée. Les
dates indiquées sont les suivantes, de haut en bas : «Vers
1040» (en noir, la majorité des murs de l'église),
«Vers
1080», «Vers
1100», «Vers
1115», «XIII
e siècle», «Vers
1100»,
«Époque
gothique indéterminée». On retrouve ce que nous
avons dit précédemment : les chartes de 1032 et de 1047 qui
n'ont probablement aucun rapport avec les constructions
fournissent la datation ,«Vers
1040», de la majeure partie de l'église. Les dates
suivantes nous font beaucoup sourire. D'une part, on décèle
à travers cette litanie de transformations une «bougeotte»
que même notre époque moderne ne connaît pas : combien
connaissez-vous d'immeubles modernes ayant subi en moins
d'un siècle 3 changements radicaux après leur construction ?
D'autre part, l'auteur se révèle capable de dater à la
décennie près des constructions antérieures à l'an 1150 et
incapable de dater au demi-siècle près des constructions
plus récentes (selon ses mots : «Époque
gothique indéterminée») ; la période gothique
s'étend du XIIIesiècle au début du XVIe
siècle).
Le plan de l'image
7 est révélateur d'un détail plus important que
ceux identifiés par M. Robert Gamard. On constate en effet
une nette discontinuité entre la nef, à la partie inférieure
de l'image, et l'ensemble (chœur + avant-chœur). Une autre
discontinuité existe entre la nef et l'ouvrage Ouest, situé
tout en bas de l'image. Lors de notre passage, nous n'avons
pas analysé l'ouvrage Ouest qui mériterait sans doute une
étude particulière.
Revenons à la discontinuité entre nef et ensemble (chœur +
avant-chœur).
La nef est à trois vaisseaux. Ce que nous appelons
avant-chœur est une sorte de seconde nef à trois vaisseaux.
Outre que cette seconde nef est plus étroite que la
précédente, son architecture est aussi différente. Le
vaisseau central est porté par des colonnes cylindriques par
l'intermédiaire de chapiteaux et de tailloirs. Ce vaisseau
central est voûté de pierres. Dans la nef, le vaisseau
central est porté par des piliers à section rectangulaire
(de type R0000)
par l'intermédiaire d'impostes. Il est charpenté (fausse
voûte en bois).
Cette discontinuité des deux structures
signifie pour nous deux temps de construction. Laquelle des
deux structures est la plus ancienne? Pour diverses
raisons, (le chœur est le plus fréquemment modifié,
l'imposte précédant le système chapiteau-tailloir ; dans
l’avant-chœur, les arcs reliant les piliers sont doubles
alors que dans la nef ils sont simples), nous pensons que
c'est la nef qui est l'élément le plus ancien. Notre idée
est la suivante : dans un premier temps, l'église est à plan
basilical. Elle est constituée d'une nef à trois vaisseaux.
Les piliers sont les piliers actuels, de type R0000.
Le chœur est probablement réduit à une abside unique dans le
prolongement du vaisseau central. Le schéma type est celui
de l'église Sainte-Madeleine de Béziers que nous estimons
antérieure à l'an 800.
Plusieurs siècles après cette première construction, et
peut-être à l'occasion de la création d'un chapitre, on
décide d'agrandir le sanctuaire en faisant précéder le chœur
d'un avant-chœur. D'où la destruction de l'ancien chœur et
son remplacement par l'ensemble (chœur+avant-chœur).
Il faut comprendre que si ce raisonnement est valable, tout
notre système d'évaluation de datation est relancé. Car à
cette observation s'en ajoutent deux autres : il n'y a pas
de transept et les trois absides (il n'en reste que deux)
sont dans le prolongement des vaisseaux. Et nous estimons
que les deux dernières observations doivent être antérieures
à l'an mille.
Nous serions donc confrontés à la succession suivante : nef
à trois vaisseaux à piliers de type
R0000, puis, absides en prolongement des vaisseaux,
puis, arcs doubles, puis, transept, puis voûtement en
vaisseau plein cintre.
Image
20 : Fresque représentant les âmes chassées en
Enfer.
Image 22 : Lions
affrontés et dressés sur leurs pattes. Des volutes de part
et d'autre.
Image 23 : Lions à
queue feuillue affrontés.
Images 24 et 25 :
Vierge à l'Enfant.
Images 26 et 27 :
Homme tenant un objet (sceptre ?) dans sa main gauche et
faisant le signe de la «Main Divine» de la main droite.
Les images de 30 à 34
représentent des impostes. Dans la plupart des cas
rencontrés jusqu'à présent, les impostes de piliers à
section rectangulaire (type R0000)
sont simplement décorées (moulures, billettes), voire
seulement épannelées. Ici, le décor est plus important :
entrelacs, entrelacs de feuillages, animaux divers,
hybrides. L'étude de ces scènes pourrait se révéler
intéressante en vue d'une datation.
Les images
de 36 à 39 sont celles de plaques rectangulaires de
bas-reliefs insérées dans le mur extérieur. Il est possible
que ce soient les restes d'une bande sculptée qui faisait le
tour du bâtiment ou d'une partie de celui-ci.
On devine sur l'image 37 un
lion à queue fleurie et sur l'image
38 un entrelacs avec une tête de serpent et une
queue en forme de feuille. Quant à la sculpture de l'image
39, elle
représente des feuilles et semble inachevée.
Datation envisagée pour l'ensemble (chœur + avant-chœur) de l'église Saint-Genest : an 900 avec un écart de 100 ans.
Datation envisagée pour l'abside principale de l'église Saint-Genest : an 1075 avec un écart de 75 ans.