La collégiale Saint-Junien de Saint-Junien
Grâce à la visite de ce site par Alain et Anne-Marie Le
Stang, en septembre 2020, nous pouvons compléter l'étude,
initiée en juillet 2018, sur les monuments de Haute-Vienne.
Les photographies de la présente page ont été prises par eux
au cours de cette visite.
Des panonceaux placés à proximité de l'église donnent des
informations sur celle-ci ainsi que sur certaines œuvres
qu'elle contient :
« La collégiale Saint-Junien.
Rorice II, évêque de Limoges, élève au VIesiècle
un oratoire sur la tombe de Saint Junien. Un monastère le
remplace peu après. Agrandi ou reconstruit régulièrement,
il est finalement remplacé par l'église actuelle au XIesiècle
(nef+croisée), et complété au XIIesiècle
(porche), et au XIIIesiècle (chœur). De style
roman limousin, construite en granit “du pays”, elle
abrite le remarquable tombeau du saint fondateur de la
ville : Junien. Statues polychromes (XVe- XVIIIesiècles),
fresques et châsse en émail limousin du XIIIesiècle
en font un lieu de visite privilégié. »
Commentaire sur
le texte précédent : Nous aimerions savoir de quels
documents sont extraits les renseignements ayant permis
d'écrire les deux premières phrases du texte ci-dessus. Nous
ne connaissons que l'information suivante extraite du
Septième Livre des Miracles de Grégoire de Tours (2emoitié
du VIesiècle) : «
C (100)
. Cyprianus, abbé dans la ville de Périgueux. Beaucoup de
diverses maladies se guérissent à son tombeau....CIII
(103). De même au tombeau de Junianus, reclus du
pays de Limousin ». L'information apparaît bien
mince. C'est peut-être la seule.
Par ailleurs nous sommes un peu surpris de lire la phrase
suivante : « Agrandi
ou reconstruit régulièrement, il est finalement remplacé
par l'église actuelle au XIesiècle. »
Comment l'auteur de cette phrase a-t-il su qu'un monastère
avait été construit peu après le VIesiècle, que
ce monastère avait été agrandi ou reconstruit plusieurs fois
(c'est le sens du mot «régulièrement») pour être remplacé au
XIesiècle ? Deux hypothèses s'offrent à nous.
Soit il existe plusieurs chartes détaillant toutes les
étapes de construction, agrandissements, destructions;
reconstructions. Auquel cas nous serions en présence
d'ouvrages du plus haut intérêt. Soit tout cela a été plus
ou moins fantasmé. C'est, par expérience, plutôt la seconde
hypothèse qui est envisageable.
Reste une dernière question. Qu'est ce qui permet de penser
que l'église actuelle date du XIesiècle ? Sur les
images 6, 7 et 8,
on voit surtout des arcs brisés. Nombre de spécialistes
diraient que cette église est gothique (du XIIIesiècle),
voire de transition entre roman et gothique (du XIIesiècle).
Nous pensons que les arcs brisés peuvent être plus anciens
que ce que l'on avait imaginé jusqu'à présent, mais s'ils
sont du XIesiècle, il faut le prouver.
Remarquer les pierres tombales des images
4 et 5. D'après
les objets gravés sur l'une d'elles (croix et calice), elles
pourraient dater du XVIesiècle.
Poursuivons notre lecture des panneaux
explicatifs : « Fresques
romanes de la nef (images
8, 9, 10). Mise
à jour au début des années 1980 après une restauration de
la voûte, cette fresque forme un ensemble remarquable en
Limousin, et se trouve dans un état de conservation
appréciable.
Le granite local étant malaisé à tailler finement, la
peinture a pris le relais sur la première travée de la
voûte en plein cintre de la nef afin d'être visible par
chaque laïc. par opposition à la sculpture contemporaine
du tombeau de Saint Junien; qui, si elle présente le même
programme, n'était visible que des chanoines. La
composition se divise en cinq registres : le registre
central présente l'agneau dans une mandorle entourée de
quatre anges, flanquée de scènes dont l'identification
précise reste difficile. De part et d'autre de la voûte,
le registre suivant présente chacun six vieillards dans
une architecture d'arcades et de tourelles, aux visages
solennels et neutre. Le dernier registre dont la vision du
sol donne l'impression qu'il est plus réduit en hauteur,
présente également six vieillards aux visages animés,
entourés de mandorles. Plusieurs vieillards tiennent une
lame ou un instrument ; certains sont barbus, d'autres
non. Chacun des vieillards se tourne vers l'un de ses
voisins. Leurs mains sont grandes et allongées, leur yeux,
disproportionnés. [...] Le
style de cette fresque se nourrit de la peinture de
l'Ouest du IIequart du XIIesiècle
mais surpend avec des caractéristiques qui lui sont
propres, comme la rondeur des visages des personnages, le
traitement de certains ornements. Il peut être rattaché
aux fresques romanes de Saint-Savin pour les décors
floraux, les arbres, les drapés et visages des anges, ou
aux fresques du choeur de Notre-Dame-la-Grande à Poitiers,
ainsi qu'à celles plus proches de l'église des
Salles-Lavauguyon. Des parallèles peuvent également être
faits entre la facture de ces fresques et les enluminures
réalisées par l'atelier des moines coîstes de
Saint-Martial à Limoges, ce qui laisse imaginer des liens
particuliers entre les artistes fresquistes et les
enlumineurs du Limousin. »
Commentaire sur
le texte précédent : Nous n'avons pas grand-chose à
dire sur ce texte décrivant les fresques d'une façon très
précise, meilleure que ce que nous aurions fait. Deux
observations néanmoins. Ces fresques ne sont pas peintes sur
une «voûte
en plein cintre de la nef» mais sur une voûte en
berceau brisé sur doubleaux brisés. La nuance est de taille
car le deuxième type de voûte est postérieur au premier. La
deuxième observation nous concerne plus particulièrement.
Nous pensions jusqu'à présent que la représentation des 24
vieillards de l'Apocalypse devait être antérieure à l'an
mille. On a ici un contre-exemple ; les fresque sont
postérieures à la voûte laquelle est probablement
postérieure à l'an mille.
Poursuivons notre lecture des panneaux explicatifs : « Christ en croix. Bois
polychrome, XIIesiècle. Ce Christ en croix est
une sculpture d'un grand intérêt historique. Sa taille
importante et sa posture attestent que cette oeuvre date
du XIIesiècle, peu après la construction de la
collégiale. [...] »
Commentaire sur
le texte précédent : Le Christ est représenté les
bras en croix dans une attitude d'accueil plus que de
souffrance. Le linge qui entoure son corps est très long,
presque comme une robe. Il est possible que ce Christ date
du XIesiècle. De toute façon, il doit être
relativement facile de trouver sa datation grâce à une
analyse au C14.
Les
chapiteaux
On retrouve dans ces chapiteaux des thèmes déjà rencontrés
ailleurs dans des églises romanes. Ainsi, le centaure
(chapiteau de gauche de l'image
12), des feuilles d'acanthe (image
13), Samson écartant la gueule du lion (image
14), sphinx affrontés (image
17). D'autres thèmes sont plus énigmatiques
(chapiteau de droite de l'image
12, images 15 et
16).
Poursuivons notre lecture des panneaux
explicatifs : « Le tombeau de Saint Junien.
Monument funéraire en calcaire sculpté. Ce monument
funéraire, chef-d’œuvre de la sculpture romane, renferme
les reliques de Saint Junien, Saint Amand et Saint
Théodore, ainsi qu'un morceau de la Vraie Croix. [...]
Le
tombeau est placé dans le choeur, auquel seuls les
chanoines avaient accès à l'époque médiévale. Posé sur un
socle en granite, le tombeau est de forme rectangulaire,
exécuté dans un bloc de calcaire fin de la Rochefoucauld.
Il est sculpté à l'Est et sur les deux-tiers des grands
côtés. Il était initialement encastré au sein de l'ancien
autel majeur, ce qui explique que la partie rajoutée en
plâtre, sans doute avant 1816, soit nue.
Sur
sa face Sud (image 18)
au centre du tombeau, est ménagée une porte cintrée à
double battant en bois, renforcée par de grosses ferrures,
et maintenue fermée par trois cadenas. Cette dernière
donne accès aux reliques. Sous cette porte, est représenté
un agneau nimbé dans une forme ronde soutenue par deux
anges. Sur chaque face Sud et Nord, se répartissent au
total 24 vieillards, qui représentent des apôtres ou des
prophètes entourant le trône de Dieu, comme le relate Jean
dans son écrit symbolique concernant l'Apocalypse. Chaque
vieillard est représenté assis mais dans une attitude
différente des autres, tenant dans ses mains un instrument
à cordes et un sceptre terminé par un globe. Ces derniers
trônent sous des arcatures richement ornementées :
colonnettes; chapiteaux et bandes rythment la sculpture et
sont décorés de divers motifs.
La
façade Nord (image 19)
du tombeau représente la Vierge à l'Enfant au centre d'une
madorle supportée par quatre anges dans une forme entourée
de rinceaux et d'arabesques byzantines. Assise sur un
coussin, la Vierge nimbée tient un lys dans sa main
droite. L'Enfant Jésus se tient debout sur ses genoux, la
main élevée en bénédiction. [...]
La
face Est (image 20)
du tombeau présente le Christ entouré des attributs des
Évangélistes. Il est assis dans une mandorle. Nimbé, il
bénit de la main droite et tient un livre de la main
gauche. Ses pieds nus sont placés sur un escabeau. De
chaque côté, deux bandes verticales ornées de rinceaux,
portent chacune sept médaillons circulaires dans lesquels
sont figurés des bustes d'anges. »
Commentaire sur
le texte précédent : Nous n'avons rien à ajouter à
ce texte très détaillé. Observons que les vieillards sont
placés sous des arcades signifiant, comme on l'a vu dans une
page précédente, qu'ils sont dans le Ciel.
Datation
envisagée pour l'église Saint-Junien : an 1125
avec un écart de 75 ans.