Les sirènes
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des éléments de décor et de l’iconographie • Article
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Nous avons demandé à André Waller des renseignements sur les
sirènes. Il s’est aussitôt mis au travail et a pu nous
procurer des documents intéressants sur les sirènes.
Le premier d’entre eux est un extrait du Dictionnaire des
symboles : « Dans la
mythologie grecque, créatures à corps d’oiseau et têtes de
femmes, souvent représentées avec des seins. Elles nichent
sur les brisants ; douées d’un savoir surnaturel, elles
séduisent et attirent les marins par un chant qui trouble
l’esprit, pour les tuer et les dévorer. C’est souvent le
symbole des périls qui guettent les marins ou, d’une
manière générale, des dangers dissimulées derrière une
apparence séduisante. [...] Dans l’Antiquité tardive, les
sirènes acquièrent une signification positive comme
chanteuses des Champs Elysées, et sont mises en relation
avec l’harmonie des sphères. Associées ainsi à l’au-delà,
elles furent représentées sur les sarcophages. Au
Moyen-Âge, où elles sont souvent figurées avec un corps de
poisson, elles symbolisent le pouvoir séducteur du monde
temporel et du démon. [...] ». Pierre Grimal dit à
peu près la même chose sur les sirènes dans son «
Dictionnaire de la Mythologie Grecque ».
Les
Hyènes
André Waller s’est aussi intéressé à ce que raconte la Bible
au sujet des sirènes. Celles-ci n’existent pas dans la Bible
Hébraïque, mais uniquement dans sa traduction latine qu’est
la Vulgate. Les sirènes apparaissent dans Isaïe 13, 22 et le
mot se substitue à celui de hyène.
La hyène tachetée présente des caractéristiques
morphologiques qui rendent très difficile de distinguer un
mâle d’une femelle. Elle a donc été considérée, en
particulier par le Physiologos, comme un animal androgyne, à
la fois mâle et femelle. Et en conséquence, comme un symbole
de l’ambiguïté. C’est un animal marqué par la souillure,
parce qu’il change de nature.
Jérémie dit : « Que
l’antre de la Hyène ne soit pas mon héritage ».
« Ne ressemble donc pas,
toi non plus, à la hyène en adoptant tantôt le sexe mâle,
tantôt la nature féminine. » (Romaine 1, 27).
Pour le Physiologos latin, la hyène est un équivalent de
l’onocentaure ou de la sirène (Physiologos A. Zucker).
Les
onocentaures et les Sirènes
Le prophète Isaïe a déclaré : « Les
démons, les sirènes et les onocentaures danseront dans
Babylone. ». Le Physiologos a parlé des sirènes et
des onocentaures. Les sirènes sont des bêtes vivant dans la
mer et qui portent la mort : par leur voix, ce sont des
Muses. La moitié de leur corps a une forme humaine, et
l'autre moitié a l’apparence d’une oie. Pareillement, les
onocentaures ont une moitié de corps humaine et l’autre
moitié, à partir de la poitrine et jusqu’en bas, est celle
d’une âne. [...] L’onocentaure est en Grêce moins fréquent
que le centaure, qui partage son corps entre l’homme et le
cheval.
Commentaires
: Malgré le travail très minutieux de André Waller, nous
n’apprenons pas grand-chose sur les sirènes. Les textes ne
semblent pas correspondre avec l’iconographie. Dans la
mythologie grecque, les sirènes auraient des têtes de femmes
et des corps d’oiseaux. Cela correspond à ce que nous voyons
sur l'image 1. Mais déjà, sur les images 2 et 3,
les sirènes romaines n’ont plus de corps d’oiseau,
mais des corps de femmes.
L'image 4 présente
deux personnages extraordinaires : en dessous, un personnage
féminin à deux queues. Au dessus, un personnage masculin
dévoré par deux serpents. Le personnage féminin
représenterait une sirène. Mais pas du tout une sirène comme
celles que décrivent les mythologies grecque ou romaine.
Nous aurons l’occasion de revenir sur ce type de sirène à
deux queues dans la page suivante. Pour le moment contentons
nous d’examiner les sirènes des images suivantes.
Sur l'image 5, nous avons les deux
types de représentations de sirènes : à gauche la sirène «
romane » à deux queues, à droite la sirène « grecque » à
tête de femme et corps d’oiseau.
L'image 6 montre
une sirène à deux queues d’inspiration romane, mais de
fabrication gothique.
La sirène de l'image 7 est
quant à elle romane.
La sirène à une queue de l'image
8 est postérieure à la précédente.
Les images 9 et 10
présentent des sirènes à une queue plus tardives que les
sirènes romanes.
Le personnage de l'image
11 n’est peut-être pas une sirène, mais le
prophète Jonas dévoré par une baleine.
Concernant le chapiteau de l’image
12, nous reproduisons intégralement le commentaire
de A. Waller : « J’ignore
la ou les significations de ce chapiteau double du cloître
de la cathédrale de Monreale (Sicile). Mais je l’aime et
il me cause. Les humains y sont représentés, les
protecteurs amicaux d’êtres plus petits et étranges, aux
corps d’oiseaux : des âmes ? des sirènes ? Ce sont en tout
cas des visages à contempler. Des représentants de la
création du cinquième jour ? Si oui, ils ont précédé
l’homme. Ils lui parlent. Et l’homme du sixième jour doit
tenir compte de ce que lui disent les ailes et les
écailles de ces mystérieux prédécesseurs. Ce rassemblement
est présidé par un hibou qui, précisément, semble faire le
lien. Il est un peu caché. Certains diraient qu’il est
dans la nuit. Au nom de la polysémie, on peut penser qu’il
est une figure de la Sagesse. Mais peut-être aussi la
présence du judaïsme. Personne ne manifeste d’agressivité.
J’y vois de la tendresse, de l’intérêt pour ce qui est
autre. Quoique dise Paul, il y a toujours Juifs et Grecs.
»
Les images
13, 14 et 15 du plafond de Zillis représentent
aussi des sirènes. Celles-ci ne sont pas « romanes ». Du
moins au sens où nous l’entendons. En fait, elles ne
ressemblent à aucune de celles que nous avons vues jusqu’à
présent (les sirènes à deux queues dressées vers le haut).
Le site Internet consacré à cette église nous apprend que ce
plafond a été peint entre 1109 et 1114. Nous sommes très
surpris par cette datation. Nous aimerions connaître sa
justification. Nous estimons que ces peintures sont
postérieures de plus d’un siècle à la datation proposée.
Carte interactive des monuments de France comportant un décor de sirène