Divers édifices du Cantal susceptibles de dater du Ier millénaire (page 2/5)
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Les trois édifices étudiés dans cette page sont : l’église
Saint-Léger de Cheylade, l’église
Saint-Martin de Jaleyrac, l’église
Notre-Dame-de-l’Assomption de Jou-sous-Monjou.
Les deux premières ont été visitées en juin 2024. La
troisième, visitée en juin 2018, a fait l'objet d'une étude
la même année. Cette étude est reprise ci-dessous.
L’église
Saint-Léger de Cheylade (étude
effectuée le 18 décembre 2024)
Nous avons visité cette église début juin 2024, en compagnie
d'Alain et Anne-Marie Le Stang. La plupart des
images de 1 à 21 suivantes ont été prises lors de
cette visite.
La page du site Internet Wikipédia relative à cette église
nous apprend ceci :
« Historique
Si l'existence à Cheylade d'une église chrétienne
antérieure est attestée, seule la construction de
l'édifice roman est datée de façon à peu près sûre, du
début du XIIe siècle.
La christianisation de la Gaule s'est étendue à
l'Auvergne, sans doute grâce à Austremoine de Clermont,
entre le IIIe et le IVe siècle. La
vallée de Cheylade est mentionnée dans les fausses chartes
rédigées vers le XIe siècle par lesquelles
Théodechilde, petite-fille de Clovis, était censée, cinq
siècles auparavant, avoir réglé un différend entre le
prieuré de Mauriac et l'abbaye Saint-Pierre-le-Vif de Sens
: un village existait sûrement là au VIe siècle
mais rien ne prouve que ce territoire reculé ait alors
déjà bénéficié d'un lieu de culte.
Au cours du IXe siècle en revanche, les
conditions paraissent réunies : la population éparse de
la vallée de la Petite Rhue a suffisamment augmenté pour
justifier une église paroissiale aux yeux de l'évêché,
et les seigneurs de “Chaszlada”, issus de la puissante
famille de Nonette, ont les moyens d'en financer la
construction. L'existence d'une église à Cheylade autour
de l'an 900 semble confirmée par le cartulaire de
Sauxillanges : il inclut en effet une copie de l'acte
par lequel le chevalier Étienne Ier fait don
à cette abbaye clunisienne, lorsqu'il s'y fait moine en
1029, de l'église de Cheylade et de “tout ce qui s'y
rattache visiblement”, qu'il a héritée de son père puis
transmise à ses fils, qui confirmeront la donation.
Dédié à l évêque martyr Saint Léger en raison sans doute
de sa notoriété dans la région, ce premier édifice
paraît être rapidement devenu trop petit.
L'histoire de l'église romane qui l'a remplacée
n'est guère mieux connue. Elle a été bâtie, sinon à la
charnière des XIe et XIIe siècles,
du moins au début de celui-ci, tandis que les seigneurs
de Cheylade gagnaient le titre de Comptours de Valrus.
Construite en roches volcaniques de la vallée, elle se
composait probablement d'une nef centrale, de deux
collatéraux voûtés en quart de cercle, et d'un chœur
flanqué de deux absidioles ne communiquant pas avec lui.
»
Commentaires
sur le texte ci-dessus
On retrouve dans ce texte les erreurs (ou plus exactement
les incertitudes) dénoncées à de nombreuses reprises sur ce
site. D'une part, l'auteur du texte ci-dessus déduit d'une
analyse très poussée des textes anciens qu'il existait en
cet emplacement une église avant l'an mille. Il affirme
ensuite que cette église a été remplacée par une autre
église romane alors qu'il ne connaît pas de document parlant
de ce remplacement (« L'histoire
de l'église romane qui l'a remplacée n'est guère mieux
connue. »). Et enfin, toujours sans citer
de document ancien ni de justification, il date cette
nouvelle église d'une façon très précise : « Elle
a été bâtie, sinon à la charnière des XIe et
XIIe siècles, du moins au début de
celui-ci,...», ce qui signifie entre 1090
et 1130. Comme nous l'avons écrit là aussi à de nombreuses
reprises, nous aimerions savoir quels sont les éléments
caractéristiques de l'architecture de cette église pour
arriver à la dater avec une telle précision. Nous en sommes
totalement incapables. Par contre, cet historien de l'art
doit sans doute être capable de dater d'un simple coup d’œil
un édifice entre 1050 et 1090, et un autre entre 1000 et
1050, et un autre encore entre 950 et 1000, … ;et ainsi de
suite en remontant jusqu'à Jésus.
Soyons clairs ! Il est certes possible qu'un édifice ait été
construit aux alentours de l'an 1100 en remplacement d'un
édifice préroman entièrement détruit. Mais nous devons
envisager une autre solution : qu'il existe des restes non
négligeables de l'édifice préroman dans la partie
actuellement qualifiée de romane.
C'est en tout cas ce que nous envisageons.
D'abord à partir du plan de l'image
2. Ce
plan est celui d'une nef à trois vaisseaux avec trois
absides en prolongement. Nous estimons que, contrairement à
ce que l'on peut penser, les premières églises n'étaient pas
à nef unique mais à nef triple. Et ce, probablement pour des
raisons liturgiques ou théologiques. Et ce plan d'église, à
trois absides en prolongement des vaisseaux, et dépourvues
de transept est, selon nous préroman.
Une autre justification d'ancienneté se repère dans les
arcades situées de part et d'autre de l'autel principal (images 8, 10 et 11).
Leur épaisseur est importante. Mais il semblerait qu'elles
aient été à l'origine plus étroites et ultérieurement
doublées. Ceci expliquerait la présence d'une corniche
prolongeant le tailloir des chapiteaux sur les images
12 et 13. Primitivement,
à cet emplacement, il devait y avoir une travée de nef
triple. Les trois vaisseaux devaient être charpentés.
Ultérieurement, il a été décidé de voûter cette partie. Mais
pour contrebalancer les poussées, il a fallu doubler
l'épaisseur des piliers et des arcs.
La dernière justification se trouve dans les chapiteaux.
Ceux à larges feuilles dressées (images
12, 14 et 15) sont estimés préromans, comme dans
les Asturies. Nous estimons que celui de l'image
13, à décor géométrique, est aussi préroman.
Le chapiteau de l'image
16 présente une scène d'aspect archaïque : les
yeux écarquillés, les bouches grandes ouvertes, sont
pratiquement inexistants dans l'art roman. Le personnage de
gauche aurait une queue de poisson, et, peut-être une aile
d'oiseau. Est-ce une sirène ? Celui de droite se rencontre
plus fréquemment dans l'art préroman ou roman : ce serait
l'homme aux jambes relevées. Nous pensons que cette
représentation est issue d'une autre plus figurative : le
torse d'homme émergeant de feuillages. Il y aurait eu
évolution du modèle, les longues feuilles se transformant en
jambes humaines (ou en queues de poisson pour la sirène à
deux queues).
Images 17 et 18 :
croix en granit provenant probablement d'un carrefour et
déposée dans cette église. Selon un extrait du texte de
Wikipédia, elle daterait du XIIe ou du XIIIe
siècle. Nous la pensons plus ancienne. Le Christ mis en
croix porte un long pagne comme dans des représentations
préromanes. Ses bras ont plus la forme du T que du V. On
retrouve les images de la Vierge et de Saint Jean encadrant
la Croix, c'est aussi dans les représentations anciennes de
crucifixions (image 18).
La scène située sur la face opposée (image
17) apparaît plus archaïque encore. Un personnage
portant une longue robe, mais barbu, est surmonté d'une demi
auréole. Il est encadré par deux personnages plus petits.
L'un porte une coiffe de forme conique, l'autre un calot
cylindrique. Nous ne savons pas ce que signifie cette scène.
Le plafond de la nef gothique est entièrement recouvert de
caissons peints. Cette décoration aurait été réalisée au
XVIIIe siècle. C'est en raison de ce décor que
cette église a été classée comme monument historique.
Datation envisagée
pour l’église Saint-Léger de Cheylade (dans sa partie dite
romane) : an 950 avec un écart de 100 ans.
L’église
Saint-Martin de Jaleyrac
(étude effectuée le 18 décembre 2024)
Nous avons visité cette église début juin 2024, en compagnie
d'Alain et Anne-Marie Le Stang. La plupart des
images de 22 à 33 suivantes ont été prises lors de
cette visite.
La page du site Internet Wikipédia relative à cette église
nous apprend ceci :
« Église romane Saint-Martin
du XIIe siècle inscrite comme monument
historique en 1925. Des fresques du XVe siècles
restaurées par Yves Morvan de 1977 à 1980 se trouvent dans
le chœur. On y voit, outre saint Martin et le Christ en
majesté, sainte Agathe se faisant arracher les seins,
ainsi que saint Georges délivrant du dragon la fille du
roi de Libye. La chapelle Sud du XIVe siècle
est consacrée à sainte Barbe et à sainte Catherine. Les
vantaux de la porte sont ornés de pentures en fer forgé du
XIIe siècle. »
La page du site Internet décrivant le Patrimoine Mondial de
Saint Martin de Tours et relative à cette église complète
cette information :
« L'église Saint-Martin de
Jaleyrac est construite au XIIe siècle
dans le style roman. Deux chapelles sont ajoutées au XVIe
siècle. La nef est composée de trois travées avec une
voûte en berceau. Le chœur est prolongé d’une abside
semi-circulaire, et couvert d’une coupole sur pendentif.
L’intérieur de l’église est couvert de fresques
découvertes récemment. Elles figurent saint Christophe,
saint Georges qui terrasse le dragon, sainte Catherine
avec sa roue, sainte Barbe avec sa tour, et un Christ
entouré du Tétramorphe. Il y a également une fresque qui
présente une charité de saint Martin. »
Notre site internet intitulé millenaire1
est censé ne décrire que des monuments estimés remontant au
premier millénaire de notre ère. Cependant, à cause des
incertitudes sur la datation, nous acceptons de dépasser la
date de l'an 1000 jusqu'à l'an 1100. Mais pas plus ! Or,
comme nous le verrons pus loin, cette date de l'an 1100 sera
encore dépassée. Et donc, en toute logique, nous n'aurions
pas dû présenter cette église. Mais il peut y avoir des
circonstances particulières, c'est le cas ici.
Il y a d'abord l'opportunité touristique. Il serait dommage
que l'amateur d'art de passage dans le Cantal ne profite pas
de l'occasion qu'il aurait de visiter cette église et
d'admirer ses belles fresques du XVe siècle (images 29, 30, 31 et 32).
Mais il y a surtout la comparaison qui peut être faite entre
deux types d'églises : les églises à nefs à trois vaisseaux
charpentés et celles à nef à un seul vaisseau voûté. Nous
estimons que les premières sont préromanes (antérieures à
man 1000) et que les secondes sont romanes (postérieures à
man 1000). Le tout étant assorti de grandes marges
d'incertitude (plan de l'image
22).
Un autre point d'intérêt se situe au niveau des pentures des
portes (images 24 et 25).
Ces pentures dont les extrémités sont ornées de têtes
humaines ou animales (image
25) ont ceci de particulier qu'elles ne sont ni
soudées ni vissées. Elles sont estimées du XIIe
siècle. Nous les pensons un peu plus récentes, du XIIIe
siècle.
La Vierge à l'Enfant (image
33) date probablement aussi du XIIIe
siècle. Remarquons qu'elle fait la transition entre les
Vierges romanes statiques présentant sur leurs genoux des
enfants (voire des adultes miniaturisés) tout aussi
statiques et les Vierges gothiques du XIVe siècle
souriantes et maternelles. Nous pensons que si les secondes
sont des Vierges de la maternité, les premières sont des
Vierges de l'Assomption.
L'église
Notre-Dame-de-l’Assomption de Jou-sous-Monjou (étude effectuée en juin
2018)
Nous avons visité l’église de Jou-sous-Monjou en juin 2018.
Sa nef unique est flanquée de deux chapelles latérales qui
doivent dater du XVeou XVIesiècle. Le
chevet est constitué d’une abside unique de grandes
dimensions (images 34 et
35). Le seul élément qui semble réellement ancien
est l’arc triomphal (image
36). Cet arc est un arc double (image
38).
Le tailloir de l'image 39
est décoré d’un damier et d’entrelacs réguliers du
type dit « carolingien ». Les chapiteaux présentent quant à
eux un décor inusité. Sur le chapiteau de l'image
40, on
peut voir une scène de décapitation. Nous ne voyons pas à
quoi cette scène correspond : décapitation de Saint Jean
Baptiste ? Le bas-relief de l'image
41 présente la scène désormais classique des «
oiseaux au canthare ». Sur le tailloir de l'image
42, on
peut voir à côté de deux têtes humaines deux représentations
d’une croix à entrelacs appelée « nœud de Salomon ». Ce type
de représentation se trouve sur des mosaïques
gallo-romaines.
Datation envisagée
pour l’église Notre-Dame-de-l’Assomption de Jou-sous-Monjou
: an 1025 avec un écart de 125 ans.