La collégiale Saint-Ours de Loches 

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Nous recommandons au lecteur occasionnel de notre site de lire cet avis, le lecteur assidu étant quant à lui habitué à nos prises de position.

La page du site Internet Wikipedia relative à cette église nous apprend ceci :

« Généralités : L'église Saint-Ours est une église de Loches, dont l'architecture est marquée par deux pyramides creuses à huit faces, les “dubes”, élevées vers 1165, ainsi que par son portail polychrome sculpté de personnages et d’animaux tirés du bestiaire du Moyen Âge. [...}

Elle est collégiale sous le vocable de Notre-Dame puis, après la Révolution, le chapitre étant dispersé, elle devient église paroissiale dédiée à saint Ours, abbé de la fin du Vesiècle, mais dans le langage commun, la confusion demeure parfois quand elle est désignée sous le nom de collégiale Saint-Ours.

Historique : D'après Grégoire de Tours, la première église aurait été construite au Vesiècle par saint Eustache, évêque de Tours.

Selon la légende, Geoffroy Grisegonelle, comte d'Anjou, fonde la collégiale entre 963 et 985 pour servir d'écrin à la relique d'une moitié de la ceinture de la Vierge apportée de Constantinople au Xesiècle. La nef et le transept s'effondrant entre 1030 et 1050, Thomas Pactius, notaire et chapelain du comte d'Anjou Foulques le Jeune, prieur de la collégiale Notre-Dame, la fait reconstruire au milieu du XIIesiècle.

Architecture : Sculptures romanes de Denis vers 1130-1150.


Divers : Selon Viollet-le-Duc, la collégiale est “un édifice d'une étrange et sauvage beauté, unique au monde”. [...} »


Le texte ci-dessus apporte peu de précisions. On aimerait savoir comment a été trouvée la date « vers 1165 » des deux pyramides creuses (image 1). Il en est de même pour la date, « vers 1130-1150 » des sculptures du dénommé Denis. Pour ces dernières, on ne sait même pas de quelles sculptures il s'agir : d'un portail ? et lequel ? de la nef ?

Le texte nous apprend ceci : « Selon la légende, Geoffroy Grisegonelle, comte d'Anjou, fonde la collégiale entre 963 et 985 ». Pour la plupart d'entre nous l’expression
« Selon la légende », introduit un récit peu probable, une histoire fausse. Or, bien que nous ne connaissions rien des documents qui ont inspiré l'auteur, nous estimons que l'histoire de la fondation de la collégiale par Geoffroy Grisegonelle entre 963 et 985 a de fortes chances d'être vraie. La première des raisons qui nous conduisent à penser cela est celle-ci : cette histoire n'a pas a priori la principale caractéristique d'une légende, le merveilleux. Les textes relatant des programmes de construction de chapelles en vue d'accueillir des reliques prestigieuses sont fréquents aux Xe ou XIesiècles. Et l'histoire racontée par l'auteur semble tout à fait crédible. Il est tout à fait possible qu'un historien local ait pu retrouver un tel texte, l'ait correctement traduit et que, par la suite, ce texte ait été perdu. Ce n'est pas du tout irréaliste. Le nombre de vieux papiers tout poussiéreux qui disparaissent au moment des partages de succession doit être impressionnant.

Toujours selon le texte de Wikipedia : « La nef et le transept s'effondrant entre 1030 et 1050, Thomas Pactius, ... la fait reconstruire au milieu du XIIesiècle. ». Nous émettons beaucoup de doutes sur ce paragraphe. Les paroissiens auraient attendu pendant une centaine d'années pour avoir une église ? C'est peu probable.


Nous avons effectué une visite rapide de ce monument en août 2005. C'est-à-dire bien avant que nous ayons envisagé d'effectuer une étude des édifices susceptibles de dater du premier millénaire. Bien avant aussi que nous ayons identifié les indices de datation. La majorité des images de cette page a été réalisée lors de cette visite.

Nous n'avons pas détecté à l'intérieur de cette église (image 17) des indices d'une grande ancienneté.

Nous nous sommes plus particulièrement intéressés aux sculptures de deux portails : le portail occidental (image 3), détaillé dans les images de 4 à 13 ) et un portail secondaire (image 14), détaillé dans les images 15 et 16.


Image 4. Détail d'une voussure du portail occidental : Hybrides, masques crachant.

Image 5. Détail d'une voussure du portail occidental : Hybrides, sirène, centaure ailé.

Image 6. Détail d'une voussure du portail occidental : Hybrides, sirène, acrobate.

Image 7. Chapiteaux du portail occidental : Sphinx à tête de femme, lion dressé, homme cornu chevauchant un lion.

Image 8. Chapiteaux du portail occidental : « Oiseaux au canthare ».

Image 9 Chapiteaux du portail occidental : Homme à cheval affrontant un oiseau de proie.

Image 10. Chapiteaux du portail occidental : Sphinx affrontés ; l'un à tête d'homme ; l'autre à tête de femme.

Image 11. Chapiteaux du portail occidental : Lions affrontés.

Image 12. Chapiteaux du portail occidental : Oiseaux affrontés ; Sphinx affrontés ; Hybrides.

Image 13. Chapiteaux du portail occidental : Lion dévorant un taureau.

Image 14. Portail secondaire.

Image 15. Chapiteau du portail secondaire : Sphinx affrontés.

Image 16. Chapiteau du portail secondaire : Masque crachant des entrelacs de feuillages.


Image 18. Chapiteau de la nef : Lions affrontés crachant des entrelacs.

Nous sommes un peu surpris de découvrir ces images sculptées. Car elles ne reflètent pas ce que nous connaissons de l'art roman. Il y a certes un peu les mêmes ingrédients que l'on retrouve dans l'art roman : des lions affrontés, des oiseaux affrontés, des sirènes, des centaures. Mais ce ne sont pas les mêmes figures : les animaux affrontés ne sont pas identiques entre eux comme dans l'art roman, les oiseaux ne sont pas longilignes. Nous pensons que ces sculptures sont postérieures à l'an 1150, elles sont plus proches du gothique que du roman. Elles traduisent un changement important dans la représentation iconographique.

Images 19, 20 et 21. Cette sculpture portait une étiquette « Autel romain ». Nous avouons notre méconnaissance sur ce type de sculpture. Nous l'avons introduite dans cette page en attente d'autres sculptures qui permettraient de l'expliquer.


Datation envisagée pour la collégiale Saint-Ours de Loches : an 1175 avec un écart de 75 ans.