La chapelle Saint-Jean du Liget  

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Nous recommandons au lecteur occasionnel de notre site de lire cet avis, le lecteur assidu étant quant à lui habitué à nos prises de position.

Nous avons effectué une visite rapide de cette chapelle. Au moment de la visite, elle n'était pas ouverte et nous n'avons pu photographier l'intérieur qu'à travers une grille. Les images de cette page ont été réalisées lors de cette visite.

Nous conseillons vivement la lecture de la page du site Internet Wikipedia décrivant cette chapelle : https://fr.wikipedia.org/wiki/Chapelle_Saint-Jean_du_Liget. Elle témoigne d'un travail très sérieux et très approfondi.

Nous y voyons aussi l'expression d'une démarche analytique marquée par le doute scientifique. L'auteur ne craint pas d'exprimer la diversité des hypothèses. Cette attitude tranche avec celles que nous rencontrons habituellement : des affirmations catégoriques non étayées, des simplifications abusives non conformes à la complexité des problèmes. Avant de lire ce texte de Wikipedia, nous avions l'intention de décrire les images ci-dessous. Nous estimons qu'il est bien mieux documenté que ce que nous aurions pu faire et qu'il est inutile d'en rajouter. Nous ne voulons pas de plus apparaître en concurrence ou en conflit avec d'autres auteurs. Nos démarches sont complémentaires. Nous estimons jouer le rôle de généralistes du premier millénaire. Si d'autres que nous sont spécialistes de périodes, d'objets ou de monuments et excellent plus que nous dans leurs spécialités, nous devons leur céder la place.

Lorsque nous avons choisi d'étudier la chapelle du Liget, nous nous doutions qu'elle ne datait pas du premier millénaire mais du second. D'une façon générale, nous excluons certains corps de bâtiment comme les cloîtres ou les réfectoires, dont la plupart ne sont pas antérieurs au XIIesiècle. Nous excluons aussi les édifices à corniches de toits à modillons sculptés. Ce qui est le cas de cette chapelle (image 3). En ce qui concerne les fresques, nous sommes moins restrictifs. Nous essayons en effet d'accumuler le plus de renseignements possibles sur les fresques, leurs styles, leurs thèmes représentés. Et ce, pour identifier des «taxons», des traits caractéristiques permettant d'envisager une évolution, de prouver que certaines fresques ne sont peut-être pas du XIIesiècle comme on voudrait nous le faire croire, mais du XIe, voire du Xesiècle, voire ...

Il existe une autre raison du choix de cette chapelle : son plan circulaire tout à fait inhabituel. Dans de nombreux cas, on associe l'existence d'une rotonde à celle du Saint Sépulcre de Jérusalem. L'explication est la suivante : un pèlerin allant à Jérusalem aurait vu cette rotonde et, de retour dans son pays, aurait décidé d'en construire une copie. L'explication semble limpide et, par ailleurs, plusieurs édifices à plan centré sont dédiés à la Sainte Croix (Neuvy- Saint-Sépulchre, Sainte-Croix de Montmajour près d'Arles, et d'autres encore). Mais on semble ignorer qu'il y avait deux édifices au Saint-Sépulcre de Jérusalem : la rotonde elle-même à plan circulaire, et, à l'intérieur de cette rotonde, un édicule à plan en croix. Et les églises dédiées à la Sainte Croix ont en général un plan en croix. Ce qui semble tout naturel et ne pas nécessiter un déplacement à Jérusalem pour s'inspirer du modèle. Nous pensons que l'explication de l'existence des rotondes par celle du Saint-Sépulcre de Jérusalem n'est pas la bonne. D'ailleurs, celle de Neuvy-Saint-Sépulchre était initialement dédiée à Saint Étienne : l'association au Saint-Sépulcre serait plus tardive, conjoncturelle.


La rotonde du Liget, bien que datant probablement du XIIesiècle, nous posait problème. Car la plupart des rotondes que nous connaissons semblent antérieures à l'an mille. Pourquoi donc aurait-on construit une rotonde au XIIesiècle ? Et pourquoi une rotonde de si petites dimensions ? Il existe des rotondes de petites dimensions, mais on les trouve plutôt à l'Est de l'Europe. Nous avons identifié une vingtaine de rotondes de grandes dimensions. Ce sont des rotondes à étages et noyau central dont le modèle est la chapelle palatine d'Aix-la-Chapelle. Nous les avons appelé des «parlements», car ce sont des endroits où l'on se parle, où les intervenants disposés en rond sont considérés comme égaux. Un autre modèle est la grande case circulaire des chefferies Bamiléké, au Cameroun ; elle est représentative à la fois d'un plan, le plan circulaire, mais aussi d'un usage : c'est la case des palabres où l'on élabore les décisions politiques.

Nous pensons à présent que la chapelle du Liget pourrait être un de ces parlements. C'est le texte de Wikipedia qui nous y fait penser. En effet l'auteur envisage que, avant d'être gérée par les chartreux, la chapelle aurait appartenu à une communauté d'ermites affiliée à l'ordre clunisien. Si c'est bien le cas, on aurait l'explication de la forme de la chapelle. Ces ermites vivant en communauté sont appelés cénobites. Ils vivent isolés les uns des autres, se subvenant à eux-mêmes pour leur alimentation. Mais ils ont pour principe de se réunir à intervalles réguliers. Par exemple tous les dimanches. Bien que vivant isolés, ils peuvent avoir des problèmes de conflits de territoires, soit entre eux, soit avec des voisins. La forme de leur lieu de réunion serait symbolique de l'égalité existant entre eux.


Datation envisagée

Avant même d'avoir lu la page d'Internet, nous envisagions la datation suivante pour la chapelle Saint-Jean du Liget : an 1125 avec un écart de 50 ans. Seul l'écart est plus important : 50 ans au lieu de 25.