Un élément de décor : le chrisme 

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En fait, le chrisme est plus qu’un élément de décor. Il s’agit d’une image symbolique à forte densité religieuse. D’où est né le chrisme ?


Le monogramme du Christ

Un monogramme est un emblème qui réunit plusieurs lettres en un seul dessin. Le monogramme du Christ regroupe les deux lettres grecques, Khi (X) et Rhô (P). Ce monogramme du Christ est à l’origine du chrisme.



Constantin le Grand et la bataille du Pont Milvius

Voici ce que nous apprend la page du site Internet Wikipedia relatant la vie de Constantin le Grand : « En 312, Constantin défait l'empereur Maxence lors de la bataille du Pont Milvius et s'assure la maîtrise de l'Occident. Selon une chronique postérieure rapportée par l'évêque et hagiographe Eusèbe de Césarée, un chrisme flamboyant serait apparu dans le ciel et l'empereur aurait vu en songe la nuit même le Christ, qui lui aurait montré un chrisme en lui disant : « Par ce signe, tu vaincras » (In hoc signo vinces). C'est suite à cette apparition que Constantin aurait fait apposer sur l'étendard (labarum) et sur le bouclier de ses légionnaires, un chrisme, ... »


Notre interprétation

Nous pensons que le chrisme est antérieur à l’an 312. L’inclination que nous avons tous à télescoper les temps anciens nous fait oublier que près de 250 ans, soit environ dix générations, séparent les premières persécutions de chrétiens de la bataille du Pont Milvius. Il y a eu très certainement des modifications très profondes des comportements durant ces 250 ans. Ces siècles sont dits les siècles des persécutions chrétiennes, mais la forme de ces persécutions a évolué.

Les persécutions contre les chrétiens débutent au cours de la seconde partie du premier siècle de notre ère. Ces persécutions se manifestent sous la forme de pogroms ou de massacres aveugles. Au début du IIesiècle, l’empereur Trajan promulgue un édit de tolérance en faveur des chrétiens : ceux-ci ne doivent pas être pourchassés sauf s’ils font du prosélytisme. Une telle mesure encourage les chrétiens à cacher leur appartenance à la foi catholique et ils se reconnaissent entre eux par des symboles cachés comme par exemple, le poisson. Ou encore, l’orant. Ces symboles cachés ont pu eux-mêmes évoluer en fonction du temps et du fait qu’ils finissaient par être connus des persécuteurs et dénoncés comme étant des instruments de prosélytisme.

Le monogramme du Christ, devenu chrisme, pourrait avoir été un de ces symboles cachés. Selon nous, il existait avant la bataille du Pont de Milvius et devait être connu par les soldats chrétiens ayant participé à cette bataille.

Mais est-il possible qu’il y ait eu des soldats chrétiens ayant participé à cette bataille ? Le christianisme est une religion pacifiste et on aurait tendance à répondre par la négative. Cependant, une autre histoire proche de la légende nous invite à penser le contraire. C’est la légende de Saint Maurice d’Agaune (Suisse - voir sur ce site) et de la légion thébaine. Cette légion thébaine avait été mobilisée pour s’attaquer à des chrétiens. Saint Maurice et ses compagnons, soldats de cette légion et chrétiens, se seraient révoltés contre cette décision. Comme le veut l’usage en de telles circonstances, la légion aurait été décimée et Saint Maurice et ses compagnons exécutés.

Cette histoire n’a rien de légendaire et nous pourrions citer des cas analogues ayant eu lieu à des dates plus récentes. Nous pensons donc qu’il y a de fortes chances qu’elle soit vraie.

Nous pensons donc qu’il pouvait y avoir des soldats chrétiens au sein des légions romaines. Et en nombre suffisamment important pour pouvoir provoquer des révoltes au sein de ces légions.

Dans ces conditions, la fameuse inspiration divine qui a incité Constantin à afficher des chrismes sur les oriflammes et les boucliers pourrait n’être que le jeu d’une tactique bien humaine ; dûment informé que parmi les troupes ennemies il y avait des chrétiens qui se reconnaissaient grâce au chrisme, Constantin aurait décidé de les démobiliser en leur signifiant ceci : « attention vous allez vous attaquer à d’autres chrétiens ».


Toujours est-il que le chrisme s’est répandu dans le monde romain.

Au cours de nos recherches, nous avons identifié plusieurs étapes dans la diffusion du chrisme.

La première étape se serait déroulée principalement durant les IVe et Vesiècles. Bien que nous n’en ayons pas de preuve formelle, nous pensons qu’elle devait être généralisée au monde romain. Le chrisme est inscrit sur des pièces de petit format. Il est principalement en rapport avec les funérailles (plaques funéraires, sarcophages). Nous avons eu l’occasion de voir des chrismes principalement dans des musées lapidaires de villes anciennement romaines : Trèves (images 1 et 2), Vienne (image 3), Vaison-la-Romaine (image 4). Nous pensons qu’il existe beaucoup plus de chrismes que ceux que nous avons identifiés sur ce site. Mais nous sommes loin d’avoir visité tous les musées lapidaires d’Europe. Et par ailleurs, beaucoup de villes anciennes ne disposent pas de musée lapidaire : les pièces intéressantes sont à l’abri dans les caves d’un autre musée.


Mais il n’y a pas que des chrismes attribuables à l’antiquité ou à l’antiquité tardive. On retrouve des chrismes attribuables à une période plus récente (mais au moins pour certains d’entre eux), datant toujours du premier millénaire.

Ce qui est remarquable, c’est que ces chrismes semblent être localisés dans des endroits précis de part et d’autre des Pyrénées : l’Aragon (images 5 et 6), la Catalogne
(image 7), les Pyrénées Atlantiques (image 8). Cependant on peut en trouver plus à l’écart des Pyrénées. Par exemple, en Aveyron (image 9).
Consulter la carte ci-dessous.


Carte interactive des monuments de France et d'Espagne comportant un décor de chrisme





Présence de décor de chrisme   Région non encore étudiée

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