Un exemple d’ensemble de symboles : le cimetière vieux de Béziers 

Évolution des éléments de décor et de l’iconographie    • Article suivant    


Ami lecteur, vous pouvez être un peu surpris de découvrir le contenu de cette page. Notre site est censé expliquer les monuments du premier millénaire et l’actuelle page traite d’un autre type de monument : un cimetière datant de la fin du deuxième millénaire, le cimetière vieux de Béziers. En fait, ce n’est pas le cimetière qui est concerné, mais les symboles qui apparaissent sur les tombes. Jean-Pierre Nitus les a étudiés. Il en a identifié plus de 36. Nous considérons que ce nombre est important. Comparativement plus que celui des symboles rencontrés au cours de notre étude sur le premier millénaire. Et ce, pour une période plus courte.

Les explications de Jean-Pïerre Nitus peuvent nous aider à comprendre les symboles qui ont été représentés durant le premier millénaire. Certains d’ailleurs sont les mêmes avec des significations semblables. Ainsi, on retrouve au cours du premier millénaire : l’Aigle (image 1), l’Alpha et l’Omega (image 2), le monogramme du Christ (image 28). Nous ne sommes pas certains que dans chaque cas, l’intensité du symbole, sa prégnance, soient identiques.

Norbert Breton




Signification des symboles funéraires


Le symbolisme funéraire peut être révélateur de la personnalité du défunt ou des conditions de sa mort. La lecture du symbole peut déterminer la tranche d’âge lors du décès, le sexe, l’état civil, le métier, les options philosophiques et politiques ...

Les objets qui garniront la pierre tombale sont donc très importants et vont faire passer des messages sur le défunt.


•  L’aigle, le seul oiseau qui peut fixer le soleil sans se brûler les yeux, se trouvera sur la tombe d’une personne qui a la folie des grandeurs, un orgueil excessif, un mégalomane (image 1).

•  L’Alpha et l’Oméga, première et dernière lettre de l’alphabet grec, symbolisent le début et la fin, la naissance et la mort (image 2).

•  L’arbre représente la vie, le lien entre la terre et le ciel, entre le registre de l’humain et le domaine de Dieu. Étêté, il représente la mort brusque d’une jeune fille ou d’un jeune homme (image 3).

•  Le Bâton d’Esculape, serpent qui s’enroule autour d’un long bâton, se trouve sur la tombe d’un médecin ou d’un pharmacien, lorsque le reptile se désaltère dans une coupe (image 4).

•  Sur une tombe, la représentation d’un cercueil cénotaphe marque le rappel permanent de notre devenir (image 5).

•  Le chien évoque la fidélité (image 6).



•  Pour séparer le domaine profane du domaine sacré, symbolique chère aux Romains, la clôture, obligation légale, se décline végétale, en pierre, en fer forgé ... (image 7).

•  Avec l’ancre (l’espérance) et la croix (la foi, l’arbre de vie), le cœur est la troisième vertu théologale et représente la charité. Sculpté, il évoque l’amour pour le défunt, surtout pour les jeunes enfants morts prématurément (image 8).

•  La colonne brisée (ou colonne tronquée, ou obélisque brisée, ou obélisque tronquée) représente la mort prématurée d’un jeune homme ou d’un homme dans la force de l’âge (plus rarement d’une femme), car elle est également le symbole du phallus et de l’érection (image 9).

•  Le compas et l’équerre se trouvent sur la tombe d’un tailleur de pierre, d’un marbrier, d’un sculpteur, accompagnés d’autres outils ... Sur la tombe d’un franc-maçon, ils sont les instruments purement symboliques de la construction du temple de l’humanité, avec l’étoile à 5 branches et la lettre G au centre (image 10).

•  La couronne mortuaire, cercle sans début ni fin, symbolise l’éternité (image 11).

•  Le coussin est l’attribut du sommeil, du sommeil éternel, de la mort (image 12).





•  Le dragon chasse les mauvais esprits et préserve ainsi l’espace sacré de la sépulture (image 13).

•  L’étoile peut être à 5 branches (pentagramme) ou à 6 branches (hexagramme). Elle est source de lumière, astre qui luit dans la nuit, dans la mort (image 14).

•  La flamme suggère la vie (image 15) ; si on la retourne, elle s’éteint, et le flambeau retourné suggère la mort (image 16).

•  Les fleurs, qui se fanent rapidement, représentent le caractère éphémère de la vie, mais également l’espoir, et la promesse d’une nouvelle vie (image 17).

•  Le hibou, ou la chouette, est un oiseau qui vit la nuit, qui voit dans la nuit. Il symbolise Athéna, déesse de la sagesse et donc la connaissance qui va vaincre l’ignorance et les ténèbres. On le trouve souvent sur la tombe des libres penseurs (image 18).




•  Le laurier, végétal à la feuille persistante, est un symbole d’éternité (image 19).

•  Le lierre symbolise l’attachement, et par là-même, l’éternité (image 20).

•  Posé sur un cercueil cénotaphe, le linceul évoque la mort (image 21).

•  La lyre est l’attribut de Sainte-Cécile, patronne des musiciens (image 22 ).

•  Les mains unies symbolisent l’alliance, la concorde, la solidarité, l’entraide, la fraternité. La griffe est la manière particulière de se serrer la main chez les compagnons et les francs-maçons (image 23).

•  Au centre d’un triangle, dont les trois sommets représentent le Père, le Fils et le Saint-Esprit, l’œil est l’œil de Dieu qui voit tout et sait tout (image 24).





•  La palme est l’attribut des martyrs, mais également des personnalités politiques, artistiques ... (image 25).

•  Le pavot fournit l’opium dont la consommation entraîne le sommeil, le sommeil éternel, la mort (image 26).

•  Une pleureuse, ou douleur, est le symbole du chagrin inconsolable (image 27).

•  P.X sont des lettres de l’alphabet grec, Rhô (P) et Khi (X), monogramme du Christ (image 28).

•  R.I.P signifient Requiescat In Pace (qu’il repose en paix) (image 29).

•  Une rocaille représente le Golgotha, où le Christ a été crucifié (image 30).




•  La rose suggère l’amour, mais avant tout l’amour partagé (image 31).

•  Le sablier évoque le passage inexorable du temps (image 32) ; avec des ailes de colombe ou d’ange, qui sont les messagers de Dieu, il devient, après le décès, l’âme du défunt que la colombe ou l’ange va acheminer jusqu’au ciel (image 33).

•  Le saule pleureur évoque la douleur et les larmes (image 34).

•  Par opposition au Christ et au Bien, le serpent représente Satan et le Mal (image 35).

•  L’urne est le récipient conçu pour contenir les cendres humaines. Objet lié à la mort, elle en devient le symbole. Mais lorsqu’elle est drapée, elle suggère la mort avec la perspective d’une nouvelle vie (image 36).


 
... Et il y en a beaucoup d’autres ! par exemple, l’arc de cercle (la voute céleste, le ciel), l’ange (messager de Dieu), la balance (la justice) surmontée d’un crâne (suppression des différences sociales), le blé et la faux tenue par un squelette (la vie et la mort), la lampe à huile (pour faciliter le déplacement de l’âme dans la nuit, dans la mort), le lys (pureté et innocence) avec la tige cassée (mort d’un nouveau-né), les nuages (le ciel, le paradis), les grappes de raisin (le sang du Christ) ...




La multiplicité des symboles

Le plus souvent, une tombe présente un, voire deux symboles. Mais certaines en présentent une foultitude !

•  Prenons la tombe de Gustave Fayet au Cimetière Vieux de Béziers : elle est clôturée par un muret surmonté d’une grille en fer forgé ; une Vierge, tenant l’enfant Jésus, se tient devant un fronton ; sur la partie basse, deux croix, sur lesquelles s’enroulent une branche de lierre, entourent trois couronnes mortuaires ; au dessus de la corniche, une guirlande de fleurs ; au dessus, deux flambeaux croisés et retournés, eux-mêmes surmontés de deux autres couronnes ; et tout en haut, sous la Croix, un sablier ailé  (images 37 et 38).

•  Toujours au Cimetière Vieux de Béziers, une tombe à caractère compagnonnique et maçonnique présente elle-aussi de nombreux symboles : sous la croix, le fronton présente un niveau, une équerre et un compas entourés d’une couronne de laurier ; le panneau de gauche laisse voir un delta rayonnant auquel s’accrochent une règle, un compas et un triangle avec une étoile à cinq branches, pour se terminer par une tête de lion ; et sur le panneau de droite, une tête de vieillard posé sur un nuage dans lequel se trouvent deux mains unies, puis l’alpha et l’oméga, ainsi que plusieurs outils, une faux, une tête de chien (rite du Père Soubise) et un sablier ailé (images 39 et 40).

•  Toujours dans ce même lieu, la concession Barrat est une tombe à caractère purement maçonnique, sans aucun symbole religieux : elle est surmontée d’une obélisque tronquée, au sommet de laquelle est posée une urne funéraire drapée ; les trois faces portent de nombreux symboles maçonniques, comme le compas et l’équerre, avec un « G » au centre, une étoile à cinq branches, deux mains unies, l’épée flamboyante, le niveau, le maillet et le ciseau, un rameau d’acacias... et une plaque en cuivre, évoquant le souvenir d’un enfant mort à l’âge de dix-huit mois, porte l’équerre et le compas entourant la lettre « G » et une étoile, ainsi que les deux colonnes du Temple de Salomon, Jakin et Boaz (images 41 et 42).



Jean-Pierre Nitus, auteur du livre « Béziers, le cimetière vieux »