Les nefs à étage, à plan circulaire ou polygonal 

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Nous intitulons plus précisément cette page : Les nefs à étage, à plan circulaire ou polygonal : des Parlements au Premier Millénaire ?

Nous voudrions y présenter un petit nombre d’édifices très particuliers qui ont attiré notre attention durant nos recherches. La plupart de ces édifices ont été décrits sur une page de notre site. Il s’agit, par ordre d’apparition des images, des édifices suivants :

1. La chapelle palatine d’Aix-la-Chapelle(Allemagne) (images 1, 2, 3, 4).
2. L’abbatiale des Saints Pierre-et-Paul d’Ottmarsheim (Alsace) (images 5, 6).
3. La chapelle funéraire de Saint-Luitwinus à Mettlach (Allemagne) (image 7).
4. L’église Saint-Donat de Zadar (Croatie) (images 8, 9).
5. Le monument de Charroux (Vienne) (images 10, 11, 12).
6. L’église Saint-Étienne de Neuvy-Saint-Sépulchre (Indre) (images 13, 14).
7. La crypte de Saint-Bénigne de Dijon (Côte d’Or) ( images 15, 16, 17).
8. L’abbatiale Sainte-Croix de Quimperlé (Morbihan) (images 18, 19).
9. Le monument de Zvartnots (Arménie) (images 20, 21, 22, 23).
10. L’église Saint-Barthélémy de Liège (Belgique) (images 24, 25).



  • Image 1
    Chapelle palatine d’Aix-la-Chapelle.


    D’autres édifices, comme l’église paroissiale de Saint-Michel (Charente) ou l’église de Saint-Bonnet-la-Rivière (Corrèze) pourraient en faire partie. Ou encore la chapelle Saint-Ulrich du Palais impérial de Goslar (Allemagne). Cependant, nous n’avons pas visité ces trois édifices et il nous est difficile de confirmer ou d’infirmer ces hypothèses.

    Une chose est sûre : certains de ces monuments ont disparu. C’est le cas de la chapelle Saint- Donatien, à Bruges. D’autres sont à découvrir ou à redécouvrir. Il y en aurait en Hollande.

    Nous n’avons pas encore abordé l’étude de l’Italie, mais nous en envisageons plusieurs : Saint-Vital de Ravenne, le mausolée de Théodoric à Ravenne, la chapelle palatine Sainte-Sophie de Bénévent, le baptistère de Nocera Supérieure, l’édifice situé dans l’ilot immobilier de Saint Ambroise à Milan ...


    Tous ces monuments ont entre eux des similitudes, même si ces similitudes n’apparaissent pas au premier abord. Il est difficile en effet de repérer le lien pouvant exister entre une tour comme celle de Charroux (image 10) et une crypte enterrée comme celle de Saint-Bénigne de Dijon (image 15). Pourtant ce lien existe : il est dans les plans (images respectives 12 et 16 ). Examinons en effet ces plans ainsi que celui des images 3, 6, 21, 25 de, respectivement, Aix -la-Chapelle, Ottmarsheim, Zvartnots et Saint-Barthélémy de Liège. On y trouve à peu près partout la même formule : une forme extérieure circulaire ou polygonale, et, à l’intérieur de cette enceinte circulaire, un autre cercle concentrique formé de piliers ou de colonnes cylindriques. Dans la plupart des cas, le nombre de ces piliers est 8 mais on peut en avoir 4 (Quimperlé, Zvartnots) ou 12 (Neuvy-Saint-Sépulchre).

    S’il existe des piliers à la base, c’est pour permettre de porter un étage qui s’appuie à la fois sur le mur circulaire extérieur et sur les piliers. Et la grande caractéristique de ces monuments, c’est qu’il existe à l’étage supérieur un vide à l’emplacement du cercle intérieur formé par les piliers : l’étage supérieur n’est autre qu’un déambulatoire autour d’un trou ( images 4, 9, 11, 14).

    Remarquons aussi que les parties « cohérentes » de ces ensembles ne semblent être que les parties circulaires. En comparant les plans des images 3, 6, 12, 21, 25, on s’aperçoit que les parties autres que circulaires ne doivent être que des rajouts postérieurs.


    En examinant ces divers plans, nous nous sommes posés la question suivante : « À quoi ça sert ? ». La réponse devrait couler de source : « Toutes sont des églises ! Cela sert d’église ! Là où le prêtre célèbre le sacrifice de la messe ! » .

    Regardons à présent l'image 26 : il s’agit du plan du premier étage de la Chapelle d’Aix-la-Chapelle. Il faut imaginer un grand vide à l’intérieur du cercle central. Entre ce cercle central et le cercle extérieur, se développe un déambulatoire constitué de 8 travées. Nous allons numéroter ces travées dans le sens des aiguilles d’une montre à partir de la travée Est, à la convergence des flèches bleues. En prolongement de cette travée 1, se trouve une petite abside rectangulaire où devait se célébrer le sacrifice de la messe, à la convergence des flèches bleues. Nous avons imaginé un spectateur situé dans le déambulatoire voulant assister au sacrifice de la messe. Les flèches en bleu nous donnent les limites de visibilité de cette célébration. Si le spectateur est placé dans les travées 2, 3, 7 et 8, il ne verra rien. Sil est dans les travées 4 et 6, son champ de vision sera extrêmement réduit. Le champ de vision optimal se trouve dans la travée 1 et dans la travée 5. Et encore, pour les spectateurs de cette dernière travée, il ne faut pas qu’ils soient gênés par la présence de colonnes ou des spectateurs de la première travée.

    Il nous semble que l’idéal pour célébrer la messe est qu’il n’y ait pas un grand vide au milieu at que l'église soit rectangulaire au lieu d’être ronde. En somme, que ce soit une église orientée et à plan rectangulaire. Comme celles vues dans les pages antérieures.

    La conclusion de cette première analyse est que ces monuments n’ont pas été construits pour être des églises. Et ce, même si des petits oratoires ont pu être placés à l’Est dès la construction. Et si, plus tard, ces monuments ont changé d’affection et sont devenus des églises.

    Mais si ils n’étaient pas des églises, quelle était leur fonction ? L'image 27 apporte selon nous des éléments de réponse. On constate en effet que les rayons rouges issus du centre s’étendent sur toutes les travées. Un spectateur situé sur une travée a une vue optimale, non seulement sur le centre, mais aussi sur les spectateurs des travées opposées, voire latérales.

    Il peut voir celui qui est en face ou à côté, certes. Mais aussi lui parler ou l’invectiver. Et lorsqu’on parle d’invectives, on songe aussitôt aux séances de l’Assemblée Nationale.

    Et on en arrive à la question : ces bâtiments qui ne sont pas des églises, ne seraient-ce pas des parlements ? C’est-à-dire des endroits où l’on se parle où on échange des idées et où l’on prend des décisions.

    Cette idée est confortée par une curieuse disposition que l’on trouve à la chapelle du palais d’Aix –la-Chapelle. On y voit en effet au premier étage côté Ouest (travée 5) le trône de Charlemagne. Il y a de quoi s’étonner de cette présence. On se serait attendu que ce trône soit placé au fond d’une salle rectangulaire ou, comme à la cathédrale de Vaison-la-Romaine, au fond d’une abside.

    Cette disposition du trône à la chapelle d’Aix n’est compréhensible que si on accepte l’idée que le roi faisait partie du groupe des interlocuteurs. Le fait que, actuellement, ce trône soit surélevé n’est pas significatif. Ce trône a pu être surélevé ultérieurement lorsque le roi (ou l’empereur) a voulu manifester qu’il était plus important que les autres.



    Les chevaliers de la Table Ronde


    Reprenons notre argumentation précédente. La disposition permet de penser qu’il y avait 8 tribunes. Ces tribunes étaient censées représenter les 8 directions privilégiées. Initialement, elles devaient être occupées par huit princes éventuellement assistés par deux personnes, un tuteur si le prince est un enfant. Un avocat ou un héraut, chargé de défendre la position du prince.

    On songe ici à la légende fameuse des « Chevaliers de la Table Ronde » parlant d’un groupe de 24 chevaliers tous égaux.

    Nous pensons que, comme pour toute légende, il doit y avoir une part de vérité. On sait que les Francs étaient regroupés en tribus autonomes, mais ayant des relations entre elles. Il est possible que chacune de ces tribus aient été dirigées par des collèges d’individus égaux entre eux. Une telle idée peut sembler farfelue, mais c’est au même moment (vers 500 de notre ère), que sont fondés les premiers chapitres des cathédrales. Et l’on sait que, au sein de ces chapitres, des règles très démocratiques étaient édictées.

    Il ne serait pas étonnant que des tribus franques ou gauloises aient adopté un modèle de commandement oligarchique. Ce modèle n’est pas révélé par les sources historiques et, en particulier, par Grégoire de Tours qui semble ne mentionner que les faits des rois et des reines. Mais cela ne signifie pas qu’il n’ait pas existé.

    La légende des « Chevaliers de la Table Ronde » ne pourrait être qu’une lointaine réminiscence de ce passé historique.

    À propos de « Table », nous avons cherché son étymologie : le mot latin « tabula » n’avait pas la signification du mot « table (de repas) » à l’époque romaine ou même haut-médiévale. Ce n’est que vers le XIIIesiècle que les « Chevaliers de la Table Ronde » sont représentés assis autour d’une table. Auparavant, le sens du mot « table » était celui d’un texte « administratif », régulier. Exemples : les Tables de la Loi, les tables de multiplication.


Rédaction des articles :
Norbert Breton
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