Les contraintes symboliques : le cosmos imaginé par les anciens 

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Introduction aux symboles

Le symbole est un mode de communication simplifié entre les humains. C’est un signe échangé entre deux parties, correctement interprété par chacune d’elles, permettant d’exprimer des sentiments ou des idées plus complexes. Un smiley, une poignée de mains, un panneau de manifestation, sont des symboles. Et on a tendance à croire que, dans notre monde actuel, tout est symbole. Il en était de même autrefois.

Dans le symbole, il y a un petit inconvénient : c’est que, pour une transmission convenable, la traduction du signe doit être la même pour chacune des deux parties. En général, lorsque le symbole est échangé entre des personnes qui se connaissent, cela ne pose pas trop de problèmes, car s’il y a erreur d’interprétation, ces personnes peuvent opérer des rectifications.

C’est beaucoup plus difficile lorsque les personnes ne se connaissent pas. En particulier lorsqu’elles sont séparées de plusieurs siècles.

Et c’est le cas en ce qui concerne le Premier Millénaire. Les hommes de cette époque ont créé des symboles. Certes, ils ne les ont pas créés pour nous mais, pour leurs contemporains qui comprenaient le sens de ces symboles. Mais c’est à nous qu’il revient de décrypter ces symboles.

Pour certains de ces symboles issus du Premier Millénaire, l’interprétation peut être facile et acceptée par tous. C’est le cas, par exemple, des scènes représentant la Nativité de Jésus-Christ. L’explication qu’en donne actuellement un prêtre chrétien a traversé les 2000 ans d’existence de cette religion.

Pour d’autres scènes - y compris les scènes bibliques - l‘interprétation nécessite des connaissances plus importantes en histoire civile ou religieuse ( voir dans les pages suivantes : Les contraintes religieuses,   Les contraintes liées à l’histoire ).

Souvent le sens de certains symboles nous échappe. Que signifient les motifs de chevrons ? D’ondulations ? De pointes de diamant ? Certains d’entre eux peuvent donner une interprétation. Mais est-on certain que cette interprétationest la bonne ? Qu’elle traduise l’ensemble de ce que le créateur du symbole a voulu exprimer ?
Par ailleurs il faut savoir qu’un symbole peut évoluer tant dans sa représentation figurative que dans l’idée qu’il exprime. Et il arrive que cette idée disparaisse. Le symbole n’est plus alors qu’un objet décoratif. ( voir dans la page suivante : Contraintes symboliques : autres symboles ).

Enfin, il nous faut réaliser que, si certains symboles n’évoquent rien pour nous, c’est parce que nos connaissances ont changé par rapport à celles de nos anciens. Cependant on doit pouvoir retrouver la signification de ces symboles en nous remettant en situation par rapport aux connaissances d’autrefois.

C’est le cas en particulier de la connaissance du monde qui nous entoure. Depuis les découvertes de Copernic, Galilée, Kepler et Newton , nous sommes devenus trop intelligents (même si parfois il peut nous arriver de dire des bêtises). C’est la raison pour laquelle nous ne comprenons pas les symboles inspirés de la compréhension du monde par les anciens. Il faut donc nous remettre dans l’esprit des intellectuels du Premier Millénaire. C’est ce que nous allons faire ci-dessous et dans les pages suivantes : Contraintes symboliques : microcosme, Contraintes symboliques : le Ciel, Contraintes symboliques : la Terre, Contraintes symboliques : psychopompes.


Comment je vois le monde

Je m’appelle Bosonis (ou Apollinarius ou Bertchild). J’habite en Gaule en l’an cinq cent après la Naissance de Notre Seigneur Jésus-Christ. Et il m’arrive de contempler le monde qui m’entoure. Le jour je vois le soleil partant toujours du même endroit appelé l’est et qui arrive à un autre endroit appelé l’ouest. Au cours de la journée il décrit un arc de cercle. Dans la nuit, il y a les étoiles qui décrivent le même type de cercle. Par contre la lune et les planètes ont un comportement différent. Le trajet du soleil et celui des étoiles me permettent de dire que je suis à l’intérieur d’une sorte de coupelle hémisphérique. Par ailleurs la terre qui m’entoure est plate. Dans quelque direction que j’aille je rencontre la mer et, le soir, le soleil plonge dans cette mer. La terre est donc entourée d’eau. Par ailleurs le trajet du soleil m’incite à penser qu’il existe une direction privilégiée est-ouest. Au milieu de la journée l’ombre portée est la plus faible. A ce moment-là, la direction du Soleil indique le sud. Et, à l’opposé, on trouve le nord. Ces quatre directions permettent d’imaginer l’existence de quatre points situés au bout de la terre : les points cardinaux. En reliant ces quatre points on obtient un carré. On peut aussi imaginer un autre carré dont les cotés seraient parallèles aux directions principales.

La terre serait donc plate et de forme carrée. Du moins idéalement car je sais très bien que, dans la réalité ce n’est pas ainsi qu’elle se présente. Mais si je veux symboliser la terre je la représenterai sous la forme d’un carré. Sous cette terre c’est le monde des ténèbres au fond desquelles on trouverait l’enfer.

Donc moi, Bosonis, c’est ainsi que je vois le monde. Il existe néanmoins des questions que je me pose. L’une d’entre elles est la suivante : comment se fait-il que le soleil qui, chaque soir plonge dans la mer, reparaisse de l’autre coté le lendemain ? Je suppose qu’il doit franchir un trajet passant sous la terre, ou par delà des mers. S’il passe sous la terre, il doit y avoir des sortes de colonnes qui supportent la terre et il passe entre les colonnes.

Une autre question que je me pose est la suivante : le soleil apparaît en début de journée dans une constellation d’étoile appartenant à une bande appelée zodiaque. Ce zodiaque se déplace régulièrement dans le ciel durant toute l’année et revient à la même position lorsque l’année est écoulée. Tout se passe comme si ce zodiaque était semblable à un cerceau tournant dans le ciel. Ce qui laisse envisager que le ciel pourrait avoir une forme sphérique et non hémisphérique comme je l’avais précédemment décrit.

Voilà donc où j’en suis de mes cogitations d’homme du début du VIesiècle. J’avoue qu’il y a beaucoup de choses que j’ai de la difficulté à comprendre mais je ne dois pas être le seul. Sans doute un homme vivant au début du XXIesiècle pourra répondre à la plupart de ces questions. Mais il aurait tort de se moquer. Car dans son essai de compréhension du monde qui l‘entoure, il trouvera sans nul doute beaucoup de savants pour lui raconter par le menu la relativité, le big-bang ou les quarks, mais personne pour lui faire comprendre le lien entre toutes ces choses-là. Car si une telle personne existait elle n’aurait aucune difficulté à les rendre accessibles à tous.

L'image 1 représente le monde imaginé par les anciens. A remarquer, et le texte ci-dessus y fait un peu allusion, que cette image du monde n’est pas unique. Chacun devait avoir sa propre image. Celle-ci ne serait qu’une image communément admise, à valeur de symbole.

L'image 2 représente « Atlas portant le monde ». Celui-ci est représenté comme une sphère. Il ne s’agit pas ici de la sphère mais du cosmos ou encore de la sphère dite « des fixes » portant les étoiles. Celles-ci sont d’ailleurs représentées sur cette sphère sous la forme des constellations (image 3).


Les images 4, 5 et 6 montrent des monuments à forme hémisphériques et à bases polygonales (en général un carré).

A l’intérieur on retrouve la forme de coupole. Très souvent les voûtes étaient constellées d’étoiles. C’était d’ailleurs le cas sur la voûte du Panthéon de Rome. Il y avait une étoile dans chaque caisson.


Cette image d’un monument couronné par une coupole hémisphérique est tellement répandue qu’on ne réalise pas son sens symbolique profond lié à une idée de représentation du cosmos. Elle est présente dans presque toutes les grandes capitales. Dans chacune de ces capitales elle traduit l’orgueil des gouvernants qui prétendent tous se situer au centre de l’univers. Le Panthéon de Paris (image 11) recopie cette forme. Pourtant il a été construit dans la deuxième moitié du XVIIIesiècle, à une époque où les idées de représentation hémisphérique du cosmos commençaient à être abandonnées. Il en est de même du Capitole de Washington construit à partir de 1793.

Cette idée d’un univers clos et fermé a longtemps persisté dans l’imaginaire collectif. Ce n’est sans doute que vers la fin du XIXesiècle que l’image d’un univers infini commence à imprégner les réalisations architecturales civiles (gratte-ciels, tour Eiffel) et il faudra attendre la deuxième moitié du vingtième siècle en ce qui concerne l’architecture religieuse. Ainsi on peut voir sur l'image 12 que l’architecture de la cathédrale de Brasilia ignore définitivement l’image traditionnelle d’un univers clos et fermé au profit d’une envolée vers l’infini.