Divers monuments de Hesse pouvant être antérieurs à l'an mille
Cette page étudie les monuments suivants : l'abbatiale
en ruines de Arnsburg, la
cathédrale de Fulda en ses origines, la
Marienkirche de Gelnhausen, l'église
Saint-Justin de Höchst, la
cathédrale Saint-Georges de Limburg an der Lahn, l'ancien
palais impérial de Seligenstadt.
Nous ne les avons pas visités. Notre étude de ces édifices
s'est inspirée de pages d'Internet (ex : Wikipédia) et de
l'analyse de galeries d'images issues d'Internet. Nous avons
en particulier abondamment consulté le site Internet http
: //romanische-schaetze.blogspot.com/ qui a recueilli
les images de plusieurs centaines de monuments. Notre site
traitant seulement du premier millénaire, nous n'avons
conservé que les monuments susceptibles d'appartenir à cette
période, mais ce site, dont le nom se traduit en français
par « Trésors
romans », est beaucoup plus riche en monuments et
nous en conseillons la lecture. Certaines images ci-dessous
sont extraites de ce site Internet.
Les
ruines de l'abbatiale de Arnsburg
La page du site Internet Wikipédia consacrée à cette église
fourmille de détails intéressants. Nous en conseillons la
lecture. En voici des extraits :
«
Histoire
Vers 90 après J.C., un fort a été construit sur le limes
romain du Wetterau, sur un plateau au-dessus de
l’embouchure du Welsbach, dans le Wetter. Avec l’abandon
du limes romain en 250/260, le fort d'Arnsburg a été
laissé à une lente destruction. Par la suite, les Francs
s’installèrent dans le Wetterau et deux châteaux furent
construits l’un après l’autre près du fort abandonné : un
plus petit dans la partie nord-ouest du monastère
d’Arnsburg, daté d’environ 800 et dont les derniers
vestiges étaient encore mentionnés en 1834, et un second,
qui aurait été construit vers l’an 1000. Cela s’est
développé en quatre phases de construction jusqu’en 1151.
Le site de l’ancien fort appartenait, comme de vastes
terres dans la vallée de la Wetter, au château d’Arnsburg,
près duquel se trouvait la colonie médiévale de Villa
Arnesburg. [...]
[...]
En 1150, Conrad II et son épouse Luitgart fondèrent le
monastère bénédictin d'Altenbourg, qui appartenait à
l'abbaye de Fulda, sur le site de l’ancien fort non loin
de leur château. [...] Avec
la tolérance des propriétaires, les moines ont utilisé des
matériaux du fort et, après 1156, du château d’Arnsburg,
alors abandonné, pour la construction de leur église
monastique, qui en a été gravement endommagée. Dès 1174,
cependant, les travaux de construction du monastère ont
pris fin et il a été dissous.
Quelques
mois seulement après le départ des moines bénédictins,
Kuno I von Münzenberg a remis les restes de son château
ancestral d'Arnsburg, y compris les terres, à l'abbaye
d'Eberbach, pour l'établissement d’un monastère cistercien
dans les basses terres de la rivière voisine. Kuno I von
Münzenberg a agi en temps opportun avec la nomination d'un
couvent cistercien dans le Wetterau. L’ère des nouveaux
monastères bénédictins dans la région de Hesse était
terminée, les fondateurs des monastères se tournaient vers
les nouvelles idées des ordres de réforme. En plus des
archevêques de Mayence, les familles ministérielles
apparaissent de plus en plus comme fondatrices. Les
fondateurs ne revendiquaient plus le droit séculier de
protection du monastère, qui avait été farouchement opposé
depuis la réforme de l’église du XIe et du
début du XIIe siècle, mais l’ont transféré à
l’évêque responsable. Les cisterciens, les augustins et
les prémontrés revendiquaient généralement la liberté du
bailliage. Kuno I a opté pour les cisterciens.
[...]
Les
dons ultérieurs de familles pieuses qui avaient choisi un
lieu de sépulture dans le monastère ont joué un rôle
important dans l'expansion de la propriété.. La famille
des seigneurs et des comtes de Hanau, qui y ont installé
leur sépulture héréditaire et ordonné des messes pour les
âmes, doit être soulignée. Elle était le successeur légal
partiel direct de la famille fondatrice. »
Commentaires de ce texte
Nous traiterons un peu plus loin tout ce qui concerne la
datation de l'abbatiale. Dans l'immédiat, essayons
d'analyser ce que nous révèle ce texte sur les relations
entre congrégations monastiques, sur les jeux de pouvoir.
Mais avant cela, il faut essayer de nous astreindre de nos
certitudes. Jusqu'à présen, nous étions attachés à l'idée
simple suivante : un individu charismatique s'entoure de
fidèles. Ils fondent une communauté qui élabore des règles
de vie communautaire. Cette règle est adoptée par d'autres
communautés. L'élan monastique suscité par la règle permet
le développement de l'ordre et son enrichissement. Mais à la
suite de cet enrichissement, l'élan initial s'étiole, la
règle n'est plus respectée. N'obéissant plus à un idéal, la
communauté se déchire et l'ordre s'affaiblit. Jusqu'à ce
qu'une autre communauté prenne la relève. Nous avons cru
longtemps à ce genre d'histoire qui donne de l'église
catholique une image conservatrice centrée sur le spirituel.
Nous pensons que le phénomène est nettement plus complexe.
On constate en effet que, en tout temps, l'église a su
s'adapter à des situations nouvelles. Ainsi lorsque, à
partir du XVIIIe siècle, il est devenu nécessaire
de créer un enseignement de masse, des ordres de religieux
enseignants ont été créés. Et il en est ainsi pour beaucoup
d'ordres religieux. De même, on se focalise parfois sur le
caractère spirituel du monastère (les célébrations, les
prières, le silence). Mais on oublie que cette vision
idéalisée n'est que récente (XIXe -XXe
siècle). Les monastères d'autrefois rassemblaient de grandes
quantités d'individus qui n'étaient pas venus que pour
prier. Certains étaient des orphelins, d'autres de pauvres
hères cherchant du travail. Le monastère était cette
entreprise qui fournissait du travail. Il pouvait être
protégé de ses ennemis par des guerriers à lui attachés, des
ordres guerriers indépendants, des membres de
l'aristocratie. Il y a là tout un système que l'on a
difficulté à comprendre. Le dernier paragraphe de ce texte
paraît tout à fait anodin : « Les
dons ultérieurs de familles pieuses qui avaient choisi un
lieu de sépulture dans le monastère ont joué un rôle
important dans l'expansion de la propriété.. La famille
des seigneurs et des comtes de Hanau, qui y ont installé
leur sépulture héréditaire et ordonné des messes pour les
âmes, doit être soulignée. Elle était le successeur légal
partiel direct de la famille fondatrice. ». Nous
sommes persuadés qu'à l'époque il ne l'était pas. La
possibilité d'enterrer un membre de sa famille dans une
église devait être considérée comme un privilège
exceptionnel qui devait être rétribué comme il se doit.
Le texte décrit le remplacement d'un monastère bénédictin
par un monastère cistercien. Ce remplacement serait au moins
en partie dû à un changement de propriété des biens. Les
familles puissantes telles que celle de Kuno I von
Münzenberg devaient disposer de moyens de pression
importants et elles pouvaient très probablement faire
remplacer une communauté par une autre. Notons que la
connaissance du remplacement d'une communauté monastique par
une autre est assez rare. Bien souvent on n'a connaissance
que de l'installation de la dernière communauté, les
nouvelles communautés ne conservant pas en général la
mémoire des communautés précédentes. C'est probablement ce
qui s'est passé ici : la mémoire de la communauté
cistercienne a été conservée. Celle de la communauté
précédente a aussi été conservée, mais probablement à cause
des litiges suscités par le changement. Par contre, on ne
sait rien sur les communautés qui existaient auparavant.
S'il en existait !
Bien sûr, il y a la phrase « En
1150, Conrad II et son épouse Luitgart fondèrent le
monastère bénédictin d'Altenbourg,... ». Elle nous
donne envie d'en déduire qu'il n'y avait rien d'autre avant
1150., que le monastère d'Altenbourg a été créé « ex nihilo
». Mais d'une part, la fondation d'une communauté humaine ne
peut se faire à partir de rien. Il faut une structure
d'accueil solide : des locaux pour manger, dormir, prier, un
budget prévisionnel correctement établi.
D'autre part, les images de l'abbatiale nous permettent
d'estimer sa datation. À l'origine, la nef devait être à
trois vaisseaux. Il ne resterait que le vaisseau central
(image 2) et le
collatéral Sud (image 3).
En présence de ces images, nous avouons notre perplexité.
Dans le vaisseau central, les arcs sont à double rouleau.
Ils reposent sur les piliers par l'intermédiaire d'impostes.
L'arc inférieur traverse cette imposte et s’appuie sur un
pilastre puis une console accrochée au pilier (image
6). Nous considérons que, durant la période romane,
les arcs s'appuyaient sur des pilastres ou des colonnes
demi-cylindriques partant du sol. L'utilisation de consoles
insérées sur le mur ou sur des piliers serait selon nous
ultérieure, en pleine période gothique. L'image
6 sur laquelle on voit un arc brisé confirmerait
ce point de vue. Cependant l'arc brisé de l'image
6 ne se retrouve pas ailleurs où l'on n'a que des
arcs en plein cintre. Voire des arcs à un seul rouleau (images 4 et 5). De
plus, il existe une sorte de rupture stylistique entre d'un
côté les rouleaux ou les pilastres aux angles vifs du
vaisseau central et les colonnes demi-cylindriques aux
angles arrondis du collatéral Sud.
En conséquence, nous hésitons sur la datation en attendant
de trouver un monument semblable qui permette de lever
toutes les ambiguïtés.
Datation envisagée pour
l'abbatiale de Arnsburg : an 1150 avec un écart de 75 ans.
La
cathédrale de Fulda
La page du site Internet Wikipédia consacrée à cette
cathédrale nous apprend ceci :
« Histoire
La basilique a été construite sur le modèle de l'ancienne
basilique Saint-Pierre de Rome, comme une basilique à
trois nefs à double chœur avec un transept Ouest. Elle
était le plus grand bâtiment d’église au nord des Alpes.
En tant qu'église monastique, elle a remplacé le bâtiment
construit par Sturmius au milieu du VIIIe
siècle.
Initialement, comme le bâtiment précédent, elle a été
aménagée comme une basilique à trois nefs avec une abside
Est. Après avoir pris ses fonctions d’abbé en 802, Ratgar
ajouta un transept Ouest avec une abside Ouest, dans
lequel était prévue l’érection d'un autel pour les os de
Saint-Boniface, qui reposait auparavant dans l’autel à la
croisée de la nef centrale. Avec la planification, Ratgar
a pris en compte le fait que la basilique, avec son
patronage d’origine au Saint Sauveur, s’était développée
de plus en plus comme l'église funéraire du missionnaire,
qui était encore enterré dans le bâtiment précédent en
754, et attirait des flux correspondants de pèlerins.
À tel point la construction a dévoré d’argent et surchargé
les forces de la communauté monastique que Ratgar a été
déposé par l'empereur Louis le Pieux. [...]
Le
successeur de Ratgar, Eigil, fit insérer par la suite deux
cryptes au moine et maître d’œuvre de Fulda, Rachulf, deux
cryptes qui sont parmi les premières cryptes à salle et
étaient équipées d’autels dédiés aux pères monastiques du
monachisme oriental (crypte orientale) et occidental
(crypte occidentale). [...]
Jusqu’au
IXe siècle, un atrium, le soi-disant Paradis, a
été présenté à l’Est. Deux tours flanquant le chœur Est
datent probablement de la même phase de construction. Avec
cet arrangement axial, comme pour le double chœur et le
transept, le modèle romain (Romano more)
de la basilique Saint-Pierre a été suivi. La disposition
de l’autel, qui a été transmise dans la littérature, peut
être reconstruite et interprétée comme une représentation
symbolique de l’image monastique et ecclésiologique du
couvent de Fulda à l’époque du mouvement de réforme
clunisien. L’abside Ouest était décorée d’une peinture
murale du moine de Fulda, Brun Candidus, qui représentait
selon toute probabilité le culte de l'Agneau par les chefs
(ordines) des armées célestes et les moines du couvent de
Fulda sous la direction de son abbé fondateur Sturmi. Au
début de 919, le roi franc oriental Conrad Ier
fut enterré à l’autel de la croix au milieu de l’église,
où les ossements de Boniface reposaient jusqu’à ce qu’ils
soient ré-enterrés dans l’abside en 819.
La
taille et le mobilier de l’église suscitaient l’admiration
des visiteurs. En 973, Ibrahim ibn Ya', qùb (Abraham ben
Ya?akov), un envoyé juif du calife de Cordoue Hakam
II vint à Fulda sur son chemin vers Mersebourg. Il a
écrit à propos de la cathédrale d’Ebûlda (= Fulda) :
“Jamais je n’ai vu dans tous les pays des chrétiens une
plus grande église qu’eux, ni plus riche en or et en
argent.”
Au
cours du Moyen-Âge, des changements considérables ont été
apportés. La structure du bâtiment avait également
souffert, mais selon le jugement du maître d’œuvre Johann
Dientzenhofer, responsable du nouveau bâtiment, une
restauration et une transformation baroque du bâtiment
existant auraient été possibles. Au lieu de cela, il a été
partiellement démoli en 1704. Sur le site du bâtiment
médiéval, la cathédrale de Fulda d’aujourd’hui a été
construite dans le style baroque en utilisant une
maçonnerie montante. [...] »
Commentaires de ce texte
La description ci-dessus est à ce point précise que l'on
peut envisager qu'elle s'est inspirée de documents d'époque.
On songe en particulier à La
Vita Aegili carolingienne de Brun Candidus de
Fulda. Malheureusement, nous ne disposons pas de la
traduction en français de cette œuvre. Cela nous permettrait
de vérifier certaines hypothèses ou de dater des œuvres. En
particulier, nous n'avions qu'une idée approximative de la
datation de la représentation de l'Agnus Dei. Il semblerait
bien que la scène ait été peinte par Brun Candidus sur les
parois de l'abside Ouest de la cathédrale de Fulda vers les
années 830-840.
Le texte ci-dessus semble dire que certaines parties de la
basilique primitive ont été conservées. Mais elles sont très
probablement cachées sous le décor baroque et, en
conséquence, difficiles à analyser.
Bien que l'on parle de la basilique de Ratgar, qui vivait
dans la première moitié du IXe siècle, nous
pensons qu'il faudrait parler de la basilique de Sturmi qui
vivait cinquante ans auparavant. En effet une basilique
existait du temps de Sturm, et statistiquement parlant, la
durée de vie d'une église est de beaucoup supérieure à
cinquante ans. Cela n »empêche pas que Ratgar ait pu faire
des travaux sur cette église ; par exemple, en ajoutant une
abside ou des tours.
Datation envisagée
pour la cathédrale primitive de Fulda : an 750 avec un écart
de 100 ans.
La
Marienkirche de Gelnhausen
La page du site Internet Wikipédia consacrée à cette église
nous apprend ceci :
« Historique
Gelnhausen a été fondée en 1170 en tant que ville
impériale par Frédéric Barberousse. Immédiatement après,
la construction de l’église a commencé avec l'édification
de la tour Ouest, ce qui signifie que le bâtiment de
l’église est étroitement lié à deux autres bâtiments
importants de Gelnhausen du Haut Moyen-Âge : la maison
romane (siège du bailli impérial) et le palais impérial.
La plus ancienne mention écrite de l’église remonte à 1223
et se trouve dans un document du pape Honorius III. Dans
la deuxième mention de 1238, il est fait référence à
l’ecclesia sancte Marie in Geylenhusen. À cette époque,
l’église avait déjà été achevée dans ses parties
essentielles.
[...]
Bâtiment précédent :
On suppose qu’une petite église-halle existait déjà sur le
site de l’église Sainte-Marie d’aujourd’hui. Ceci est basé
sur une maçonnerie de clé de voûte et de fondation trouvée
lors de travaux de construction dans la nef et la salle du
chœur. Cependant, il n’y a aucune preuve fiable que ces
restes de mur ont autrefois soutenu un bâtiment d’église
réellement achevé et utilisable. En outre, on suppose que
le portail Ouest actuel de la nef, l’entrée de la tour
Ouest, sont les restes du bâtiment précédent, ou du moins
les composants les plus anciens de l’église.
Construction de l'église
d'aujourd'hui : Le nombre de documents écrits du
Moyen-Âge sur l’église est faible. Une séquence datable de
phases de construction individuelles ne peut pas en être
déduite. Leur classification chronologique repose donc
largement sur des caractéristiques stylistiques et
structurelles. L’incertitude associée à cela a conduit à
des hypothèses et théories divergentes dans le passé. Le
suivi scientifique de la rénovation majeure en 1989-99 a
apporté pour la première fois des données absolues grâce à
des études dendrochronologiques des structures du toit.
Selon cela, la séquence de construction suivante peut être
considérée comme largement certaine aujourd’hui :
L’ensemble du bâtiment a été érigé progressivement d’Ouest
en Est. Dans le dernier tiers du XIIe siècle
(achevé vers 1195), les travaux ont commencé sur la tour
Ouest, toujours dans un style purement roman. Par la
suite, au début du XIIIe siècle, la nef et les
bas-côtés ont été construits, qui avaient initialement
exactement la longueur de la nef principale, de sorte que
la tour Ouest était initialement libre sur trois côtés.
Les bas-côtés étaient plus bas qu’ils ne le sont
aujourd’hui, leurs avant-toits atteignaient à peu près la
hauteur des frises cintrées d’aujourd’hui. Les deux
rangées de piliers des murs de la nef montrent les débuts
du style gothique primitif. L’un après l’autre, le
transept, les chœurs secondaires comme base des tours
flanquantes, l'avant-chœur et enfin l’abside du chœur ont
suivi, chacun avec de plus en plus d’éléments de style
gothique primitif.
Une
pierre angulaire de la sacristie, qui appartenait à
l’origine à un pilier du chœur, indique la date de 1232,
qui marque l’achèvement des travaux extérieurs du chœur,
ainsi que le nom du constructeur : “
En l’an 1232, le 12 juillet, M. Paul trésorier de cette
église,....”
[...] »
Commentaires de ce texte
• La première phrase du texte, « Gelnhausen
a été fondée en 1170 en tant que ville impériale par
Frédéric Barberousse. » nous conduit à imaginer
immédiatement que l'ensemble de la ville de Gelnhausen a été
édifié immédiatement après la date de 1170. Ce que semble
confirmer la phrase suivante, « Immédiatement
après, la construction de l’église a commencé ».
L'idée sous-jacente est donc que Gelnhausen a été créée ex
nihilo à partir de 1170. Cette idée n'est pas en soi
absurde. Notre période actuelle a connu de telles créations,
avec, par exemple, celle de Brasilia. Cependant, il faut
garder à l'esprit que Frédéric Barberousse a pu en fondant
Cinghalaise comme ville impériale vouloir donner une plus
grande importance à une agglomération préexistante. Là
encore des exemples existent. L'existence d'un bâtiment
préexistant à l'actuelle église, et donc antérieur à 1170,
est donc possible. Et si des restes archéologiques ont été
trouvés dans l'actuelle église, cette existence est plus que
possible : elle est probable !
• « Le
suivi scientifique ... a
apporté ... des
données absolues grâce à des études dendrochronologiques
des structures du toit. ». Cette phrase mérite un
petit commentaire. L'étude dendrochronologique qui consiste
à analyser les cernes du bois permet d'obtenir des résultats
très intéressants concernant la datation des poutres
utilisées pour une charpente de toit, ce qui semble être le
cas ici. Il faut néanmoins relativiser cet intérêt. D'abord
parce cette méthode permet de dater avec précision quand le
tronc d'arbre a été coupé mais pas quand il a été utilisé
comme bois de charpente (on sait en effet qu'avant sa
transformation, un temps de séchage de plusieurs années,
voire dizaines d'années, est nécessaire). De plus, dans
toute maison d'habitation, les parties hautes – en
particulier le toit – sont celles qui subissent le plus de
contraintes. Et donc celles qui sont le plus souvent
modifiées ou remplacées. Et donc la dendrochronologie peut
permettre de dater la charpente d'un toit de maison ...
postérieur de plusieurs siècles aux murs de cette maison.
• « L’ensemble
du bâtiment a été érigé progressivement d’Ouest en Est.
». Cette phrase n'est pas logique. Et ce, en raison du
contexte qui nous est fourni. On nous dit en effet que
l'église a été construite immédiatement après que Gelnhausen
ait été fondée comme ville impériale. Cela signifie que tout
a été mis en oeuvre pour la construction de cette église, et
ce, en fonction d'un plan préétabli. Si Frédéric Barberousse
a eu ce projet de ville impériale, il a voulu assister à la
pleine réalisation de ce projet. Et donc si la Marienkirche
a fait partie de ce projet, elle a été construite en un seul
jet, avec un style d'architecture propre à l'ensemble de la
construction. Et il ne doit donc pas être possible
d'observer une progressivité dans la construction. À plus
forte raison d'Ouest en Est, car la logique est de commencer
la construction par le sanctuaire.
On voit où nous voulons en venir : cette église n'est pas le
résultat d'une seule campagne de constructions qui se
seraient étalées dans le temps. Mais de plusieurs dont
certaines auraient pu s'effectuer avant 1170.
Nos hypothèses
L'église actuelle aurait été précédée par une autre église
un peu plus petite, à nef à trois vaisseaux, peut-être
antérieure à l'an mille. Peut-être plusieurs siècles après
la construction de cette église, on aurait décidé de
construire à l'Ouest de l'édifice, en prolongement du
vaisseau central de la nef, l'actuelle tour Ouest. Puis on
aurait décidé de remplacer la nef estimée trop vétuste.
Cette nef aurait été construite durant la période de
transition entre le roman et le gothique, vers 1150, avec
une marge d'erreur de 50 ans (arcs à la fois brisés et
doubles, vaisseau central charpenté). Il est possible que
l'ancien chœur ait été conservé pendant un certain temps. Il
aurait été remplacé par la suite par le transept et le
chevet.
Image 18 : bas-relief
représentant l’Agnus Dei. Il est situé sur la fenêtre
au-dessus du porche d'entrée Ouest (image
17). Nous pensons qu'à l'origine, c'était le tympan
d'un portail préroman
Datation envisagée
pour la nef de la Marienkirche de Gelnhausen : an 1150 avec
un écart de 50 ans.
L'église
Saint-Justin de Höchst
La page du site Internet Wikipédia consacrée à cette église
nous apprend ceci :
« Histoire
L’histoire de l’église est étroitement liée à celle de la
ville de Höchst. La colonie franconienne, située à environ
25 kilomètres à l’est de Mayence sur une colline au-dessus
de l’embouchure de la Nidda dans le Main, a été construite
au cours du Moyen-Âge par les archevêques de Mayence comme
une ville fille. La première mention documentaire connue
de la ville remonte à 790.
L'archevêque
Otgar de Mayence (826-847) fit construire une église à
Höchst, assez grande pour l’époque et dédiée au confesseur
Justin, dont il avait rapporté les ossements d’Italie
comme reliques. L’église, qui était beaucoup trop grande
pour la colonie de Höchst, était destinée à être un
symbole de pouvoir contre la cour royale de Francfort.
Raban Maur, successeur d’Otgar, consacra l’église
Saint-Justin vers 850. Elle a d’abord servi d'église
paroissiale. Les os du saint patron Justin ont été
déplacés dans la nouvelle église, où ils sont restés
pendant environ 450 ans.
En
1024, un synode de l'archevêque de Mayence, Aribo, et des
nombreux diocèses subordonnés à Mayence a eu lieu à
Höchst. En 1090, l’église a été donnée aux bénédictins de
Saint-Alban à Mayence.
L’église a été délibérément décrite dans les écrits du
monastère comme en danger d'effondrement. De cette façon,
St. Alban a reçu en prime d’autres terres et privilèges à
Höchst. Cependant, les travaux de rénovation de l’église
prétendument délabrée n’ont pas eu lieu. Depuis lors,
Saint-Justin est une église paroissiale et monastique.
[...]
La basilique carolingienne
L’église d’origine était une basilique à trois nefs et six
travées, avec trois chœurs et trois absides
semi-circulaires. L’entrée se trouvait du côté Ouest de la
nef centrale, dans la zone du jardin de l’église
d’aujourd’hui. L’architecture montre des approches de
pénétration spatiale avec la formation d’un transept et se
situe ainsi au seuil du style roman élevé
(?).
[...] »
Commentaires de ce texte
L'archevêque Otgar de Mayence et son successeur Raban Maur
sont représentés sur l'image
28. Otgar est à droite assis sur son trône d'évêque
tandis qu'à gauche, Raban Maur présente le livre qu'il a
écrit. Ces personnages ne sont pas fictifs et les textes qui
les citent peuvent faire référence. Aussi nous aimerions
savoir si la phrase de Wikipédia, « L'archevêque
Otgar...fit
construire une église à Höchst, … dédiée
au confesseur Justin, ... », est la transcription
quasi littérale d'un texte d'époque ou une interprétation
plus ou moins erronée de ce texte. Dans le premier cas, nous
aurions la chance de pouvoir dater avec une quasi certitude
un certain type de nef (nef unique charpentée, le vaisseau
central étant porté par des colonnes cylindriques
monolithes).
Nous pourrions par la même occasion dater un type très
particulier de système chapiteau-tailloir. Dans ce système
visible sur l'image 27, le tailloir très
développé s'apparente plus à un chapiteau. De forme conique,
il vient s'implanter sur le chapiteau du dessous, lui aussi
de forme conique. Nous avons rarement rencontré ce type de
système. Vous en verrez des exemples à la basilique
Saint-Vital de Ravenne (voir sa
description sur ce site ainsi que les images
24 et 25 de ces systèmes chapiteau-tailloir).
L'image
24 ainsi que le plan de l'image
25 représentent l'église telle qu'elle devait être
à l'origine.
Le plan de l'image 26 représente
l'église actuelle. La grande différence entre les deux plans
se trouve au niveau du transept et du chevet, refaits à
l'époque gothique.
Nous sommes un peu surpris par la maquette de l'image
24. On y
voit en effet la représentation d'une nef à trois vaisseaux
prolongée par un transept bas et débordant et un chevet à
trois absides dont deux sont greffées sur les croisillons du
transept. Nous nous attendions à voir une nef à trois
vaisseaux avec trois absides en prolongement de ces
vaisseaux. Et une nef dépourvue de transept. C'est en effet
le modèle le plus fréquent. La question est donc de savoir
si cette existence d'un transept est une simple hypothèse ou
le résultat d'observations archéologiques.
L'église possède des restes de fresques (image
28) qu'il nous est difficile de dater (XVIIe
siècle ?). Le Christ en gloire est représenté assis sur le
trône céleste. Il est entouré par la Vierge Marie et un
saint (probablement Saint-Pierre).
Le Christ représenté sur l'image
30, vêtu d'un long pagne, avec des bras disposés à
l'horizontale, est probablement préroman.
Datation envisagée
pour l'église Saint-Justin de Höchst : an 825 avec un écart
de 100 ans.
La
cathédrale Saint-Georges de Limburg an der Lahn
La page du site Internet Wikipédia consacrée à cette église
nous apprend ceci :
« Histoire politique
Le 10 février 910, le roi Louis l'Enfant a émis un acte de
donation pour le domaine de Brechen et son église en vue
de la fondation d'un monastère de chanoines, que le comte
du Niederlahngau, Konrad Kurzbold (885-948), avait
demandé. Probablement peu de temps après, la construction
du bâtiment prédécesseur direct de l’église actuelle a
commencé. Le patronyme de Saint-Georges a été largement
utilisé dans les fondations d’église depuis la fin du IXe
siècle dans le nord de l’Europe continentale. Les
premières reliques limbourgeoises de saint Georges sont
peut-être venues de Mayence. L’ancienne église mère
limbourgeoise de Saint-Laurent et ses possessions ont été
incorporées au monastère au moment de la fondation ou peu
de temps après.
La fondation faisait partie d’une campagne des Conradines,
au cours de laquelle les monastères de Kettenbach (845),
Geünden (879) et, après celui de Limbourg, Weilburg (912)
et Wetzlar (914/15) ont également été fondés dans la
région de Lahn près de Limbourg. [...]
Histoire du bâtiment
Origines : il
n’est plus possible de déterminer exactement quand la
première église a été construite sur le “rocher du
Limbourg” au-dessus de la Lahn. Selon un message dans la
nécrologie du Kastorstift de Coblence, l’archevêque Hetti
de Trèves, (814-847) aurait consacré une église à
Saint-Georges, à “Lympurgensis”.
Au
mieux, les sépultures archéologiques datées de la période
carolingienne fouillées sous l’église actuelle à proximité
de la chapelle Saint-Michel témoignent d’un bâtiment
d'église du IXe siècle. Cependant, les vestiges
du bâtiment sont manquants, tout comme les indications de
son emplacement exact et de son patronage. De plus, comme
le message de consécration susmentionné n’a pas été écrit
avant le XVIe siècle, le bâtiment dans son
ensemble est controversé dans la recherche.
Préroman :
Probablement peu de temps après la fondation du monastère,
la construction de la collégiale a commencé. Ceci est
également soutenu par la mention du patronage de
Saint-Georges dans un acte de donation de l’empereur Otton
Ier de l'année 940. À cette époque, l’église
préromane était probablement déjà achevée.
Ancien roman et début
gothique : Au XIe siècle, une
basilique à piliers romans a été construite sur la colline
rocheuse, dans laquelle le bâtiment précédent a été
conservé en tant que nef. Selon une inscription documentée
qui n’est plus visible aujourd’hui, l'oratoire associé a
été consacré en 1058. [...] Cette
basilique avait la même étendue que l’église actuelle,
sauf dans le chevet, et de grandes parties des murs
extérieurs, [...] Seul
le déambulatoire a été reconstruit lors de la
reconstructio[...]n gothique précoce.
Comme le montrent les découvertes dendrochronologiques, la
reconstruction a commencé avant 1190, date à laquelle la
cathédrale de Limbourg doit sa forme actuelle.
[...]
En
1230, la construction a été en grande partie achevée. La
consécration fut réalisée en 1235 par l’archevêque de
Trèves Theoderich nov Wield. [...] »
Commentaires de ce texte
On retrouve dans cette description les dérives ou erreurs
maintes fois dénoncées au cours de notre étude :
• Impossibilité pour les auteurs d'imaginer une datation
inférieure à l'an mille. Dans le cas présent, on signale
qu'un document mentionne l'existence d'une église consacrée
vers l'an 840 (« ... l’archevêque
Hetti de Trèves, (814-847) aurait consacré une église à
Saint-Georges, ... »). Mais c'est pour ajouter par
la suite que « le
bâtiment dans son ensemble est controversé dans la
recherche. ». Puis, sans doute à cause de l'acte de
donation de 910, on accepte l'idée d'une construction
d'église après cette date : « Probablement
peu de temps après la fondation du monastère, la
construction de la collégiale a commencé. ». On
arrive au XIe siècle : « Au
XIe siècle, une basilique à piliers romans a
été construite dans
laquelle le bâtiment précédent a été conservé en tant que
nef. ». L'explication est un peu courte sur la
conservation du bâtiment précédent. Et enfin, un siècle
après, « Comme
le montrent les découvertes dendrochronologiques, la
reconstruction a commencé avant 1190, date à laquelle la
cathédrale de Limbourg doit sa forme actuelle. ».
En une période de 350 ans, il y aurait eu construction de
quatre églises successives. C'est tout de même beaucoup ! Ne
pourrait-on pas imaginer qu'il y a eu construction d'une
seule église qui aurait subi des transformations au cours du
temps ?
• Les habituels poncifs : la fondation et la consécration.
Nous constatons que le discours s'appuie sur les idées
suivantes : toute fondation est suivie d'une construction
nouvelle, toute consécration correspond à une fin de
construction, une inauguration. Mais une fondation est la
création d'un groupe d’individus et son installation dans un
endroit donné. Mais pour qu'il y ait installation, il faut
qu'il y ait des parties construites auparavant. Quant à la
consécration, elle peut concerner autre chose qu'une
église, par exemple un autel.
Essai de datation
À l'heure actuelle, la cathédrale a belle allure (image
33) mais un dessin daté de 1645 (image
34) montre qu'elle était à l'origine sobrement
décorée (absence des tours de transept, absence de décors
d'arcades sur les tours existantes).
Les diverses images de cette église montrent qu'elle a subi
de nombreuses transformations, dont certaines jusqu’à une
période récente. Lorsque nous étudions une église nouvelle,
nous commençons par analyser les piliers de la nef, lorsque
celle-ci est à trois vaisseaux. Les piliers constituent la
base de l'église. Ils permettent de résoudre un grand nombre
de questions. Ces piliers sont rectangulaires. Plus
exactement ils sont de type R0100
(images 35 et 36).
Ceci signifie que leur section horizontale est un rectangle
avec une saillie rectangulaire du côté du collatéral. Si on
observe celui-ci (image 36),
on remarque qu'une colonne cylindrique portant chapiteau est
accolée au pilier, côté collatéral de celui-ci. Par contre,
sur les autres faces du pilier, il n'y a pas de colonne
accolée. Nous avons constaté que les nefs à piliers de type
R0100 étaient
rares. Elles n'obéissent pas aux lois évoquées pour
l'évolution des piliers (R0000,
puis R1010, puis R1110, puis R1111).
De plus, dans la plupart des cas de nefs à piliers de type R0100, il y a une
anomalie stylistique. C'est le cas ici : alors que les
piliers sont rectangulaires, les colonnes sont cylindriques.
Les piliers portent de larges impostes, les colonnes
des chapiteaux. Nous avons déduit de cela que, à l'origine,
les piliers devaient être de type R0000.
Les colonnes cylindriques auraient été ajoutées après afin
de porter des arcs doubleaux supportant à leur tour la voûte
d'arêtes des bas-côtés. Donc, à l'origine, les vaisseaux de
la nef n'étaient pas voûtés. Ils l'auraient été après. Il
est même possible que pour le vaisseau central, le voûtement
ait été effectué très tardivement, au XIXe
siècle.
Nous notons cependant un problème. Les arcs reliant les
piliers devraient être en plein cintre. Ils le sont dans les
travées côté Ouest (images
35 et 37). Ils sont brisés côté Est (images
36 et 38).
Dernière observation concernant les impostes qui couronnent
les piliers : elles portent un chanfrein mais seulement
dirigé vers l'intrados de l'arc. Nous pensons que ce type
d'imposte est plus récent que celui à chanfrein dans toutes
les directions.
Datation envisagée
pour la cathédrale Saint-Georges de Limburg an der Lahn : an
900 avec un écart de 100 ans.
L'ancien
palais impérial de Seligenstadt
La page du site Internet Wikipédia consacrée à ce palais
nous apprend ceci :
« La
date de fondation du palais impérial de Seligenstadt est
incertaine. À partir de 1188, on connaît un document de
l’empereur Frédéric Barberousse, qu’il publia à l’occasion
d’une journée de cour à Seligenstadt. Cependant, ce n’est
pas la preuve d’un palais royal. Le jour d'audience peut
également avoir eu lieu dans l'abbaye voisine de
Seligenstadt. Le complexe du palais n’a pas été sécurisé
avant le milieu du XIIIe siècle sous l’empereur
Frédéric II. [...]
Pour
une construction entre 1181 et 1188 par Barberousse, une
similitude des colonnes conservées du groupe de fenêtres
nord est supposée avec celles de la maison romane
construite en 1186-87 à Seligenstadt, du couloir
hospitalier de Maulbronn construit entre 1170 et 1180, de
la maison du landgrave sur la Wartburg construite vers
1170 et de l’hôpital Saint-Jean d'Angers, construit en
1175. »
Commentaires de ce texte
Nous n'avons pas cherché à vérifier les similitudes entre ce
palais et les autre monuments cités ci-dessus. D'une part,
nous ne sommes pas certains des dates qui ont été avancées.
Mais d'autre part, nous estimons qu'une évaluation faite sur
des comparaisons stylistiques ne peut se faire qu'en
acceptant des durées assez longues. Or, dans le cas présent,
la période entre 1181 et 1188 n'est que de huit ans.
Nous-mêmes, en visitant pour la première fois une ville,
sommes nous capables de faire la différence sans nous
tromper entre des habitations du IIIe quart du XXe
siècle, du IVe quart du XXe siècle et
du Ierquart du XXIe siècle ? Et
pourtant, nous avons assisté à la construction de nombreuses
habitations analogues.
De toute façon, dans le cas présent, notre but n'est pas de
dater une construction d'art roman tardif, mais d’essayer de
reconstituer à partir d'images de palais du XIe
ou XIIe siècle, les palais de Charlemagne ou de
ses prédécesseurs
Datation envisagée
pour l’ancien palais impérial de Seligenstadt : an 1175 avec
un écart de 50 ans.