Analyse des croix
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Il existe un grand nombre de formes de croix. Et les façons
de les désigner (croix de Malte, croix de Lorraine, etc.)
sont tout aussi nombreuses. Il suffit de lire la page
« Croix » du site Internet « Wikipedia
» pour se faire une idée de la variété des appellations.
Cependant, nous ne commenterons ici que les formes observées
dans notre étude sur le Premier Millénaire. Nous
commencerons par une description rapide de ces croix. Puis
nous parlerons du symbolisme de la croix. Enfin nous
traiterons - très partiellement - de l’évolution et de la
répartition géographique des formes de croix.
1. Les formes de croix
Croix grecque (image 1) : C’est, en
vue de face, une croix à quatre branches rectangulaires de
mêmes dimensions. La partie centrale est un carré.
Croix latine (image 2) : C’est aussi,
en vue de face, une croix à quatre branches rectangulaires
dont la branche inférieure est plus longue que les trois
autres.
Croix gemmée :
c'est une croix latine dont les extrémités des branches (non
évasées) sont dotées de petits disques (un ou trois) ;
exemple : les croix d’Oviedo, comme celle visible sur l'image 12 de la page Autres monuments
d’Oviedo datés du premier millénaire.
Croix pattée (images 3 et 4) : C’est
une croix dont les branches présentent un évasement vers
l’extérieur. Il existe une multitude de formes : croix
grecque pattée, croix latine pattée, croix à bords
rectilignes (forme de triangle ou trapèze isocèle), croix à
bords courbes, croix à extrémités ornée de fleurons, etc.
Croix
pattée hampée (image
5) : Le mot « hampé » n’existe pas sur le
dictionnaire. C’est un mot que nous avons créé pour désigner
un type de croix pattée placée sur une hampe.
Croix à huit branches (image
6) : Nous avons désigné sous ce nom la figure
formée par les rayons d’un octogone régulier (les branches
forment entre elles un angle de 45°). À remarquer que la
branche principale est toujours verticale.
Chrisme
(image 7)
: C’est un type particulier de chrisme (croix à 6 branches),
mais ici à 8 branches par ajout d'un trait horizontal. C’est
la combinaison des deux lettres grecques, « khi », X, et «
rhô », P. En général deux autres lettres grecques sont
ajoutées sous les branches du « X » : « alpha », α,
et, « oméga »,ω.
Croix celtique (image 8) : C’est une
croix latine portant un cercle inscrit dedans.
Croix arménienne (image 9) : C’est une
croix latine pattée dont la partie inférieure porte des «
racines » qui remontent vers le haut.
Croix
pointue (image
10) : C’est une croix latine ou pattée dont la
branche inférieure est pointue. Sur l'image
10, le seul exemplaire que nous avons rencontré.
Croix potencée (image 11) : Croix dont
les extrémités sont des rectangles.
Croix à entrelacs (image 12) : Croix
formée par des entrelacs. L’exemple le plus fréquemment
rencontré est la croix formée par deux « trombones »
assemblés perpendiculairement entre eux.
Svastika
(image 13) : Croix
grecque sur laquelle on a ajouté aux extrémités des branches
coudées disposées dans le même sens de rotation. Le svastika
est dextrogyre si le coude supérieur est à droite, lévogyre
s’il est à gauche.
Monogramme en croix
(image 14) : Un
monogramme est une sorte de signature : les lettres
alphabétiques du nom d’un personnage donné sont placées sur
les branches d’une croix. Une forme particulière de
monogramme est le chrisme.
Croix cachées dans des
figures géométriques (images
12, 15, 16, 27) : On peut repérer des croix à
travers des représentations de certaines figures
géométriques ; ainsi dans des pavements un peu sophistiqués.
Bien sûr, dans de tels cas, il faut beaucoup de prudence en
essayant de différencier le souci esthétique de l’intention
cachée.
2. Le symbolisme de la croix
Dans le chapitre «
Contraintes » et la page «
Contraintes symboliques : la terre », nous avons eu
l’occasion de parler du symbolisme de la Terre assimilée à
un carré. A cette occasion nous avons parlé de directions
privilégiées, la direction Nord-Sud pour les peuples
pastoraux du Nord de l’Europe, la direction Est-Ouest pour
les cultivateurs du Proche-Orient. Chacune de ces deux
directions induit une direction transverse perpendiculaire à
la précédente. Pour chaque catégorie de peuple, la figure
obtenue est une croix, et, par chance, (si on peut le dire
dans ce cas !), c’est la même croix pour tous les peuples.
En conséquence la Terre, qui est représentée par un carré,
peut aussi être imaginée par les branches d’une croix.
Par ailleurs, pour un marin, la ligne d’horizon est analogue
à un grand cercle centré autour de lui.
L’association entre la croix aux branches perpendiculaires
et le cercle centré au centre de la croix semble être
logique pour un être primitif. Elle est tout aussi logique
pour un être plus évolué puisque on la retrouve dans le
cercle trigonométrique des mathématiciens (image
19).
En conséquence, le symbole de la croix qui semble inhérent à
tout être humain n’est pas uniquement chrétien. Gravé sur
une calebasse du Cameroun (image
1 de la page «
Contraintes symboliques : la terre » ), il est
interprété comme étant le rejet du « Mauvais œil » aux
quatre coins de l’infini. C’est sans doute pour la même
raison qu’on fait un signe de croix devant les vampires. Et
qui sait ? c’est peut-être pour la même raison que Jésus
Christ a été supplicié sur une croix, châtiment réservé aux
esclaves qui se révoltaient.
Il est plus difficile de détecter un
symbolisme dans les diverses représentations de croix.
Cependant, on peut imaginer que la
croix grecque pattée reproduit en l’accentuant le
symbole des quatre directions. En partant dans une
direction, on s’écarte au fur et à mesure de l’axe initial
privilégié. La croix
pattée pourrait être la caractéristique de peuples
migrateurs. C’est le cas des Goths, qui pourraient l’avoir,
si ce n’est inventée, du moins adoptée comme symbole de leur
foi arienne (images 4 et
18).
Un grand nombre de croix sont inscrites dans des cercles.
Est-ce le fait du hasard ? C’est difficile à statuer quand
on sait que le cercle représente le Ciel. En tout cas le
sens symbolique semble avéré lorsqu’elle est inscrite dans
un carré (image 20)
: le carré est plus rare que le cercle dans les
représentations.
La plupart des spécialistes s’accordent pour déceler dans le svastika l’idée d’une
rotation (image 13).
La croix à six branches.
Ce serait l’image aplatie d’une croix tridimensionnelle.
C’est-à-dire, indiquant le Haut, le Bas, le Nord, le Sud,
l’Est et l’Ouest.
3. Évolution et répartition
géographique des formes de croix
Reprenons la liste des formes de croix que nous avons donnée
dès le début.
La croix latine et la
croix grecque : Disons le tout de suite : nous
n’avons pas eu l’occasion de rencontrer ces deux formes de
croix au cours de notre étude sur le Premier Millénaire ! Du
moins sous la forme d’une représentation graphique ou
sculptée. La croix de l'image
2, seule forme de croix latine, ne date pas du
Premier Millénaire mais du XIXesiècle. Dans ces
conditions, pourquoi les avoir citées ? Tout simplement
parce qu’elles se révèlent dans les plans d’églises. En
Occident, c’est à dire dans les pays latins, les églises ont
un plan en croix latine. En Orient, c’est-à-dire dans les
pays à culture grecque, le plan des églises est en croix
grecque. Nous pensons que cette coïncidence n’est pas
fortuite. Pour nous, elle serait en lien avec les relations
entre l’église catholique romaine et l’église orthodoxe.
Dans un premier temps le monde chrétien est unifié. Les
églises sont des basiliques orientées ; le plan de la
basilique est rectangulaire ; un rectangle prolongé à l’Est
par un ou plusieurs hémicycles des absides. Assez rapidement
vers le septième ou huitième siècle, on ajoute à ce
rectangle un ouvrage médian, le transept, donnant à l’église
une forme de croix. A peu près à la même époque, les
relations se distendent entre l’Occident et l’Orient. Et si
en Occident, les églises locales s’alignent sur l’église de
Rome, en Orient, les églises non seulement deviennent
indépendantes de l’église de Rome, mais aussi indépendantes
entre elles. Chaque église devient le centre d’une
communauté. Et pour afficher cela, les évêques d’Orient
adoptent un plan centré : c’est la croix grecque.
La croix pattée :
Elle est fortement représentée au Premier Millénaire. On la
retrouve dans presque toutes les régions que nous avons
visitées mais elle serait plus fréquente chez les Wisigoths.
La croix pattée hampée
: Elle aurait succédé aux premières croix pattées
wisigothes. On pourrait penser que c’est une simple croix
processionnelle (image 24).
Cependant elle doit avoir un sens symbolique précis
lorsqu’elle est représentée seule (image
5) ou avec l’Agneau Pascal (image
23).
Le chrisme date des
débuts de l’ère chrétienne. Ce serait le « labarum » qui
aurait permis la victoire de Constantin. Le modèle a
beaucoup évolué. Celui que l’on voit sur l'image
7 serait une des dernières représentations de ce
symbole. Il pourrait dater des alentours de l’an mille.
On aimerait donner un sens symbolique fort à la
croix celtique (image
8). Mais il est fort possible que les arcs de
cercle aient été conçus comme des « jambes de force » pour
soutenir les bras de la croix. Les croix celtiques seraient
de peu antérieures à l’an mille.
Les racines remontant vers le ciel de la croix
arménienne pourraient être un symbole de
résurrection (image 9).
Les croix
celtiques et arméniennes
dont le modèle a été créé avant l’an mille sont des
créations purement locales, l’Irlande pour la première,
l’Arménie pour la seconde.
Les autres formes de croix, la
croix pointue, la
croix potencée, sont très rares et ne permettent
pas de définir des schémas récurrents dans le temps ou
l’espace.
Il nous semble qu’une étude très approfondie devrait être
effectuée sur les « croix
cachées ». En effet les spécialistes de l’art
chrétien primitif affirment que les premiers chrétiens ne
cherchaient pas à représenter la croix préférant d’autres
symboles comme le poisson ou l’oiseau. Et ce afin d’éviter
les persécutions qui accablaient ceux d’entre eux qui
affichaient ostensiblement leur foi. Or si on regarde les
mosaïques des images 12,
13, 15 et 27 on découvre beaucoup de croix. Mais
ces croix sont cachées dans le fouillis des représentations.
On pourrait certes parler d’un pur hasard. Mais alors
comment expliquer que ces croix côtoient le mythe d’Orphée
ou l’Enlèvement de Proserpine, scènes apparemment païennes,
mais dont les représentations font immédiatement penser au
culte chrétien ?