Analyse des appareils
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Le mot « appareil »
définit un ensemble de pièces assemblées de façon précise
pour confectionner un mur ou un élément du mur (exemples :
arc, baie).
Il existe de nombreuses formes d’appareils portant des noms
tels que « opus
caementicum » ou «
opus reticulatum ». Concernant ces termes, on
ne peut pas parler de
« noms barbares » puisqu’ils sont romains. Mais c’est « tout
comme » ! Car si on sait les définir, on a plus de
difficulté à comprendre pourquoi on a utilisé tel type
d’appareil plutôt qu’un autre.
Il faut en effet essayer de faire la différence entre les
types d’appareils à fonction purement décorative (utilisés
en particulier dans les pavements) et ceux à fonction
architectonique. C’est cette seconde catégorie que nous
allons traiter ci-dessous.
Les
appareils rectangulaires à joints vifs : On définit
les appareils en fonction de leurs dimensions du plus gros
au plus petit.
L’appareil cyclopéen
Les pierres taillées sont de très grandes dimensions, comme
ici à Mycènes (images 1 et
2) : blocs de longueur supérieure à 1, 5m ; de
hauteur, environ 1m ; de profondeur, environ 1m. Ce type
d’appareil a été utilisé durant la protohistoire (vers 1500
av. J. C. à 500 av. J. C.). Il est probable que les
constructeurs de cette période ont eu recours au gigantisme
pour résoudre certains problèmes ; comme, par exemple,
protéger des ouvertures de grande largeur. Ainsi, à Mycènes,
la Porte des Lions (image
1) est recouverte d’un massif linteau. A remarquer
que ce linteau n’a pas suffi. Il est lui-même surmonté d’une
pierre triangulaire (portant les lions sculptés en
bas-relief) qui a pour effet de dévier latéralement le poids
des pierres surmontant la porte. A l’origine, le mur devait
être plus haut, mais au-dessus, les blocs devaient être
moins gros.
Le
grand appareil
Il est formé de blocs parallélépipédiques de grandes
dimensions (environ 60cm x 40cm x 40cm ). Sur les images
3, 4, 5 prises à l’église Saint Jacques de Béziers,
on discerne sur les blocs des « trous de louve ». La
louve (image 6)
est un instrument permettant d’agripper la pierre à la
manière d’une paire de ciseaux. Les crochets de la louve (image 6) peuvent être
introduits du même côté de la pierre (image
6 et deux cavités dans les images
4 et 5) ou de part et d’autre (une seule cavité
dans l'image 3).
En ce qui concerne le
moyen appareil, les dimensions sont plus petites
encore, semblables à celles du « parpaing » ou agglo de 20 x
20 x 50.
Le petit appareil est
constitué de moellons ou de briques de dimensions plus
petites encore, inférieures à 20 cm.
Il reste à examiner l’appareil de ciment
appelé « opus caementicus » ou «
opus caementicum » .Il s’agit d’un type de
construction typiquement romaine. On construit deux petits
murets de parement et entre les deux, on coule un mortier
fait de ciment et de petits moellons (images
10, 11 et 12). C’est une technique typiquement
romaine qui a été beaucoup utilisée pour la construction de
monuments tels que des théâtres ou des amphithéâtres. C’est
d’ailleurs la technique du coffrage de ciment actuellement
utilisée pour nos constructions modernes. On peut s’étonner
que la technique n’ait pas été utilisée pour la construction
des voûtes. Certains ont pu même voir là une preuve de la
décadence de l’art architectural après les romains. Nous
pensons que ce n’est probablement pas le cas : la voûte
romane construite en pierres soigneusement appareillées
serait supérieure à la voûte antique en ciment, coulée en un
seul morceau. Mais alors, pour quelles raisons la technique
du coffrage de ciment a-t-elle fini par supplanter la
technique en pierres assemblées ? Tout simplement parce que,
actuellement, le ciment enrobe un treillis de ferrailles qui
permet de pallier aux principaux défauts du béton et de la
pierre : mauvaise résistance à la traction et à la flexion :
c’est le béton armé.
Appareil
à alternance de pierres
Sur l'image 13 d’une
muraille romaine de la ville de Beauvais, on peut noter la
présence de bandes horizontales rouges. Des rangées de
briques ont été intercalées entre des rangées de moellons de
couleur blanche. On a envisagé que cette façon de faire
pouvait permettre une meilleure résistance du mur aux
agressions qu’il pouvait subir lors d’une guerre. Et il est
vrai que au XVIeou au XVIIesiècle,
la brique a pu être utilisée pour la construction de
certaines fortifications. Mais il nous semble que, dans le
cas de l'image 13 les
rangées de brique sont bien fines. Et nous envisageons
plutôt une intention décorative. Peut être dans l’intention
de montrer à un adversaire que le mur est plus haut que
prévu. Ou pour cacher un défaut éventuel : une surface ainsi
décorée apparaît lisse alors que peut être, à certains
endroits le mur n’a que 1 mètre d’épaisseur au lieu des 3
que l’on a ailleurs.
Toujours est-il que, au Mans, l’insertion de briques dans la
maçonnerie a une fonction purement décorative (images
14 et 15).
Appareil
en arêtes de poisson
Il est constitué de pierres plates inclinées à environ 45°
en changeant de sens à chaque strate donnant ainsi à deux
strates successives l’image d’une arête de poisson
(images 16 et 17).
Il a été très utilisé durant la période dite « préromane
», c’est à dire au premier millénaire. S’il a été
utilisé, c’est sans doute pour une bonne raison. Laquelle ?
Nous trouvons une explication dans ce mur de pierres sèches
de Cours, dans l’Hérault (image
18). Il ne s’agit pas dans ce cas d’un mur du
Premier Millénaire mais d’une époque beaucoup plus récente.
Pourquoi les pierres du dessus sont-elles posées
verticalement et non à plat ? Tout simplement parce que
posées ainsi, elles ont tendance à basculer l’une sur
l’autre. Ce faisant, elle se coincent mutuellement. Alors
que, posées en plat, elles ne sont pas coincées. Et donc,
comme elles sont irrégulières, elles peuvent basculer.
De même, dans l’appareil en arête de poisson, chaque pierre
posée à 45° sur la précédente la coince. Mais l’ensemble
d’une strate a tendance à basculer dans un sens. C’est la
raison pour laquelle on construit la state suivante en sens
inverse de la précédente.