L'église Santa Maria Nuova de Viterbe 

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L’étude de cette église sera suivie du paragraphe : Conclusions sur les monuments du Latium.


L'église Santa Maria Nuova de Viterbe

Les images ci-dessous sont extraites d'Internet. Nous n'avons pas visité cette église qui a fait l'objet d'une monographie succincte écrite par Enrico Parlato dans le livre
« Rome et Latium romans » de la Collection Zodiaque.

Nous rappelons ce que nous avons dit à de multiples reprises dans les pages précédentes : Enrico Parlato privilégie la datation du XIIesiècle au détriment de datations antérieures ; voici un extrait de son discours : « Le 13 décembre 1080, le prêtre Biterbus ... firent une donation substantielle pour fonder la collégiale Sainte-Marie à laquelle devrait être rattaché un hospice pour les pèlerins. L'acte de naissance de cette église, à nous transmis par un parchemin, fut peu après transcrit sur un cippe aujourd'hui dans la nef latérale de droite : “Anno Domini MLXXX, indictione III, au temps du pape Grégoire VII, l'empereur Henri assiégeant Rome ...(cf. Carosi 1986)” », puis plus loin, « L'église dans ses formes actuelles doit par contre être datée d'entre la fin du XIIesiècle et le début du XIIIesiècle. »

On retrouve dans ces phrases ce que nous avons dit auparavant. Enrico Parlato néglige les sources datées de 1080 et avance pour la construction de cette église une date postérieure d'un siècle. Ce qui est contraire à toute logique : une communauté ne peut exister s'il n'y a pas d'église qui rassemble les membres de cette communauté. Si les textes de 1080 sont authentiques, une église existait à cette date, ou à la limite, un local provisoire, en attendant la construction de l'église collégiale dans les années immédiatement suivantes (et non le siècle).

Mais revenons à ces sources datées de l'année 1080 pour noter tout d'abord ce qui nous semble être une erreur dans la phrase, « pour fonder la collégiale Sainte-Marie ». On « fonde une communauté », on « construit une église », mais on « ne fonde pas une église ». Il ne s'agit pas là d'une simple erreur de sémantique. Mais d'une erreur consistant à associer deux notions indépendantes entre elles. Car la fondation d'une communauté n'est pas synonyme de la construction d'une église. Une communauté humaine est rassemblée sur un projet commun. Son installation en un endroit donné ne peut se faire ex-nihilo. Effectuons la comparaison avec le mariage. C'est la fondation d'une communauté, une communauté familiale, qui loge dans une habitation. Cette habitation a-t-elle été construite le jour du mariage ? Sûrement pas ! L'habitation a peut-être été construite longtemps auparavant. Ou la famille vivra toujours dans une maison de location. Ou encore la maison d'habitation sera construite longtemps après. On le voit, les options sont nombreuses.

De même, lorsque Enrico Parlato nous parle de « L'acte de naissance de cette église, ...“Anno Domini MLXXX, indictione III, au temps du pape Grégoire VII, l'empereur Henri assiégeant Rome ...(cf. Carosi 1986)” [...] », peut-on être absolument certains qu'il y ait eu construction de l'église en 1080 ? Les textes de l'époque sont peu précis et peuvent être soumis à diverses interprétations. Ainsi que peut signifier l'expression « opus ecclesia », œuvre de l'église, si elle est donnée sans information complémentaire ? Œuvre de construction de l'église ? Œuvre de réparation de l'église ? Œuvres caritatives de l'église ?

Ajoutons que nous n'avons pas encore vu d'une façon approfondie des images de cette église. Il est possible que, en fin d'analyse, nous acceptions les dates de 1080 ou de 1200. Mais l'important pour nous était de poser le principe du doute scientifique.

Venons-en donc à l'étude des images ci-dessous.

Nous sommes en présence d'une nef à trois vaisseaux avec trois absides en prolongement. Les trois vaisseaux sont charpentés. Les piliers sont cylindriques. probablement monolithes. Les chapiteaux sont issus du corinthien, semblables à d'autres chapiteaux de Viterbe. Les arcs reliant les piliers sont à double rouleau. Ce qui signifie selon nous une datation postérieure à l'an 800.

Datation envisagée pour l'église Santa Maria Nuova de Viterbe : an 900 avec un écart de 150 ans.




Conclusions sur les monuments du Latium


1. Petit bilan sur le déroulement de l'étude


Nous venons de relire l'article Introduction à l'étude des monuments du Latium. Nous avions terminé cet article par la phrase : « Nous ne reviendrons pas sur ces questions dans les pages suivantes concernant le Latium.». Dans les faits, nous y sommes revenus sur une partie d'entre elles. En particulier sur la remise en cause des points de vue de Serena Romano et Enrico Parlato. Redisons-le encore, il ne s'agissait pas d'une remise en cause des personnes, mais de leurs démarches en vue de ramener à la date du XIIetous les édifices susceptibles d'être antérieurs à cette date. Nous étions obligés de le faire à chaque fois à cause des visiteurs occasionnels qui auraient pu prendre pour une adhésion à leurs idées le fait que nous les citions.

Notre recherche s'effectue dans un cadre dynamique : recherche, découverte, publication, nouvelle recherche s'enchaînent et s'imbriquent. L'étude systématique des monuments du Latium et sa mise en ligne a débuté il y a deux mois, le 11 juin 2020, par l'établissement d'une liste de plus d'une centaine d'édifices. Cette liste semblait définitive. Pourtant nous avons estimé nécessaire d'y ajouter, dans l’entre-temps, quatre édifices de plus (les mausolées d'Auguste et de Saint Constance, les basiliques Sainte Sabine et des Saint Côme et Damien). Il est possible que, ultérieurement, d'autres monuments soient encore ajoutés à cette liste. Nous pensons en particulier aux musées. Il y aurait plus de sarcophages paléochrétiens dans les musées de Rome qu'à Arles, ville qui a fourni quelques pages parmi les plus belles de notre site.


2. Conclusions concernant les datations

Au cours de notre recherche concernant les monuments du Latium, nous avons constaté la fréquence de caractéristiques architecturales déjà rencontrées dans d'autres régions d'Italie comme la Campanie. Ces éléments caractéristiques sont : de grandes nefs à plusieurs vaisseaux charpentés (3 ou, plus rarement, 5), des vaisseaux principaux portés par des colonnes cylindriques, des chevets à une seule grande abside semi-circulaire. Bien sûr, il ne s'agit là que d'une plus grande fréquence et il peut y avoir des exceptions comme par exemple des chevets à trois absides. Mais on est obligé de remarquer que ces éléments caractéristiques sont plus rares hors d'Italie. Et inversement, il est plus rare de rencontrer dans le Latium des basiliques à piliers rectangulaires de type R0000 et plus rares encore celles à piliers de type R1010 ou R1111 pourtant fort répandues plus au Nord de l'Europe. Ce qui fait qu'un amateur d'art roman passionné par les églises romanes d'Auvergne ou de Bourgogne peut être surpris en allant à la rencontre des églises dites romanes du Latium. Un grossier bilan des églises étudiées est le suivant : des basiliques à plan paléochrétien, des basiliques restaurées à l'époque moderne mais dont le décor baroque peut cacher des structures plus anciennes. Et la rareté d'églises romanes ou gothiques influencées par les arts issus de France ou d'Allemagne. Cette rareté semble être plus importante dans le Latium que dans le reste de l'Italie. Et plus importante encore à Rome.

En conséquence de cet état de fait, la datation des églises du Latium s'avère délicate. En effet, nous avons basé nos estimations de datation principalement à partir de l'évolution du pilier rectangulaire en estimant qu'il y a eu un progrès entre le passage du pilier de type R0000 à celui de type R1010, puis R1110, puis R1111. La même évolution n'est pas perceptible pour les piliers cylindriques qui sont tous de type C0000. Il existe cependant d'autres possibilités d'évaluation de datation. Ainsi, l'arc double aurait succédé à l'arc simple. Le transept serait apparu après l'an 800, le chevet à trois absides en prolongement des nefs, après l'an 700. Il reste cependant beaucoup de points d'interrogation.

Il est une chose que nous avons fini par comprendre au cours de cetté étude sur le Latium. Comme nous l'avons dit dans notre Introduction sur les monuments du Latium, nous avons basé notre étude sur la lecture du livre « Rome et Latium romans ». Mais au cours de la progression de notre recherche, nous avons réalisé que certains monuments avaient été oubliés (les quatre édifices cités plus haut et sans doute d'autres encore). Absences dont nous ne connaissions pas les raisons. Nous avons réussi à comprendre ce qui s'était passé : dans l'esprit des historiens de l'art, il y a deux types de monument, le monument romain et le monument roman. L'expression « monument romain » ne signifiant pas pour eux « édifice localisé dans la ville de Rome » mais « édifice produit par la civilisation romaine des premiers siècles de notre ère ». L'expression « monument roman » signifiant « édifice inspiré par la civilisation romaine construit au XIIe siècle ». On devine alors ce qui s'est passé les auteurs du livre « Rome et Latium romans » ont exclu de leur étude les monuments qu'ils estimaient romains. Et la même attitude doit exister en sens inverse : les historiens de l'art « romain » excluent de leurs études les monuments de l'art « roman ». Les uns imposent pour limite supérieure le Vesiècle, les autres pour limite inférieure le XIesiècle. Entre les deux, un écart de 5 siècles durant lequel il ne s'est rien passé. Pourtant, on est bien obligés de constater des similitudes importantes entre les églises « romaines » et les églises « romanes » du Latium. Et d'en déduire qu'il y a eu une évolution chronologique entre ces dates, qu'il s'est passé quelque chose entre le Veet le XIesiècle.

Nous sommes très démunis en présence de ces églises que nous avons de la difficulté à dater. Plusieurs questions se posent. Une d'entre elles est la suivante : comment se fait-il que, à la différence des églises de France, celles-ci ne soient pas voûtées mais charpentées (hormis le cul-de-four de l'abside). Nous avons en partie déjà répondu à la question : ces églises sont installées sur une zone sismique. À l'exemple du Japon, les structures légères sont privilégiées pour les constructions. Autre question : comment se fait-il que, parmi les églises du Latium, celles de Rome aient le plus conservé le modèle paléochrétien ? Nous attribuons cela au conservatisme des habitants de Rome qui ont voulu conserver à l'identique les monuments hérités du glorieux passé romain. Voici la définition du mot « Renaissance » par Wikipedia : « La Renaissance est une période de l’époque moderne, associée à la redécouverte de la littérature, de la philosophie et des sciences de l'Antiquité, qui a pour point de départ la Renaissance Italienne. ». On a tendance à considérer la Renaissance comme un mouvement unique dans l'histoire. Comme il est dit ci-dessus « une période de l'époque moderne ». Or nous pensons que, au moins dans le cas de Rome, la renaissance a été perpétuellement renouvelée. Nous le voyons en ce qui concerne les édifices baroques qui ont conservé le plan (et parfois les structures) des basiliques primitives. Nous le voyons aussi dans la rareté des édifices « labellisés » romans ou gothiques.


3. Conclusions concernant l'histoire géopolitique du Premier Millénaire

La géopolitique est une notion relativement récente. Suivant la définition du dictionnaire Larousse c'est la « science qui étudie les rapports entre la géographie des États et leur politique. ». Dans la pratique, cette science est directement en rapport avec l'histoire car la carte géographique des états est directement issue d'événements historiques. Quant à la politique, elle est à la fois créée par l'Histoire et créatrice d'une Histoire.

Cela étant, la géopolitique s'intéresse surtout à l'histoire relativement récente. Peut-on parler d'une « histoire géopolitique du Premier Millénaire » ? Nous pensons que oui, faute d'autre terme plus évocateur. La géopolitique étudie la situation d'un état dans sa globalité (ressources physiques ou humaines, ethnies, religions, système politique, relations avec les états voisins, etc). En géopolitique, l'individu n'est pas pris en compte. Concernant l'histoire ancienne, c'est le contraire qui se produit. L'histoire est en général événementielle, racontant les faits et gestes d'un individu ou d'une dynastie. Et, dans la plupart des cas, les historiens ultérieurs ont bien du mal à se défaire de cette histoire orientée sur un individu ou une famille, tout à la fois partielle et partiale, pour essayer d'obtenir une vision plus globale des interactions entre peuples. Cette vision globale, c'est ce que nous désignons sous la forme d'« histoire géopolitique ». En fait, nous n'avons rien inventé. Les atlas historiques existent depuis longtemps. Mais parfois ces atlas historiques ont besoin d'être revisités, mieux compris.

Nous pensons que notre étude des monuments peut servir à composer une histoire géopolitique du Premier Millénaire. Le fait que la plupart des églises anciennes de Rome ont conservé au cours des siècles les éléments caractéristiques des basiliques romaines primitives n'est, d'un point de vue purement statistique, probablement pas dû au simple hasard. Ou même à la nostalgie d'un passé révolu. Ces traits caractéristiques d'une architecture pourraient aussi caractériser un peuple. Tout comme dans la statuaire africaine, on peut distinguer l'influence d'une ethnie Bambara, d'une autre, Dogon. Il est remarquable qu'à l'intérieur de la ville de Rome, on ait une seul type de monuments alors que, à l'extérieur on en ait divers autres. Nous ne sommes pas encore tout à fait certains de cela, mais nous pensons que, au cours du Premier Millénaire, les villes étaient constituées de plusieurs peuples obéissant chacun à sa loi propre. Il y avait le peuple obéissant à la loi romaine, le peuple goth, des peuples autochtones ou des peuples issus de divers déplacements de populations volontaires ou forcés (Celtes, Alains, Vandales, Juifs, ...). Concernant la ville de Rome, il semblerait que celle-ci ait été occupée dans son ensemble par des populations obéissant à la loi romaine sous la juridiction de l'évêque de Rome. D'autres populations, certaines d'origine locale (étrusques ? sabins ? campaniens ?) ou immigrées (goths ? lombards ? francs ?) devaient occuper les environs de Rome et le Latium. Nous pensons que de légères différences stylistiques comme les sculptures des chapiteaux ou des tympans pourraient permettre de les distinguer.

Mais ce n'est déjà plus notre affaire car nous devons passer à la suite de notre recherche sur l'Italie.