Le baptistère d’Albenga
Nous n'avons pas visité ce baptistère. Les images ci-dessous
ont été recueillies sur Internet. Les phrases en italique du
texte suivant sont extraites d'un feuillet explicatif
disponible à l'intérieur du baptistère.
« Construit entre le V
e et le VIe siècle, le baptistère
d'Albenga est l'un des plus importants monuments
paléochrétiens de l'Italie septentrionale. L'édifice se
trouve au niveau de la ville antique, à environ deux
mètres et demi en-dessous de la ville actuelle.
L'exhaussement de la ville est dû aux dépôts d'alluvions
du fleuve Centa durant la période médiévale. Cela a
provoqué l'enfouissement du port antique et un éloignement
progressif de la côte. »
« C'est le plus ancien
bâtiment de Ligurie encore debout, et c'est l'un des
baptistères les mieux conservés d'Italie grâce à la
restauration de la structure et du dôme réalisée par le
célèbre architecte Alfredo d'Andrade vers la fin du XIX
e siècle. Sa structure est décagonale à
l'extérieur, octogonale à l'intérieur. À l'intérieur de la
voûte, dans une niche, il y a une mosaïque polychrome,
tandis qu'au centre il y a les restes du bain pour le
baptême d'immersion. »
On peut voir sur l'image 1
le plan un peu surprenant de cet édifice. À
l'intérieur, les huit colonnes forment bien un octogone
régulier. À l'extérieur, on est bien en présence d'un
décagone (polygone à dix côtés) mais il s'agit d'un décagone
irrégulier. Nous pensons qu'à l'origine, le polygone
extérieur devait être régulier. Ce devait même être un
octogone. En effet, si on observe la structure engendrée par
les quatre absides semi-circulaires, on découvre une croix
grecque presque parfaite. En rectifiant le plan en fonction
des symétries, on restitue le plan de l'église primitive.
Image 5 : La piscine
baptismale
Elle est de forme octogonale, avec une marche permettant au
célébrant d'être placé au-dessus du catéchumène, futur
baptisé. C'est la pratique du baptême par immersion. Nous
pensons que les formes de fonts baptismaux sont des
indicateurs de datation. Les premiers fonts baptismaux
étaient, comme ici, des piscines baptismales, de forme
rectangulaire puis octogonale. Lorsque le baptême par
immersion a été remplacé par le baptême par infusion, les
piscines creusées dans le sol ont été remplacées par des
cuves monolithes. On doit pouvoir dater ce remplacement
grâce aux textes conciliaires.
Image 6 : Une fenêtre
« LES
FENÊTRES : Elles sont constituées de dalles en
pierre, sculptées vers l'extérieur. D'époque
paléochrétienne, le fragment de dalle en marbre qui ferme
la fenêtre de la niche est décoré de mosaïques, tandis que
les deux autres, aux côtés de la niche, ont été exécutés
pendant la période lombarde (VIIIe Siècle).
»
Cette fenêtre est décorée d'une belle croix à entrelacs (image 6). Les bandes
d'entrelacs s'échappent de la base et remontent sur les
côtés, s'enroulant autour d'hélices à 5 pales. Apparaissent
sur les côtés des grappes de raisin. L'auteur parle de « période lombarde ».
Bien que d'inspiration barbare, cette sculpture ne doit pas
obligatoirement être qualifiée de « lombarde
». En effet, on retrouve ce type de décor dans des régions
d'Europe autres que les régions italiennes.
Image
7 : La mosaïque ; vue d'ensemble.
Image 8 : La croix gemmée
et les agneaux
« La
croix émaillée : Dans la lunette est représentée
une Croix dorée, incrustée de pierres précieuses, deux
agneaux la regardent. La scène est reliée à un pré fleuri.
La croix qui est le symbole évident de Jésus-Christ
Rédempteur du monde, vers lequel les fidèles regardent,
est incrustée de pierres précieuses indiquant qu'à travers
elle, le Christ a sauvé le monde. Les pierres précieuses
sont six, qui, en grec composent le nom de Jésus («
Jesous »),
les brebis sont représentées dans un jardin qui indique le
Paradis, Fin ultime des Baptisés qui auront suivi le
Christ.
À l'extérieur de la
voûte, la décoration est délimitée par deux autres
bordures de pierres précieuses, qui renferment en haut
encore deux rameaux de laurier, dans lequel au centre se
dresse une table (un encadrement), avec une partie polie
(effacée), et une phrase abrégée : « (Nomina)mus quorum
hic reliquae sunt » . Ce qui signifie « Nous nommons ceux
dont les reliques se trouvent en ce lieu ». En dessous, le
long de l'arc, sont inscrits certains noms de saints à
lire deux par deux : Étienne (forcément avec Victor) saint
Jean l'évangéliste, Laurent (forcément à intégrer avec
Sixte (pape), Nabor et Félix, Protais et Gervais.
Leurs reliques devaient
donc être conservées dans la niche dessous. L'arc
au-dessus de la niche conserve encore des traces de
mosaïques, en particulier une colombe blanche raffinée sur
un rameau fleuri. Nous ne savons pas si les autres zones
étaient décorées avec des mosaïques, mais on peut en
déduire qu'elles devaient centrer l'attention du
catéchumène et de l'assemblée vers la Profession de foi,
représentée dans la mosaïque située dans la niche ; les
bienfaiteurs ont voulu seulement décorer cette zone. »
Le texte précédent, traduit de l'italien, manque de clarté.
En particulier la phrase commençant par : « En
dessous, le long de l'arc, ... » . Essayons de
l'expliquer. La partie supérieure de l'image
8 fait apparaître l'intrados de l'arc. On y voit
au milieu le cadre contenant l'épitaphe des reliques. Il est
encadré par trois rangs de feuilles de laurier. Au dessous,
une autre rangée contient les inscriptions suivantes, de
gauche à droite : STEFANI, S. IOANNIS, LAURENTI, NAVORIS,
PROTASI. Au-dessous, la voûte présente un décrochement. Dans
la partie de l'arc correspondant à ce décrochement, et
perpendiculairement à l'inscription précédente, se déroule
une autre inscription peu visible sue cette image
8. Face à
STEFANI, l'inscription est effacée ; face à S. IOANNIS, on
lit EVANGEL- ; face à LAURENTI, l'inscription est effacée ;
face à NAVORIS, on lit FELICIS ; face à PROTASI, on lit
GERVASI. Cette confrontation des deux inscriptions révèle
une dualité par ailleurs bien connue : Saint Jean est
l’Évangéliste, Saint Gervais est toujours associé à Saint
Protais.
Concernant Saint Nabor, voici un texte recueilli sur
Internet : « Saint
Nabor martyr (+ v. 30) ou Nabord. On sait peu de
choses sur la vie de ce saint, sinon que c'était un soldat
romain qui avait la foi, une foi vivante et agissante.
Originaire d'Afrique du Nord, Nabor témoigna de sa foi en
Jésus Christ en versant son sang pour Lui en 303.
Rapidement, les corps de Victor, Félix et Nabor, furent
transportés à Milan où Saint Ambroise les accueillit et
les vénéra, tout comme Saint Augustin et les autres pères
de l'Eglise à cette époque. ». Nabor peut donc
être associé à Félix. Quelles étaient les inscriptions des
parties effacées ? Le texte explicatif associe «
forcément » Victor à Étienne (Stefani) et Sixte à Laurent.
Concernant l'association entre Laurent et Sixte, voici ce
que nous avons lu sur Internet : « Le
récit prétend que Laurent,
diacre du pape saint
Sixte II, fut mis à mort trois jours après le
martyre de ce dernier et qu’il fut brûlé à petit feu sur
un gril », et ailleurs : « Mémoire
des saints Sixte II, pape, et ses diacres, martyrs en 258
: Le pape Sixte II, en effet, célébrait les saints
mystères et enseignait à ses frères les commandements
divins au cimetière de Calliste, lorsqu'il fut arrêté par
des soldats, en vertu d'une rescrit de l'empereur
Valérien, et décapité sur le champ avec quatre diacres. Le
même jour, deux autres diacres, Agapit et Félicissime,
furent également décapités au cimetière de Prétextat, où
ils furent inhumés. » Il s'agit là de biens
maigres renseignements.
Nous n'avons pas connaissance d'une association entre Victor
et Saint Étienne, dont le martyre se situerait vers l'an 35.
Par contre, nous avons trouvé une association entre Saint
Victor et Sainte Stéphanie : «
Corona, dont le
nom latin fut francisé en Couronne,
également connue par le nom grec Stéphane
(Stephana) ou Stéphanie
(Stephania), née vers 160 en Égypte ou enSyrie et
morte vers 177, est une martyre chrétienne. [...]
Selon la tradition,
Couronne fut martyrisée à l'âge de 16 ans, à l'époque des
persécutions contre les chrétiens, peu après un soldat
nommé Victor de Damas. Pendant le supplice de ce dernier,
et alors qu'elle était mariée à l'un de ses camarades,
elle lui prodigua consolation et encouragements. Elle fut
arrêtée pour ce motif et torturée. À la fin, ses bourreaux
la lièrent entre deux palmiers pliés l'un vers l'autre et
son corps fut démembré lorsque leurs troncs furent
brusquement libérés. Victor quant à lui fut décapité.
D'autres sources indiquent que Couronne était l'épouse de
Victor. »
L'association de Victor à STEFANI et de Sixte à LAURENTI
n'est peut être pas « forcément » acquise. Le fait que les
deux inscriptions aient été effacées pourraient signifier
que c'étaient des noms d'évêques ayant participé à la
cérémonie de remise des reliques, noms qui auraient été
volontairement effacés par la suite.
Image 9 : Le chrisme et
les douze colombes
« Les
trois cercles avec le « khi-rhô » : Le centre de
la composition contient le thème fondamental. On y
retrouve des cercles concentriques qui contiennent ce
qu'on appelle le «
khi-rhô », symbole formé par les deux lettres
grecques superposées : le X et le P (les deux premières
lettres de la parole grecque « Christòs »). Le « khi-rhô
» est relié par des lettres mystiques Alpha et Oméga (la
première et la dernière lettre de l'alphabet grec, qui
rappellent que le Christ est le commencement et la fin de
toute chose).
La triple répétition du
cercle et du «
khi-rhô » est une référence certaine à la
Trinité et le fait que le « khi-rhô
» touche les trois cercles et soit relié aux lettres Alpha
et Oméga signifie qu'entre le Père, le Fils et le Saint
Esprit, il n'existe aucune différence.
Ce symbolisme a pour but
de clarifier quelle est la foi authentique de l’Église,
dans une époque marquée par les hérésies Trinitaire et
Christologique ; la première est celle de l'arianisme qui
prétendait que le Christ avait seulement la nature
humaine. »
Nous rencontrons là pour la première fois une représentation
très inattendue du chrisme ; très inattendue et probablement
très symbolique. Comme le dit le texte, le chrisme, dans sa
forme usuelle avec le khi-rhô
et les lettres Alpha et Oméga, est représenté non pas une
fois, mais trois fois, et d'une façon concentrique. Le texte
explicatif nous affirme : « Ce
symbolisme a pour but de clarifier quelle est la foi
authentique de l’Église, dans une époque marquée par les
hérésies Trinitaire et Christologique ». Nous ne
sommes pas certains que cette explication convienne.
L'époque est effectivement très sensibilisée sur la nature
de la divinité. Et la présence des trois chrismes pourrait
donc symboliser la Trinité Divine. Cette Trinité est
acceptée par tous. Y compris par les hérétiques ariens.
Cependant, ceux-ci affirment qu'il y a primauté du Père sur
le Fils alors que les orthodoxes prônent la similitude entre
les trois Personnes : Père, Fils et Esprit. Nous remarquons
sur cette image une hiérarchie des chrismes. Si cette
représentation avait été dans le sens des orthodoxes, on
aurait dû avoir trois chrismes identiques séparés. Nous
envisagerons donc plutôt une représentation influencée par
l'hérésie arienne. Cela confirmerait l'idée selon laquelle
le chrisme serait une invention arienne ou adoptée par les
ariens : le chrisme est issu du labarum de Constantin
(étendard portant le monogramme du Christ). Constantin était
proche de l'hérésie arienne et certains de ses descendants
l'ont soutenue, voire imposée.
« Les
douze Colombes » : Elles représentent les douze
Apôtres sur lesquels l'Église est fondée. Elles sont
représentées s'envolant vers une petite croix orange sur
fond azur. »
Nous pensons que les douze colombes ne représentent pas
forcément les douze Apôtres, mais l'Église elle-même, peuple
de Dieu. À l'origine, il y a les douze tribus d'Israël.
L'accès à la Jérusalem Céleste, décrite par l'Apocalypse, se
fait par douze portes (trois pour chacun des points
cardinaux).
Image 10 : Un tympan
Les figures représentées ici sont pour nous très
inhabituelles. Avec un pourtour extérieur en forme de
coquille. Et à l'intérieur, une grande palme, des spirales,
des rouelles.
Image 11 : Une plaque
funéraire située à l'intérieur du baptistère
« LA
TOMBE ARQUÉE AUX CÔTÉS DE L'ENTRÉE : Dans les
deux tombes, viennent enterrés évêques ou personnages
connus d'Albenga. Celle de droite est construite de dalles
de marbre finement sculptées et remontant au VIII eme
siècle : la lunette est originale, mais les autres dalles
sont des copies (les originales se trouvent dans le musée
diocésain). »
Plaque de sarcophage d'un grand intérêt, car sont
rassemblées ici une certain nombre de représentations qui,
dans la plupart des cas sont isolées, montrant ainsi la
contemporanéité des thèmes figurés : les entrelacs, la croix
entrelacée appelée « sceau de Salomon », la croix pattée,
l'association palme-grappe de raisin, diverses croix
fleurdelisées.
Image 12 : Plusieurs
plaques funéraires utilisées comme tympan pour le duomo
«
LES TOMBES EXTÉRIEURES : Autour du baptistère,
ont été mis quelques sarcophages de pierre appartenant à
la zone du cimetière qui se trouvait ici depuis le VIe siècle. »
On retrouve des entrelacs, une croix pattée, mais
aussi des svastikas et des rouelles.
Datation
envisagée pour le baptistère d’Albenga :
La présence d'une piscine baptismale et surtout de la
mosaïque font envisager une haute ancienneté : an 450 avec
un écart de 150 ans.