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Introduction
Cette page est consacrée au thème :
Exemple de démarche globale. Le littoral : des îles
Stoechades au Zuiderzee en passant par la ville d'Ys et le
Mont Dol
Nous avons voulu ci-dessous donner un exemple de démarche
globale. En fait, il s'agit d'une série de petits exemples
en rapport avec le thème d'envasement des littoraux, thème
déjà abordé dans une page précédente concernant l'envasement
des ports de Narbonne. Nous avons estimé que le cas très
particulier (mais susceptible de belles découvertes) du
territoire Narbonnais au Premier Millénaire peut être
généralisé à d'autres territoires et d'autres périodes.
Ravenne
Commençons par la ville de Ravenne. En voici une description
par l'historien Jordanès :
« Cette
ville , entre les marais, la mer et le Pô, n’est
accessible que par un seul côté. Elle fut autrefois
habitée, suivant une ancienne tradition, par les Enètes,
nom qui signifie, digne d’éloges. Située au sein de
l’Empire romain, au bord de la mer Ionienne, elle est
entourée et comme submergée par les eaux.
Elle a à l’orient la mer... À l’occident, elle est
défendue par des marais à travers lesquels on a laissé un
étroit passage comme une sorte de porte. Elle est entourée
au septentrion par une branche du Pô appelée le canal
d’Ascon, et au midi par le Pô lui-même,... Auguste abaissa
son lit, et le rendit très profond. Il promène dans la
ville, la septième partie de ses eaux, et son embouchure
forme un port excellent où jadis, au rapport de Dion,
pouvait stationner en toute sûreté, une flotte de deux
cent cinquante vaisseaux. Aujourd’hui, comme le dit
Fabius, à l’ancienne place du port, on voit de vastes
jardins remplis d’arbres, d’où pendent non pas des voiles,
mais des fruits. La ville a trois noms dont elle se
glorifie. Comme des trois quartiers qui la divisent et
auxquels ils répondent. Le premier est Ravenne, le dernier
Classis ; celui du milieu, Césarée, entre Ravenne et la
mer. Bâti sur un terrain sablonneux, ce dernier quartier
est d’un abord doux et facile et commodément situé pour
les transports. »
Quelques explications :
Dion Cassius, né
vers 155 et mort vers 235 à Nicée, en Bithynie (région du
Nord-Ouest de l'Asie Mineure), est un historien romain
d'expression grecque (image
1) : toute son œuvre est écrite en grec.
Jordanès, évêque et
historien goth du VI e siècle. Il se pourrait que
son nom primitif eût été Jornandès ; mais il se donne celui
de Jordanès, qu'il accepta peut-être en entrant dans le
clergé. Avant cela, il avait été notaire d'un prince dont on
ignore le nom. On ne connaît pas davantage le siège
épiscopal qu'il occupa ; c'est peut-être celui de Crotone.
On sait seulement que Jordanès a été à Constantinople avec
le pape Vigile en 551. Il se donne pour peu cultivé ;
pourtant il maniait la langue latine et entendait le grec
La description de Ravenne est peut être erronée dans la
mesure où il nous dit que le Pô se trouve au sud de la
ville, alors qu'actuellement, l’embouchure principale est
située à plus de soixante kilomètres au nord. Cependant, il
est fort probable que le cours du fleuve a fortement évolué
durant 2000 ans. Il faudrait donc faire une étude plus
précise afin de voir si un trajet par Ravenne aurait été
possible. Par ailleurs, le texte même de Jordanès nous
montre que l’ensablement du port de Ravenne a été rapide. Un
peu plus de trois siècles séparent la rédaction de Dion
durant laquelle le port était encore en pleine activité, de
celle de Jordanès qui nous révèle qu’il y a des arbres à la
place des mats de navires. La vitesse de l'envasement serait
supérieure à un mètre par siècle.
Il est possible qu'il y ait eu à Ravenne plusieurs ports
successifs. En tout cas, on en connaît déjà un : le port de
Classis. Le mot latin classis se traduit par « flotte » . Le
quartier de Classis était donc autrefois le port d'une
flotte romaine pouvant rassembler 250 vaisseaux. La
basilique de Saint-Appolinaire in Classe (image
6) a été construite sur cet emplacement au VIesiècle.
Les îles Stoechades
Strabon, historien
et géographe grec (63 av. J.-C. , 20 ap. J.-C.) évoque les
îles Stoechades (du grec « stoichos » : alignées) au nombre
de trois importantes et de deux petites. Il indique que les
Marseillais les cultivent et qu'elles ont de bons ports.
D'après Suétone,
historien romain (69 ap. J.-C. , 130 ap. J.-C.) : « Claude
faillit être submergé deux fois par un vent impétueux du
nord-ouest, sur la côte de Ligurie et près des îles
Stéchades. Aussi, de Marseille il se rendit par terre à
Gesoriacum (Boulogne) où il passa la mer. Il reçut en peu
de jours, sans combat, sans effusion de sang, la
soumission d’une partie de l’île. »
Voici le texte de Pline
l'Ancien, écrivain romain (23 ap. J.-C. , 78 ap.
J.-C.) : « Galliae
autem ora in Rhodani ostio Metina, mox quae Blascorum
vocatur, et tres Stoechades a vicinis Massiliensibus
dictae propter ordinem quo sitae sunt. nomina singulis
Prote, Mese, quae et Pomponiona vocatur, tertia Hypaea, ab
iis Sturium, Phoenice, Phila, Lero et Lerina adversum
Antipolim, in qua Berconi oppidi memoria.
(Pline, Naturalis Historia). »
Traduction
: « Sur
la côte des Gaules, à l'embouchure du Rhône, Métina ; puis
celle qui est appelée Blascon ; trois Stoechades dénommées
par les Marseillais, qui en sont voisins, dans l'ordre de
leur situation, Proté, Mésé, appelée aussi Pomponiana, et
la troisième, Hypaea; plus loin Sturium, Phoenice, Phila ;
et, en face d'Antipolis, Lero et Larina, dans laquelle
subsiste le souvenir de la ville de Vergoanum. »
Plusieurs hypothèses ont été émises à partir des textes de
Strabon et de Pline l'Ancien
1- Les Grandes
Stoechades comprendraient Porquerolles, Port-Cros et le
Levant. Les Petites Stoechades les îles de Marseille, If,
Ratonneau et Pomègues.
2- Hypéa, Mésé
(celle du milieu) et Proté (la Grande) seraient les îles de
Marseille. Sturium, Phoenicé et Phila seraient Porquerolles,
Port-Cros et le Levant.
3- Sturium,
Phoenicé et Phila désigneraient Bagaud, Port-Cros et le
Levant, formant l'archipel de Planasie ou Petites Stoechades
, Porquerolles (Hypéa), Giens (Mésé) et Cépé (Proté)
formeraient les Grandes Stoechades.
Nos commentaires : Tout d'abord concernant le texte de
Suétone. Il nous semble que le comportement de Claude est
expliqué par un argument fallacieux très caractéristique. Si
l'empereur Claude avait voulu débarquer dans les îles
Britanniques sans traverser par la Gaule, il y serait allé
directement en longeant la côte Nord- Africaine puis en
franchissant le détroit de Gibraltar. Mais certainement pas
en longeant la côte Nord-Méditerranéenne. En fait,
l'expédition devait avoir été bien préparée. Et il était
sans doute prévu à l'avance que les troupes romaines (ou une
partie d'entre elles) devaient rejoindre par voie terrestre
le port de Boulogne-sur-Mer. Mais il fallait justifier le
déplacement des troupes à travers une grande partie de la
Gaule. La force du vent mistral devait constituer un bon
justificatif. Il ressort de ce témoignage que l'Empire
Romain ne devait pas être aussi unifié qu'on ne l'imagine.
Les troupes étaient sans doute obligées de traverser un
territoire allié des romains mais indépendant.
À présent, passons à ces fameuses Stoechades. Où se trouvent
ces îles ? Les hypothèses développées ci-dessus montrent que
leur localisation est sujette à débats. Des débats qui,
jusqu'à présent, n'ont pas trouvé de solution satisfaisante.
Car il n'y a rien dans les étymologies de Porquerolles ou de
Port-Cros qui permettent d'identifier Proté ou Hypea ou
Phila. De plus, il faut noter que ces îles de Porquerolles
et Port-Cros sont très éloignées de l'embouchure du Rhône.
Le mystère semble donc entier. Pourtant la diversité des
témoignages nous montre que ces îles Stoechades ont bien
existé.
Nous pensons avoir trouvé la solution. Mais auparavant, il
faut remarquer que si on ne trouve pas de correspondance
étymologique, cela vient sans doute du fait que ces îles ont
été identifiées par des marins grecs qui ne connaissaient
pas les noms locaux. Il est pourtant un, Mésé, que l'on
retrouve localement : Mèze, dans l'Hérault. Mais, dira-t-on,
« Mèze n'est pas une île ». C'est bien vrai ! Mais ce
n'était pas le cas dans l'Antiquité comme en témoigne Pomponius Mela (auteur
latin de la fin du Ier siècle après J.-C. qui
écrit en langue grecque) : « La
colline de Mesua (Mèze), presque entièrement ceinte par la
mer, et qui serait une île si une étroite levée de terre
ne la rattachait pas à la terre. ». Et ce
témoignage est confirmé par l'analyse de la carte
topographique au 1 : 25000 sur laquelle on peut voir que peu
avant d'attaquer la montée de la colline de Mèze, la route
nationale venant de Montmèze surplombe des deux côtés une
zone marécageuse débouchant sur l'étang de Thau. Par
ailleurs, l'étude de la même carte topographique permet de
montrer que, au début de l'ère chrétienne, les territoires
d'Agde et de Sète étaient aussi des îles. On sait que Agde
était un port. Il est possible qu'il y ait eu des ports à
Mèze et Sète mais, à notre connaissance, on ne les a pas
retroiuvés. Il y avait d'autres îles habitées. C'est le cas
de Maguelonne située en face de Montpellier. Maguelonne est
connue comme ayant été le siège d'un diocèse avant l'an
mille. Mais elle a sans doute été occupée avant l'ère
chrétienne. En allant en direction de Beaucaire, on peut
envisager deux autres îles possibles. Il y a tout d'abord la
Grande Motte. Nous ne savons pas s'il existe des restes
antiques sur cette portion de cordon littoral, mais le mot
même de Motte fait penser aux mottes féodales du Haut
Moyen-Âge. La seconde île pourrait se trouver à
l'emplacement de la cité d'Aigues-Mortes. Il est bien connu
que cette cité aurait été fondée par Saint Louis dans la
première moitié du XIIIesiècle. Cependant, nous
pensons que l'église paroissiale est antérieure à cette
fondation. Il existe encore une autre île datée du Moyen-Âge
un peu à l'écart de celles-ci. C'est l'île des
Saintes-Maries-de-la-Mer. Des cordons littoraux joignent ces
îles. On peut raisonnablement penser que ces cordons
littoraux n'existaient pas à l'époque antique.
Le mot “ stoechades” signifierait “alignées”. On
constate tout d'abord que Mèze n'est pas située dans
l'alignement d'Agde et de Sète. Par contre, Maguelonne, La
Grande-Motte et Aigues-Mortes le sont.
Il n'existe pas d'autres étymologies que celle de Mèze.
Hormis peut-être Stoechades qui fait penser à Sète. Le nom
de Cépé fait lui aussi penser à Sète.
On peut donc envisager la situation suivante. L'embouchure
du Rhône a fortement évolué au cours du temps. On peut
raisonnablrment penser que vers l'an 1 de notre ère,
l'embouchure du Rhône (ou d'un de ses bras) était située du
côté de Saint-Gilles-du-Gard.
Pour les Petites Stoechades, Melita et Blascon, on a le
choix entre Aigues-Mortes, la Grande-Motte et Maguelonne.
Pour les Grandes Stoechades, Proté serait Sète, Mésé, Mèze,
et Hypea, Agde. Sturium, Phoenicé et Phila seraient les îles
du Levant.
Par ailleurs, des documents nous apprennent que durant le
Moyen-Âge, on pouvait passer d’Agde à Arles en naviguant à
l’intérieur des terres, c’est à dire derrière des cordons
littoraux ; la tour Constance et la tour Carbonnière
servaient à contrôler ces trafics. On a confirmation de
l'existence de ce corridor maritime sur un atlas Catalan
daté du XVesiècle (image
14).
Béziers ville grecque ?
J'ai eu l'occasion d'assister, le 9 février dernier, à une
conférence organisée par la Société Archéologique et
Historique des Hauts Cantons de l'Hérault, à
Villemagne-L'Argentière (Hérault). Le thème était : BEZIERS/RHÔDE
: Les Doriens en Méditerranée nord-occidentale. Le
débat a été principalement orienté sur la ville de Béziers.
La conférencière, Madame Daniela Ugolini, archéologue, a
défendu avec vigueur sa conviction concernant la grécité («
caractère de ce qui est grec » ; j'ignorais ce mot du
dictionnaire) de Béziers. Selon elle, la côte
Méditerranéenne de la France aurait été colonisée par deux
peuples issus de Grèce, les Ioniens et les Doriens. Les
Ioniens de Phocée auraient fondé Marseille. Les Doriens de
Rhode auraient, quant à eux, fondé une ville appelée Rhode
en Méditerranée Nord-Occidentale. Toujours d'après Madame
Ugolini, cette ville de Rhode ne serait autre que la ville
de Béziers qui serait donc de fondation grecque.
Je dois avouer que, concernant le premier millénaire avant
notre ère (ce qui semble être le cas ici), je n'ai aucune
connaissance sur ces questions. J'ignorais même l'existence
de Rhode comme port de la Méditerranée Nord-Occidentale. Je
n'ai pas non plus de connaissance en archéologie et je
serais incapable d'identifier un vase grec. Cependant, parmi
les nombreuses informations que j'ai apprises lors de cette
conférence, deux points au moins ont retenu mon attention.
Le premier de ces points a rapport avec la « grécité » de
Béziers … ou de toute autre ville de France. En fait, je
n'ai pas compris que cela puisse être un sujet de polémique.
Nous aurons l'occasion de revenir sur la question dans la
page intitulée «
Exemple 4 de réappropriation des sources non écrites : la
psychologie et la sociologie contemporaines. ».
Mais en attendant son écriture, mon raisonnement a été le
suivant. En commençant par cette question : « La ville
actuelle d'Hong-Kong est-elle anglaise ? » Ma réponse a été
: « Non ! ». Pourtant, me direz-vous, Hong-Kong a été une
colonie anglaise cédée par la Chine durant près de 100 ans.
Elle a eu un gouverneur anglais. Et actuellement, ses
habitants s'efforcent de faire appliquer la démocratie sur
le modèle anglais. Mais on ne peut pas dire que Hong-Kong
soit une ville anglaise. De même, on ne peut pas parler de
civilisation anglaise. Et ce, bien que, actuellement, la
grande majorité des transactions commerciales soient faites
dans cette langue. Imaginons les cris que pourraient pousser
les intellectuels français si un quelconque dirigeant
anglais venait affirmer que la civilisation anglaise a
dominé et domine encore le reste du monde. D'ores et déjà,
dans le contexte actuel de mondialisation, il n'est déjà
plus question de parler de « civilisation européenne ». À
plus forte raison de « civilisation anglaise ». En
conséquence d'une telle analyse, nous pensons que la «
grécité » de villes très éloignées de Grèce est fortement
aléatoire. La langue grecque a dû servir de langue
commerciale. Et certains témoignages de la culture grecque
(bronzes, céramiques, …) ont pu servir de monnaies
d'échange. Mais il est peu probable que l'influence de la
Grèce ait été déterminante. Et, même en ce qui concerne
Marseille dont on sait qu'elle fut fondée par des colons
issus de Phocée, il doit être difficile de la décrire comme
étant une ville grecque.
Abordons à présent le deuxième point. Au cours du débat
ayant suivi cette conférence, la question de l'enfouissement
des ports de Narbonne a été abordée (pas par moi !). Madame
Ugolini a montré qu'elle connaissait cette question. Et elle
a confirmé que le port de Narbonne avait été déplacé en
direction de la mer entre le
XIVesiècle et le XVIIIesiècle. Un
déplacement dû à un enfouissement par les alluvions de
l'Aude. Mais pe rsonne dans l'assistance (y compris
moi-même) n'a émis les conclusions à en tirer : si en 5
siècles les dépôts font une épaisseur de x mètres (par
exemple : 2 mètres), en 20 siècles l'épaisseur doit être de
4x mètres (ex : 8 mètres)! Je suis persuadé que, d'une façon
générale, l'extrapolation est difficile à concevoir. Même
pour de grands esprits ! On croit ce que l'on voit. On se
refuse à croire ce qui peut être conçu comme imagination de
l'esprit.
Si le port de Rhode, qui aurait été fondé par les Grecs sur
la côte Nord- Méditerranéenne a bien existé, ses restes sont
actuellement enfouis sous plusieurs mètres d'alluvions.
Voire sur plusieurs dizaine de mètres.
Compte tenu de l'évolution de la basse vallée de l'Orb au
cours des deux derniers millénaires, il est à peu près
certain que, au début du premier millénaire, la ville de
Béziers, sise actuellement à 10 km de la mer, était en bord
de mer, Béziers étant un port d'estuaire. Mais Béziers était
elle l'antique Rhode comme l'affirme Madame Ugolini ? J'en
suis moins certain. En effet, il n'y a pas trace de la
racine étymologique du mot « Rhode » sur le territoire de
Béziers. Par contre on connaît l'expression
« couloir rhodanien » désignant la vallée du fleuve Rhône.
Le nom de « Rhône » serait d'ailleurs issu de cette
expression. En conséquence, l'idée m'est venue d'aller
chercher cette ancienne ville de Rhode du côté du Rhône. Et
en premier lieu de vérifier s'il n'existait pas des
correspondances étymologiques. J'en ai trouvé deux. Il
s'agit de deux villages voisins situés entre Nîmes et
Beaucaire, Rodilhan et Redessan. A priori, il peut
apparaître totalement farfelu que l'un de ces deux villages
soit l'ancienne Rhode. Le village de Rodilhan est situé à
une cinquantaine de kilomètres de la Méditerranée et son
altitude la plus basse est 32 mètres (en ce qui concerne
Redessan, l'altitude minimum est 54 mètres). Cependant
effectuons une comparaison avec la ville de Béziers. À
Béziers, l'ancien port maritime romain se situerait dans la
plaine Saint-Pierre à environ 8 mètres au-dessus du niveau
de la mer. Mais 9 mètres au-dessus du niveau primitif si on
tient compte du phénomène de transgression marine (à
Narbonne le niveau de la mer aurait remonté d'un mètre par
rapport au niveau de l'époque romaine). Il est manifeste que
les alluvions du Rhône sont plus importantes que celles des
autres fleuves côtiers. Par ailleurs, l'absence de sources
concernant la ville de Rhode à l'époque romaine fait
envisager que ce port avait été abandonné depuis longtemps,
sans doute à cause d'un envasement. Notons enfin que les
images de Rodilhan obtenues avec Google Maps sont celles
d'une vaste plaine alluviale. Le nom du chemin ici
représenté est évocateur : « Chemin du Pont des Isles » (images 15, 16 et 17).
L'ancienne ville de Rhode pourrait dons être à l'emplacement
de Rodilhan. Il faut cependant garder à l'esprit qu'on reste
dans le cadre de l'hypothèse. L'étymologie n'est pas une
science certaine. De plus, en admettant que « Rodilhan »
soit issu de « Rhode », ce peut être le résultat d'un
diminutif : « Le petit Rhode ». Comme il en est des villages
de Marseillan (Hérault) ou Marseillette (Aude) dont les noms
pourraient dériver de celui de Marseille.
Mais ce n'est pas tout ! Observons les images
10, 11 et 12. L'image
10 est une copie d 'écran d'une interactive de
notre site. Nous avons utilisé cette image comme fond de
carte pour l'image 11. Sur
celle-ci nous avons représenté les principaux fleuves ainsi
que les étangs littoraux. Sur la carte suivante (image
12), nous avons représenté
en vert
les canaux. Ces canaux proches du littoral sont à une
altitude voisine de zéro. Ces canaux ainsi que les étangs
littoraux permettent de définir les contours du littoral (en
rouge sur l'image
13) à une date relativement récente. On constate
que certaines vallées comme celle du Vistre, entre
Aigues-Mortes et Nîmes, étaient profondément envahies par
les eaux maritimes durant l'Antiquité. Il ressort de l'étude
de cette carte que, durant la période antique, la ville de
Nîmes devait être proche de la Méditerranée. Il en est de
même pour les localités de Rodilhan et de Redessan. À ce
sujet, je m'étais posé il y a quelques années la question
suivante : comment se fait-il que la Voie Domitienne, voie
romaine faisant le tour de la Méditerranée, ne passe pas
dans son contour du Golfe du Lion au plus près des côtes de
celui-ci, afin d'obtenir le trajet le plus direct. J'avais
déjà la réponse en ce qui concerne le trajet de Béziers à
Narbonne par le Pont Septime (Lire à ce sujet cette
page de notre site). Mais, concernant la ville de
Nîmes, il me semblait qu'elle était à l'écart du trajet le
plus direct. Le plan de l'image
18 est la réponse à cette question : entre Lattes
(port de Montpellier) et Nîmes, la Voie Domitienne suit un
trajet presque rectiligne. On peut même envisager que Nîmes
ait été un port à l'époque romaine. Et, au vu de la faible
distance avec Rodilhan, que Nîmes ait succédé à Rhode comme
port.
Le littoral de l'Aquitaine
L'image 19 est une
copie d'écran d'une carte interactive de notre site. Les
drapeaux localisent les monuments que nous avons identifiés.
Le littoral actuel est marqué en trait
bleu. Nous avons tracé un
trait rouge afin d'isoler ces drapeaux. On constate
l'absence de monuments à gauche du trait rouge. Ce trait
rouge est censé représenter le littoral de Gascogne au cours
du Premier Millénaire. On le savait en ce qui concerne le
territoire des Landes de Gascogne. On le découvre pour le
territoire charentais.
Les images 20 et 21 nous
apprennent que la ville de Saintes est située à une grande
distance de la mer. Initialement, nous avons été surpris de
le constater. En effet, nous avions envisagé que la
colonisation de la Gaule avait été précédée par la création
de comptoirs maritimes le long de la côte Atlantique (Dax,
Bordeaux, Saintes, Nantes, Vannes …). Mais l'idée nous est
venue que la ville de Saintes avait pu être un port côtier
dans l'Antiquité. Ce port aurait été progressivement envahi
par les alluvions de la Chatrente. L'hypothèse est plausible
: l'altitude minimum de Saintes est 2 mètres. Son altitude
maximum est 81 mètres.
La légende d'Ys
Cette légende est très connue. Mais les versions de cette
histoire sont très variées.
Nous estimons que tout légende recèle un substrat de vérité.
Mais l'histoire réelle a été tellement commentée, enjolivée
et orientée, qu'elle devient inaudible. Ainsi, concernant
celle-ci, certains aspects apparaissent plausibles et
d'autres ne le sont pas. Il est fort possible que durant
l'Antiquité ou le Haut -Moyen-Âge, des digues aient été
construites pour protéger des agglomérations. Il est même
possible que ces digues aient été détruites par une forte
tempête. De telles catastrophes ont pu marquer les esprits.
Par contre, d'autres faits rapportés par la légende semblent
moins probables. Comme par exemple la localisation de la
ville d'Ys dans la baie de Douarnenez ? C'est à dire à
l'Ouest. L'Ouest est réputé comme étant le royaume des
Morts.
Nous avons voulu représenter sur l'image
22 une partie de la côte du Morbihan. Qui sait
peut-être existe-t-il au fond d'une de ces rias aux contours
très perturbés les restes d'une agglomération qui fut
détruite par une tempête ? L'histoire de cette catastrophe
aurait pu donner naissance à la légende de la ville d'Ys.
Les images 23 et 24 sont
celles de la baie du Mont Saint-Michel ; on constate l
'absence des monuments dans cette région hormis le Mont
Saint-Michel et le Mont-Dol. L'idée est que toute cette
région était sous la mer à l'époque antique. Le Mont_Dol,
actuellement entouré de terre, aurait été une île dans
l'Antiquité.
L'estuaire de la Seine (
image 25)
L'estuaire de la Seine est un des exemples du phénomène de
décalage progressif en direction de la mer des ports
d'estuaire. À l'époque romaine, la localité de Lillebonne,
ancienne Juliobonna, était un port d'estuaire (sous le
drapeau vert situé à droite sur l'image
25). Ce port s'étant progressivement envasé,
d'autres ports sont créés au Moyen-Âge, à Honfleur sur la
rive gauche et Harfleur sur la rive droite. En 1517, suite à
l'envasement du port d'Harfleur, le port du Havre est fondé
par François Ier.
L'estuaire du Rhin (image
26)
Nous pensons que, comme pour la colonisation de l'Afrique au
XIXesiècle, les fleuves ont joué un rôle très
important dans la politique de colonisation par les Romains.
Selon nous, la colonisation se serait d'abord effectuée par
voie maritime. Les Romains, et avant eux les Grecs et les
Carthaginois, commençaient par s'installer dans des ports
d'embouchures (Bordeaux pour la Garonne, Nantes pour la
Loire, Lillebonne pour la Seine, Londres pour la Tamise).
Puis, petit à petit, ils remontaient les fleuves, d'abord
comme marchands, puis comme guerriers. Quel était le port
d'estuaire du Rhin ? À titre personnel, je l'ignore. Mais il
devait y en avoir un. Il fallait en effet que la flotte
romaine puisse intervenir rapidement en cas d'attaque des
villes rhénanes (Cologne, Coblence, Strasbourg) ou
mosellanes (Trèves, Metz) par les Germains.
Le Zuiderzee (images 27,
28, 29, 30)
Voici l'historique de ce grand lac extrait de la page de
Wikipedia qui lui est dédiée :
« À
l'époque romaine, le lac Flevo, dont les dimensions ne
sont pas connues, occupe une partie de ce qui deviendra le
Zuiderzee. Il est relié à la mer du Nord par une rivière
ou peut-être un estuaire étroit, la Vlie, qui se situe
entre les îles actuelles de Vlieland et Terschelling. Des
dunes le protègent encore du grand large. Le Marsdiep est
encore une petite rivière. Le nom de lac Almere est usité
pendant le haut Moyen-Âge.
Au
cours des siècles, l'eau douce d'origine devient saumâtre
car l'influence des rivières s'amenuise. En 838, après une
grande inondation, la mer gagne du terrain, selon deux
sources, le récit de l'évêque français Prudence de Troyes
et les Annales Xantenses. Puis pendant deux siècles la
situation semble être restée stable. Mais après une série
de tempêtes, le lac tend à devenir une mer intérieure, à
cause d'un processus appelé le waterwolf. L'inondation de
la Sainte Julienne en 1164, suivie d'inondations
catastrophiques en 1212, 1214 et 1219 (inondation de la
Saint Marcel), brisent les barrières naturelles ; en 1248
les dunes de Callantsoog sont emportées. Les inondations
de 1282 brisent la connexion entre Texel et le continent.
La désastreuse inondation de la Sainte-Lucie en 1287 fait
des dizaines de milliers de morts, ce processus remodèle
la région et finit par créer une étendue d'eau désormais
appelée le Zuiderzee, littéralement la mer du Sud. Le lac
est devenu un golfe ou une mer intérieure et ce jusqu'en
1932. »
Nous ne savons pas à quoi est dûe cette invasion marine sur
les terres. Il y a bien sûr le phénomène dit de
transgression marine, consistant en une montée des eaux
depuis la dernière glaciation. Mais dans les autres cas, le
Pô, le Rhône, la Garonne, la Loire, la Seine, cette montée
des eaux marines a été très fortement compensée par de forts
dépôts d'alluvions. Si bien qu'il y a eu une conquête de la
mer par les terres plutôt que le contraire. Est-il possible
que, dans le cas du Zuiderzee, il y ait eu dans la période
Antique un changement du cours du Rhin ?