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Introduction

Cette page est consacrée au thème : 

Exemple de démarche globale. Le littoral : des îles Stoechades au Zuiderzee en passant par la ville d'Ys et le Mont Dol

Nous avons voulu ci-dessous donner un exemple de démarche globale. En fait, il s'agit d'une série de petits exemples en rapport avec le thème d'envasement des littoraux, thème déjà abordé dans une page précédente concernant l'envasement des ports de Narbonne. Nous avons estimé que le cas très particulier (mais susceptible de belles découvertes) du territoire Narbonnais au Premier Millénaire peut être généralisé à d'autres territoires et d'autres périodes.



Ravenne

Commençons par la ville de Ravenne. En voici une description par l'historien Jordanès :

« Cette ville , entre les marais, la mer et le Pô, n’est accessible que par un seul côté. Elle fut autrefois habitée, suivant une ancienne tradition, par les Enètes, nom qui signifie, digne d’éloges. Située au sein de l’Empire romain, au bord de la mer Ionienne, elle est entourée et comme submergée par les eaux.

Elle a à l’orient la mer... À l’occident, elle est défendue par des marais à travers lesquels on a laissé un étroit passage comme une sorte de porte. Elle est entourée au septentrion par une branche du Pô appelée le canal d’Ascon, et au midi par le Pô lui-même,... Auguste abaissa son lit, et le rendit très profond. Il promène dans la ville, la septième partie de ses eaux, et son embouchure forme un port excellent où jadis, au rapport de Dion, pouvait stationner en toute sûreté, une flotte de deux cent cinquante vaisseaux. Aujourd’hui, comme le dit Fabius, à l’ancienne place du port, on voit de vastes jardins remplis d’arbres, d’où pendent non pas des voiles, mais des fruits. La ville a trois noms dont elle se glorifie. Comme des trois quartiers qui la divisent et auxquels ils répondent. Le premier est Ravenne, le dernier Classis ; celui du milieu, Césarée, entre Ravenne et la mer. Bâti sur un terrain sablonneux, ce dernier quartier est d’un abord doux et facile et commodément situé pour les transports
. »

Quelques explications :

Dion Cassius, né vers 155 et mort vers 235 à Nicée, en Bithynie (région du Nord-Ouest de l'Asie Mineure), est un historien romain d'expression grecque (image 1) : toute son œuvre est écrite en grec.

Jordanès, évêque et historien goth du VI e siècle. Il se pourrait que son nom primitif eût été Jornandès ; mais il se donne celui de Jordanès, qu'il accepta peut-être en entrant dans le clergé. Avant cela, il avait été notaire d'un prince dont on ignore le nom. On ne connaît pas davantage le siège épiscopal qu'il occupa ; c'est peut-être celui de Crotone. On sait seulement que Jordanès a été à Constantinople avec le pape Vigile en 551. Il se donne pour peu cultivé ; pourtant il maniait la langue latine et entendait le grec

La description de Ravenne est peut être erronée dans la mesure où il nous dit que le Pô se trouve au sud de la ville, alors qu'actuellement, l’embouchure principale est située à plus de soixante kilomètres au nord. Cependant, il est fort probable que le cours du fleuve a fortement évolué durant 2000 ans. Il faudrait donc faire une étude plus précise afin de voir si un trajet par Ravenne aurait été possible. Par ailleurs, le texte même de Jordanès nous montre que l’ensablement du port de Ravenne a été rapide. Un peu plus de trois siècles séparent la rédaction de Dion durant laquelle le port était encore en pleine activité, de celle de Jordanès qui nous révèle qu’il y a des arbres à la place des mats de navires. La vitesse de l'envasement serait supérieure à un mètre par siècle.

Il est possible qu'il y ait eu à Ravenne plusieurs ports successifs. En tout cas, on en connaît déjà un : le port de Classis. Le mot latin classis se traduit par « flotte » . Le quartier de Classis était donc autrefois le port d'une flotte romaine pouvant rassembler 250 vaisseaux. La basilique de Saint-Appolinaire in Classe (image 6)  a été construite sur cet emplacement au VIesiècle.



Les îles Stoechades

Strabon, historien et géographe grec (63 av. J.-C. , 20 ap. J.-C.) évoque les îles Stoechades (du grec « stoichos » : alignées) au nombre de trois importantes et de deux petites. Il indique que les Marseillais les cultivent et qu'elles ont de bons ports.

D'après Suétone, historien romain (69 ap. J.-C. , 130 ap. J.-C.) : « Claude faillit être submergé deux fois par un vent impétueux du nord-ouest, sur la côte de Ligurie et près des îles Stéchades. Aussi, de Marseille il se rendit par terre à Gesoriacum (Boulogne) où il passa la mer. Il reçut en peu de jours, sans combat, sans effusion de sang, la soumission d’une partie de l’île. »

Voici le texte de Pline l'Ancien, écrivain romain (23 ap. J.-C. , 78 ap. J.-C.) : « Galliae autem ora in Rhodani ostio Metina, mox quae Blascorum vocatur, et tres Stoechades a vicinis Massiliensibus dictae propter ordinem quo sitae sunt. nomina singulis Prote, Mese, quae et Pomponiona vocatur, tertia Hypaea, ab iis Sturium, Phoenice, Phila, Lero et Lerina adversum Antipolim, in qua Berconi oppidi memoria.  (Pline, Naturalis Historia). »

Traduction : « Sur la côte des Gaules, à l'embouchure du Rhône, Métina ; puis celle qui est appelée Blascon ; trois Stoechades dénommées par les Marseillais, qui en sont voisins, dans l'ordre de leur situation, Proté, Mésé, appelée aussi Pomponiana, et la troisième, Hypaea; plus loin Sturium, Phoenice, Phila ; et, en face d'Antipolis, Lero et Larina, dans laquelle subsiste le souvenir de la ville de Vergoanum. »

Plusieurs hypothèses ont été émises à partir des textes de Strabon et de Pline l'Ancien

1- Les Grandes Stoechades comprendraient Porquerolles, Port-Cros et le Levant. Les Petites Stoechades les îles de Marseille, If, Ratonneau et Pomègues.

2- Hypéa, Mésé (celle du milieu) et Proté (la Grande) seraient les îles de Marseille. Sturium, Phoenicé et Phila seraient Porquerolles, Port-Cros et le Levant.

3- Sturium, Phoenicé et Phila désigneraient Bagaud, Port-Cros et le Levant, formant l'archipel de Planasie ou Petites Stoechades , Porquerolles (Hypéa), Giens (Mésé) et Cépé (Proté) formeraient les Grandes Stoechades.

Nos commentaires : Tout d'abord concernant le texte de Suétone. Il nous semble que le comportement de Claude est expliqué par un argument fallacieux très caractéristique. Si l'empereur Claude avait voulu débarquer dans les îles Britanniques sans traverser par la Gaule, il y serait allé directement en longeant la côte Nord- Africaine puis en franchissant le détroit de Gibraltar. Mais certainement pas en longeant la côte Nord-Méditerranéenne. En fait, l'expédition devait avoir été bien préparée. Et il était sans doute prévu à l'avance que les troupes romaines (ou une partie d'entre elles) devaient rejoindre par voie terrestre le port de Boulogne-sur-Mer. Mais il fallait justifier le déplacement des troupes à travers une grande partie de la Gaule. La force du vent mistral devait constituer un bon justificatif. Il ressort de ce témoignage que l'Empire Romain ne devait pas être aussi unifié qu'on ne l'imagine. Les troupes étaient sans doute obligées de traverser un territoire allié des romains mais indépendant.

À présent, passons à ces fameuses Stoechades. Où se trouvent ces îles ? Les hypothèses développées ci-dessus montrent que leur localisation est sujette à débats. Des débats qui, jusqu'à présent, n'ont pas trouvé de solution satisfaisante. Car il n'y a rien dans les étymologies de Porquerolles ou de Port-Cros qui permettent d'identifier Proté ou Hypea ou Phila. De plus, il faut noter que ces îles de Porquerolles et Port-Cros sont très éloignées de l'embouchure du Rhône. Le mystère semble donc entier. Pourtant la diversité des témoignages nous montre que ces îles Stoechades ont bien existé.

Nous pensons avoir trouvé la solution. Mais auparavant, il faut remarquer que si on ne trouve pas de correspondance étymologique, cela vient sans doute du fait que ces îles ont été identifiées par des marins grecs qui ne connaissaient pas les noms locaux. Il est pourtant un, Mésé, que l'on retrouve localement : Mèze, dans l'Hérault. Mais, dira-t-on, « Mèze n'est pas une île ». C'est bien vrai ! Mais ce n'était pas le cas dans l'Antiquité comme en témoigne Pomponius Mela (auteur latin de la fin du Ier siècle après J.-C. qui écrit en langue grecque) : « La colline de Mesua (Mèze), presque entièrement ceinte par la mer, et qui serait une île si une étroite levée de terre ne la rattachait pas à la terre. ». Et ce témoignage est confirmé par l'analyse de la carte topographique au 1 : 25000 sur laquelle on peut voir que peu avant d'attaquer la montée de la colline de Mèze, la route nationale venant de Montmèze surplombe des deux côtés une zone marécageuse débouchant sur l'étang de Thau. Par ailleurs, l'étude de la même carte topographique permet de montrer que, au début de l'ère chrétienne, les territoires d'Agde et de Sète étaient aussi des îles. On sait que Agde était un port. Il est possible qu'il y ait eu des ports à Mèze et Sète mais, à notre connaissance, on ne les a pas retroiuvés. Il y avait d'autres îles habitées. C'est le cas de Maguelonne située en face de Montpellier. Maguelonne est connue comme ayant été le siège d'un diocèse avant l'an mille. Mais elle a sans doute été occupée avant l'ère chrétienne. En allant en direction de Beaucaire, on peut envisager deux autres îles possibles. Il y a tout d'abord la Grande Motte. Nous ne savons pas s'il existe des restes antiques sur cette portion de cordon littoral, mais le mot même de Motte fait penser aux mottes féodales du Haut Moyen-Âge. La seconde île pourrait se trouver à l'emplacement de la cité d'Aigues-Mortes. Il est bien connu que cette cité aurait été fondée par Saint Louis dans la première moitié du XIIIesiècle. Cependant, nous pensons que l'église paroissiale est antérieure à cette fondation. Il existe encore une autre île datée du Moyen-Âge un peu à l'écart de celles-ci. C'est l'île des Saintes-Maries-de-la-Mer. Des cordons littoraux joignent ces îles. On peut raisonnablement penser que ces cordons littoraux n'existaient pas à l'époque antique.

Le mot “ stoechades” signifierait “alignées”.  On constate tout d'abord que Mèze n'est pas située dans l'alignement d'Agde et de Sète. Par contre, Maguelonne, La Grande-Motte et Aigues-Mortes le sont.

Il n'existe pas d'autres étymologies que celle de Mèze. Hormis peut-être Stoechades qui fait penser à Sète. Le nom de Cépé fait lui aussi penser à Sète.

On peut donc envisager la situation suivante. L'embouchure du Rhône a fortement évolué au cours du temps. On peut raisonnablrment penser que vers l'an 1 de notre ère, l'embouchure du Rhône (ou d'un de ses bras) était située du côté de Saint-Gilles-du-Gard.

Pour les Petites Stoechades, Melita et Blascon, on a le choix entre Aigues-Mortes, la Grande-Motte et Maguelonne. Pour les Grandes Stoechades, Proté serait Sète, Mésé, Mèze, et Hypea, Agde. Sturium, Phoenicé et Phila seraient les îles du Levant.

Par ailleurs, des documents nous apprennent que durant le Moyen-Âge, on pouvait passer d’Agde à Arles en naviguant à l’intérieur des terres, c’est à dire derrière des cordons littoraux ; la tour Constance et la tour Carbonnière servaient à contrôler ces trafics. On a confirmation de l'existence de ce corridor maritime sur un atlas Catalan daté du XVesiècle (image 14).



Béziers ville grecque ?


J'ai eu l'occasion d'assister, le 9 février dernier, à une conférence organisée par la Société Archéologique et Historique des Hauts Cantons de l'Hérault, à Villemagne-L'Argentière (Hérault). Le thème était : BEZIERS/RHÔDE : Les Doriens en Méditerranée nord-occidentale. Le débat a été principalement orienté sur la ville de Béziers. La conférencière, Madame Daniela Ugolini, archéologue, a défendu avec vigueur sa conviction concernant la grécité (« caractère de ce qui est grec » ; j'ignorais ce mot du dictionnaire) de Béziers. Selon elle, la côte Méditerranéenne de la France aurait été colonisée par deux peuples issus de Grèce, les Ioniens et les Doriens. Les Ioniens de Phocée auraient fondé Marseille. Les Doriens de Rhode auraient, quant à eux, fondé une ville appelée Rhode en Méditerranée Nord-Occidentale. Toujours d'après Madame Ugolini, cette ville de Rhode ne serait autre que la ville de Béziers qui serait donc de fondation grecque.

Je dois avouer que, concernant le premier millénaire avant notre ère (ce qui semble être le cas ici), je n'ai aucune connaissance sur ces questions. J'ignorais même l'existence de Rhode comme port de la Méditerranée Nord-Occidentale. Je n'ai pas non plus de connaissance en archéologie et je serais incapable d'identifier un vase grec. Cependant, parmi les nombreuses informations que j'ai apprises lors de cette conférence, deux points au moins ont retenu mon attention.

Le premier de ces points a rapport avec la « grécité » de Béziers … ou de toute autre ville de France. En fait, je n'ai pas compris que cela puisse être un sujet de polémique. Nous aurons l'occasion de revenir sur la question dans la page intitulée « Exemple 4 de réappropriation des sources non écrites : la psychologie et la sociologie contemporaines. ». Mais en attendant son écriture, mon raisonnement a été le suivant. En commençant par cette question : « La ville actuelle d'Hong-Kong est-elle anglaise ? » Ma réponse a été : « Non ! ». Pourtant, me direz-vous, Hong-Kong a été une colonie anglaise cédée par la Chine durant près de 100 ans. Elle a eu un gouverneur anglais. Et actuellement, ses habitants s'efforcent de faire appliquer la démocratie sur le modèle anglais. Mais on ne peut pas dire que Hong-Kong soit une ville anglaise. De même, on ne peut pas parler de civilisation anglaise. Et ce, bien que, actuellement, la grande majorité des transactions commerciales soient faites dans cette langue. Imaginons les cris que pourraient pousser les intellectuels français si un quelconque dirigeant anglais venait affirmer que la civilisation anglaise a dominé et domine encore le reste du monde. D'ores et déjà, dans le contexte actuel de mondialisation, il n'est déjà plus question de parler de « civilisation européenne ». À plus forte raison de « civilisation anglaise ». En conséquence d'une telle analyse, nous pensons que la « grécité » de villes très éloignées de Grèce est fortement aléatoire. La langue grecque a dû servir de langue commerciale. Et certains témoignages de la culture grecque (bronzes, céramiques, …) ont pu servir de monnaies d'échange. Mais il est peu probable que l'influence de la Grèce ait été déterminante. Et, même en ce qui concerne Marseille dont on sait qu'elle fut fondée par des colons issus de Phocée, il doit être difficile de la décrire comme étant une ville grecque.

Abordons à présent le deuxième point. Au cours du débat ayant suivi cette conférence, la question de l'enfouissement des ports de Narbonne a été abordée (pas par moi !). Madame Ugolini a montré qu'elle connaissait cette question. Et elle a confirmé que le port de Narbonne avait été déplacé en direction de la mer entre le
XIVesiècle et le XVIIIesiècle. Un déplacement dû à un enfouissement par les alluvions de l'Aude. Mais pe rsonne dans l'assistance (y compris moi-même) n'a émis les conclusions à en tirer : si en 5 siècles les dépôts font une épaisseur de x mètres (par exemple : 2 mètres), en 20 siècles l'épaisseur doit être de 4x mètres (ex : 8 mètres)! Je suis persuadé que, d'une façon générale, l'extrapolation est difficile à concevoir. Même pour de grands esprits ! On croit ce que l'on voit. On se refuse à croire ce qui peut être conçu comme imagination de l'esprit.

Si le port de Rhode, qui aurait été fondé par les Grecs sur la côte Nord- Méditerranéenne a bien existé, ses restes sont actuellement enfouis sous plusieurs mètres d'alluvions. Voire sur plusieurs dizaine de mètres.

Compte tenu de l'évolution de la basse vallée de l'Orb au cours des deux derniers millénaires, il est à peu près certain que, au début du premier millénaire, la ville de Béziers, sise actuellement à 10 km de la mer, était en bord de mer, Béziers étant un port d'estuaire. Mais Béziers était elle l'antique Rhode comme l'affirme Madame Ugolini ? J'en suis moins certain. En effet, il n'y a pas trace de la racine étymologique du mot « Rhode » sur le territoire de Béziers. Par contre on connaît l'expression
« couloir rhodanien » désignant la vallée du fleuve Rhône. Le nom de « Rhône » serait d'ailleurs issu de cette expression. En conséquence, l'idée m'est venue d'aller chercher cette ancienne ville de Rhode du côté du Rhône. Et en premier lieu de vérifier s'il n'existait pas des correspondances étymologiques. J'en ai trouvé deux. Il s'agit de deux villages voisins situés entre Nîmes et Beaucaire, Rodilhan et Redessan. A priori, il peut apparaître totalement farfelu que l'un de ces deux villages soit l'ancienne Rhode. Le village de Rodilhan est situé à une cinquantaine de kilomètres de la Méditerranée et son altitude la plus basse est 32 mètres (en ce qui concerne Redessan, l'altitude minimum est 54 mètres). Cependant effectuons une comparaison avec la ville de Béziers. À Béziers, l'ancien port maritime romain se situerait dans la plaine Saint-Pierre à environ 8 mètres au-dessus du niveau de la mer. Mais 9 mètres au-dessus du niveau primitif si on tient compte du phénomène de transgression marine (à Narbonne le niveau de la mer aurait remonté d'un mètre par rapport au niveau de l'époque romaine). Il est manifeste que les alluvions du Rhône sont plus importantes que celles des autres fleuves côtiers. Par ailleurs, l'absence de sources concernant la ville de Rhode à l'époque romaine fait envisager que ce port avait été abandonné depuis longtemps, sans doute à cause d'un envasement. Notons enfin que les images de Rodilhan obtenues avec Google Maps sont celles d'une vaste plaine alluviale. Le nom du chemin ici représenté est évocateur : « Chemin du Pont des Isles » (images 15, 16 et 17). L'ancienne ville de Rhode pourrait dons être à l'emplacement de Rodilhan. Il faut cependant garder à l'esprit qu'on reste dans le cadre de l'hypothèse. L'étymologie n'est pas une science certaine. De plus, en admettant que « Rodilhan » soit issu de « Rhode », ce peut être le résultat d'un diminutif : « Le petit Rhode ». Comme il en est des villages de Marseillan (Hérault) ou Marseillette (Aude) dont les noms pourraient dériver de celui de Marseille.

Mais ce n'est pas tout ! Observons les images 10, 11 et 12. L'image 10 est une copie d 'écran d'une interactive de notre site. Nous avons utilisé cette image comme fond de carte pour l'image 11. Sur celle-ci nous avons représenté les principaux fleuves ainsi que les étangs littoraux. Sur la carte suivante (image 12), nous avons représenté en vert les canaux. Ces canaux proches du littoral sont à une altitude voisine de zéro. Ces canaux ainsi que les étangs littoraux permettent de définir les contours du littoral (en rouge sur l'image 13) à une date relativement récente. On constate que certaines vallées comme celle du Vistre, entre Aigues-Mortes et Nîmes, étaient profondément envahies par les eaux maritimes durant l'Antiquité. Il ressort de l'étude de cette carte que, durant la période antique, la ville de Nîmes devait être proche de la Méditerranée. Il en est de même pour les localités de Rodilhan et de Redessan. À ce sujet, je m'étais posé il y a quelques années la question suivante : comment se fait-il que la Voie Domitienne, voie romaine faisant le tour de la Méditerranée, ne passe pas dans son contour du Golfe du Lion au plus près des côtes de celui-ci, afin d'obtenir le trajet le plus direct. J'avais déjà la réponse en ce qui concerne le trajet de Béziers à Narbonne par le Pont Septime (Lire à ce sujet cette page de notre site). Mais, concernant la ville de Nîmes, il me semblait qu'elle était à l'écart du trajet le plus direct. Le plan de l'image 18 est la réponse à cette question : entre Lattes (port de Montpellier) et Nîmes, la Voie Domitienne suit un trajet presque rectiligne. On peut même envisager que Nîmes ait été un port à l'époque romaine. Et, au vu de la faible distance avec Rodilhan, que Nîmes ait succédé à Rhode comme port.




Le littoral de l'Aquitaine

L'image 19 est une copie d'écran d'une carte interactive de notre site. Les drapeaux localisent les monuments que nous avons identifiés. Le littoral actuel est marqué en trait bleu. Nous avons tracé un trait rouge afin d'isoler ces drapeaux. On constate l'absence de monuments à gauche du trait rouge. Ce trait rouge est censé représenter le littoral de Gascogne au cours du Premier Millénaire. On le savait en ce qui concerne le territoire des Landes de Gascogne. On le découvre pour le territoire charentais.

Les images 20 et 21 nous apprennent que la ville de Saintes est située à une grande distance de la mer. Initialement, nous avons été surpris de le constater. En effet, nous avions envisagé que la colonisation de la Gaule avait été précédée par la création de comptoirs maritimes le long de la côte Atlantique (Dax, Bordeaux, Saintes, Nantes, Vannes …). Mais l'idée nous est venue que la ville de Saintes avait pu être un port côtier dans l'Antiquité. Ce port aurait été progressivement envahi par les alluvions de la Chatrente. L'hypothèse est plausible : l'altitude minimum de Saintes est 2 mètres. Son altitude maximum est 81 mètres.




La légende d'Ys

Cette légende est très connue. Mais les versions de cette histoire sont très variées.

Nous estimons que tout légende recèle un substrat de vérité. Mais l'histoire réelle a été tellement commentée, enjolivée et orientée, qu'elle devient inaudible. Ainsi, concernant celle-ci, certains aspects apparaissent plausibles et d'autres ne le sont pas. Il est fort possible que durant l'Antiquité ou le Haut -Moyen-Âge, des digues aient été construites pour protéger des agglomérations. Il est même possible que ces digues aient été détruites par une forte tempête. De telles catastrophes ont pu marquer les esprits. Par contre, d'autres faits rapportés par la légende semblent moins probables. Comme par exemple la localisation de la ville d'Ys dans la baie de Douarnenez ? C'est à dire à l'Ouest. L'Ouest est réputé comme étant le royaume des Morts.

Nous avons voulu représenter sur l'image 22 une partie de la côte du Morbihan. Qui sait peut-être existe-t-il au fond d'une de ces rias aux contours très perturbés les restes d'une agglomération qui fut détruite par une tempête ? L'histoire de cette catastrophe aurait pu donner naissance à la légende de la ville d'Ys.

Les images 23 et 24 sont celles de la baie du Mont Saint-Michel ; on constate l 'absence des monuments dans cette région hormis le Mont Saint-Michel et le Mont-Dol. L'idée est que toute cette région était sous la mer à l'époque antique. Le Mont_Dol, actuellement entouré de terre, aurait été une île dans l'Antiquité.



L'estuaire de la Seine ( image 25)

L'estuaire de la Seine est un des exemples du phénomène de décalage progressif en direction de la mer des ports d'estuaire. À l'époque romaine, la localité de Lillebonne, ancienne Juliobonna, était un port d'estuaire (sous le drapeau vert situé à droite sur l'image 25). Ce port s'étant progressivement envasé, d'autres ports sont créés au Moyen-Âge, à Honfleur sur la rive gauche et Harfleur sur la rive droite. En 1517, suite à l'envasement du port d'Harfleur, le port du Havre est fondé par François Ier.




L'estuaire du Rhin (image 26)

Nous pensons que, comme pour la colonisation de l'Afrique au XIXesiècle, les fleuves ont joué un rôle très important dans la politique de colonisation par les Romains. Selon nous, la colonisation se serait d'abord effectuée par voie maritime. Les Romains, et avant eux les Grecs et les Carthaginois, commençaient par s'installer dans des ports d'embouchures (Bordeaux pour la Garonne, Nantes pour la Loire, Lillebonne pour la Seine, Londres pour la Tamise). Puis, petit à petit, ils remontaient les fleuves, d'abord comme marchands, puis comme guerriers. Quel était le port d'estuaire du Rhin ? À titre personnel, je l'ignore. Mais il devait y en avoir un. Il fallait en effet que la flotte romaine puisse intervenir rapidement en cas d'attaque des villes rhénanes (Cologne, Coblence, Strasbourg) ou mosellanes (Trèves, Metz) par les Germains.




Le Zuiderzee (images 27, 28, 29, 30)

Voici l'historique de ce grand lac extrait de la page de Wikipedia qui lui est dédiée :

« À l'époque romaine, le lac Flevo, dont les dimensions ne sont pas connues, occupe une partie de ce qui deviendra le Zuiderzee. Il est relié à la mer du Nord par une rivière ou peut-être un estuaire étroit, la Vlie, qui se situe entre les îles actuelles de Vlieland et Terschelling. Des dunes le protègent encore du grand large. Le Marsdiep est encore une petite rivière. Le nom de lac Almere est usité pendant le haut Moyen-Âge.

Au cours des siècles, l'eau douce d'origine devient saumâtre car l'influence des rivières s'amenuise. En 838, après une grande inondation, la mer gagne du terrain, selon deux sources, le récit de l'évêque français Prudence de Troyes et les Annales Xantenses. Puis pendant deux siècles la situation semble être restée stable. Mais après une série de tempêtes, le lac tend à devenir une mer intérieure, à cause d'un processus appelé le waterwolf. L'inondation de la Sainte Julienne en 1164, suivie d'inondations catastrophiques en 1212, 1214 et 1219 (inondation de la Saint Marcel), brisent les barrières naturelles ; en 1248 les dunes de Callantsoog sont emportées. Les inondations de 1282 brisent la connexion entre Texel et le continent. La désastreuse inondation de la Sainte-Lucie en 1287 fait des dizaines de milliers de morts, ce processus remodèle la région et finit par créer une étendue d'eau désormais appelée le Zuiderzee, littéralement la mer du Sud. Le lac est devenu un golfe ou une mer intérieure et ce jusqu'en 1932. »

Nous ne savons pas à quoi est dûe cette invasion marine sur les terres. Il y a bien sûr le phénomène dit de transgression marine, consistant en une montée des eaux depuis la dernière glaciation. Mais dans les autres cas, le Pô, le Rhône, la Garonne, la Loire, la Seine, cette montée des eaux marines a été très fortement compensée par de forts dépôts d'alluvions. Si bien qu'il y a eu une conquête de la mer par les terres plutôt que le contraire. Est-il possible que, dans le cas du Zuiderzee, il y ait eu dans la période Antique un changement du cours du Rhin ?