Monuments de Syrie
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Dans la page précédente concernant le Liban, nous avions
regretté le manque de monuments attribuables au Premier
Millénaire. On retrouve en Syrie le grand nombre d’édifices
que l’on avait rencontré en Arménie et en Géorgie. Ainsi sur
Wikipedia, la
page intitulée « Villages
antiques du Nord de la Syrie » répertorie 34
villages disparus durant le Premier Millénaire et possédant
des vestiges remarquables.
Malheureusement, la guerre qui ravage actuellement la Syrie
ne permet pas une visite approfondie de ces vestiges. Les
images suivantes permettront de comprendre leur intérêt.
Basilique
de Saint-Siméon-le-Stylite
On connaît l’histoire de Saint-Siméon-le-Stylite qui passa
une grande partie de sa vie juché sur une colonne (de l’an
417 à l’an 459).
La basilique fut construite entre 476 et 490. Elle est
composée de quatre nefs à trois vaisseaux disposées en croix
autour d’une cour octogonale au centre de laquelle s’élevait
la colonne du Saint (voir le plan en image
1).
L'image 4 du chevet de la basilique Saint-Siméon se révèle pour nous très intéressante. Nous aurons l’occasion d’en reparler d’ici peu.
La cité de Rusafa
Image 7 : Le site
en ruine de Rusafa (autres noms : Rassafa, Rassafé,
Russafé…) constitue l’ensemble chrétien le plus important de
Syrie. Lieu du martyre des saints Serge et Bacchus en 303,
puis lieu de pèlerinage des chrétiens, il abrite une mosquée
et cinq églises dont la basilique (cathédrale) Saint-Serge (images 5, 6,9). Cette
basilique aurait été consacrée en 559. Selon le Guide
Michelin de Syrie-Jordanie : « Trois
grandes arches limitaient les nefs de la basilique. Ce
dispositif un peu trop audacieux ne résista sans doute pas
aux tremblements de terre et il fallut le souligner par
des arcs subordonnés portés par des chapiteaux à feuilles
d’eau ». Cette explication assez difficilement
compréhensible témoigne d’un type de construction observé
dans plusieurs églises d’Europe du Nord (voir en
particulier sur ce site les images
10 et 11 d’Echternacht sur la page Monuments
de Belgique-Hollande-Luxembourg). Nous avions
initialement pensé que ce type de construction était
antérieur à l’an mille, estimation de datation en
contradiction avec la désormais classique « du XIesiècle
ou du XIIesiècle » . Mais nous avions estimé
qu’il s’agissait d’une construction dite « carolingienne »,
c’est à dire datée entre le VIIIeet le Xesiècle.
Une telle distorsion exige un réexamen des hypothèses. La cathédrale Saint-Serge de Rusafa semble nettement plus évoluée que la basilique de Saint-Siméon-le-Stylite, plus jeune de seulement une soixantaine d’années. Il est possible que la date de 559 corresponde à la consécration d’une autre église consacrée à Saint-Serge, désignée comme « Basilique B », première cathédrale du site . Ultérieurement, le siège épiscopal aurait été transféré à la cathédrale nouvellement construite, actuelle cathédrale Saint-Serge. Une telle hypothèse n’est pas à exclure. Le livre précédemment cité nous apprend que « durant la première moitié du VIIIesiècle, le calife omeyade Hisham fit de la ville sa résidence officielle ». On a tendance à s’imaginer que l’opposition entre les islamistes et les chrétiens a toujours était irréductible. Or cela n’a certainement pas été le cas durant les premiers temps de l’expansion arabe. Les conquérants arabes, minoritaires en nombre, avaient tout intérêt à se concilier avec les populations chrétiennes locales et à profiter des divisions de celles-ci avec Byzance. Il est donc fort possible que le calife Hisham ait accepté de nouvelles constructions d’églises chrétiennes près de la résidence officielle qu’il avait choisie. Constatons au moins que, s’il ne l’a pas fait, il a maintenu la présence de cinq églises chrétiennes sur son territoire, preuve d’une grande tolérance. Et il en a été de même pour ses successeurs jusqu’au XIIIesiècle, date de l’abandon du site.
La
basilique de Mouchabbak
Selon le Guide
Michelin Syrie-Jordanie, «
la basilique est un exemple bien conservé de
l’architecture chrétienne de la fin du Vesiècle.
Dont i l ne manque gue la charpente en bois… » (images 10, 11, 12
ci-dessus) .
La
basilique de Qalb Lozeh
Selon le Guide
Michelin Syrie-Jordanie : « l’église
de Qalb Lozeh (seconde moitié du Vesiècle)
est considérée comme une des plus importantes de Syrie par
ses innovations architecturales. Seuls son mur Nord et son
enceinte ont été démontés. La basilique est composée de
trois nefs (vaisseaux). A la différence d’autres églises
antérieures, la nef est limitée par trois grands arcs qui
reposent non pas sur des colonnes mais sur des piliers
rectangulaires. Elle était couverte d’une toiture en
charpente. La nef collatérale Sud a conservé son plafond
en épaisses dalles de calcaire… » (images
13, 14, 15, 16). Comme on le voit sur ce texte, les
archéologues syriens n’hésitent pas à rechercher les indices
d’une évolution dans l’architecture des églises de leur
pays.
La
basilique de Deir-al- Saleib
Selon le Guide
Michelin Syrie-Jordanie : «
l’église byzantine (Ve- VIesiècle)
entourée de figuiers a conservé une bonne partie de ses
murs en belle pierre beige et ocre. Son narthex est
précédé d’un atrium… » (images
17 et 18).
Autres édifices
(Rouweilha, Sergilla)
Les images suivantes de Rouweilha (image
19) et Serguilla (images
20 et 21) permettent de compléter cette page
concernant la Syrie, mais certainement pas l’inventaire du
patrimoine chrétien de Syrie. En effet, le nombre de «
villes mortes » situées au Nord d’Alep serait de l’ordre de
700. Même si la plupart d’entre elles ne sont que de simples
bourgades, il doit en rester beaucoup d’autres détenant des
vestiges dignes d’intérêt.
Selon une tradition solidement établie
chez les chercheurs, les églises de Syrie auraient permis de
servir de modèles à l’art préroman puis à l’art roman
européen.
La thèse est séduisante. Elle ne pêche que par un léger
défaut. C’est que les mêmes spécialistes placent le préroman
à partir de l’an 1000 alors que la construction des édifices
en Syrie aurait cessé 300 ans auparavant. Comment, dans ces
conditions, se seraient donc effectués la transition et le
transfert des techniques entre le Proche-Orient, supposé
évolué, et l’Europe occidentale, supposée inculte?
Notre thèse est que des édifices analogues à ceux de Syrie
(et ailleurs au Proche-Orient) existaient aussi au même
moment (c’est-à-dire, au cours du Premier Millénaire) en
Europe. Les architectes européens ne sont pas allés chercher
en Syrie les modèles qu’ils avaient sous les yeux. Les
techniques ont évolué simultanément dans ces deux contrées.
A partir du VIIIesiècle, des divergences
profondes entre les architectures de l’Europe occidentale et
du Proche-Orient auraient commencé à apparaître.
En conséquence de cette analyse, les vestiges de Syrie, que
nous venons tout juste de découvrir, constituent uns source
très importante en vue de dater bon nombre d’édifices
occidentaux. En effet, la plupart des monuments chrétiens
syriens sont datés et le VIIIe- IXesiècle
constitue une datation dite « post-quem ». Donc s’il existe
un monument d’Europe semblable à un monument syrien, on doit
pouvoir le dater.