La basilique de Bolnissi (ou Bolnisi) 

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Selon le Guide Touristique « Petit Futé » traitant de la Géorgie, « L’église de Sion de Bolnissi se trouve à l’écart de la ville, à 5km au Sud (laquelle ville est au Sud de Tbilissi)… Au Haut Moyen-Âge, la région était le cœur de la Basse Kartlie, un foyer de la civilisation géorgienne ; la petite basilique Bolnisi Sioni en est un témoignage émouvant. Elle contient la plus ancienne inscription en Géorgien qui soit parvenue jusqu’à nous. C’est également la plus grande basilique de cette époque encore debout et l’un des plus remarquables exemples d’architecture chrétienne primitive ; Bolnisi Sioni date de la fin du Vesiècle, époque de renforcement du christianisme en Géorgie sous le règne de Vakhtang Gorgassali. Son clocher date du XVIIesiècle. Elle est d’apparence simple et sobre, mais elle est fort large pour son époque. C’est une basilique à trois nefs et sans coupole et dont l’autel n’a pas de coupole. L’intérieur paraît monumental alors qu’il est fort petit en réalité. Sur le pilier à droite de l’autel, la fameuse croix de Bolnissi (sans doute une croix « pattée »). Sur le pilier de gauche, la fameuse inscription en géorgien … enfin une reproduction, parce que l’original a été amené au musée national ! Quoi qu’il en soit cette inscription daterait de 478-493. Elle mentione « l’évêque Daniel et le roi Péroz ». Les autres inscriptions gravées à l’intérieur de l’église (originales, elles) sont néanmoins de la même époque. Le reste de la décoration intérieure est prodigieux ; remarquons les formes géométriques et le bestiaire ; entre autres les gravures sur les colonnes représentant oiseaux et animaux, ainsi que le baptistère décoré d’un paon et de têtes de taureaux. »


Le livre, « Miroir de l’Invisible » de la collection Zodiaque confirme la datation 478-493 en ce qui concerne le linteau de fenêtre de l'image 11.

Par ailleurs, sur le même livre, on note le commentaire suivant : « Dans la Sion de Bolnissi, la solution des voûtes en demi-berceau rampant pour les bas-côtés et la décoration plastique (motifs à fleurs de lotus) suggèrent des points de contact avec l’Orient ».

Les voûtes en demi-berceau rampant se trouvent aussi en Occident. On verra par ailleurs un peu plus loin que ces voûtes ont été probablement installées bien après la construction initiale.

Par contre la décoration plastique se révèle effectivement très originale. Elle est peut être inspirée de l’Orient Mais peut-être aussi a-t-elle inspiré des motifs orientaux. Il faudrait être en mesure d’effectuer des comparaisons.

En tout cas le chapiteau (ou plutôt l’imposte) de l'image 5 présente des décors inusités : à droite des palmes et des fleurs de lotus, à gauche un quadrupède broutant une fleur. Il porte sur le dos une sorte de couronne (cheval solaire ?).

L’imposte de l'image 6 montre quant à elle, un oiseau s’envolant vers le ciel, à droite, et une fleur de lotus à gauche.

Les images 8 et 9 font apparaître des arcs nettement outrepassés.


On retrouve les motifs « orientalisants » sur d’autres impostes (images 17 et 18).

Mais on observe aussi des décors plus en rapport avec l’Occident : ce sont les « croix pattées ». De fait, ce n’est pas de l’Occident qu’il s’agit, mais du monde méditerranéen issu de l’antiquité romaine car de telles croix pattées existent un peu partout autour de la Méditerranée : on en a vu en Grèce, en Égypte, à Trèves en Allemagne, en Languedoc, en Espagne, en Bretagne, en Irlande.

Ici, à Bolnissi, elles sont nombreuses (images 2, 4, 11, 14, 28 et 30,). Celle de l'image 28 , aux branches moins évasées, est entourée de deux oiseaux affrontés (issus des « oiseaux au canthare », image caractéristique de l’antiquité romaine). La croix de l'image 11 est un peu différente. Les branches sont inégales et moins évasées. Les deux « racines » qui remontent du pied en s’écartant font penser à des motifs arméniens. Selon nous, sa datation doit être plus tardive que celle (478-493) évoquée ci–dessus faisant référence au livre « Miroir de l’Invisible ». Rappelons néanmoins que nous n’avons pas la compétence pour évaluer correctement cette datation.


Toujours est-il que l’existence de ces croix pattées confirme l’ancienneté de l’édifice. On estime, en Europe, que les croix pattées sont wisigothiques. Les croix pattées à branches égales très évasées seraient les plus anciennes, du IVeou Vesiècle.

Les arcs outrepassés donnent une autre confirmation d’une datation ancienne. Sans précision toutefois sur cette datation, car jusqu’à présent nous ne sommes pas arrivés à les dater. Mais ce serait plutôt le contraire, l’existence à Bolnissi de tels arcs outrepassés, qui permettrait d’envisager une datation du IVeou du Vesiècle pour les premiers arcs outrepassés connus dans le monde romain.

Les entablements ou bases des murs (images 13 et 19) constituent un autre indice. On sait en effet que les temples romains étaient édifiés sur des bases élargies par rapport aux murs.


Mais l’élément qui nous semble le plus déterminant est le plan de l’édifice (image 20). On constate sur ce plan que la partie centrale est celle d’une basilique à trois vaisseaux. C’est l’image caractéristique d ‘une basilique romaine des premiers siècles de notre ère. Seul problème : les piliers sont cruciformes (type R0101) et non simplement rectangulaires (type R0000). Mais on sait que cette particularité peut être due à des modifications ultérieures. Ce sont d’ailleurs de telles modifications effectuées ultérieurement que l’on observe (ou plutôt que l’on appréhende) dans l'image 26 : les arcs soutenant le vaisseau central sont brisés alors que ceux séparant la nef des bas-côtés sont en plein cintre, ce qui laisse penser que ces arcs brisés ont été installés après une première construction. Ce qui est confirmé dans l'image 25 : l’arc soutenant le vaisseau central recouvre en partie l’arc transverse, preuve que le premier est postérieur au second.

En conséquence de ces observations, on peut avancer l’idée que la basilique initiale du Vesiècle était à trois vaisseaux tous trois couverts d’un toit charpenté. Les murs gouttereaux du vaisseau central étaient portés par des piliers rectangulaires (de type R0000). Ultérieurement, vers le XIIIesiècle, on aurait décidé de voûter la nef et les collatéraux. A cette fin on aurait lancé des doubleaux brisés pour porter les éléments de la voûte centrale et des arcs en quart de rond pour soutenir les voûtes des bas-côtés. Mais, afin de supporter ces divers arcs, il a fallu plaquer des pilastres sur les murs des bas-côtés et sur les piliers centraux. Par l’adjonction de ces pilastres, les piliers centraux qui étaient rectangulaires (de type R0000) sont devenus cruciformes (R0101).


Un autre signe d’ancienneté est repérable dans le même plan (image 20). En effet, on observe sur ce plan que la basilique à trois vaisseaux est encadrée par deux galeries. Or on a déjà vu cela dans une des pages précédentes à Kourion (Chypre), et, dans une moindre mesure, à Paphos (Chypre). Sur le plan de l'image 7 de Kourion, on note une nef à trois vaisseaux encadrée de deux galeries et précédée d’un narthex (celui-ci n’existe pas à Bolnissi mais il faisait peut être partie de l’église initiale).

Concernant la basilique de Kourion, on a vu que ces galeries étaient probablement réservées aux catéchumènes, c’est à dire aux croyants en attente du baptême et qui n’avaient pas le droit d’assister aux célébrations.

Dans notre visite un peu rapide de cette église, nous n’avons pas pu voir le baptistère signalé ci-dessus. Il aurait été intéressant de connaître ses caractéristiques.



Conclusion

Conformément à ce qu’en disent les divers commentateurs, l’église de Bolnissi est un édifice exceptionnel datant, pour une grande partie, des premiers siècles de l’ère chrétienne. Selon nous, seul le couvrement en voûtes serait plus tardif, à partir du XIIIesiècle.

Notre seul regret est de constater que des églises analogues à Bolnissi existent en France et dans l’Europe de l’Ouest mais que, contre toute attente, les historiens de l’art persistent à les dater du XIeou XIIesiècle (c’est-à-dire plus de six siècles après Bolnissi !) sans fournir de raison valable pour un tel engouement.