Les deux églises de Santa Maria del Giudice : San Giovanni et Santa Maria Assunta 

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Dans cette page, nous étudierons les deux églises suivantes de Santa Maria del Giudice, que nous n'avons pas visitées : la piève San Giovanni, et l'église Santa Maria Assunta.  La plupart des images ci-dessous sont extraites de galeries d'Internet.



La piève San Giovanni de Santa Maria del Giudice

La page du site Internet Wikipédia consacrée à cette église nous apprend ceci :

« Histoire et description

La première mention de l’église paroissiale remonte à 918. L’édifice, qui se caractérise par une structure à trois nefs, avec une seule abside éclairée par trois fenêtres à une seule lancette, et, à l’intérieur, des colonnes surmontées de chapiteaux classiques, peut être daté des années 1160-1170, comme le confirme l’inscription sur l'architrave de la porte. La décoration du parement et le motif de la façade avec une double rangée de loggias aveugles rappellent les solutions décoratives d'origine pisane. Le clocher est peut-être plus ancien (XIe siècle).

En 1360, a eu lieu l’union entre l’église paroissiale susmentionnée et l'église de Santa Maria Assunta construite par la famille de Santa Maria del Giudice "Leone". Dans cette dernière, la construction des fonts baptismaux a été autorisée au XVIe siècle. À la fin de la construction de la nouvelle église, l’ancienne église paroissiale de San Giovanni Battista a été surnommée "Pieve Vecchia" par les villageois.
»


Notre analyse de cet édifice

Nous avons sélectionné cette église après la lecture d'une notice et de son plan (image 4) à partir du livre Toscane Romane de la collection Zodiaque. Les auteurs,
I. Moretti et R. Stepani, n'ayant pas précisé le nom de l'église (San Giovanni) nous avons cru à l'existence d'une seule église dédiée à Sainte Marie. La description et le plan correspondent à la description ci-dessus.

Si nous avions sélectionné cette église, c'est parce que nous envisagions une plus grande ancienneté que celle proposée par les auteurs. Voici ce qu'ils disent : «  Jadis suffragante de la piève de San'Ambrogio di Massa Pisana, l'église a ensuite acquis la dignité de piève et a ainsi eu le droit aux fonts baptismaux, selon toute probabilité dans les années même où elle fut reconstruite, ce qui a dû se produire entre 1160 et 1170, comme nous le fait savoir une inscription sur le linteau du portail de la façade. »

Nous reviendrons à la fin de cette page sur ces explications. Auparavant, contentons nous des remarques suivantes : les historiens ont tendance à privilégier l'écrit et à s'en référer exclusivement sans réflexion sur ses limites. Dans le cas présent, la date de 1160-1170 trouvée sur un linteau est la date de tout l'édifice (hormis le clocher de parement différent. Il est de plus décoré d'arcatures lombardes). Les auteurs ne se sont pas posé de question. Comme celle-ci : la date de 1160-1170 trouvée sur un linteau ne pourrait-elle pas être la date de pose de ce linteau en remplacement d'un autre brisé ? Ou la date de la construction de la façade ? Lorsqu'on observe tous les aménagements qui peuvent avoir été faits dans une maison d'habitation sur une durée de vie de 50 ans, on est obligé d'envisager tous ceux qui ont pu se produire dans une église sur une durée vingt fois plus grande.


Les éléments d'architecture de cette église sont caractéristiques d'une église très ancienne à plan basilical directement issu des premières basiliques chrétiennes : nef à trois vaisseaux charpentés, le vaisseau central étant surhaussé par rapport aux collatéraux, vaisseau central porté par des colonnes cylindriques monolithes (hormis les piliers de la travée voisine du sanctuaire qui sont à section rectangulaire), absence de transept, une seule abside semi-circulaire.,

Nous estimons qu'en architecture un style est caractéristique d'une période, et des techniques de construction, des croyances, des mises en pratique des idées religieuses ou civiles au cours de cette période. Cette église est réellement antérieure XIIe siècle. Si elle avait été construite vers la fin du XIIe siècle, il y aurait un transept haut et débordant, la nef serait entièrement voûtée et les piliers seraient cruciformes.

La haute ancienneté n'empêche pas qu'il a pu y avoir des modifications au cours du temps. Ainsi, le chapiteau de droite de l'image 9 (qui est peut-être celui de l'image 11) a très probablement remplacé un chapiteau précédent : à l'origine, toutes les colonnes et chapiteaux devaient être semblables. Il doit être possible en comparant les piliers et chapiteaux de retrouver des structures non remplacées appartenant à la construction primitive.

Datation envisagée pour la piève San Giovanni de Santa Maria del Giudice : an 750 avec un écart de 150 ans.




L'église Santa Maria Assunta de Santa Maria del Giudice

La page du site Internet Wikipédia consacrée à cette église nous apprend ceci :

« Histoire et description

L’église date d'environ 1166. Dans la division de la façade en une double rangée d'arcs, qui s'étendent également le long des murs latéraux, le bâtiment se reflète dans la culture architecturale de l'art roman pisan dans la variante de Lucques. L'utilisation généralisée de blocs équarris de marbre de San Giuliano dans le revêtement mural se réfère cependant aux pratiques de construction expérimentées dans la cathédrale de Pise, qui se retrouvent également dans le tympan à colonnettes et dans les éléments incrustés de la façade.

En 1360, l’église de S. Maria Assunta, construite par la famille de Santa Maria del Giudice "Leone", a été unie à l’église paroissiale de San Giovanni, qui, au XVIe siècle, a également perdu sa fonction de baptistère, prenant le surnom de "Pieve Vecchia" parmi les villageois.

Le clocher plus tardif, à base octogonale, posé sur l’abside semi-circulaire, est unique.
»


Notre analyse de cet édifice

Cette église est surprenante, car elle semble être une copie conforme de la précédente (hormis la position des clochers, mais nous avons vu ces clochers être plus récents et donc non prévus dans le plan initial). Cette ressemblance apparaît même dans l'implantation des piliers. Dans les deux cas, tous les piliers sont cylindriques et monolithes, sauf ceux de la travée la plus proche du chœur. Cette ressemblance invite à la réflexion. En effet, on pourrait penser au vu du premier édifice que la présence de piliers rectangulaires à côté de piliers cylindriques est un phénomène purement accidentel : à l'occasion d'une réparation sur une colonne cylindrique, ne disposant pas de colonne monolithe, on a remplacé la colonne déficiente par un pilier rectangulaire. Mais ici ce n'est pas une colonne, mais quatre (une paire de piliers, une paire de pilastres adossés à la paroi Est). Et ce, pour chaque église, aux mêmes emplacements. Ce ne peut être le fruit du hasard. Nous pensons que ces piliers rectangulaires devraient définir un espace particulier, une sorte de croisée de transept avant l'existence du transept.

En ce qui concerne la datation, nous reprenons la même argumentation donnée pour la précédente église.

Datation envisagée pour l'église Santa Maria Assunta de Santa Maria del Giudice : an 750 avec un écart de 150 ans.


En conclusion de cette page, des constatations surprenantes

Revenons à notre surprise du début : nous pensions être en présence d'une seule église. Mais il y en avait deux !

Autre surprise, celle-ci excellente : une des églises est dédiée à Saint Jean-Baptiste, l'autre à Notre-Dame de l'Assomption. En quoi cela est-il excellent ? Au cours de nos recherches, nous avons appris l'existence, durant le premier millénaire de « groupes cathédraux », groupes de plusieurs églises dont l'une est la cathédrale dédiée à Notre-Dame de l'Assomption et l'autre est le baptistère dédié à Saint Jean-Baptiste, et d'autres églises éventuelles. Nous avions par ailleurs envisagé que les pièves, églises paroissiales de paroisses relativement importantes (avec au moins une dizaine d'églises suffragantes) pouvaient être aux premiers temps chrétiens gérées par des évêques ou du moins des célébrants assimilés comme tels, chargés d'évangéliser le bas peuple (le mot « piève » vient de « plebs = peuple»).

Nouvelle surprise : dans un groupe cathédral, il y a bien plusieurs églises mais elles sont proches les unes des autres. Ce qui n'est pas le cas ici : sur l'image 1, les deux églises apparaissent ; Santa Maria Assunta est à gauche, San Giovanni, à droite, nettement séparées l'une de l'autre.

La dernière surprise se trouve dans les explications un peu brouillonnes concernant les fonts baptismaux.

Mais ces explications pourraient peut-être permettre de comprendre ce qui s'est passé. Il y aurait eu à l'origine deux églises. Mais peut-être à cause de l'appartenance à deux peuples différents, voire ennemis, elles étaient séparées l(une de l'autre. Les fonts baptismaux se trouvaient dans l'une d'elles (image 10). Dans ces fonts baptismaux, de forme octogonale, on pratiquait le baptême par immersion (signe d'ancienneté). Probablement, il a dû y avoir des disputes entre communautés pour déterminer dans quelle église devait présider l'évêque et où l'on devait baptiser. Santa Maria Assunta ayant eu l'autorisation de baptiser, on a donc construit des fonts baptismaux. Question à 1 euro : Où donc ? Réponse qui nous semble évidente : le chœur. La tour octogonale installée sur le chœur serait construite sur les fonts baptismaux (image 18).