L'abbatiale Sant'Antimo de Sant'Antimo
Nous n'avons pas visité cette abbatiale,
raison pour laquelle la plupart des images de cette page
sont extraites d'Internet.
La page du site Internet Wikipédia consacrée à cette église
nous apprend ceci (extraits) :
« Histoire
D'après la légende, elle fut fondée par Charlemagne. On
sait que le monastère existait déjà en l'an 813, car il
est mentionné dans un acte de Louis le Pieux. Toutefois,
l'abbaye atteint son apogée au XIIe siècle avec
la construction de l'église de style cistercien
bourguignon, peut-être à la suite de la donation du comte
Bernardo en 1118. La construction de la grande église est
attribuée au moine Azzo Dei Porcari, auquel est dédiée une
inscription sur la façade : Egregiae fuit aucto
previus aulae atque libens operis portavit pondera tanti.
Description
Son campanile, à base carrée, est particulièrement visible
dans le paysage, contrastant avec les rondeurs
cylindriques de l'abside et des chapelles rayonnantes.
La toiture de l'église ayant été refaite sous le
pontificat de Pie II (1458-1464), la nef est couverte
d'une charpente en bois ornée des croissants d'or du
blason de la famille Piccolomini.
La nef est séparée de chacun des bas-côtés par deux séries
de quatre travées à arcs en plein-cintre soutenues par des
colonnes monolithes, les deux séries étant délimitées par
un pilier cruciforme. Les bas-côtés sont couverts d'une
voûte d'ogives et abritent diverses œuvres d'art. »
Ajoutons à ce texte des extraits du livre Toscane
romane, de I. Moretti et R. Stepani : «
Il est de toute façon certain que le monastère existait en
813, année où l'abbé Apollinaire reçut un acte de Louis le
Pieux, le plus ancien document consacré se rapportant à
l'abbaye. Cependant, des actes postérieurs, l'un de
Bérenger et Adalbert de 951, et l'autre de Henri III en
1051, semblent prouver que le premier diplôme impérial en
faveur de l'abbaye ait été de Charlemagne lui-même.
[...] ». Et un peu plus loin :
« Comme
nous l'avons indiqué, à côté de l'imposante église romane
de l'abbaye de Sant'Antimo, demeure la petite église
primitive du Haut-Moyen-Âge, dite "chapelle
carolingienne". Il s'agite d'un modeste édifice à une
seule nef rectangulaire et une abside semi-circulaire,
accolée au côté droit de la grande église au commencement
du déambulatoire. […] (image
4 et plan de l'image
15).
La chapelle carolingienne devait être particulièrement
riche en éléments décoratifs, à s'en tenir aux nombreuses
pièces sculptées, dont certaines encore en place. […]
»
Petit
retour à l'histoire des abbayes cisterciennes
Aux tous débuts de notre recherche sur les édifices du
premier millénaire, nous avons exclu d'emblée les abbayes
cisterciennes. Pour nous, la raison était simple : elles ne
dataient pas du premier millénaire mais du second. L'ordre
cistercien a été créé à partir de la fondation de l'abbaye
de Cîteaux en 1098. Et donc après l'an mille. La question
semblait donc réglée. Sachant que le développement de
l'ordre cistercien a été très rapide et étendu à toute
l'Europe, toutes les abbatiales cisterciennes devaient dater
du XIIe siècle. Mais en visitant certaines
d'entre elles, nous avons réalisé que ce n'était peut-être
pas le cas, que certaines étaient gothiques du XIVe
siècle et d'autres pouvaient contenir des éléments romans du
XIe siècle. Au fur et à mesure, nous avons
réalisé qu'une fondation ne coïncidait pas forcément avec
une construction : une communauté ayant adopté la règle
cistercienne au XIIe siècle pouvait être logée
dans des bâtiments construits trois siècles auparavant. Une
autre communauté ayant elle-aussi adopté la règle
cistercienne au XIIe siècle pouvait s'être
enrichie au cours des siècles et construire une grande
abbatiale trois siècles après la fondation.
Les textes que nous avons ici confirment cette idée :
l'abbaye existait avant la fondation cistercienne.
Notre analyse de
l'architecture de cet édifice
Les textes dont nous avons publié des extraits ci-dessus
insistent plus particulièrement sur la chapelle «
carolingienne », semblant lui attribuer tout ce qui concerne
la plus grande ancienneté de l'abbaye. Quant à l'abbatiale,
elle daterait du XIIe siècle. Nous pensons que
l'histoire de la construction est nettement plus complexe.
Examinons tout d'abord
le campanile
(images 3, 5 et 7).
Il est décoré d'arcatures lombardes de première génération
(datation probable du XIe siècle). La principale
remarque que l'on doit faire à son sujet : c'est le seul
corps de bâtiment ainsi décoré. Les autres ne le sont pas.
D'où l'idée que ce campanile a été construit indépendamment
du reste, à une autre période.
Passons à la façade
Nord (image 5).
On repère au premier plan le mur extérieur du collatéral
Nord et en arrière-plan le mur gouttereau Nord du vaisseau
central. Sur le mur extérieur Nord, une ligne horizontale
sépare deux parements de maçonnerie distincts : blanc en
dessous, marron au-dessus. Mais il y a plus ! Dans la partie
basse, en blanc, on repère la présence de pilastres ou de
colonnes demi-cylindriques installés sur des bahuts de
maçonnerie. Ces colonnes sont arrêtées à la maçonnerie
marron. Et ce n'est pas fini ! Car le mur gouttereau Nord
situé au-dessus porte aussi des pilastres. Ceux-ci devraient
logiquement se situer dans la continuité des pilastres
inférieurs. Ce n'est pas le cas ! On devine donc qu'il y a
eu là diverses étapes de constructions ou de modifications
de l'état initial. Il est possible que les tribunes visibles
à l'intérieur ne faisaient pas l'objet du projet initial. Si
elles ont été construites ultérieurement, cela expliquerait
les différences de parement et le non alignement des
pilastres. Bien que ce ne soit pas visible sur les images
que l'on a ici, les mêmes anomalies se retrouvent sur la
façade Sud. Cette symétrie de composition signifierait selon
nous que le projet de modification du plan original (pour
aménager des tribunes ?) a été mûrement réfléchi, autant que
le projet initial.
Venons en aux deux plans (images
15 et 16).
L'auteur du texte de Wikipédia nous parle de « deux
séries de quatre travées... délimitées
par un pilier cruciforme. ». Mais sur le plan de l'image 15,
nous voyons plus que cela : à gauche, un groupe de
six travées de nef, et, à droite, un autre groupe de trois
travées, la largeur du premier groupe étant plus grande que
celle du second. En fait, on est en présence de deux nefs
successives. Et là encore, on peut envisager qu'il y a eu
deux étapes différentes de travaux. Le plan de l'image
16 introduit une nouvelle partition liée à la
différence au niveau des tribunes.
Le chevet à
déambulatoire (image
3). Les divers auteurs signalent que les chevets à
déambulatoire sont rares en Italie. Nous pensons qu'ils ont
été créés à partir de l'an 1100 principalement en Europe du
Nord. Plusieurs raisons peuvent expliquer le fait qu'il y en
ait peu en Italie : manque de moyens financiers, existence
de chevets précédents, pratiques liturgiques ou
administratives différentes.
Les diverses observations que nous venons de faire
permettent de constater qu'il y a eu plusieurs étapes
différentes de travaux. Certaines modifications ont pu être
effectuées simultanément. Mais pas toutes. Il faut
comprendre que chacune de ces modifications a un coût. Ce
coût doit être évalué, discuté et réglé. En architecture, on
ne change pas de bâtiment comme on change de chemise.
Cinquante ans peuvent séparer deux modifications
successives. Compte tenu du nombre des modifications de
l'architecture que nous avons observées, nous sommes
pratiquement certains que tout ne date pas du XIIe
siècle. Il y a des parties (autres que la chapelle
carolingienne) antérieures à cette date.
Image
6 : Linteau à entrelacs dit « carolingiens ».
Remarquer à droite le masque animal mordant l'entrelacs.
Images 8 et 9.
Remarquer que l'arc du porche empiète sur le linteau : le
porche a été probablement construit après pour protéger
l'entrée. C'est un arbre de vie qui est représenté sur le
linteau ; son feuillage est différent de ce que l'on voit
habituellement.
Image 10. Nous
avons hésité sur la définition de cette représentation :
Est-ce un centaure ? Un griffon ? Une chimère ? Nous avons
opté pour la chimère ; dans la tradition antique, la chimère
a un corps de lion et, sur ce corps, une tête de serpent
tournée en sens inverse. Ici c'est un oiseau.
Image 11 :
Représentation d'une Vierge à l'Enfant au corps très
longiligne. Avec à droite et de bas en haut, un oiseau aux
ailes déployées, un ange, un saint.
Images 12 et 13 :
De part et d'autre du portail, deux piédroits décorés
d'entrelacs. Sur le linteau, au centre, deux aigles
impériaux, avec, de part et d'autre, deux griffons
symétriques, puis deux hybrides à avant-train de fauve et
arrière-train de serpent. Nous ne comprenons pas la
signification de ces représentations.
Poursuivons la lecture du texte de
Wikipédia :
« Bien
que la nef soit très dépouillée, les colonnes sont ornées
de superbes chapiteaux. L'un d'eux, Daniel dans la fosse
aux lions, est une œuvre attribuée au sculpteur français
surnommé le Maître de Cabestany, qui a vécu dans la
seconde moitié du XIIe siècle. Ici, dans un
espace très réduit, l'artiste est parvenu à assembler et à
sculpter toutes les scènes principales de cet épisode de
la Bible, relaté au chapitre VI du Livre de Daniel.
[...] »
Image 23 : C'est
le chapiteau décrit ci-dessus. Nous avons déjà eu l'occasion
de parler du Maître de Cabestany. En particulier sur la
page concernant l'abbaye de Saint-Papoul
(Aude/Occitanie/France). Sur l'image
5 de cette page, on peut voir une autre
représentation de « Daniel dans la fosse aux lions ». Bien
que les personnages soient presque les mêmes, le style nous
semble un peu différent En particulier, au niveau des
proportions : la tête du Daniel de Saint-Papoul est
démesurée par rapport à son corps. La sculpture de
Sant'Antimo semble être plus proche du style gothique que
celle de Saint-Papoul.
Image 24 : Autre
représentation longiligne de Vierge à l'Enfant. Comme pour
les Vierges romanes, l'Enfant est représenté sous les traits
d'un adolescent, presque un adulte. Remarquer que, alors que
la Vierge est couronnée, l'Enfant ne l'est pas. Nous avons
évoqué l'idée que l'Enfant pourrait ne pas être le Christ
mais l'évêque du lieu présenté par la Vierge comme son
successeur sur le trône épiscopal. Mais dira-t-on ? Ici
c'est une abbaye, pas un évêché ! Qui nous dit qu'il n'y a
pas eu auparavant un évêché ?
Datation
envisagée pour l'abbatiale Sant'Antimo de
Sant'Antimo : an 1050 avec un écart de 100 ans.
Remarque :
nous ne tenons pas compte de la « chapelle carolingienne »
ayant précédé cette abbatiale.