La chiesa di San Platano de Villaspeciosa
L'étude de la la chiesa di San Platano de Villaspeciosa sera suivie d'un paragraphe de conclusions à l'étude des monuments de Sardaigne.
La chiesa
di San Platano de Villaspeciosa
Nous n'avons pas visité cette église. Les images ci-après
ont été recueillies sur Internet.
La page du site Internet Wikipédia relative à cette église
nous apprend ceci :
« Historique :
Il n’y a pas de documents qui rapportent l’époque de
construction de l'édifice. L'hypothèse d'une construction
autour du deuxième quart du XIIe siècle a été
émise par des érudits. Un bien désigné par Sancti Platani,
à emplacement inconnu et peut-être identifiable avec le
San Platano de Villaspeciosa, est évoqué parmi les
possessions des moines bénédictins de l'abbaye
Saint-Victor de Marseille en 1141. »
Commentaire
Que signifie « autour
du deuxième quart du XIIe siècle » ?
L'an 1135 avec une marge d'erreur. Mais une marge d'erreur
de combien d'années ? 25 ans ? 50 ans ? 100 ans ?
Ce n'est pas la première fois qu'est mentionnée l'abbaye
Saint-Victor de Marseille concernant la Sardaigne (cependant
on n'est pas sûr que, dans le cas présent, l'église San
Platano soit une possession victorine). Ces liens entre
l'abbaye Saint-Victor de Marseille et des églises de
Sardaigne, mais aussi avec d'autres églises fort éloignées
de Marseille, commencent à poser question. Y aurait-il des
détails que nous aurions oubliés ? C'est bien le cas. Il y a
tout d'abord le fait que Marseille a été une colonie
grecque. Elle devait être à l'époque antique en liens
étroits avec d'autres colonies grecques comme Antibes, Agde,
Ampurias et sans doute d'autres encore en Sardaigne. Ces
liens ont pu subsister pendant une longue durée. Il y a
aussi le fait que Marseille est située en Provence qui a
vécu sous la protection de l'empire romain, alors installé à
Ravenne ou à Byzance. Et il peut y avoir aussi conjonction
des deux faits précédents, l'appartenance à une même
communauté grecque entraînant l'affiliation à Byzance.
Étude architecturale
Nous avons choisi d'étudier cet édifice principalement à
cause de son architecture très particulière. Il s'agirait
selon nous d'une sorte d'église « jumelée » : deux églises
semblables accolées comme des jumeaux siamois. Nous n'avons
pas d'image de l'intérieur, qui devait primitivement avoir
deux vaisseaux, mais les vues de l'extérieur
– deux portes identiques sur la façade Ouest (image
1), deux absides presque identiques sur la façade
Est (images 3 et 4)
– permettent d'envisager sérieusement cette hypothèse. Ce
type d'église est rare. Déjà il n'est pas fréquent de
rencontrer des nefs à deux vaisseaux. Mais dans la plupart
des cas que nous connaissons, il s'agit soit de nefs à un
vaisseau que l'on a agrandies en accolant un vaisseau
supplémentaire, soit de nefs à trois vaisseaux dans
lesquelles on a supprimé un collatéral. Le cas de deux
vaisseaux identiques prolongés par des absides identiques
est donc très rare et doit être étudié, même si à la fin
l'édifice se révèle postérieur à l'an mille.
Décrivons quelques images :
Image 2 : Décor
de la partie supérieure de la façade Ouest. Deux oculi
polychromes sont représentés.
Images 6 et 7 :
Décor du chevet. C'est le décor dit « d'arcatures lombardes
». Sauf que ce sont des fausses arcatures lombardes. D'une
part, il doit y avoir des frises d'arcatures qui, à
intervalles réguliers, doivent retomber sur des pilastres ou
lésènes par l'intermédiaire de chapiteaux. On remarque que
ce n'est pas le cas, au moins pour l'image
6 et, pour l'image
7, il n'y
a pas continuité de style et de matériau entre l'arcature et
les chapiteaux. On envisage donc qu'il y a eu succession de
deux étapes de travaux, la pose des arcatures faisant partie
de la seconde étape. Quant aux « arcatures lombardes », ce
ne sont pas de vrais arcs, mais des blocs
parallélépipédiques surcreusés en forme d'arc (image
6).
Image 8 : Dalle
en marbre située au centre de la façade Ouest. Elle est
décorée d'entrelacs et de fleurs à quatre pétales. Les
entrelacs sont de type « carolingien ».
Image 9 :
Mosaïque romaine. Ce serait la mosaïque de San Chromatius,
lieu situé à proximité immédiate de la chapelle. Elle est
décorée de canthares.
Datation
envisagée pour la chiesa di San Platano de
Villaspeciosa : an 1125 avec un écart de 75 ans.
Conclusions
à l'étude des monuments de Sardaigne
Nous avons dans les pages précédentes étudié 33 églises de
Sardaigne. Ces églises peuvent être rattachées à un très
petit nombre de modèles. Il y a d'abord le modèle
1 le plus fréquent :
Modèle 1 des églises à nef
triple charpentée (parfois à collatéraux voûtés) dépourvues de transept
(17 églises). L'ensemble de ces édifices peut être partagé
en deux : ceux dont le vaisseau central est porté par des piliers cylindriques :
Santa
Maria del Regno d'Ardara, San Saturnino de Cagliari, San
Simplicio d'Olbia, Santa Giusta d'Oristano, San Antioco di
Bisarcio d'Ozieri, San Gavino de Porto Torres, Santa Maria
di Monserrato de Tratalia, Santa Maria d'Uta. Ceux
dont le vaisseau central est porté par des piliers
rectangulaires : Sainte-Marie
de Bonarcado, Notre-Dame de Bonaccattu (ultérieurement
voûtée à l'époque pisane),
San Pietro Extra Muros de Bosa, San Giovanni di Sinis de
Cabras, Santa Maria Assunta de Gadoni, San Pietro de
Galtelli, San Giovanni Battista d'Orotelli, Sant'Efisio
Martire di Nora de Pula, San Nicola di Silanos de Sedini.
Modèle 2 des églises à nef
unique charpentée munies d'un transept bas (plan en forme
de T) (4 églises) : San
Nicola d'Ottana, San Michele di Salvenero de Ploaghe,
Santissima Trinita de Saccargia, Nostra Signora de Tergu.
Modèle 3 dés églises à nef
unique et plan en forme de croix grecque (3
églises) : Notre-Dame
de Bonaccattu, Santa Maria Iscalas de Cossoine, Oratorio
delle Anime de Massama.
Modèle 4 des
églises à nef unique dépourvues de transept (3
églises) : Santa
Maria Assunta de Lunamatrona, San Nicolas di Trullas de
Semestene, San Ranieri de Villamassargia.
Groupe 6 des églises à éléments caractéristiques non définis (manque de plan, accumulation de constructions...) (4 églises) : San Salvatore à San Salvatore di Sinis, San Pietro in Silki de Sassari, Santa Sabina de Silanus, Santa Maria di Bubalis de Siligo.
Petits commentaires sur ces divers modèles
Le modèle 1 est presque identique à celui d'un grand nombre d'édifices de notre site. Mais dans le cas présent, il y a une particularité que l'on ne retrouve pas forcément ailleurs : l'absence de transept. En effet, dans de nombreuses églises du continent, on retrouve les mêmes caractéristiques qu'ici mais il y a un transept. Deux explications à cela : une plus grande ancienneté des églises de Sardaigne qui auraient été construites avant l'invention du transept. Autre explication : des différences culturelles. Le transept aurait été inventé pour trouver une solution à un problème : les constructeurs de Sardaigne auraient trouvé une autre solution.
Le modèle 2 est aussi présent sur le continent. Nous pensons qu'il est postérieur au modèle 1. En ce qui concerne le modèle 3, le plan en croix grecque (aux branches égales) n'est pas toujours respecté. Et ce, à la différence de certaines églises du monde orthodoxe. Il est possible qu'initialement, le plan de la nef ait été rectangulaire et que es deux ailes aient été ajoutées après transformation du plan rectangulaire en plan cruciforme. Si bien qu'on ne peut être sûr du caractère « byzantin » de ces églises. Et il en est de même pour certaines églises du groupe 6 qui ont pu être identifiées à tort comme étant « byzantines ».
Le modèle 4, présent partout en Europe, est difficilement datable à cause de sa trop grande simplicité. Le modèle 5 est quant à lui très rare. Surtout quand les deux parties jumelles (nef et abside) sont parfaitement identiques, montrant que cette disposition est intentionnelle. Nous avons identifié d'autres églises doubles comme celles-ci, dans les Pyrénées-Orientales et en Corse.
Conclusions
Comme la plupart des grandes îles, la Sardaigne présente des singularités. Cependant, on ne peut pas parler d'une grande originalité qui autorise de la distinguer d'une autre région. Ainsi on ne peut pas parler « d'art roman sarde ». Pas plus d'ailleurs que l'on ne peut parler « d'art roman corse» ou « d'art roman languedocien ». Les églises du modèle 1 sont fondamentalement différentes des églises du modèle 2. Par contre, pour chacun des deux modèles, on observe des ressemblance avec des églises de Corse ou d'Italie. À plusieurs reprises, nous avons appris que des édifices de Sardaigne dépendaient de l'abbaye Saint-Victor de Marseille. Il serait peut être profitable d'effectuer des comparaisons entre ces églises et des églises provençales. Cependant, jusqu'à présent, nous n'avons pas constaté de fortes similitudes. Par ailleurs, nous avons déjà dit que l’influence byzantine n'est pas certaine. Quant à une influence arabe, nous n'en avons pas vu de trace. En tout cas, pas du genre de celle que nous observerons pour la Sicile, prochaine région étudiée.