Église paroissiale de Saint-Béat
L’église de Saint-Béat a été visitée en
août 2004, il y a donc 12 ans. C’est-à-dire à une période au
cours de laquelle nous n’avions pas encore envisagé que
certains édifices pouvaient être beaucoup plus anciens que
ce que l’on croyait.
Cette église a été, pour nous, redécouverte à l’occasion de
l’ouverture de ce site (début 2016) à partir des rares
photos prises à ce moment-là.
Nous n’aurons sans doute pas l’occasion de revenir à
Saint-Béat car - nous en sommes certains - il existe encore
beaucoup d’édifices attribuables au Premier Millénaire à
redécouvrir ailleurs. Aussi, il serait bon qu’un ou
plusieurs historiens locaux, intéressés aux vieilles pierres
de leur région, prennent le relais de notre recherche en
tenant compte des arguments que nous avançons.
L'image
1 est celle du chevet de l’église. Ce chevet est
formé de trois absides accolées. Il n’y a pas de transept.
Le volume semble être celui, classique, des basiliques
romaines à trois vaisseaux charpentés. Il diffère cependant
au niveau des toits : dans les basiliques romaines, le toit
à double pente du vaisseau central est en décrochement par
rapport aux toits des collatéraux. Ici, les trois vaisseaux
sont recouverts par un seul toit à double pente. On note
cependant que les toits ont pu être refaits. Par ailleurs,
il semble que l’abside centrale ait été rehaussée de plus de
1, 5 m.
Sur l'image 2, la
baie apparaît disproportionnée. Normalement haute pour une
entrée d’apparat, elle semble trop étroite pour une telle
entrée. Il est donc possible que ce ne soit pas l’entrée
primitive et qu’elle ait été percée ultérieurement. Dans un
tel cas, la largeur de l’entrée aurait été conditionnée par
l’emploi, ou plutôt le réemploi du tympan, qui semble
ancien. Nous pensons en effet que les premiers tympans
étaient de petites dimensions.
Celui-ci (image 3)
contient la représentation de Jésus Christ entouré des
symboles des 4 évangélistes. À remarquer que le Christ est
encadré par deux colonnes et non entouré par une « mandorle
» en forme d’amande. Cette absence de mandorle pourrait
confirmer l’ancienneté du tympan (Cependant, nous ignorons
quand a été introduite l’image de la mandorle).
Le tympan est probablement nettement plus ancien que les
chapiteaux de ce portail (images
4 et 5) dont l’un au moins, le chapiteau du «
Baiser de Judas », pourrait dater de la fin XIe-
début XIIesiècle.
Le tympan est-il pour autant antérieur à l’an 1000 ? En
l’état actuel de nos connaissances, il est difficile de
trancher.
Mais l’information essentielle ne se
trouve pas dans le tympan. Elle se situe à l’intérieur de
l’édifice (images 6 et 7)
.
On vérifie que la nef est bien à 3 vaisseaux. Le vaisseau
central est voûté en plein cintre, voûte lancée sur
des arcs doubleaux en plein cintre. Cette particularité
permet d’établir que l’installation des voûtes doit au moins
remonter au XIesiècle ou, à la limite, aux débuts
du XIIesiècle. Plus tard en effet, le voûtement
se fera en berceau brisé.
Mais il y a plus ! Observons les piliers : ils sont de type
R0001 (selon notre
propre nomenclature : pour une meilleure compréhension de
cette nomenclature, consulter sur ce site la page Datation/Glossaire
des termes techniques/Analyse des piliers).
L’évolution des piliers doit faire l’objet d’une page de ce
site. Cette page expliquera pour quelles raisons il y a eu
évolution des piliers et passage progressif d’un pilier de
type R0000 à un
pilier R1010, puis
R1110 et enfin R1111.
Dans cette nomenclature, un pilier de type
R0001 constitue une sorte d’ectoplasme. Quelque
chose qui n’aurait pas dû se produire. Mais que l’on peut
expliquer aisément.
Dans un premier temps, l’église n’était pas voûtée mais
charpentée. Elle avait la forme des basiliques romaines
décrites plus haut. Les piliers étaient à section carrée.
Donc de type R0000.
Pour des raisons que nous ignorons, il a été décidé de la
voûter.
Les architectes ont d’abord décidé de rabaisser les murs du
vaisseau central, ce qui a eu pour effet de supprimer les
fenêtres supérieures qui éclairaient la nef. Puis ils ont
décidé d’utiliser les voûtes des bas-côtés pour contrebuter
la voûte du vaisseau principal. Enfin, ils ont décidé de
lancer la voûte du vaisseau principal. Mais avant cela, ils
ont eu l’idée de lancer des arcades appelées doubleaux qui
allaient permettre de soulager la voûte. Seulement, ces
doubleaux, il fallait les soutenir eux aussi ! Ils ont alors
l’idée d’accoler aux piliers quadrangulaires des colonnes
demi-cylindriques qui, par le jeu des chapiteaux et des
doubleaux, soutiendraient la voûte . En conséquence, la
forme même du pilier changeait : de type R0000,
il passait au type R0001.
Et c’est probablement ce qui a dû se passer : l’église qui
était charpentée a été voûtée, grâce à l’adjonction des
colonnes demi-cylindriques et des doubleaux.
Mais alors, cette église doit être bien antérieure au XIesiècle
? Nous en sommes persuadés.
De quand date-t-elle ? Il faudrait faire une analyse
beaucoup plus approfondie sur le terrain, mais à partir de
ces seules photographies, nous estimons qu‘elle fait partie
du groupe très restreint des églises de modèle «
Saint-Aphrodise de Béziers » (piliers de type R0000
avec impostes à saillies dans toutes les directions),
attribué au Veou VIesiècle de notre
ère.
En 2004, nous avions eu l’heureuse idée de photographier
quelques impostes (images
8 et 9). Ces impostes constituent le seul élément
sculpté de ce type d’église. D’où leur intérêt dans une
perspective de datation.
Une
nouvelle visite en juin 2022
Nous sommes revenus à Saint-Béat en juin 2022 pour une
visite rapide. Nous n'avons que peu de modifications à faire
sur la précédente évaluation.
Sur l'image 11, on peut voir à droite
et en bas, un pilastre surmonté d'une imposte. Nous pensons
que c'est là que s'arrêtait le faîte du mur extérieur.
Celui-ci a donc été surélevé.
Nous avions appelé sans doute à tort, le chapiteau de gauche
de l'image 12,
chapiteau du « baiser de Judas ». Il semblerait qu'il y ait
deux scènes : à gauche, l’Annonciation, et, à droite, la
Visitation.
Les images 13, 14 et 15 entrent
en complément de celles vues précédemment.
Les images
16 et 17 montrent divers types de décors
d'impostes. Sur les images
18 et 19, on
constate que la pose de colonnes demi-cylindriques et de
chapiteaux effectuée afin de soutenir les arcs doubleaux de
la voûte centrale a endommagé les impostes. L'image
20 de l'absidiole Sud et l'image
21 d'un détail de cette absidiole, concernant le
chapiteau gauche de l'arc triomphal, montrent que ce
chapiteau a endommage l'imposte voisine. Cela signifie que
l'absidiole a été construite après la nef.
L'église primitive devait être constituée d'une nef
charpentée à 3 vaisseaux. Il devait y avoir une seule abside
en prolongement du vaisseau central.
Datation envisagée
pour cette église : an 800 avec un écart de 200 ans.