Analyse des piliers 

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Tout le monde connaît la signification du mot « pilier ». Il est donc inutile de la préciser.

Cependant l’étude a fait apparaître qu’il existait plusieurs types de piliers et que des mots tels que « pilier cylindrique » ou « pilier quadrangulaire » ou encore « pilier cruciforme » étaient insuffisants pour décrire la grande variété de formes de piliers. Il est donc devenu nécessaire d’effectuer un rangement, une classification. C’est l’objet de cette page intitulée Ana_Pil (pour Analyse des piliers)

Les définitions de « colonne » et de « colonnette » ayant déjà été données dans la page « Glossaire » définissons le mot « pilastre ».

pilastre : « Chez les romains, un pilastre est la projection d’une colonne sur le nu d’un mur par une faible saillie. » (définition de Viollet-le-Duc). Les romains utilisent le pilastre comme ornement. En conséquence, sous cette forme d’ornement, il est peu utilisé au Moyen-Âge. Mais les spécialistes du Moyen-âge ont parfois donné le nom de pilastres à des piliers de section rectangulaire adossés aux parois (piliers de type « AM » voir plus loin). Ces piliers ont une fonction de soutien. Dans ce site, nous préférerons éviter le mot « pilastre ».


Petit préambule

Il faut bien comprendre qu’une construction débute toujours par un plan. Le commanditaire de la construction fait appel à un planificateur qui peut être un architecte, un maître d’œuvre, un maçon ou même un simple voisin venu pour donner un conseil. Ce planificateur a une vision en 3D de la future construction et il transfère cette vision dans un plan au sol permettant de commencer la construction. Ce plan peut être un simple tracé directement sur le sol avec le tranchant d’une pelle. Ou un dessin sur papier avec des cotes précises. Mais, aussi simple soit-il, il constitue une projection de la construction du dessus. En conséquence le plan au sol (ou section horizontale) d’une pièce d’architecture peut donner de bons renseignements sur l’ensemble de la construction. C’est ce que nous entendons démontrer en étudiant la section horizontale d’un pilier. Cela devrait être un élément important dans l’élaboration d’une taxonomie des monuments médiévaux.


Types de piliers

Il existe plusieurs types de piliers en fonction de leur position dans le monument religieux. Afin de les caractériser, nous inventons pour eux des adjectifs n’ayant pas cours dans la littérature classique.

piliers maîtres (abréviation : PM) : Dans le cas de nefs orientées à 3 vaisseaux, ce sont les piliers porteurs des murs séparant la partie centrale des collatéraux. Devant supporter des masses importantes, ils ont de grandes surfaces de base. Leur plan de base est en général centré.

piliers adossés au mur (abréviation : PAM) : Dans le cas de nefs orientées à un vaisseau, ce sont les piliers adossés aux murs latéraux (dits encore gouttereaux). Dans le cas de nefs à trois vaisseaux, ce sont les piliers adossés aux murs gouttereaux des collatéraux. Ces piliers sont de dimensions moins importantes que les précédents. Leur plan n’est pas en général centré.

piliers de galeries (abréviation : PG) : Ce sont les piliers de galeries (cloître ; triforium). Ils sont souvent cylindriques et monolithes, de dimensions moins importantes encore.

piliers de portes ou de fenêtres ( abréviation PF) : Il y a deux sortes de piliers; les piliers encadrant la baie : ils supportant les archivoltes situées au-dessus de la baie. Et les piliers placés au milieu de la baie, la partageant en deux (exemple des fenêtres géminées). Leurs dimensions peuvent être moindres que les piliers de galerie.


Référencement par le nombre de débordements (ou de saillies)

Ces quatre types de piliers étant définis, abordons à présent leur plan : il s’agit ici de la section par un plan horizontal au-dessus de la base du pilier.

Et d’abord les formes primaires de ce plan. Pour le Premier Millénaire, on en différencie trois :

pilier à section rectangulaire (référence R) : c’est le pilier classique tel qu’on le définit actuellement. Parfois un pilier peut être à base carrée. On continuera à l’appeler, pilier rectangulaire.

piler à section circulaire (référence C) : ce pilier a la forme d’un cylindre appelé aussi colonne.

Les piliers à section polygonales (référence P) : il existe beaucoup de plans différents de ces piliers placés dans des parties non rectilignes des bâtiments (piliers de croisée du transept, piliers de la partie circulaire d’un déambulatoire).


On va à présent essayer d’effectuer une classification de ces piliers (plus particulièrement les piliers R et C) , en adoptant les conventions suivantes :

1) Dans leur grande majorité les églises sont orientées est-ouest. On généralisera cette orientation. C’est à dire que, même dans la cas où l’orientation est différente (par exemple : nord-sud), on continuera à dire que le chœur est à l’est et que la façade opposée au chœur est la façade occidentale.

2) Concernant les piliers maîtres, situés dans les églises à nef à 3 vaisseaux et porteurs du mur séparant la nef centrale d’un collatéral: par convention nous choisirons le premier pilier situé entre le vaisseau central et le collatéral sud, après le pilier du transept, à gauche en regardant en direction du fond. Pourquoi « après » le pilier du transept ? Tout simplement parce que le pilier du transept qui supporte une charge plus lourde est en général différent des autres piliers de la nef.

3) Observons maintenant ce pilier. Et considérons que ses côtés ou faces sont visibles dans quatre directions différentes. On regardera successivement et dans l’ordre les faces est, sud, ouest et nord. Si on a bien suivi l’explication on notera que la 2eface, la face sud est tournée vers le collatéral sud, alors que la 4e face, la face nord, est tournée vers le vaisseau central.

4) Ces faces peuvent être nues. Mais dans de nombreux cas on peut observer des saillies ou des protubérances : un pilastre ou une demi colonne ont été plaqués contre le pilier sur une face de celui-ci. Parfois il peut même exister deux saillies successives sur la même face d’un pilier : on a accolé au pilier d’abord un pilastre puis une demi-colonne. On conviendra de l’opération suivante. Si une face du pilier est nue, on la note 0. S’il existe une saillie, elle est notée 1, deux saillies, 2, etc. L’examen de chaque pilier se fait de la façon suivante : d’abord la face est, puis la face sud (vers le collatéral), la face ouest, la face nord (vers la nef centrale). Ainsi un pilier de type R0000 est un pilier à section parfaitement rectangulaire. Un pilier C1010 est un pilier à section circulaire à une saillie vers l’est et un autre vers l’ouest. Un pilier R1110 est un pilier rectangulaire à une saillie sur chaque face, hormis la face tournée vers le vaisseau central.


Une telle nomenclature peut sembler totalement arbitraire et complètement stupide. Pourquoi ne pas conserver le doux nom de pilier cruciforme plutôt que d’adopter le barbare : « pilier de type R1111 »? Seulement voilà ! l’appellation, « pilier cruciforme », peut regrouper une foule de situations telles que R1111 ou R2222 ou encore R1110. Or ces situations peuvent être totalement différentes. En effet, l’existence d’un saillie symbolisée par le nombre 1, signifie l’existence d’un pilastre ou d’une demi colonne adossée au pilier. Mais cela signifie aussi l’existence probable d’un chapiteau situé au dessus du pilastre. Puis d’une arcade située au dessus du chapiteau La référence R1111 signifie en toute probabilité que le vaisseau central est (ou a été) voûté alors que la référence R1110 signifie qu’il ne l’est pas. Et donc on peut imaginer une chronologie de ces références. Les églises à piliers de type R0000 doivent être antérieures à celles de type R1010. Lesquelles sont antérieures à celles de type R1110. Qui seront suivies de celles de type R1111. Codifier le plan du pilier permet ensuite de détecter des anomalies. Par exemple si on trouve des piliers de type R0101.


L'image 13 est un peu floue. Au moment de la prise de vue, on ne disposait pas d'un pied d'appareil. L'important n'est pas dans la qualité de l'image, mais dans ce qu'elle nous permet de découvrir: une église du VIIIesiècle, et non du XIesiècle.

Concernant un pilier de type AM (adossé au mur extérieur) la référence sera plus simple. En effet dans ce cas la saillie ne peut s’effectuer que sur deux côtés du mur : le côté sud, à l’extérieur et le côté nord, à l’intérieur. Par exemple B02 signifiera que le pilier accolé au mur du collatéral ne fait pas saillie vers l’extérieur mais par contre il fait saillie à l’intérieur et sur cette saillie il y a un pilastre ou une colonne adossée.

Les piliers de type PG de galeries supportent peu de poids. Ce sont en général d’étroites colonnes cylindriques dépourvues de saillies . Elles sont souvent géminées (regroupées par deux). Elles sont visibles de tous côtés. En conséquence les chapiteaux qui les surmontent sont sculptés sur les quatre faces.

Les piliers de type PF des fenêtres ou des portes sont - soit situés au milieu de la baie: auquel cas, leurs chapiteaux sont visibles sur les quatre faces - soit ils servent de supports aux archivoltes de portails et de fenêtres sont aussi d’étroites colonnes cylindriques; ils sont plaqués contre le mur ou logés dans une encoignure. Ils ne sont donc visibles que sur 2 ou 3 faces. En conséquence les chapiteaux qui les surmontent peuvent ne pas avoir été sculptés sur toutes les faces.


Image 20 : Lorsqu'on ne peut pas accéder à l'intérieur (l'extérieur) de l'édifice, on symbolise cette situation par un point d'interrogation (?) placé en second (premier) rang si on ne peut voir l'intérieur (l'extérieur).