L’abbatiale Saint-Pierre de Méobecq
Nous recommandons au lecteur occasionnel
de notre site de lire
cet avis, le lecteur assidu étant quant à lui habitué
à nos prises de position.
La page du site Internet Wikipedia consacrée à cette église
nous apprend ceci :
« Histoire
: L'église fut construite entre le XIeet
le XVesiècle. La légende veut que saint
Cyran ait fondé le premier monastère mérovingien de
Méobecq. Issu de la noblesse de Bourges et élevé à la cour
de Bourgogne, il choisit de se retirer du monde et de
fonder en Brenne deux communautés, sans doute pendant le
règne de Dagobert (628-638). Animés d’un même élan
spirituel et d’un solide esprit d’aventure, plusieurs
hommes le rejoignirent et travaillèrent dur à la
construction spirituelle et temporelle de l’abbaye.
Le 3 septembre 1048, le
document historique fondateur de l’abbaye - la dédicace -
est rédigé et signé en présence des évêques de Tours et de
Bourges. Cette charte exalte le prestige de l’abbaye :
elle affirme avoir reçu la protection du roi Dagobert
ainsi que du pape Sixte Quint qui aurait offert de
précieuses reliques de saint Pierre. L’abbaye reçoit un
privilège d’immunité qui la rend indépendante du pouvoir
seigneurial.
Description : L'église
comporte une nef unique et charpentée et des bas-côtés
voûtés d'arêtes. Le transept est couvert d'un berceau. Le
chevet a cinq chapelles échelonnées : l'abside est voûtée
d'un berceau et d'un cul-de-four, les chapelles latérales
d'une voûte d'arête.
Les fresques du XIesiècle
: Le décor peint le mieux conservé se trouve
entre les fenêtres et représente des personnages en pieds,
identifiés par des inscriptions : SCS LEOBALDUS (saint
Loyau), SCS SIGIRANNUS (saint Cyran, fondateur de
l’abbaye), SCS MARTIALIS (saint Martial, évangélisateur de
la région) et SCS PETRUS (saint Pierre, patron de l’église
de Méobecq et fondateur de l’Eglise romaine). Ce sont les
pères fondateurs de l’abbaye qui supportent l’ensemble du
programme iconographique élaboré par l’artiste.
Au-dessus, la vision de
saint Jean est développée avec la représentation des
cavaliers de l’Apocalypse aux écoinçons des fenêtres. Il
en subsiste un : le destrier blanc est monté à cru par un
archer couronné par la main divine. Deux personnages sont
en grande conversation : un ange s’adresse à un homme
nimbé aux cheveux blancs, saint Jean.
Encore plus haut, sur
fond vert, on distingue aux extrémités de l’abside, une
paire de pieds nus posés sur une roue. On repère également
les vestiges de deux animaux, certainement ceux qui
accompagnent les évangélistes. Enfin, il faut imaginer au
cul-de-four un Christ en gloire disparu avec le temps.
»
Effectuons d'abord une petite mise au point. La charte datée
de 1048 « affirme avoir
reçu la protection du roi Dagobert ainsi que du pape Sixte
Quint ». Selon Wikipedia - confirmé par le Petit
Larousse - Sixte Quint aurait été pape de 1585 à 1590. Il
lui a été certainement très difficile de protéger l'abbaye
en 1048. Voici la liste des papes portant le nom de Sixte :
Sixte I (115-125), Sixte II (257-259), Sixte III
(432-440),Sixte IV (1471-1484) et Sixte V (1585-1590). Aucun
d'entre eux n'est contemporain de Dagobert, roi de 628 à
638. Par contre, Boniface V a été pape de 619 à 625. Il est
possible que le rédacteur du texte de Wikipedia ait confondu
Boniface V et Sixte V.
Autre remarque concernant la description : « L'église
comporte une nef unique et charpentée et des bas-côtés
voûtés d'arêtes ». S'il y a des bas-côtés, cela
signifie que la nef n'est pas unique mais triple, voire
quintuple. Ces remarques pourraient être considérées comme
des chipoteries de vieillard grincheux.
Nous ne pensons pas qu'elles le soient. Il est en effet
important de savoir si c'est bien Boniface V qui, en même
temps que Dagobert, a apporté sa protection à l'abbaye de
Méobecq. Cela apporterait du crédit à la légende d'une
fondation de cette abbaye à une date avancée. Lorsque
l'auteur du texte ci-dessus nous dit : « La
légende veut que saint Cyran ait fondé le premier
monastère mérovingien de Méobecq. », le mot
« légende » signifie probablement pour lui, et, à coup sûr
pour nous, une histoire fictive, un bobard, une « fake new ».
Nous pensons, quant à nous, que toute légende contient une
part de vérité. Mais une vérité la plupart du temps
déformée. Par ailleurs il est fort possible - pour ne pas
dire certain - que les auteurs de l'acte de 1048 aient eu
des informations de ce qui se serait passé vers l'an 625,
soit un peu plus de 400 ans auparavant. Y compris par
l'intermédiaire de textes écrits. La charte de 1048 a été
conservée pendant plus de 900 ans. Pourquoi une charte
écrite vers l'an 630 n'aurait-elle pas été conservée en deux
fois moins de temps ? Mais pourquoi aurait-elle disparu ?
Tout simplement parce que le renouvellement de protection
accordé en 1048 la rendait obsolète.
De même l'existence d'une nef triple a son importance comme
nous le verrons par la suite.
Nous n'avons pas visité cette église.
Les images qui illustrent cette page sont extraites
d'Internet.
Nous n'avons malheureusement pas son plan. Un plan qui nous
aurait aidé à la comprendre. En effet, la phrase de
Wikipedia dans laquelle nous avons détecté une contradiction
- nef unique dotée de
bas-côtés - décrit sans doute une situation
paradoxale. Mais une situation que nous avons probablement
déja rencontrée dans d'autres monuments. Dans ces cas là, la
nef primitive est triple, mais elle subit des
transformations et devient nef unique. Les images
recueillies vont nous aider à comprendre.
Image 1 : L'église
est vue de l'Est. On distingue facilement l'ouvrage Est (ou
chevet) et l'ouvrage médian (ou transept). La partie Sud du
chevet n'est pas visible. Le transept pose problème. Son
croisillon Nord est nettement plus élevé que le croisillon
Sud.
Les images suivantes (image
2 : le transept et le chevet vus du Nord-Est ; image 3 : l'église vue
du Sud ; image 4 :
la nef et le croisillon Sud du transept vus du Sud Ouest)
donnent une idée du plan de l'édifice. Nous notons
immédiatement une anomalie. Il faut tout d'abord savoir
qu'il existe un grand nombre de formes de chevets suivant la
forme des absides (à plan rectangulaire, polygonal,
demi-circulaire, demi-circulaire outrepassé), leur hauteur,
l'existence d'un avant-choeur, le nombre d'absides. Un des
cas les plus fréquents est le chevet à trois absides (une
abside et deux absidioles). Mais même dans ce cas, il y a
deux possibilités : soit les trois absides sont accolées,
soit elles sont séparées. Dans le premier cas, les trois
absides sont accolées car elles sont dans le prolongemant
des vaisseaux d'une nef triple. Dans le second cas, les
trois absides sont séparées parce qu'il existe un transept
débordant et que les absidioles sont greffées directement
sur ce transept, l'abside principale étant dans le
prolongement de la nef. Nous avons ici un mix des deux
situations : l'abside principale est encadrée par deux
absidioles qui lui sont accolées. Deux autres absidioles
sont greffées directement sur le transept.
Une autre information nous est donnée par les
images 5 et 6 de l'intérieur. On peut y voir en
premier plan le transept et plus loin la partie de nef
située à l'Est du transept. Elle est dotée de collatéraux en
partie occultés par les piliers du transept.
Cette disposition architecturale semble complexe et
incompréhensible. En fait l'explication est, selon nous,
très simple. L'église primitive devait être constituée d'une
nef de plan basilical, à trois vaisseaux charpentés et d'un
chevet à trois absides situées dans le prolongement des
vaisseaux. Une nef de forme simple, dépourvue de transept.
Plusieurs siècles après sa construction, il a été décidé
d'innover en construisant un transept. L'opération était
fréquente. Mais le plus souvent, le transept était construit
en remplacement d'une ou deux des travées les plus proches
du chœur. Dans le cas présent, on a décidé de construire le
transept au milieu de la nef, en ne touchant pas à -
probablement - deux des travées les plus proches du chœur.
Les murs Sud et les toits de ces deux travées de l'ancienne
nef apparaissent sur l'image
3 entre les deux absidioles situées côté Sud. Un
transept débordant a été construit. Il restait l'autre
partie de nef, côté Ouest. Les collatéraux de ce reste de
nef, en partie occultés par les piliers du transept, ne
servaient plus à rien. Ils auraient été supprimés, sans
doute à une date ultérieure, et la nef aurait été réduite à
un seul vaisseau. On a donc bien une nef unique et - une
autre - dotée de bas-côtés.
Concernant les fresques (images 7, 8 et 9), nous ne pouvons rien dire de
plus. Si ce n'est que nous nous demandons comment les
auteurs ont pu déterminer qu'elles dataient du XIesiècle.
À dire vrai, nous ne nous posons pas
trop la question de savoir comment les auteurs du texte
Wikipedia ont pu déterminer la datation du XIesiècle
de l'église et de ses fresques. Selon nous, elle découle de
la logique suivante : elle ne peut pas être antérieure à
l'an 1000 ; donc elle date du XIeou du XIIesiècle
; mais il existe un texte daté de 1048 qui la mentionne :
donc elle date du XIesiècle. Une logique que
nous estimons trop simpliste.
Quelle date proposons-nous ? Nous pensons qu'il existe un
indice important : les piliers de la partie de nef située
entre le chevet et le transept. Ces piliers seraient soit de
type R1010, soit de
type R1110 et les
arcs les reliant seraient doubles . En conséquence, la
datation serait comprise entre l'an 800 et l'an 1000. On
aurait aimé pouvoir la faire remonter à Dagobert mais nous
ne pensons pas que ce soit le cas.
Datation envisagée
pour la partie primitive de l’abbatiale Saint-Pierre de
Méobecq (abside principale, absidioles accolées et deux
premières travées de nef) : an 900 avec un écart de 100
ans.
Datation envisagée
pour la deuxième partie de l’abbatiale Saint-Pierre de
Méobecq (transept et absidioles greffées) : an 1100 avec
un écart de 150 ans.
Datation envisagée
pour la troisième partie de l’abbatiale Saint-Pierre de
Méobecq (nef Ouest) : an 1500 avec un écart de 150 ans.