L'église Saint-Laurent de Lourouer-Saint-Laurent 

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Nous recommandons au lecteur occasionnel de notre site de lire cet avis, le lecteur assidu étant quant à lui habitué à nos prises de position.

Nous n'avons pas visité cette église. Les images de cette page proviennent d'Internet.

Nous conseillons au lecteur intéressé de consulter la page du site Internet Wikipedia consacrée à cette église. Nous en recopions ici de larges extraits :

« Histoire : L'église fut construite entre le XIIeet le XIIIesiècle. Au départ, le nom de « l'ourouer » indique un simple oratoire ; il dépendait semble-t-il à l'origine de l'abbaye de Massay. La première mention écrite apparaît dans une bulle papale datée de 1249, confirmant les possessions de l'abbaye de Déols. [...]

Construction : L'église semble dater du XIIesiècle. Elle a subi plusieurs modifications et remaniements. Aux XIIIeet XIVesiècles, l'abside romane a été supprimée et remplacée par un chevet plat doté d'une grande fenêtre ; et les murs de la nef ont été percés pour adjoindre les chapelles latérales. Une chapelle a été construite sur le mur sud du chœur au XVeou au XVIesiècle.

Description : Les fresques de la nef (image 2). Les murs de la nef à l'exception du mur ouest jouxtant le porche contiennent un ensemble important de fresques, datées entre le XIIeet le XVesiècle. Elles offrent un décor curieux par la superposition de peintures. [...]

Mur est : (images 4 et 6). Le mur est comporte deux registres. Registre supérieur : au centre du registre supérieur, une importante scène de crucifixion. En dessous, une importante frise qui probablement couvrait toute la largeur, et qui est abîmée par la mise au jour de la fresque droite du registre inférieur. Registre inférieur : à gauche, il subsiste une draperie, et un fragment d'image qui comporte, en haut à gauche, une main posée sur un livre. À droite, il contient dans sa partie supérieure une crucifixion (dont on reconnaît la partie inférieure de la croix), et dans sa partie inférieure une mise au tombeau. Ces fresques sont datées du XIIIe siècle. La crucifixion centrale du registre supérieur comporte à gauche Marie, à droite Jean, puis les deux personnages romains dont celui de gauche, qui perce d'une lance le cœur de Jésus, porte son nom Longinus, et celui de gauche tient l'éponge de vinaigre au bout de sa lance. Comme c'est l'usage, la lune et le soleil figurent dans des médaillons au-dessus du crucifié. À droite de la fresque centrale, une femme en prières qui complète la scène du Noli me tangere du mur sud. À l'extrême gauche, une femme richement vêtue à la mode de la fin du XIIIe siècle.

Mur sud : (image 5). Le mur sud comprend trois registres superposés. Le registre supérieur, de gauche à droite : un noli me tangere complété par la femme en prière du mur est ; puis le repas chez Simon le Pharisien ; puis saint Michel pesant les âmes face au diable, et enfin un personnage. Le registre médian est constitué d'une série de médaillons contenant des animaux fantastiques. Le registre inférieur est un calendrier, chacun des personnages représente un mois, de janvier à août. En dessous, au centre, un groupe de quatre visages très expressifs, datant du XIIesiècle.

Mur nord : ( image 3). Le mur nord comprend deux registres. Le registre supérieur : un paysan et un personnage tenant des fleurs, avec une inscription « agricolanus », deux oiseaux, un saint Jacques bénissant une scène de martyre. Le registre inférieur contient des personnages séparés par des végétaux et des colonnes, et saint Nicolas libérant les enfants du saloir ; à l'angle, un évêque bénissant, peut-être un autre saint Nicolas. »


Compte tenu de ce que nous avons écrit précédemment, le seul éventuel problème est celui des datations. Cette église date-t-elle du XIIesiècle ? Et les fresques datent-elles du XIIIesiècle ?

La nef unique à plan rectangulaire, le fait que le chœur, bien que plus tardif, soit aussi à plan rectangulaire, font penser aux chapelles à chevet carré, fréquentes en Occitanie. On sait que ces chapelles sont préromanes.

Cependant nous n'avons aucune certitude. La datation d'une nef unique charpentée est très difficile. Les auteurs du texte de Wikipedia ont remarqué avec justesse que les chapelles Nord et Sud ont été ultérieurement ajoutées à la nef primitive, qui devait être unique. L'arc triomphal est brisé, ce qui pourrait signifier une datation relativement tardive du mur Esr (12eou XIIIesiècle). Mais il est possible que cet arc brisé soit le résultat d'une restauration ultérieure.

Le texte ci-dessus signale l'existence de deux registres sur les murs Nord et Est. Nous en voyons trois superposés. Celui du milieu a été omis : il s'agit d'une large bande décorée d'un damier. Les deux décors de damier ne dont pas tout à fait identiques : celui du mur Nord est décoré de quatre rangées de carreaux alternés. Alors que celui du mur Est n'a que trois rangées de carreaux alternés. Malgré ce, on peut considérer que les fresques des murs Est et Nord sont dans leur globalité contemporaines. À un détail près : un morceau de fresque contenant les scènes de la seconde Crucifixion et des Saintes Femmes au Tombeau recouvre en partie le registre du milieu. Ce morceau de fresque (image 6) est donc plus tardif que le reste des fresques des murs Nord et Est. Selon l'auteur du site Internet, ce morceau de fresque daterait du
XIIIesiècle. Il nous est difficile de donner notre opinion sur cette datation. Nous notons cependant une incohérence. En admettant que cet auteur ait raison et que le morceau de fresque date du XIIIesiècle, le registre en damier serait antérieur. Antérieur de combien de temps ? Il faut se dire que ce décor de fresque ayant un coût important, on ne le change pas toutes les années. Mais plutôt tous les siècles. Voire plus (l'auteur nous apprend que des sondages effectués dans le chœur ont révélé 4 ou 5 couches successives de fresques. Ce qui donnerait la pose d'une couche supplémentaire tous les deux siècles. Refaisons notre calcul : le registre décoré en damier daterait du XIeou XIIesiècle. Mais ce registre en damier, contigu à la grande scène de Crucifixion, apparaît contemporain à cette scène. Et les deux scènes qui encadrent cette scène de Crucifixion, la femme en prières et la femme richement vêtue, semblent elles aussi contemporaines. Mais cette femme richement vêtue est, par son costume, datée de la fin du XIIIesiècle. Et la fresque aurait été réalisée au XIeou XIIesiècle. Il y a là quelque chose que nous ne comprenons pas. Il faut ajouter que nous avons de la difficulté à identifier dans cette partie de fresque la forme d'une femme. Et à plus forte raison la richesse de ses vêtements.

Passons à l'étude de la Crucifixion. Il existe de nombreuses formes de représentations de la Crucifixion. En général le Christ est représenté seul. Parfois les deux larrons encadrent le Christ. Il peut aussi être accompagné de la Vierge et de Saint-Jean. Nous avons ici une représentation très caractéristique. Le Christ est au centre de la scène adossé - mais pas suspendu - à la croix. Ses pieds semblent reposer sur le sol. Son attitude n'est pas celle de la souffrance, mais plutôt de l'accueil à bras ouverts. Il est revêtu d'un long pagne. À ses pieds, il y a deux soldats. L'un des deux est le centurion Longin qui a percé avec sa lance le corps du Christ. L'autre est le soldat qui a apaisé ses souffrances en lui humectant les lèvres avec de l'eau vinaigrée. La Vierge Marie et Saint Jean sont présents aux extrémités. Les disques du soleil et de la lune surplombent la scène.

Nous disons donc que cette scène est très caractéristique. La plus ancienne représentation serait installée dans l'église Santa Maria Antiqua de Rome : une fresque datée de (741-752). D'autres images de la même scène seraient présentes dans des enluminures datées du Xesiècle. Selon la tradition, le soldat Longin se serait converti au christianisme et serait devenu un saint de l'église chrétienne, vénéré à Mantoue et chez les orthodoxes. Ses représentations seraient donc nombreuses. Mais la mise en scène que nous avons ici (Christ accueillant, Longin et l'autre soldat, soleil et lune, Sainte Vierge et Saint Jean) est très particulière : un véritable «taxon». Il existe des différences entre cette fresque et celle de Santa Maria Antiqua (dans cette dernière, le Christ est vêtu d'une longue robe et les personnages sont plus figés). Mais, en regard de toutes les ressemblances, ces différences nous semblent minimes.

Résumons nous : la Crucifixion de Santa Maria Antiqua serait datée de l'an 750 (plus ou moins 10 ans). Celle de Lourouer-Saint-Laurent, presque identique à la précédente, de l'an 1250 (plus ou moins 50 ans). Soit un écart de 500 ans. Nous estimons que cet écart est trop important, que la probabilité d'un tel événement est faible. Et donc qu'il doit y avoir une erreur dans les estimations de datation. À Santa Maria Antiqua ? À Lourouer-Saint-Laurent ? Aux deux endroits ? Notre hypothèse : la Crucifixion de Santa Maria Antiqua serait correctement datée du VIIIesiècle (au vu de la précision de la datation, (741-752), il est possible qu'un texte d'époque y fasse allusion). La Crucifixion de Lourouer-Saint-Laurent lui serait postérieure de deux siècles au maximum.


Datation envisagée pour les fresques de l'église Saint-Laurent de Lourouer-Saint-Laurent : an 950 avec un écart de 200 ans.