L'église Saint-Jean-Baptiste de Saillac
Un panonceau placé à l'entrée de
l'église donne les informations suivantes : « Église paroissiale
Saint-Jean-Baptiste. Cet édifice est de style
roman. Il a été construit au XIIe siècle. Les
vicissitudes dues au déroulement des siècles ont causé
destructions, disparition des bâtiments claustraux,
mutilation du chœur et du porche de l'Ouest durant les
Guerres de Religion et la période révolutionnaire,
restaurations fâcheuses des XIXe et XXe
siècles.
Son clocher-porche et sa forte tour orientale lui donnent
d’emblée un aspect défensif, amplifié par la présence de
baies de tir et de guet. [...] »
Arrêtons-nous un peu sur cette première partie. Nous ne
sommes pas surpris que cet édifice soit daté du XIIe
siècle : ils le sont tous ! Plus sérieusement, nous
constatons qu'il s'agit d'un édifice à nef unique et à
transept bas (images 1 et
2). Nous pensons que les deux croisillons du
transept sont un rajout à une nef plus ancienne. Le chevet,
situé sous la tour orientale, est plat. Très probablement,
il existait une abside au-delà de cette tour mais elle a été
supprimée. La justification de l'existence passée de cette
abside, on la trouve dans l'image
10 : au fond de l'actuelle abside, au-dessus de
la croix, un grand arc est porté par des chapiteaux en
partie insérés dans le mur du fond. C'est ce qui reste de
l'arc absidal qui séparait le rez-de chaussée de la tour de
l'abside disparue. On ne voit pas pour quelles raisons les
architectes ont fait cette construction s'ils n'avaient pas
voulu faire une abside.
Poursuivons la lecture du texte : « Dans
l'entrée Ouest, ont été sauvegardés des éléments
décoratifs qui font sa richesse artistique. Le trumeau
axial (images 4)
est
torsadé (ce qui est rare dans la région), sculpté et
destiné à soulager le linteau. Il est de style
“languedocien” mais semble être un ajout du milieu du XXe
siècle. »
On hésite quant à la lecture de cette partie. Le trumeau
axial est-il ancien, comme semble l'indiquer la mention
«
(ce qui est rare dans la région) », qui
n'existerait pas s'il était récent, ou est-ce un ajout du
milieu du XXe siècle ? En tout cas, le style
s’apparente plus à une œuvre romane tardive qu'à une œuvre
du XXe siècle.
Une possibilité : l’œuvre a été réalisée au XXe
siècle en copiant l’œuvre originale du XIIe
siècle qui était trop abîmée pour assurer la fonction de
portance (image 5).
Continuons la lecture : « Au-dessus,
sous une triple voussure, on découvre ce beau tympan en
pierre polychrome, du XIIe siècle, dont la
sujet est “
l'Adoration des Mages ”
(image 6) […] La
frise placée sous ce tableau représente un quadrupède ailé
armé de deux rangées de dents effroyables et engloutissant
un pauvre enfant. C'est sans doute l'image de l'enfer
enchaîné et vaincu. Il est représenté sous la forme d'un
énorme dragon, soufflant la flamme et plusieurs fois
replié sur lui-même, qu'un ange (Saint Michel) tient
enchaîné d'une main en lui plongeant de l'autre sa lance
dans la gueule. »
Les couleurs vives de ce tympan nous semblent modernes. De
plus, même si la thématique correspond à la période romane,
certains traits stylistiques (formes du dragon ou du
quadrupède ailé) font penser à une œuvre moderne. D'où une
impression de doute.
Deux chapiteaux sculptés représentent le tétramorphe : le
lion et l'homme pour le chapiteau de l'image
11, le taureau et l'ange pour le chapiteau de l'image 12.
Les fonts baptismaux (image
15) sont-ils romans ? La colonnade qui décore la
cuve est typiquement d'origine ancienne. Mais les arcs en
forme d'accolades qui surplombent les colonnes sont eux
typiquement renaissance.
Un intéressant bénitier (image
13) a retenu l'attention à la fois d'Alain et
d'Anne-Marie Le Stang. Il faut dire qu'il se révèle assez
surprenant. La partie inférieure (image
14) a été sculptée. En la regardant de plus près,
on découvre le corps d'un jeune homme qui semble enroulé et
dévoré par un monstre à tête de crocodile. En dessous,
apparaît un pied et une jambe enveloppée dans une robe. Pour
comprendre cette scène, il faut revenir à la frise de l'image 6. Au centre et
légèrement à gauche, on peut voir la même scène d'un enfant
renversé, dévoré par un monstre, avec à sa droite et en
dessous, la jambe de Saint Michel.
Que déduire de tout cela ? Que le bénitier n'est autre
qu'une partie du tympan primitif. Celui a été recopié avec
plus ou moins de succès pour former le tympan actuel. Les
restes du tympan primitif ont été retaillés pour être
transformés en bénitier.
Les remarques faites précédemment font
apparaître qu'il y a eu de nombreuses destructions suivies
de restaurations hasardeuses que sèment des doutes sur
l'évaluation de datation des constructions ou des œuvres
sculptées.
Datation envisagée
pour l'église Saint-Jean-Baptiste de Saillac : an 1100 avec
un écart de 100 ans.