L'église Saint-Pierre-et-Saint-Pardoux d'Arnac-Pompadour 

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La page du site Internet Wikipédia décrivant cette église est très peu documentée. Par contre, le site Internet du Centre de la Culture du Limousin Médiéval a produit une très belle page sur l'église d'Arnac. Nous en conseillons la lecture (adresse : https://www.limousin-medieval.com/arnac). En voici des extraits que nous estimons importants car ils confirment certaines des idées que nous avons avancées pour de nombreuses autres églises :

« Prieuré d'Arnac

Les textes qui nous renseignent sur les origines de la vie religieuse à Arnac sont tous en relation avec une cérémonie de consécration du 15 juillet 1028. La principale source pour cette dédicace a longtemps été la chronique de Geoffroy de Vigeois.

D'après cette chronique, Gui de Lastours, après avoir fortifié l'oppidum tout proche de Pompadour, s'intéressa à une petite église placée jusque là sous le patronage de Saint Pierre. Il y fit transférer les reliques de Saint Pardoux, auparavant conservées à Sarlat (peut-être un vol aux circonstances rocambolesques d'après la Chronique) et y fonda un monastère qu'il dota richement avant de le remettre à l'abbaye Saint-Martial de Limoges. Il semble bien que ce prieuré eut d'emblée une grande importance car à sa consécration en 1028, célébrée par l'évêque de Limoges, Jourdain, étaient présents tous les plus grands seigneurs de la région.

Centre d'un petit pèlerinage, le monastère, gouverné par un prévôt, est prospère à la fin du XIe siècle. C'est à ce moment que le chroniqueur Geoffroy de Vigeois fait mention d'une seconde dédicace en l'honneur de la Trinité de Saint Pardoux, par l'évêque Pierre en 1101.
{...] »


Commentaires sur ce texte

Nous avons écrit à de nombreuses reprises sur ce site qu'une fondation n'est pas une construction et qu'une consécration n'est pas une inauguration. Le texte ci-dessus confirme ces idées :

Une fondation n'est pas une construction. C'est une communauté humaine qui est fondée et non une église qui est construite. Fonder un monastère consiste à réunir un groupe d'hommes ou de femmes et à leur donner à la fois des règles de vivre ensemble et des moyens pour tenir dans la durée (manger, dormir, travailler, prier). Donc il faut que la communauté soit installée dans des structures préalablement établies. Ainsi, dans le cas présent, la communauté n'est pas partie de rien. Il y avait auparavant, selon le chroniqueur, une petite église. Ce qui n'empêche pas qu'il ait pu y avoir construction d'une autre église ultérieurement.

Une consécration n'est pas l'inauguration d'un nouveau bâtiment. Il est certes possible qu'un église dont la construction vient d'être achevée soit consacrée mais les actes donnant lieu à consécration sont multiples : consécration d'un autel, d'un reliquaire, consécration après une profanation, ... Dans le cas présent, on assiste à deux consécrations successives … mais combien ont été oubliées ?

Consécration ? ou dédicace ? Le texte ci-dessus associe le mot « consécration » à la cérémonie de 1028 mais parle de « seconde dédicace » pour celle de 1101. Les deux mots consécration et dédicace auraient-ils le même sens ? Sans avoir sérieusement étudié la question, nous ne le pensons pas. Selon nous, le mot dédicace pourrait venir du latin dedi cautio qui signifierait je donne caution (du caractère sacré de cette relique), et le mot consécration viendrait aussi du latin cum sacrare qui signifierait qu'un objet (reliquaire ou autel ou église) est aussi sacré que les reliques qu'il contient. Dans le cas présent, la célébration de 1028 pourrait être une dédicace. En effet, s'il y a eu une histoire un peu rocambolesque concernant le transfert de ces reliques entre Sarlat et Arnac, on peut légitimement penser que certains des protagonistes aient douté de leur authenticité. Il fallait donc qu'un évêque vienne certifier que c'étaient bien les restes sacrés de Saint Pardoux. Par contre, la cérémonie de 1101 pourrait être la consécration d'un autel célébrant la Sainte-Trinité (il n'y a pas de relique de la Trinité).


Les douze premières images ont été réalisées par M. Clive Kenyon au cours de la visite qu'il a effectuée en été 2024. Les images suivantes sont extraites du blog édité par le Centre de la Culture du Limousin Médiéval.

Par son aspect extérieur, cet édifice ne semble pas être celui cité en 1028 et qui devait être antérieur à cette date. La façade Ouest (image 2) apparaît gothique (donc postérieure à l'an 1200) mais rien n'est plus facile à un maçon que de superposer un mur à un mur plus ancien. Sur l'image 3, on observe un décalage de hauteur entre la nef et l'ensemble croisée de transept-chevet . Ce serait le signe qu'il y a eu deux campagnes de travaux. On remarque aussi que le transept est bas. Plus exactement, le croisillon Sud du transept est plus bas que la croisée du transept. Il est possible que la nef et les croisillons du transept aient précédé l'ensemble : croisée du transept-avant-chœur-chevet. On constate aussi des différences entre les absidioles flanquées d'arcatures et les parties supérieures du chevet qui n'en ont pas (image 4). Ces arcatures sont un peu différentes des arcatures lombardes mais on a constaté une quasi absence de ces dernières en Nouvelle Aquitaine.

En bas à droite de l'image 5, on repère les restes d'un arc en plein cintre. Ce sont les restes d'une structure probablement enterrée sur au moins deux mètres (de l'église citée en 1028 qui aurait précédé l'église actuelle ?).

L'image 6 révèle l'existence d'une grande baie de communication entre la nef et une construction qui a disparu. Cette baie protégée par un arc brisé, a été murée.

Les images 7, 8 et 9 font surtout apparaître le transept et le chœur. Pour découvrir la nef, il faut surtout examiner l'image 10 de cette nef vue en direction du fond de l'église. C'est une nef à un seul vaisseau et trois travées. On constate que pour chaque travée, de grands arcs sont accolés aux murs latéraux. Ces arcs sont en plein cintre ou très légèrement brisés. Par leur style, ces arcs semblent différer des grandes ogives supportant les voûtes. Les différences sont encore plus apparentes sur l'image 12. On y voit la partie supérieure d'un pilastre et de la colonne demi-cylindrique qui lui est adossée puis le chapiteau porté par cette colonne. Et au-dessus, le faisceau d'ogives portant la voûte en croisée d'ogives. Il y a un réel contraste entre les parties supérieure et inférieure de cette image. Il faut donc envisager qu'il y a eu une succession de travaux dans cette nef. L'idée qui vient immédiatement à l'esprit est que cette nef était à l'origine à trois vaisseaux charpentés. Elle aurait été réduite à un seul vaisseau par suppression des collatéraux. Les grandes baies de communication entre la vaisseau central et les collatéraux auraient été murées. Avant ou après cette transformation, il y aurait eu un essai de voûtement de la nef. On aurait accolé aux anciens piliers des pilastres et sur ces pilastres des colonnes demi-cylindriques portant des chapiteaux. Ces chapiteaux devaient porter des arcs doubleaux. Cela a-t-il été fait ? Le texte du Centre de la Culture du Limousin Médiéval signale qu'en 1183, un pan de voûte s'est effondré. Serait-ce consécutif à un essai de voûtement ? Ultérieurement, au XIIIe ou XIVe siècle, soit un siècle après l'effondrement, on aurait voûté cette nef en croisée d'ogives.


L'image 13 révèle un plan d 'église très particulier. Plus exactement, c'est le plan du chevet qui est particulier. Nous sommes plutôt habitués à rencontrer des chevets à déambulatoire (en fait ces chevets sont minoritaires par rapport aux chevets à une abside ou à trois absides en ligne) ou des chevets à déambulatoire et chapelles rayonnantes. Mais ici, bien qu'il y ait trois chapelles rayonnantes, il n'y a pas de déambulatoire.

En rapport avec ce qui a été écrit auparavant, notre hypothèse est la suivante : à l'origine, le plan de l'église était celui d'une nef à trois vaisseaux avec trois absides en prolongement de ces vaisseaux. Les deux absidioles auraient été conservées. Les trois absidioles rayonnantes auraient été accolées à l'abside centrale qui aurait été percée de baies de communication. Cette abside aurait été surélevée ultérieurement.

Image 14. Chapiteau d'aspect archaïque : deux personnages surgissent de la corbeille, se tenant mutuellement la barbe. Nous avons déjà rencontré une scène un peu analogue que nous avons intitulée « Je te tiens, tu me tiens par la barbichette, ... » Hormis le caractère facétieux, nous ne comprenons pas cette scène et n'arrivons pas à l’interpréter ; nous ne croyons pas qu'elle ait pu être posée là par simple facétie.

Image 15. Chapiteau d'aspect archaïque : deux béliers affrontés.

Images 16 et 17. Deux chapiteaux d'aspect archaïque. Ils seraient placés dans les parties hautes de la nef. On retrouve la représentation d'un homme entre deux lions. Cette image a souvent été interprétée comme l'histoire biblique de Daniel dans la Fosse aux lions. Mais l'histoire de Daniel est plus complexe, car un ange vient lui apporter à manger. De plus, dans le cas présent, il y a des symboles apparents : un homme nu dans une attitude de collaboration avec les lions pour l'image 16, un homme en attitude d'orant dominant les lions pour l'image 17. Il semblerait donc que les lions représenteraient les puissances temporelles, et l'homme, les puissances spirituelles. La collaboration avec les puissances temporelles rendrait l'homme nu et dépendant. Le dialogue avec Dieu rendrait l'homme indépendant de ces puissances temporelles.

Image 18. Ce chapiteau endommagé (il manque les têtes des personnages) représenterait l'Annonciation, avec à gauche l'archange Gabriel tendant un bouquet à la Vierge Marie située à droite.


Images 19 et 20 d'un seul chapiteau. Sur la face avant, deux saints sont représentés à l'intérieur de mandorles. Il s'agit de Saint Pierre tenant sa clé, à droite. Le personnage de gauche serait Saint Martial de Limoges. Sur chacune des faces latérales et en arrière des deux saints, il y aurait un personnage nu à l'intérieur d'une mandorle. Il représenterait l'âme pour chacun des saints.

Image 21. Cette scène représenterait Zachée grimpant sur l'arbre. Jésus est à droite.

Images 22 et 23 d'un seul chapiteau. Cette scène représenterait le miracle de Saint Martial ressuscitant son ami Austriclinien. Sur la face gauche (image 22), Saint Martial recueille le bâton de Saint Pierre étendu dans une mandorle. Sur la face avant (image 23), il frappe Austriclinien avec son bâton pour le ressusciter.

Images 24. Deux saints tenant la palme des martyrs sont placés dans des mandorles.

Nous sommes un peu surpris par ces représentations un peu différentes de ce que l'on voit ailleurs : des mandorles qui ressemblent à des sarcophages, des mandorles entourant des saints, alors que d'habitude elles encadrent Jésus Triomphant.


Datation

Nous avons étudié l'architecture de cet édifice à partir des seules images de 1 à 12 apportées par Clive Kenyon. Et ce n'est qu'après ce premier bilan que nous avons consulté la page éditée par le Centre de la Culture du Limousin Médiéval. Nos conclusions sont comparables à celles de leurs auteurs. À savoir que très probablement, la nef était charpentée et qu'elle a été voûtée par la suite, au XIIIe siècle. La seule différence viendrait du fait que pour nous, la nef devait être à trois vaisseaux. Cette hypothèse n'est pas envisagée par les auteurs de la page du Centre de la Culture du Limousin Médiéval.

Cependant, nous ne pouvons rien affirmer car il nous manque certaines données.

Datation envisagée pour l'église Saint-Pierre-et-Saint-Pardoux d'Arnac-Pompadour : an 1025 avec un écart de 50 ans.



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