L'église Saint-Jean-Baptiste de Chassenon 

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Nous n'avons pas visité cette église. Un de nos correspondants, Monsieur Clive Kenyon, nous en ayant fait parvenir des images, nous avons estimé qu'elle devait faire partie de notre étude. Nous avons éventuellement complété l'information par des textes ou des images issus d'Internet.

M. Kenyon a par ailleurs publié sur le site Flickr un très bel album consacré à cette église : https://flickr.com/photos/200072446@N07/albums/72177720317145868/.

La page du site Internet Wikipédia consacrée à cette église nous apprend ceci :

« L'église paroissiale Saint-Jean-Baptiste, construite en pierre de météorite comme les thermes, date du XIVe siècle.

La sculpture juste au-dessus de l'arc de décharge de la porte d'entrée
(image 14) a une iconographie curieuse : le Christ avec les bras en croix, mais sans croix (caractéristique qui se retrouve en quelques autres endroits (vers le Xe siècle et le début du XIe siècle), est encadré par les deux soldats fréquemment illustrés depuis la fin du VIe siècle : Longin à droite portant la lance (ici à flamme lozangique et ailerons), et Stéphaton à gauche, présentant l'éponge au bout d'une lance. Cette sculpture est la seule connue en France où ces deux personnages ont ces positions ; partout ailleurs dans ce pays, Longin est à gauche et Stéphaton à droite.

À gauche, et un peu en dessous de ce bas-relief, un autre est encastré dans la façade. Celui-ci est très endommagé et difficilement lisible (image 15). Pierre Beaumesnil le décrit comme trois personnages, l'un armé d'une massue ou d'un couteau s'apprêtant à frapper une femme à genoux devant lui et le troisième personnage debout faisant face aux deux premiers. Michon y voit une Annonciation, avec la femme à genoux représentant un ange et Marie en face séparée de l'ange par un prie-dieu; Duléry y voit deux druides soutenant par les bras une troisième personne enlacée d'osiers, s'apprêtant à la jeter en sacrifice à Teutatès. V. H. Ducourtieux et A. Précigou y voient une Adoration des Mages. »


Nos observations

Le texte ci-dessus privilégie l'examen des deux bas-reliefs des images 14 et 15. Nous aurons l'occasion d'y revenir en fin de page. Auparavant, il nous faut décrire quelques surprises révélées par l'architecture de cette église.


Une église préromane

Cette église préromane apparaît dans un dessin photographié sur un panneau d'information à l'entrée de l'église (image 4). On y voit, en bas à gauche, une fenêtre étroite. Autour et au-dessus de cette fenêtre, se développe un arc qui, à gauche, repose sur un pilier par l'intermédiaire d'une imposte. On devine la présence d'un autre arc vers la gauche au départ de l'imposte. À la verticale du pilier et au dessus de l'arc, on remarque les restes d'une fenêtre murée. Ces anomalies de constructions sont peut-être un peu moins visibles, mais bien présentes sur l'image 6 obtenue grâce à M. Kenyon qui nous a aussi transmis l'image 5. Cette dernière montre la travée située à gauche de la travée précédente. Là encore on peut voir le départ d'un arc au sommet d'une imposte. Le pilier qui soutenait l'imposte n'est plus apparent. Il a été démoli lorsqu'on a construit une porte après avoit introduit un linteau monolithe.

Il n'est pas nécessaire de faire un gros effort pour imaginer ce qui s'est passé. Il y avait là une nef à trois vaisseaux et ce mur est celui séparant le vaisseau central du collatéral Sud. Il était porté par des piliers à section recatangulaire et des arcs en plein-cintre et à un seul rouleau. La fenêtre murée est ce qui reste des fenêtres supérieures de cette nef. Apparemment, cette nef devait être de plus petites dimensions que l'église actuelle. Les nombreuses traces de reprises de travaux font envisager une grande ancienneté.

À l'intérieur de la nef (images 7 et 8), on constate la présence d'arcs bisés accolés aux murs latéraux. Ils ont été posés intentionnellement de façon à renforcer ces murs et à rétrécir la nef pour la pose d'une voûte. Celle-ci, en berceau plein cintre, repose sur des doubleaux plein cintre, qui eux-mêmes reposent sur des colonnes demi-cylindriques engagées ... engagées sur quoi ? Sur des arcs brisés ! On a ici un parfait contre-exemple du théorême bien connu : « l'arc en plein cintre qui est roman, est antérieur à l'arc brisé qui est gothique ».

Sur l'image 9, difficilement lisible, on constate que le thème le plus intéressant des lions affrontés n'est pas sculpté sur les chapiteaux, mais sur les tailloirs.

Image 10 : chapiteau décoré de masques barbus sur feuilles dressées.

L'image 2 et la vue par satellite de l'image 1 montrent que l'absidiole Sud a un plan en quart de cercle. Il est probable qu'il en est de même pour l'absidiole Nord, présente sur l'image 11. Ce plan en quart de cercle n'est pas usuel. Il faudrait réexaminer ces absidioles (images 11 et 12) pour voir si, à l'intérieur, leur plan est en quart de cercle ou en demi-cercle.

Plus généralement, il faudrait réaliser un plan de l'édifice. Le chevet carré et élevé en forme de tour est selon nous assez fréquent dans la région Aquitaine et beaucoup plus rare ailleurs.


Le portail Ouest (image 13)

Ce portail rassemble un ensemble hétéroclite de décors : un opus spicatum (appareil en épi) peu visible sur cette image, carreaux losangiques rouges, arc polychrome, lucarne taillée dans une pierre monolithe noire. À l'origine, la partie inférieure du linteau en bâtière devait être droite. Elle a été retaillée en forme elliptique.


La crucifixion (image 14)

L'explication donnée ci-dessus de cette crucifixion est selon nous correcte. Rappelons que nous avons décrit une crucifixion du même genre à Usson-du-Poitou. Il y a cependant quelques différences avec le modèle initial. On constate l'absence des représentations du Soleil et de la Lune personnifiés. Il y a aussi absence de la Vierge Marie et de Saint Jean. Mais ils pouvaient être, comme à Usson-du-Poitou, représentés sur des bas-reliefs séparés qui ont été perdus. On constate surtout l'absence du bois de Croix et le fait que la tête du Christ ne soit pas entourée du nimbe crucifère. Il est aussi représenté le torse nu. Il est possible que cette représentation, de facture naïve, soit plus ancienne que d'autres présentes dans la région.


Le bas-relief énigmatique (image 15)

Le texte ci-dessus donne plusieurs explications. Aucune ne nous satisfait pleinement. Il n'y a aucune ressemblance avec une Annonciation ou une Adoration des Mages. Et l'allusion à Teutatès est tout à fait spéculative. Par ailleurs, un des auteurs voit trois personnages alors que nous n'en distinguons que deux. Initialement, nous avons remarqué que la figure à l'extrême gauche, au-dessus du personnage en train de tomber, semblait être une hache ou une épée. Mais à présent, nous pensons que ce pourrait être les deux bras d'une croix (bras gauche et bras supérieur). Et, dans ce cas, la scène représenterait le Portement de Croix. Le personnage en train de tomber serait le Christ ployant sous le poids de la croix. Il est vêtu d'une tunique qui n'a pas encore été tirée au sort et attribuée. Il est couronné d'épines. Le personnage à droite serait Simon de Cyrène. Mais il ne s'agit là que d'une hypothèse.

Cette hypothèse tout juste évoquée vient d'être mise en défaut grâce à Clive Kenyon qui a constaté une ressemblance entre cette image et celle d'un bas-relief de l'église Notre-Dame de Bouresse, village du département de la Vienne. Nous aurons l’occasion de décrire ce bas-relief dans une prochaine page consacrée à l'église Notre-Dame. Il semblerait que cette scène représente la Résurrection avec, à gauche, une sainte femme agenouillée et à droite l'Ange de la Résurrection. Entre ces deux personnages, l'objet ne serait pas un troisième personnage mais le tombeau vide. Il y aurait bien, comme nous l'avions envisagée, une croix. Mais elle est filiforme, représentée comme symbole.


Datation

Nous rappelons que nous datons un monument à partir du plan initial qui fixe la direction des murs, et ce même si cette direction n'est repérable qu'à partir de restes infimes. C'est ce qui se passe ici pour les restes repérés à partir des images 4, 5 et 6.

Datation envisagée pour l'église Saint-Jean-Baptiste de Chassenon : an 700 avec un écart de 150 ans.