Les parties romanes de la cathédrale de Strasbourg
« Il faut accepter les échecs »
… C’est la phrase qui nous est venue à l’esprit à l’issue de
cette enquête.
Pourtant « l’affaire semblait bien verrouillée ». D’une part
la ville de Strasbourg, ancienne cité romaine, a dû être un
évêché durant le Haut Moyen-Âge. Certes Grégoire de Tours,
qui cite deux fois cette ville, ne mentionne pas la présence
d’un évêque, mais il fait pareillement pour d’autres villes
de même importance dans lesquelles la présence d’un évêque
est avérée. Nous avons donc estimé qu’il existait
probablement durant le premier millénaire une église
cathédrale à l’emplacement de l’église actuelle.
Par ailleurs le livre Alsace
Romane de la collection Zodiaque donne beaucoup
d’explications sur les parties romanes de la cathédrale
actuelle. On pouvait donc espérer découvrir grâce à ces
explications des traces de l’église antérieure à l’époque
romane.
Malheureusement ce livre ne fournit pas de renseignement sur
une telle église. Il nous dit seulement que des fouilles ont
été effectuées de 1907 à 1911 et que, grâce à ces fouilles,
on peut effectuer les remarques suivantes :
« Ce vaste édifice (la cathédrale ottonienne selon les
auteurs du livre) – la première pierre a été posée en l’an
1015 par l’évêque Wernher- possédait déjà les mêmes
dimensions que la cathédrale actuelle… ». C’est cette
cathédrale du XIe siècle qui est représentée sur
l'image 1,
photographie d’un panneau placé sur un mur de la cathédrale.
Nous n’avons pas décelé sur les murs actuels de cette
cathédrale de restes de cet édifice. Certes le mur pignon du
collatéral nord du transept pourrait dater de cette époque,
mais il a été tellement modifié dans les siècles suivants
que son appartenance au XIe siècle ne peut être
décelée que par une analyse fine de chaque élément.
L’intérieur du transept, très sombre, et non accessible aux
touristes, (hormis la fameuse horloge astronomique) n’a
révélé que des formes du XIIe siècle. Le chœur ,
quant à lui pourrait dater de la fin du XIIe
siècle.
Il restait la très belle crypte que nous vous laissons
admirer dans les images suivantes.
Il s’agit là d’une très belle
construction. Mais ne serait-elle pas « trop » belle ?
Observons en effet les impostes ou les tailloirs des
piliers. Les arêtes sont vives, les surfaces sont planes :
tout est parfait ! Trop parfait pour avoir été fait par des
tailleurs de pierre du XIIe siècle. Trop parfait
aussi pour des pierres déposées dans des endroits humides.
Car le salpêtre se dépose sur les pierres et, avec le temps
l’humidité les ronge et ternit leur aspect. En conséquence
trois hypothèses sont possibles : la crypte date bien du XIIe
siècle, la crypte date du XIIe siècle dans sa
forme globale avec ses piliers et les voûtes que l’on voit,
mais des pierres ont été remplacées au XIXe ou au
XXe siècle, la crypte est une création du XXe
siècle après les fouilles de 1911.
Nous ne sommes pas en mesure de prouver laquelle de ces
hypothèses est la bonne. Constatons seulement que le partage
de la surface de cette crypte en 3 nefs et 6 travées (voir image 7) est purement
artificiel. Il correspond à une technique architecturale :
si on veut surélever un plancher, en l’occurrence ici, le
plancher du chœur, on dispose à intervalles réguliers des
étais verticaux et on place par dessus des poutrelles
horizontales et, par dessus encore, le plancher horizontal.
Et si on veut agrémenter le tout on remplace les étais par
des piliers ou des colonnes et les poutres horizontales par
des voûtes. Bien sûr, à l’époque romane on ne connaissait
que les piliers et les voûtes. Ceci pour dire que ce mode ce
construction peut avoir été réalisé aussi bien au XIIe
siècle qu’au XXe siècle (en imitant les
techniques romanes).
Il est néanmoins dans cette crypte une anomalie surprenante.
On la voit en partie, au fond du collatéral sud (image
4) ou sur l'image
5. Ce sont sur cette dernière image, les deux
petites arcades suivies d’une arcade un peu plus grande. A
remarquer que l’imposte sur laquelle s’appuient les deux
petites arcades semble être, de toutes les autres pierres
sculptées, la plus archaïque.
En observant le plan de l'image
7 , détail du plan 6, extrait du livre «
Strasbourg La cathédrale » de Benoît
Van den Bossche , on note que la forme arrondie des
murs est des collatéraux peut être prolongée dans l’abside
centrale de la crypte. Le tout permet d’imaginer une grande
abside semi-circulaire. On imagine aussi que, primitivement,
le bas de cette abside était tapissé d’une arcature dont on
voit les deux premières arcades dans l'image
5. Ceci à la ressemblance de ce qu’est,
actuellement, l’abside de l’église Sainte-Croix de
Quimperlé. Dans un deuxième temps, on aurait interrompu
cette arcature pour introduire des portes ou des fenêtres.
Cela expliquerait la présence (toujours sur l'image
5) de l’arcade un peu plus haute que les deux
précédentes.
On serait donc en présence du chœur, précédé d’un
avant-chœur, (le tout dessiné en bleu sur l'image
7) d’une église primitive. De quelle église
s’agit-il ? Si, on se réfère à nos estimations concernant
Quimperlé, ce pourrait-être l’église construite au XIe
siècle.
On est donc toujours sans nouvelle de l’église construite
avant l’an 1000. On pourrait certes écarter la question d’un
revers de main : une telle église n’a pas existé ! Mais dans
ce cas, se poserait une question beaucoup plus importante :
comment se fait qu’il n’y ait pas eu de cathédrale à
Strasbourg avant l’an 1000 ? Alors qu’il y en avait tout
autour 400 ans auparavant ? Serait-il possible que
Strasbourg ait été d’importance médiocre ? ou totalement
déchristianisée ?