L'église Saint-Martin de Vomécourt-sur-Madon 

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Après l'étude de l'église Saint-Martin de Vomécourt-sur-Madon, nous terminerons l'étude de cette région par un paragraphe de conclusions sur les monuments du Grand-Est.


L'église Saint-Martin de Vomécourt-sur-Madon

Grâce à la vue par satellite de l'image 1,, on peut identifier les divers éléments de cette église. À gauche, une large nef. On verra plus loin qu'elle est à trois vaisseaux. Puis, en allant vers la droite, un transept large et haut dominé par un clocher de croisée, et enfin un chevet formé de deux absides : l'abside centrale et l'absidiole Sud. On devine qu'il y avait une autre absidiole au Nord, symétrique de celle du Sud. On constate que le mur Sud de l'absidiole Sud n'est pas dans le prolongement du mur Sud de la nef, mais du mur Sud du transept.

On déduit de cela que probablement, à l'origine, le plan de l'église présentait une nef à trois vaisseaux avec trois absides en prolongement. Ultérieurement, à l'époque romane, on aurait construit un transept et de nouvelles absides greffées sur ce transept.

Le chevet (images 2, 3 et 4) appartiendrait donc à la période romane (un premier art roman). Le portail (image 5) construit en plusieurs périodes, dont la période gothique, est principalement roman. Cependant, le tympan qu'il contient (en fait la pierre fait à la fois office de tympan et de linteau) pourrait être préroman (image 6). La thématique est énigmatique : en haut, trois médaillons. Celui du dessus contient un oiseau qui pourrait être le symbole de messager de Dieu dans le Ciel : un Ciel situé au-dessus des autres cieux contenant les étoiles (deux médaillons du dessous). Nous ne comprenons pas la présence d'un lion et d'un combat de cavaliers dans la partie gauche. Dans la partie droite, trois hommes sont placés face à un ange, de part et d'autre d'une sorte de coffre. Le geste de l'ange étant interrompu, il est possible que toute une scène au-dessus du coffre ait disparu. En conséquence, l'ensemble pourrait être la scène biblique de la révélation aux trois mages et par un ange de la naissance de l'Enfant Jésus. Mais ce n'est qu'une hypothèse. En tout cas, nous constatons l'absence d'auréole autour de la tête de l'ange, ce qui confirmerait l'ancienneté de cette représentation.


Les images 7, 8, 9, 10 confirment que la nef est bien à trois vaisseaux et que ces vaisseaux sont charpentés. Très probablement, le vaisseau central a été abaissé. En conséquence, la nef, privée de fenêtres supérieures, est relativement sombre.

Pour ce type d'église, on s'attendrait à ce que les piliers soient à section rectangulaire. Or la section est octogonale. Nous pensons qu'à l'origine, les piliers étaient bien à section rectangulaire (et même carrée). Mais plus tard, les angles ont été biseautés. Peut-être afin que les fidèles, installés sur les bas-côtés, aient un meilleur champ de vision.

Les impostes situées au-dessus des piliers ont été conservées. Fait remarquable : à la différence de nombreuses impostes simplement moulurées, celles-ci portent un décor sculpté. Ci-dessous, quelques descriptions de ces décors.

Image 11 : De gauche à droite, deux palmettes puis un loup.

Image 12 : Probablement une autre face de la même imposte que précédemment, mais symétrique : un loup puis deux palmettes.

Image 13 : Entrelacs de feuillages.

Image 14 : Trois palmettes (ou feuilles de vigne stylisées). Celle du milieu est inversée par rapport aux deux autres.

Image 15 : Pampres de vigne.


Datation envisagée pour l'église Saint-Martin de Vomécourt-sur-Madon : an 850 avec un écart de 150 ans.




Conclusions sur les monuments du Grand-Est

Nous n'avons que peu de choses à dire sur ce point. En fait, l'étude sur le Grand-Est ne fait que finaliser toute une étude concernant le Nord de la France (Région des Hauts de France), la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et l'Allemagne. Tout cette zone géographique a été pour nous une grande surprise. Nous ne pensions pas qu'elle puisse révéler autant de monuments dignes d'intérêt. Car notre petite connaissance de l'art roman nous avait fait découvrir les richesses, les petits bijoux romans qui se trouvent principalement en France dans des régions comme la Bourgogne ou l'Auvergne. Nous n'avions pas réalisé – et nous ne sommes pas les seuls – que l'art roman a été précédé d'un autre art, l'art préroman, un art tout à fait différent de celui qui lui a succédé. Dans l'art préroman, les sculptures – en particulier celles de chapiteaux ou de portails – ont été moins privilégiées que dans l'art roman. Si bien que le néophyte en art est quelque peu déçu en visitant une nef préromane : il ne voit pas de chapiteaux ornés de scènes souvent incompréhensibles. Il ne voit pas non plus dans ces églises l'interpénétration des arcs ou des voûtes. Mais de grandes surfaces, souvent recouvertes d'un enduit neutre. Et il ne peut s'imaginer que ces surfaces étaient autrefois recouvertes de fresques ou de mosaïques.

La découverte que nous avons faite de cet ensemble de régions est celle d'églises préromanes. Et d'une moindre importance, d'églises romanes. Ayant auparavant constaté cette relative absence d'églises romanes, nous en avions déduit que l'évangélisation massive de ces régions du Nord de l'Europe était plus tardive – postérieure au XIe siècle – que celle du Sud de l'Europe. La découverte de ces monuments préromans nous incite à réviser cette position. Avant même l'an 800, le Nord de l'Europe – hormis peut-être la Scandinavie – devait être totalement christianisé. Une christianisation sans doute différente de celle d'aujourd'hui, avec des pratiques chamaniques et des réminiscences de cultes anciens.

Cette remise en question en amène une autre : comment se fait-il qu'il y ait moins de restes romans dans ces régions du Nord de l'Europe que dans des régions de France ? Nous pensons que, dans le Nord de l'Europe, les églises avaient été construites avant l'an 800 ou 900. Il n'était pas nécessaire d'en construire d'autres vers l'an 1100. Par contre, dans des régions plus récemment mises en culture comme, en France , le département du Cantal, il fallait construire des églises nouvelles, donc romanes.