L'église Sint-Laurentiuskerk d’Ename 

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La page du site Internet Wikipédia consacrée à cette église nous apprend ceci :

« Ename a été fondée vers 990 par Godefroi 1er, comte de Verdun, sur le fleuve Escaut, frontière entre le Saint Empire romain-germanique et le comté de Flandre. Godefroi et sa femme Mathilde de Saxe ont construit un donjon entouré d'un castrum fortifié qui protégeait le commerce local. Leur fils, Herman de Verdun, comte de Brabant, fonde l'église Saint-Laurent peu avant l'an 1000. Il privilégie une architecture ottonienne afin de démontrer sa fidélité à l'empereur. Le choix du saint patron n'est pas anodin non plus puisque les empereurs ottoniens vénéraient souvent saint Laurent, car le 10 août 955, jour de la fête du saint, Otton 1er remporta la bataille de Lechfeld contre les Hongrois.

Lorsque le contrôle d'Ename passe au comte de Flandre, Baudoin V, et que l'abbaye Saint-Sauveur est construite, le village et l'église deviennent une partie de ses propriétés. L'église Saint-Laurent est devenue l'église paroissiale du village et est restée en usage jusqu'à aujourd'hui
. »


Commentaires sur ce texte

Il est rempli de certitudes : « Ename a été fondée vers 990 par Godefroi 1er » ou « Leur fils, ... fonde l'église Saint-Laurent peu avant l'an 1000 », avec des justifications qui nous paraissent un peu hasardeuses : « Le choix du saint patron n'est pas anodin ... car le 10 août 955, jour de la fête du saint, Otton 1er remporta la bataille de Lechfeld contre les Hongrois.». Nous pensons que ce type de discours doit être étayé de preuves solides. Nous avons en effet constaté à de nombreuses reprises que des textes anodins avaient pu être interprétés d'une façon exagérée : une église citée à un moment donné devenait une église construite à ce moment-là ; ou encore : la fondation d'une communauté correspondait à la construction de l'église de cette communauté, ce qui est loin d'être le cas.

Si nous demandons ces précisions, ce n'est pas par souci de créer une polémique, mais afin de les confronter à nos propres évaluations établies dans le chapitre
« Datation » (à la page Premiers essais de datation des nefs de basiliques à trois vaisseaux) du présent site. Nous constatons en effet que celles-ci, antérieures d'environ deux siècles (mais avec une forte marge d'incertitude), différent nettement de celles-là. Et ce, pour les raisons suivantes : nef basilicale à trois vaisseaux charpentés, vaisseau central porté par des piliers de type R0000, lesquels soutiennent des arcs en plein cintre à simple rouleau, absence de transept (images 3, 6 et 7).


Quelques observations sur cette église

Des ouvertures d'origine : C'est du moins l'impression que l'on éprouve en observant les images 6 et 7. Nous définissons ce type de baie comme étant « à ressaut ». Nous devons faire une étude sur l'évolution des baies. Nous pensons que les baies à ressaut précèdent les baies à ébrasement, lesquelles précéderaient les baies à colonnettes (avec des empiétements réciproques). Savoir que les baies à ressaut pourraient coexister avec les basiliques à piliers de type R0000 constitue donc pour nous une étape importante.

Une surprise ! Lorsque nous avons vu ces images, le doute n'était pas permis. La tribune de la tour-clocher des images 2 et 4 est visible sur les images 6 et 7. Pour nous, cet ouvrage est très caractéristique, que ce soit à l'intérieur comme à l'extérieur : c'est ce que nous appelons un ouvrage Ouest (le nom est inspiré de l'allemand westwerk). L'ouvrage opposé visible sur les images 1 (pour l'extérieur), 13 et 14 (pour l'intérieur), est aussi facile à identifier : c'est un ouvrage Est ou chevet. Jusque là, rien d'anormal ! Mais la vue par satellite de l'image 3 révèle une énorme surprise : l'ouvrage Ouest est à l'Est de la nef, l'ouvrage Est est à l'Ouest. La page du site Wikipédia est révélatrice de cette confusion : tantôt la tour-clocher est appelée « chœur Ouest » et tantôt « chœur Est ». Nous ne comprenons pas ce qui a pu se passer. Il doit y avoir une explication. Mais laquelle ?

D'intéressants restes de fresques. La baie de la tribune de la tour-porche devait être primitivement murée, mais des travaux de restauration ont permis de la dégager (image 8). Ces travaux ont fait apparaître des restes de fresques (images 9 et 10). Sur celle de l'image 9, des anges sortent de l'arc supérieur représentant le ciel. Plus bas, une tête émerge d'une structure en bois (probablement une croix). Il s'agit soit d'une Crucifixion, soit d'une Déposition de Croix. Tout à côté (image 10), la scène est un peu différente. Elle représenterait un Christ en Gloire tenant le Livre dans sa main. Ce Christ est de facture romane, peut-être même préromane si on tient compte du décor qui l'entoure (à base d'entrelacs de traits d'or et d'argent sur fond bleu).

Notons enfin que le bois de la Croix empiète sur cette scène de Christ en Gloire. La scène de Crucifixion aurait donc été peinte sur la représentation du Christ en Gloire.

D'autres représentations surprennent quelque peu, comme la fresque à motifs de pavement de l'image 11.

Terminons avec le chœur qui devrait être à l'Est mais qui se présente à l'Ouest. Sur la façade gauche (image 13), une rangée de pilastres porte des arcades à arcs légèrement outrepassés. On retrouve la même rangée de pilastres sur la façade droite et au fond du chœur (image 14). À l'extrême gauche de cette image, on peut voir sous une des arcades la représentation d'une Vierge à l'Enfant (image 15).


Datation envisagée pour l'église Sint-Laurentiuskerk d’Ename : an 850 avec un écart de 150 ans.



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