La basilique Saint-Pierre-et-Saint-Moïse de Solin
• Balkans • Article
précédent • Article suivant
Nous n'avons pas visité ce reste d'église. Les images de
cette page sont extraites de galeries d'Internet.
Nous n'avons pas obtenu de renseignement sur cette église.
C'est la première fois que nous rencontrons la dédicace
d'une église à Saint-Pierre-et-Saint-Moïse. D'habitude,
c'est seulement Saint-Pierre ou Saint-Pierre-aux-liens ou
encore Saint-Pierre-et-Saint-Paul. Mais c'est aussi la
première fois que nous avons une dédicace à Saint-Moïse. Il
y a là un paradoxe car, sauf confusion de notre part (il a
pu y avoir plusieurs personnages appelés Moïse dont un
chrétien devenu saint), Moïse est un
« saint » de la religion juive. Comment expliquer que Moîse
ait été reconnu comme saint par une religion chrétienne
réputée antisémite ? En fait, il y a toujours eu des liens
entre juifs et chrétiens, les seconds reconnaissant
l'héritage reçu des premiers en adoptant une partie de
l'histoire juive dans l'Ancien Testament. Il est possible
que cette double dédicace soit un reflet de ces liens.
Nous avons remarqué que de nombreuses églises construites
aux premiers temps de l'ère chrétienne portaient une double
dédicace : Saint Gervais et Saint Protais, Saint Pierre et
Saint Paul, Et que, dans la plupart des cas, les deux
personnages étaient différents : un vieux et un jeune, un
maître et un disciple, un prêtre et un laïc. Il est possible
que, dans le cas présent, la double dédicace exprime une
dualité : deux personnages différents, mais réunis en un
même lieu.
Concernant l'architecture, les images
1 et 2 permettent de repérer deux structures
superposées : au centre, un grand bâtiment rectangulaire aux
murs épais renforcés par des contreforts (ou lésènes). Ce
bâtiment est divisé en trois vaisseaux. Ces vaisseaux sont
terminés côté Est par des absides : absides semi-circulaires
pour les collatéraux, rectangulaire pour le vaisseau
central. Ce bâtiment était accompagné pat un ouvrage Ouest
muni de deux tourelles.
On repère autour de ce bâtiment et dans le même axe, un
autre bâtiment terminé par une abside semi-circulaire. Les
deux bâtiments semblent être différents, tant par les styles
que par les méthodes de construction. Ils auraient donc été
construits à des époques différentes. Et donc la question se
pose pour savoir lequel des deux est le plus ancien. Nous
avouons notre perplexité. La réponse doit être facile pour
les archéologues qui ont pu repérer quels étaient les murs
qui en recouvraient d'autres. Mais nous n'avons pas vu les
rapports de fouilles. Au vu des images, on aurait tendance à
dire que le bâtiment rectangulaire plus élevé semble
recouvrir des restes du bâtiment à abside semi-circulaire.
Ce dernier serait donc le bâtiment le plus ancien. Mais à
l’inverse, le bâtiment rectangulaire, par son style (abside
principale rectangulaire, absidioles semi-circulaires, trois
absides insérées) apparaît plus archaïque que le bâtiment à
abside. Notons enfin que ce bâtiment rectangulaire semble
être posé sur un socle comme l'étaient les temples grecs ou
romains.
Nous pensons, mais sans certitude avérée, que le premier
bâtiment construit a été le bâtiment rectangulaire.
Ultérieurement, on a décidé de construire un second bâtiment
entourant le premier pour le mettre en valeur et le
compléter. Cette idée peut paraître saugrenue. Pourtant on a
un exemple avec la maison natale de Staline en Géorgie : de
taille modeste, elle a été entourée par une construction
monumentale qui la préserve et est censée l'embellir.
Image 6 : Stèle
funéraire aux dauphins.
Datation envisagée pour la basilique
Saint-Pierre-et-Saint-Moïse de Solin : an 300 avec un écart
de 100 ans.
Peu après que l'actuelle page Internet ait été mise en ligne, nous avons appris, grâce à Alain Le Stang, qu'il y avait des informations sur ces vestiges sur le site officiel de l'Office de Tourisme de Solin. Nous reproduisons ci-dessous le texte intégral :
« L'Église creuse (Šuplja crkva)
À côté de la rivière Jadro, à l'est de Salona, se trouve un site archéologique contenant les ruines de plusieurs églises. Ce site est connu parmi la population locale depuis des siècles sous le nom descriptif de “l'église creuse” (Šuplja crkva). Ce nom vient de l'époque où il y avait des murs d'une église désaffectée, dont la toiture s'était effondrée, qui apparaissait sur la carte de Camuci de l'année 1571. Les restes de cette basilique à trois nefs, dédiée à Saint Pierre et Moïse (Sv. Petar et Mojsije), étaient encore debout à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe, puisque c'est à cette époque-là que les nouveaux habitants de Solin lui donnent ce nom pittoresque.
L'église, datant du XIe siècle, est en rapport avec le couronnement du roi croate Zvonimir en 1075. Elle a été construite au sein d'une ancienne basilique paléochrétienne, érigée probablement au VIe siècle. À côté de l'église, il y avait un couvent de Bénédictins qui était peut-être lié à la maison impériale. Cela expliquerait la construction de la nouvelle église précisément sur la place de l'ancienne et le fait qu'on y a effectué cet événement, le plus important pour cette église préromane à trois nefs.
Aujourd'hui, le paysage est très différent de l'époque paléochrétienne et du XIe siècle. Autrefois, la rivière avait un autre cours, et le terrain adjacent était considérablement plus bas. La rivière coule maintenant très près de l'église et les ruines des anciens remparts restent souvent sous l'eau la à cause de la configuration du terrain. Il s'agit d'un excellent exemple visuel de la façon dont la petite rivière a changé la configuration du paysage archéologique de Solin. C'est intéressant qu'au XIe siècle on a construit une église préromane dans les ruines de l'ancienne église, dont on peut encore voir les murs sous la clôture qui sépare le site archéologique de la rue adjacente menant à Majdan. Un peu à l'ouest était l'embouchure de la rivière Jadro et du ruisseau Iljino vrilo (source d'Élie) dont la source se trouve près de Rižinice, sous la pente orientale de Kozjak. Cela a également influencé le changement du paysage et l'inondation des restes de l'église.
La séquence de la construction de ce site a été déterminée par l'architecte danois E.Dyggve, chercheur renommée de Solin, qui, à l'aide des fouilles archéologiques mineures, a pu déterminer la structure de l'église paléochrétienne et de celle construite plus tard. Les fouilles sur le site ont commencé en 1927 et leurs résultats ont clarifié un point très important ; on a trouvé l'église où le roi Zvonimir a été couronné. Ce doute a été clarifié par L. Katić, qui, pour le faire, a utilisé les sources écrites ainsi que les découvertes archéologiques et les inscriptions de l'autel. Les excavations sur ce site ont été reprises en 1990 et durent encore. Une procédure complexe pour déplacer l'eau des sites archéologiques dans la rivière est toujours nécessaire. Cela empêchera toute inondation des fondations creusées et des murs conservés.
La basilique à trois nefs avait une façade occidentale particulière, appelée corpus occidental (westwerk) et un clocher. Dans la partie orientale, les trois absides ont été incorporées dans le corps de l'église. À l'intérieur, il y avait une grande clôture de l'autel en trois parties avec une inscription sur ses protecteurs, Saint Pierre et Moïse,qui ensuite, à l'aide des sources écrites, a également révélé un certain nombre d'événements historiques importants. Selon certains chercheurs, l'autel contenait aussi des pluteums qui aujourd'hui forment la piscine baptismale du baptistère de Saint Jean (Sv. Ivan) à Split, parmi lesquels le plus connu est celui qui est généralement interprété comme la représentation du souverain croate sur le trône. »
Commentaires de ce texte
Le second paragraphe, « L'église, datant du XIe siècle, est en rapport avec le couronnement du roi croate Zvonimir en 1075. Elle a été construite au sein d'une ancienne basilique paléochrétienne, érigée probablement au VIe siècle. À côté de l'église, il y avait un couvent de Bénédictins qui était peut-être lié à la maison impériale. Cela expliquerait la construction de la nouvelle église précisément sur la place de l'ancienne et le fait qu'on y a effectué cet événement, le plus important pour cette église préromane à trois nefs. », est, du point de vue logique, incompréhensible.
En effet, selon ce texte, il y aurait eu trois églises : la première serait une basilique paléochrétienne du VIe siècle. Une deuxième église aurait été construite « au sein » de la basilique paléochrétienne au XIe siècle. Enfin, une troisième église aurait été construite « sur la place de l'ancienne ». Mais cette ancienne église serait dite à la fois
« préromane » et « datant du XIe siècle ». Deux phrases contradictoires, car selon les dictionnaires, une église du XIe siècle est romane. Cette autre phrase devrait poser question : « C'est intéressant qu'au XIe siècle on a construit une église préromane dans les ruines de l'ancienne église, dont on peut encore voir les murs sous la clôture qui sépare le site archéologique de la rue adjacente menant à Majdan. ». D'une part, les vues aériennes ne permettent pas de découvrir les restes d'une église différente des deux autres identifiées ci-dessus. D'autre part, l'auteur du texte nous précise que ses murs sont « sous la clôture qui sépare le site archéologique de la rue adjacente menant à Majdan. ». Cette rue, facilement identifiable, est droite. La clôture citée est donc un seul mur rectiligne. Et sous ce mur droit, il y a « les murs » de l'église paléochrétienne. Donc un seul mur droit ! Comment les archéologues ont-ils pu déterminer avec ce seul mur rectiligne qu'ils étaient en présence des restes d'une basilique paléochrétienne ?
Nos explications
Nous pensons être en présence d'une situation de conflit entre deux points de vue : celui de l'archéologue et celui de l'historien.
Comme nous l'avons écrit ci-dessus, l'archéologue a constaté qu'il y avait deux églises successives (et non trois) : une église paléochrétienne, et, entourant celle-ci, une église romane. Et il a très certainement trouvé, en fouillant ces églises, des artefacts datant d'époques diverses, car, en adoptant les datations qui sont ici proposées, six cent ans se sont écoulés entre le début du VIe siècle et la fin du XIe siècle.
L'historien a, quant à lui, un autre point de vue : l'identité croate qu'il doit aider à construire. Et pour construire cette identité croate, il dispose du nom d'un roi croate (Zvonimir) qui vivait au XIe siècle et qui a été couronné en 1075. Sans connaître l'histoire de la Croatie, nous sommes pratiquement certains qu'il y a eu beaucoup d'autres rois croates, car l'émergence des diverses tribus slaves qui ont vécu en Dalmatie a dû se produire bien avant le VIe siècle. Mais le souvenir de ces rois s'est perdu. Il reste le souvenir de Zvonimir, couronné en 1075. Quelle preuve a-t-on qu'il a été couronné dans cette église ? En tout cas, s'il a été couronné en 1075 dans cette église, celle-ci n'a pu être construite que pour son couronnement. Elle est donc du XIe siècle !
Où en est la vérité historique dans tout cela ? Nous l'ignorons. En tout cas l'identité croate est sauve ! Que nos amis croates ne se formalisent pas de ces remarques ironiques. Les historiens français font de même : forger l'identité d'une nation est considéré plus important que rechercher la vérité historique.