L'église Saint-Élisée de Draguć  

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Nous n'avons pas visité cette église. La plupart des images de cette page sont extraites de galeries d'Internet.

C'est tout à fait par hasard que nous avons eu connaissance de cette chapelle, en consultant  le site Patrimoine Culturel de l'Istrie, créé par Ivan Matejcic.

Nous avons été surpris de découvrir là de magnifiques fresques romanes. Bien qu'elles semblent postérieures à l'an mille, nous avons estimé nécessaire de les insérer dans notre étude sur le premier millénaire de notre ère.


Les données architecturales

La première surprise est de découvrir une chapelle entièrement construite avec un appareil en alternance de pierres avec effet de polychromie (images 1 et 2) : des couches horizontales de gros blocs gris soigneusement équarris se superposent à des couches de plus petits moellons de couleur blanche. Nous n'avons pas vu en Croatie d'autres chapelles de même style. Mais il faut dire que notre connaissance de la Croatie est extrêmement limitée.

Le plan de l'image 4, extrait du site Patrimoine Culturel de l'Istrie, entre en contradiction avec les images 1 et 2 et la vue par satellite de l'image 3. Sur ces images, l'église est à plan rectangulaire, alors que sur le plan de l'image 4, l'abside semi-circulaire est proéminente.

L'image 7 montre qu'il y a bien une abside semi-circulaire, mais elle est insérée dans un chevet rectangulaire. Il doit donc y avoir deux petites pièces de part et d'autre de l'abside. Mais ces pièces ne sont pas accessibles de l'intérieur.


Les éléments sculptés

Le site Patrimoine Culturel de l'Istrie présente deux pièces sculptées provenant de cette église. La première (image 5) est probablement installée sur place, mais nous ne l'avons pas localisée à partir des images recueillies sur Internet. C'est un linteau à décor de virgules probablement utilisé en réemploi. La seconde (image 6) est un voussoir. Lui aussi porte un décor de virgules. Il est déposé au musée archéologique de Pula. On note l'épigraphie OPVSTRIBV (œuvre de Tribu ?)

Bien que les deux pièces proviennent de cette église, nous ne sommes pas certains qu'elles étaient à l'origine dans cette église. Elles ont pu être récupérées d'une autre église aujourd'hui disparue. Leur datation : an 800 avec un écart de 100 ans.


Les fresques romanes (images de 7 à 15)

À remarquer que pour presque toutes les images de visages, les traits ont disparu. Cela viendrait du fait que la couleur provient d'un pigment déposé sur un enduit frais (le nom de « fresque » vient de l'italien fresco signifiant « frais »). L'artiste qui dépose la peinture doit réaliser des panneaux successifs. Le travail du visage des personnages étant considéré comme le plus important pour l'artiste, il est souvent réalisé en dernier sur un enduit déjà sec.

Côté Est (images 7 et 8)

L'abside, au centre, est encadrée par deux panneaux représentants l'Annonciation, avec, à gauche, l'Ange, et à droite, la Vierge Marie.

Sur le cul-de-four de l'abside, on peut voir, au centre, le Christ en Gloire. Il est encadré par deux saints. Celui de gauche semble être un évêque portant un objet liturgique recouvert par un voile. Le Christ lui-même est représenté sur le trône céleste : ses pieds reposent sur un rectangle (perspective d'un carré). Il est assis dans un autre rectangle au dessus du cercle des accoudoirs représentant les cieux (il est « dans le Ciel au-dessus des cieux »). Il fait le signe de la « Main Divine » (voir la page précédente : index et majeurs levés, annulaire et pouce accolés).

Remarquer que ces fresques ont été posées après le percement de la fenêtre axiale qu'elles encadrent parfaitement.

Côté Sud (images 9, 10 et 11)

Ici aussi les panneaux de fresques ont été réalisés après la fenêtre. Les scènes de cette paroi sont celles de l'enfance du Christ : de gauche à droite, une probable Nativité, puis l'Adoration des Mages (image 10) et la Fuite en Égypte (image 11). Concernant l'Adoration des Mages (image 10), deux d'entre eux portent une tunique décorée d'un quadrillage (?). Ils portent aussi une couronne franque.

Côté Nord (images 12 et 13)

Les scènes de cette paroi sont celles de la Passion du Christ : de gauche à droite, la Cène, le Baiser de Judas, la Crucifixion, et, peut-être, une Résurrection. À remarquer que, dans la scène de la Crucifixion (image 12), le Christ est vêtu d'un long pagne. Ses bras sont étalés en forme de T (et non de V). Il est encadré par la Vierge et Saint Jean. Au-dessus des bras de la croix, des anges personnifient le Soleil et la Lune. Ces détails permettent d'envisager une datation aux alentours de l'an 1150 : an 1150 avec un écart de 75 ans.

Côté Ouest (images 14 et 15)

Les scènes représentées sont, probablement, le Jugement Dernier à gauche, et, à droite (image 15), l'Enfer en bas, et, en haut, la résurrection des morts et le Paradis.


Datation

Si l'on tient compte seulement des fresques, l'église daterait du XIe siècle. On sait néanmoins que, tout comme dans nos constructions modernes, les peintures murales et les tapisseries doivent être remplacées régulièrement ;  les fresques des églises rurales ont dû être renouvelées régulièrement. Il est même possible que, sous la couche actuelle, il y ait d'autres fresques plus anciennes.

En conséquence il est possible que cette chapelle soit antérieure au XIe siècle. Certains indices témoignent en ce sens. Il y a d'abord les sculptures des images 5 et 6. Il y a aussi le fait que l'abside semi-circulaire soit insérée dans un massif rectangulaire.

Datation envisagée pour l'église Saint-Élisée de Draguć : an 850 avec un écart de 150 ans.