L'église de la Nativité de la Vierge de Zadar 

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Nous avons visité cette église. La plupart des images de cette page ont été prises lors de cette visite. Les autres sont extraites de galeries d'images d'Internet.

La page du site Internet Wikipédia réservée à cette église nous apprend ceci :

« Histoire

Le monastère bénédictin a été fondé à côté d'une église existante en 1066 par la noble de Zadar Cika. Le monastère a ensuite reçu la protection royale et les subventions du roi Petar Krešimir IV. Après être devenue nonne plus tard dans sa vie, Cika dota le monastère de deux hymnaires et d'un livre de prières, ainsi que d'autres objets de valeur. Les deux hymnaires sont perdus, mais le livre de prières a survécu et est actuellement conservé à la Bodleian Library d'Oxford.

La fille de Cika, Vekenega, est entrée au monastère en tant que nonne vers 1072, après la mort de son mari Dobroslav. Vekenega, en tant que premier successeur de Cika, a demandé une aide financière au nouveau roi Coloman de Hongrie pour terminer le monastère et ériger de nouveaux objets du monastère. La tour monumentale porte le nom de Coloman et l'année 1105. La tour porte l'inscription qui commémore l'entrée du roi à Zadar en 1102.
[…]

Pendant la Seconde Guerre mondiale, lorsque la ville faisait partie de l'Italie, l'église et ses environs ont été détruits par les bombardements alliés. L'église a été reconstruite après la guerre. »


Commentaires sur ce texte

Nous avons écrit à de nombreuses reprises sur le présent site Internet qu'une fondation n'est pas une construction. On fonde un monastère. On construit une église. Un monastère, ce n'est pas une église. Un monastère, c'est une communauté d'hommes ou de femmes réunis dans un projet commun : travailler ensemble, s'instruire ensemble, prier ensemble, vivre ensemble. Une église, c'est un simple bâtiment. Pour fonder un monastère, de nombreuses conditions doivent être réunies. Car lorsqu'on a décidé de rassembler des humains, il faut leur donner les moyens de vivre dans la durée : un logement, des vivres, du travail. Dans de nombreux cas, les conditions sont réunies avant même la fondation du monastère. Dans de multiples cas, il arrive ceci : à un lieu donné, un monastère s'étiole par manque de vocations. Il est rétrocédé aux membres d'une autre communauté religieuse qui, à son tour, peut péricliter et céder les locaux à une autre communauté. Et ainsi de suite. Souvent, les archives ne mentionnent que la dernière communauté installée à cet endroit, omettant les précédentes.

En conséquence, lorsqu'on apprend qu'un monastère a été fondé à une date donnée et que cette date est la première connue, on ne devrait pas prendre cette date comme étant celle de la construction de l'église de ce monastère. Car cette église a pu être construite des années, voire des siècles, auparavant.

En tout cas, c'est ce que semble dire le texte ci-dessus « Le monastère bénédictin a été fondé à côté d'une église existante en 1066... ». L'église en question existait avant la fondation du monastère.


Image 1 : Remarquons tout d'abord que l'église est orientée de plus de 45° par rapport à la direction Est-Ouest. Ce qui signifie qu'elle est plus orientée vers le Nord (ou le Sud) que Vers l'Est (ou l'Ouest).

Image 2 : La façade Ouest est baroque. On pourrait donc s'imaginer que l'église est entièrement baroque.

Mais l'image 3 fait envisager que l'on est en présence d'une nef à trois vaisseaux qui n'est pas caractéristique du style baroque.

Les images 4 et 5 confirment cette idée. Le plan est basilical, issu des premières basiliques romaines (nef à trois vaisseaux charpentés ; le vaisseau central est porté par des colonnes cylindriques et des arcs en plein cintre). Cette église pourrait être très ancienne, de beaucoup antérieure à l'an mille. Plus ancienne encore que la cathédrale dans laquelle le vaisseau central était porté par un système mixte de piliers (alternance de piliers rectangulaires et cylindriques), système plus évolué que celui des seuls piliers cylindriques.

Un problème cependant : cette église apparaît trop neuve et dépourvue de défauts. Ce qui n'est pas le cas d'un édifice ancien, usé de multiples façons.

Mais, d'une part, nous avons appris que « Pendant la Seconde Guerre mondiale, ... , l'église et ses environs ont été détruits par les bombardements alliés. L'église a été reconstruite après la guerre. ». D'autre part, nous avons pu relever diverses photographies de ces destructions.

Image 6 : L'église en 1905. On note la ressemblance avec l'église actuelle. Le décor est baroque.

Image 7 : L'église en 1945, c'est-à-dire après les bombardements. On peut mesurer l'importance des destructions. La voûte du vaisseau central qui devait être en stuc a disparu. Mais les balcons baroques au-dessus des collatéraux ont été en partie conservés ainsi que la totalité des piliers. Et cette église ressemble énormément à l'église actuelle.

La phrase en italique précédente ne correspond pas tout à fait à ce que l'on voit. Ainsi, on aurait pu penser, à sa lecture, que l'église a été entièrement détruite à la suite des bombardement, puis entièrement reconstruite après la guerre. Les mots « endommagés » et « restaurée » conviendraient mieux.

Nous avons cependant fait la constatation suivante. Observons les chapiteaux de l'église de 1905 (image 6) : ils sont tous identiques. Puis les chapiteaux de l'église de 1945 (image 7) : ils sont, eux aussi, identiques entre eux, et identiques aux précédents. Puis nous avons analysé les chapiteaux de l'église actuelle (image 4 et 5) : ils ne sont pas tous identiques ! Ni identiques aux précédents à l'exception de quelques uns (les chapiteaux les plus proches de l'observateur sur l'image 4 et celui de l'image 10).

Il y avait là une anomalie. Normalement, les spécialistes qui ont restauré cette église après les destructions dues aux bombardements de la Seconde Guerre Mondiale auraient dû restituer les chapiteaux dans l'état où ils les avaient trouvé.

La réponse se trouve dans la photographie située en bas et à gauche de l'image 8, probablement prise avant la restauration. On y voit un chapiteau très endommagé. Dans sa partie supérieure, ce chapiteau est identique à celui de l'image 10. C'est-à-dire, à tous les chapiteaux des nefs de 1905 et de 1945 (images 6 et 7). Dans sa partie inférieure, le chapiteau ressemble au chapiteau de l'image 11.

En observant mieux cette photographie de l'image 8, on réalise que le décor de chapiteau de l'image 10, probablement en stuc, a été plaqué sur un chapiteau analogue à celui de l'image 11. Par suite des bombardements de 39-45, cette couche superficielle a été en partie desquamée, laissant apparaître le chapiteau initial (voir aussi la photographie en haut et à gauche de l'image 8). Les restaurateurs d'après 1945 ont fait disparaître cette couche superficielle afin de révéler l'état initial des colonnes et chapiteaux qui devait ressembler à ce que l'on voit en haut et à droite sur l'image 8, puis sur l'image 12.


Datation

L'image 12 permet de comprendre ce que pouvait être la structure de portance (ensemble colonne-chapiteau-tailloir) avant sa transformation, probablement par stucage, durant la période baroque (image 10). On constate que l'association du chapiteau et du tailloir s'apparente plus au système que nous avons appelé du double chapiteau (deux chapiteaux l'un sur l'autre). Dans le système classique du chapiteau-tailloir caractéristique de l'art roman, la partie plane inférieure rectangulaire du tailloir est de mêmes dimensions que la partie plane supérieure rectangulaire du chapiteau. Dans le cas présent, la partie inférieure du tailloir est de dimensions inférieures à celles du chapiteau. Il s'agit là d'un mode de construction peu fréquent que nous avons rencontré à Ravenne en Italie, et plus proche de Zadar, en Istrie, à Poreč (atrium et basilique euphrasienne), et Sveti Lovreč (Église Saint-Martin). Nous avions alors proposé la date approchée de 575 correspondant à la construction de la basilique de Poreč par l'évêque Euphrase. Le tailloir que nous avons ici, moins massif que ceux de Poreč, pourrait leur être postérieur.

Datation envisagée pour l'église de la Nativité de la Vierge de Zadar : an 625 avec un écart de 100 ans.

Petite remarque : Lors de notre visite de cette église, nous avons était très agréablement surpris par la jeunesse, l'humilité et le rayonnement de la religieuse qui nous a accompagnés.