Les églises Saint-Georges et Saint-André, au château de Prüfening à Ratisbonne  

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Nous n'avons pas visité ce monastère. Notre étude de ces édifices s'est inspirée de pages d'Internet (ex : Wikipédia) et de l'analyse de galeries d'images issues d'Internet. Nous avons en particulier abondamment consulté le site Internet http : //romanische-schaetze.blogspot.com/ qui a recueilli les images de plusieurs centaines de monuments. Notre site traitant seulement du premier millénaire, nous n'avons conservé que les monuments susceptibles d'appartenir à cette période, mais ce site, dont le nom se traduit en français par « Trésors romans », est beaucoup plus riche en monuments et nous en conseillons la lecture. Certaines images ci-dessous sont extraites de ce site Internet.

La page du site Internet Wikipédia consacrée à ce monastère nous apprend ceci :

« Histoire

Le monastère est situé à la périphérie ouest de Ratisbonne et a été fondé en 1109 par l'évêque de Bamberg, Otton Ier, en tant qu’abbaye bénédictine. L’église Saint-Georges fut consacrée en 1119. Le monastère a été colonisé par des moines de Hirsaut sous la direction du premier abbé Erminold. L’église du monastère a été consacrée conjointement par l’évêque de Ratisbonne, Hartwig, et l’évêque de Bamberg, Otto, le 12 mai 1119. La bibliothèque du monastère était déjà vaste au XIIe siècle, selon une liste conservée dans la
Bayerische Staatsbibliothek, elle avait environ 300 œuvres de divers auteurs et de différentes directions. Des écrits liturgiques et des manuels scolaires étaient disponibles pour l’étude des moines. Au XIIe siècle, les monastères de Banz et de Münchsmünster ont été installés à Prüfening. Pour Asbach, Biburg, Göttweig et Georgenbergach, il y a des abbés venus de Prüfening. [...]

[...] Comme le monastère pratiquait également des études célestes, une tour astronomique a été construite vers 1700 dans le jardin du couvent, sur des fondations médiévales.
À la fin du XVIIIe siècle, cependant, elle a été reconstruite.
»


Commentaire de ce texte

Nous avons là un résumé d'une méthode de datation que nous ne cessons de critiquer sur l'ensemble des pages de ce site. Cette méthode est basée presque exclusivement sur la lecture des textes d'époque. En soi, l'étude des textes anciens n'a rien de répréhensible et, dans la mesure du possible, nous nous efforçons de l'exploiter au mieux. Mais cette étude des textes anciens n'est faite que dans un but : la datation des édifices. Il faut bien comprendre que cela correspond à un besoin. Une des principales demandes faites par le visiteur occasionnel d'un monument est : « De quand date-t-il ? ». Et le guide se sent obligé de répondre en dévoilant ce qu'il sait. Les spécialistes de l'art du Moyen-Âge ont cru pouvoir répondre à ces questions en s'appuyant sur la seule étude des écrits et en faisant une totale abstraction de l'analyse architecturale. Pourquoi cette oubli ? Nous pensons qu'ils sont assez vite tombés sur des contradictions, l'architecture comparative des monuments ne correspondant pas à ce qu'ils avaient envisagé. Et ils ont préféré éviter les questions gênantes.

Ces spécialistes ont cru pouvoir répondre à ces questions de datation en traduisant les textes d 'époque. Or les textes d'époque décrivant avec précision la construction d'un monument sont rares. Ce qui est tout à fait normal car, une fois le monument construit et toutes les dépenses ayant été réglées, il n'est plus nécessaire de conserver les actes, les plans, les maquettes qui ont permis la réalisation du projet. À l'inverse, les communautés religieuses ont pu estimer nécessaire de conserver d'autres documents ayant peu de rapport avec la construction de l'édifice principal. Nous en avons identifié de deux sortes : les documents de fondation et les documents de consécration.

L'interprétation par les historiens de l'art de ces deux sortes de documents est en général la suivante : une fondation correspond à un début de construction; une consécration correspond à une fin de construction. La difficulté se trouve dans les détails : comment faire quand il y a eu plusieurs consécrations successives ?

Revenons au texte ci-dessus : « Le monastèrea été fondé en 1109 par l'évêque de Bamberg, Otton Ier, [...] L’église Saint-Georges fut consacrée en 1119. ». Tout semble très clair : le monastère est fondé en 1109; dès le début ou presque, on commence la construction de l'abbatiale qui est achevée en 1119. Un examen plus approfondi remet cela en question.

Une fondation n'est pas une construction. Ce qui a été fondé en 1109, ce n'est pas l’église Saint-Georges. Ce n'est pas non plus, comme il est écrit ci-dessus, un monastère. C'est une communauté monastique. C'est-à-dire un groupe d'hommes ou de femmes qui ont décidé de se réunir dans un même projet. Mais cette création ne s'est pas faite d'un trait de plume..Il fallait que des conditions soient auparavant remplies, que les participants à ce projet puissent se nourrir, se protéger du froid et de la pluie, prier, avoir des garanties pour une longue durée, etc. Dans la pratique, pour la plupart des fondations monastiques que nous connaissons, ces conditions sont remplies dès la fondation. Ce qui signifie qu'au moment de la fondation, le groupe humain dispose d'un lieu d'hébergement et surtout d'un lieu de culte construit par une communauté précédente. Il existe certes des cas de fondation « ex nihilo » : un ermite s'installe à un endroit désert et, petit à petit, une communauté se crée autour de lui. Mais ces cas sont rares et la construction d'une grande église n'est pas immédiate.

Une consécration n'est pas une inauguration (ou la célébration de la fin d'une construction). Le mot « consécration » vient des mots latins « cum » et « sacrare ».
La consécration est la déclaration solennelle qu'un objet (reliquaire, autel, crypte, église) est « aussi sacré » … que les reliques qu'il contient.

Nous avons la chance de pouvoir vérifier cela grâce à la pierre de consécration de 1119 qui a pu être retrouvée (image 18).

Nous ne sommes pas du tout spécialistes en épigraphie. Les textes sont en général difficilement lisibles à cause de nombreuses abréviations. Cependant nous sommes arrivés à décrypter quelques mots tels que : « I ANNO DOMONI MCXVIIII : ID : MAI ». Il y est ensuite question de « consécration » dans un « monastère », « par les évêques de Ratispons, Hatvicco, et de BB, Ottone ». Ces mots correspondent à ceux écrits ci dessus. Mais le texte en révèle d'autres « In principali altari », « reliquis », et puis des noms de saints : Marie, Pierre et Paul, André, Mathieu, Marc, Barnabé, Étienne, Clément, Dyonisii, Éleuthère, Chrisogone, Ermachore, Fortunat, Gandolfe, Drudon, Genofeve. Il y a plus de saints (ou de reliques de saints) que d'officiels à cette consécration. Cette pierre nous permet de comprendre ce qui est le plus important dans une consécration. Ce ne sont pas les objets (autel ou église). Ni les officiels. Ce sont les reliques. Et on vérifie bien que la consécration n'est pas celle d'une église mais d'un autel et dans le cas présent, de l'autel principal.


Datation de l'église Saint-Georges

Si les dates de 1109 pour un début de construction et de 1119 pour une fin de construction sont contestables, comment arriver à dater l'édifice ?

Nous pensons que la seule méthode consiste à analyser son architecture. Ce n'est pourtant pas facile car à l'intérieur de la nef, les murs sont recouverts d'un enduit qui empêche toute visibilité. Nous avons cependant trois critères d'évaluation.

Pour le premier, nous constatons d'abord l'aspect primitif de l'architecture d'origine : nef à trois vaisseaux charpentés, piliers de type R0000, arcs simples reliant les piliers. Nous estimons que ce type de nef est antérieur au type de nef romane dont les vaisseaux sont voûtés.

Mais il n'y a pas seulement une question de type. Il y aussi une question de style. L'architecture romaine privilégiait le décor mural. Ou plus exactement, le décor environnemental (murs, sols et plafonds). Et ce, en utilisant principalement deux formes d'art : la fresque et la mosaïque. La sculpture était peu employée comme élément de décor. Et lorsqu'elle était utilisée, le décor était répétitif. À l'époque romane, la sculpture affiche son originalité. Inversement, l'importance donnée au décor mural diminue. Cela est en partie dû à la complexité de l’architecture romane : les piliers cruciformes, les arcs doubles, les ogives, laissent peu de place aux surfaces planes pour la pose de grands tableaux. Il y aurait eu aussi une lassitude due au fait que les peintures murales doivent être renouvelées régulièrement. Et sans doute un changement de sensibilité esthétique avec le souhait de laisser la pierre apparente (certaines fresques du XIIIe ou XIVe siècle imitent un appareil régulier de pierre).

Dans le cas de l'église Saint-Georges, on note que les murs Nord et Sud du sanctuaire (images 10 et 11) sont entièrement recouverts de fresques. Inversement, les sculptures sont rares et de peu d'intérêt : impostes simplement moulurées, chapiteaux cubiques dépourvus de décor. Les peintures sont difficilement datables. Étant donné que la couleur se dégrade à la lumière, les fresques originelles disparaissent progressivement. Elles peuvent donc être repeintes ou remplacées par de nouvelles fresques. Celles que l'on voit ici présentent des saints vus de face. Le modèle serait byzantin. Un modèle qui aurait été créé avant l'an mille. Mais, comme nous l'avons écrit auparavant, il est possible que les couleurs aient été revivifiées plus tard durant la période romane.

Il existe un troisième critère d'évaluation : le plan d'ensemble de l'édifice. Ce plan est très caractéristique : nef à trois vaisseaux avec trois absides en prolongement des vaisseaux. Il n'y aurait pas de transept pour ce type de nef. Et il semble bien qu'à l'origine, ce devait être le cas. Le transept actuel, haut et débordant, aurait été ajouté plus tard. Selon nous, ce type de plan aurait succédé au plan de nef à trois vaisseaux et une seule abside. Mais il aurait précédé des plans plus complexes (chevets clunisiens, chevets à déambulatoire). Dans le cas présent, les trois critères d'évaluation coïncident : nefs à trois vaisseaux charpentés et piliers de type R0000, fresques au lieu de sculptures, plan à trois absides en prolongement des vaisseaux. Ils permettent de définir un style que l'on pourra qualifier de « préroman » et qui se serait développé sur quatre siècles, du VIIe au Xe siècle.


Datation envisagée pour l'église primitive Saint-Georges au château de Prüfening à Ratisbonne : an 800 avec un écart de 200 ans.




L'église Saint-André au château de Prüfening

Nous n'avons pu recueillir que peu d'images de cette église (images 13, 14, 15), et, en particulier, aucune image de l'intérieur. Elle semble isolée, entourée de végétation, et de peu d'intérêt. Certains détails nous semblent cependant assez troublants. Ainsi la vue par satellite de l'image 13 montre que la nef est plus large que le clocher ou l'abside. Or, en général, lorsque la nef est unique, le clocher est implanté sur les murs extérieurs de cette nef. Il est donc possible que la nef ne soit pas unique. Elle est peut-être triple. Dans un tel cas, l'église pourrait être plus ancienne qu'on ne l'imagine. N'ayant pas d'image de l'intérieur, nous ne pouvons pas proposer une datation de cette église.



La tour de l'observatoire au château de Prüfening

Nous n'avons aucune information sur la construction révélée par les images 16 et 17. Nous pensons cependant qu'il s'agit de la tout de l'observatoire citée par le texte de Wikipédia : « [...] Comme le monastère pratiquait également des études célestes, une tour astronomique a été construite vers 1700 dans le jardin du couvent, sur des fondations médiévales. À la fin du XVIIIe siècle, cependant, elle a été reconstruite.». Tout comme pour l'église Saint-André, l'architecture du bâtiment fait envisager des structures plus anciennes. La forme du bâtiment, l'implantation de la tour, font envisager qu'on est en présence de l'ouvrage Ouest d'une église à nef à trois vaisseaux. Cependant, n'ayant pas d'image de l'intérieur, nous ne pouvons justifier cette hypothèse et proposer une datation.



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