L'église Saint-Matthias de Trèves
Nous n'avons pas visité cette église.
Notre étude de l'édifice s'est inspirée de pages d'Internet
(ex : Wikipédia) et de l'analyse de galeries d'images issues
d'Internet. Nous avons en particulier abondamment consulté
le site Internet http
: //romanische-schaetze.blogspot.com/ qui a recueilli
les images de plusieurs centaines de monuments. Notre site
traitant seulement du premier millénaire, nous n'avons
conservé que les monuments susceptibles d'appartenir à cette
période, mais ce site, dont le nom se traduit en français
par « Trésors
romans », est beaucoup plus riche en monuments et
nous en conseillons la lecture. Certaines images ci-dessous
sont extraites de ce site Internet.
Nous nous sommes aussi en partie inspirés du livre Palatinat
Roman de la collection Zodiaque,
écrit par Dithard von Winterfeld, Professeur de l'Histoire
de l'Art de l'Université de Mayence. Nous en conseillons la
lecture.
La page du site Internet Wikipédia consacrée à cette église
nous apprend ceci :
«
L’abbaye Saint-Matthias
est un monastère bénédictin situé à Trèves, en Allemagne.
L’église de l’abbaye, basilique romane, est un important
lieu de pèlerinage des confréries de Matthias. Depuis le
XIIe siècle, le tombeau de l'apôtre Mathieu,
qui a donné son nom à l’abbaye, y est vénéré. À l’origine,
il a été nommé d’après le premier évêque de Trèves, saint
Eucharius, dont le tombeau est situé dans la crypte.
L’abbaye abrite le seul tombeau d'un apôtre sur le sol
allemand et au nord des Alpes. [...]
Historique
Au Ve siècle, l’évêque Cyrille de Trèves fit
construire un tombeau pour les évêques fondateurs de
l’église de Trèves, Eucharius et Valerius. C’est ainsi
qu’est née l’abbaye de Saint-Matthias. Vers 977, le
monastère adopta la règle de saint Benoît.
Depuis le Xe siècle, les ossements des
fondateurs de l'archidiocèse de Trèves, les évêques
Eucharius et Valerius. y sont conservés.
En
1127, lors de la démolition de l'ancien bâtiment de
l’abbaye, des restes humains ont été trouvés, qui ont été
considérés comme les reliques de saint Matthias. Selon la
légende, les ossements de l’apôtre Matthias, mort dans un
lieu inconnu vers 63 après J.-C., ont été retrouvés en
Palestine plus de 250 ans après sa mort au nom de
l’impératrice Hélène, mère de l’empereur romain Constantin
1e, et transférés à Trèves. La nouvelle église abbatiale,
encore inachevée, est consacrée en 1148 par le pape Eugène
III en présence de Bernard de Clairvaux et de nombreux
cardinaux. En conséquence, de grands flots de pèlerins ont
commencé à venir à l’abbaye. [...]
La basilique
La basilique Saint-Matthias, consacrée le 13 janvier 1148,
cumule quatre fonctions. Il s’agit de l’église paroissiale
de la paroisse du même nom, d’une église de moines de la
communauté bénédictine, d’une église de pèlerinage avec le
tombeau de l'apôtre Mathieu et de l’église funéraire des
premiers évêques de Trèves, Eucharius et Valerius.
»
Les deux hagiographies suivantes sont aussi extraites de
Wikipédia :
« Saint Eucharius
Selon des sources anciennes, Eucharius fut le premier
évêque de Trèves. Son travail remonte au milieu du IIIe
siècle. Il n’est pas tout à fait certain qu’il ait
réellement existé.
La vénération d’Eucharius de Trèves est attestée à partir
de 455, la légende remonte au VIIIe siècle.
Grégoire de Tours le qualifie de “protecteur de la ville
de Trèves d’une épidémie de peste”. Après cela, il aurait
été lui-même un disciple de Pierre, qui l’envoya en Gaule
avec Maternus comme messager de la foi. [...] La
tradition de Trèves raconte qu’il renversa une statue de
Vénus et mit à sa place la croix du marché d’aujourd’hui.
»
« Saint Valerius
Valerius de Trèves († vers 320 à Trèves) fut le deuxième
évêque de Trèves après Eucharius. Au milieu du Ve
siècle, l’évêque Cyrille de Trèves a érigé un tombeau avec
une inscription pour Eucharius et Valerius dans l'abbaye
bénédictine de saint Mathieu, à Trèves. ».
Commentaires de ces textes
Ces textes ont pour principal intérêt principal de révéler
l'existence de reliques de saints.
On y prend connaissance des saints
Eucharius et Valerius. Concernant Eucharius, le
texte nous précise qu'« il
n’est pas tout à fait certain qu’il ait réellement existé
». L'existence d'Eucharius, tout comme celle de Valerius,
est probable. En effet, durant la période du Haut Moyen-Âge,
la ville de Trèves était puissante, comparable, voire même
supérieure à la ville de Tours. Or saint Grégoire, qui a été
évêque de Tours entre 573 et 593, a établi une liste précise
de ses prédécesseurs et de leurs réalisations depuis Saint
Gatien à partir de l'an 251. Mais on constate très
rapidement en consultant son ouvrage, la
Gloire des Confesseurs, que plus les événements
sont anciens, moins il fournit de renseignements. Ainsi, de
l'an 251 à l'an 442, soit sur une période de 191 ans (la
plus ancienne), il donne le nom de 4 évêques (soit 47, 8 ans
pour chacun) et de l'an 496 à l'an 593, soit sur une période
de 97 ans (pour lui récente), il donne le nom de 12 évêques
(soit 8,6 ans pour chacun).,En conséquence, nous pensons que
la liste est incomplète entre l'an 251 et l'an 442 : il
devrait y avoir environ 5 fois plus d'évêques entre 251 et
442, soit 20 évêques au lieu de 4. Mais la liste ne devrait
pas commencer à l'an 251. Car la ville de Tours a dû être
évangélisée bien avant cette date, sans doute dès la
deuxième moitié du premier siècle de notre ère. Et une ou
plusieurs communautés chrétiennes structurées (chacune avec
son évêque) ont probablement existé à Tours dès le deuxième
siècle. Par conséquent, Saint Gatien ne serait pas le
premier évêque de Tours. Mais bien sût ce serait le plus
ancien évêque connu par Grégoire de Tours. De même, Saint
Eucharius qui aurait vécu, tout comme Saint Gatien, au
milieu du IIIe siècle, n'est certainement pas le
premier évêque de Trèves. Et Saint Valerius, qui serait mort
en 320, soit près de 50 ans après Saint Eucharius, ne serait
probablement pas le successeur direct de celui-ci. Il est
cependant probable que, par les actions qu'ils ont
accomplies tout au long de leurs vies, Eucharius et Valerius
n'ont pas été oubliés alors que beaucoup d'autres l'ont été.
Les sarcophages des saints
Eucharius et Valerius (image
8). Le texte de Wikipédia nous donne cette
information : « Au
milieu du Ve siècle, l’évêque Cyrille de Trèves
a érigé un tombeau avec une inscription pour Eucharius et
Valerius dans l'abbaye bénédictine de saint Mathieu, à
Trèves. ». Nous ne sommes pas certains que le
tombeau d'Eucharius et de Valerius soit exactement situé à
l'emplacement de la crypte ; en général, les cryptes sont
réservées au culte des saints, mais elles peuvent avoir été
édifiées longtemps après la mort du saint. Dans ce cas, il y
a déplacement des ossements. Ce déplacement est suivi d'une
consécration de l'édifice. Dans le cas présent, il y a
peut-être eu changement d'emplacement du tombeau après la
construction de la crypte (plusieurs siècles après le Ve
siècle) mais probablement pas changement des sarcophages,
objets consacrés (le mot consacré signifie aussi sacré). En
conséquence et si les textes sont exacts, les sarcophages à
cuve rectangulaire et à couvercle en forme de toit à 4
pentes dateraient du milieu du Ve siècle. La
forme qui est commune aux deux, avec l'un (celui de Saint
Valerius ?) légèrement plus petit que l'autre, fait
envisager une œuvre réalisée pour l'occasion et non à une
réutilisation de sarcophages plus anciens. Nous ne sommes
pas sûrs de cette datation. Cependant nous
« engrangeons » l'information car on retrouve ce type de
sarcophage assez fréquemment.
Saint Matthias (ou
Mathieu)
Autant l'existence des saints Eucharius et Valerius, anciens
évêques de Trèves, nous semble probable, autant celle de
Saint Mathieu nous paraît douteuse. En fait, ce n'est pas
l'existence même de saint Mathieu, apôtre du Christ qui nous
paraît douteuse, mais la présence des restes de son corps
dans l'église Saint-Matthias de Trèves (image
9). Il faut savoir en effet que le culte des
reliques a eu une grande importance durant le premier
millénaire dès la naissance du christianisme. Cependant, on
n'en a une pleine connaissance qu'à partir du VIIIe
siècle. Ce culte de relique a pu revêtir une dimension
apostolique (faire connaître Dieu par ses saints),
caritative (accueillir et soigner des malades), diplomatique
(signer des traités sur des autels de reliques), … mais
aussi lucratives. On a donc pu « inventer » des reliques
..., créer artificiellement des reliques de saints.
Attention ! C'était pour faire du bien ! Sachant que dans le
but de faire du bien, un petit mensonge n'a que peu
d'importance au regard du bien qui doit être fait. Sauf que
souvent, on confond le bien des autres avec son propre bien.
Il ne faut cependant pas se moquer de ces pratiques d'un
autre temps. Car de tout temps, il y a eu des mensonges de
collectivités, des mensonges d'états (qu'on se souvienne de
l'ampoule brandie par Colin Powell). Quand ils proviennent
d'un saint disparu récemment, les restes de ce saint sont
presque sûrement authentiques. Lorsqu'il s'agit de ceux d'un
saint disparu depuis plusieurs siècles et connu seulement
par des textes peu précis le concernant, leur authenticité
doit être très relativisée. Et il en est ainsi des restes
des saints apôtres comme ceux de saint Jacques à Compostelle
ou des objets ayant touché le corps du Christ ou de la
Sainte Vierge. Nous devons être tout aussi circonspects
vis-à-vis de récentes pseudo-découvertes destinées à
combattre la doctrine chrétienne ; ainsi celle du tombeau de
Saint Jacques.
Datation de la basilique
Le texte ci-dessus n'est pas très clair en ce qui concerne
la datation de l'édifice. On peut cependant supposer que
d'une part, par une conviction bien ancrée chez les
historiens de l'art du Moyen-Âge, une conviction qui évite
toute réflexion, ceux-ci ont daté l'édifice du XIIe
siècle. D'autre part, deux phrases du texte militent en
faveur de cette datation : « En
1127, lors de la démolition de l'ancien bâtiment de
l’abbaye,... » et « La
basilique Saint-Matthias, consacrée le 13 janvier 1148,...
». Nous ne pensons pas que ces deux phrases soient
probantes. La première est censée nous apprendre que
l'abbaye précédente a été démolie en 1127. Il faut tout de
même savoir qu'au XIIe siècle, une abbaye était
un vaste ensemble comprenant au moins une église, un
cloître, une salle capitulaire, un réfectoire, des dortoirs,
des bâtiments d'exploitation. Il est très difficile
d'imaginer que tout cet ensemble a été détruit pour être
remplacé par un autre. Par contre, une partie de cet
ensemble a pu être détruit. Est-ce forcément l'église ? Le
texte ne le précise pas. En ce qui concerne la seconde
phrase, nous rappelons qu'une consécration n'est pas
forcément une inauguration. En général d'ailleurs, ce n'est
pas une église qui est consacrée mais l'autel d'une église
et il arrive parfois que l'on assiste à 4 ou 5 consécrations
successives dans la même église (mais pour des autels
différents).
L'architecture de cette église ne correspond pas à celle
d'une église romane du XIIe siècle. Nous sommes
en présence d'un schéma évolutif rencontré à de nombreuses
reprises et décrit sur ce site : une première église est
construite : elle est toute simple, à plan basilical à nef à
trois vaisseaux charpentés et chevet simple. Ultérieurement
on rectifie l'ouvrage en ajoutant un transept et un ouvrage
Ouest, en refaisant le chœur. La nef quant à elle reste
pratiquement intacte. Dans certains cas, elle peut être
voûtée par une voûte légère, gothique ou baroque. Ce schéma
est donc fréquent mais dans la pratique, les évolutions
peuvent être complexes. Alors que l'église primitive est en
général édifiée en un cours laps de temps, les modifications
adoptées, chœur, transept, ouvrage Ouest, voûtement, peuvent
être réalisées indépendamment les unes des autres. Ce
qui complique l'analyse. Petit exemple concernant la façade
Ouest (image 3) :
elle a une partie supérieure romane (roman tardif de fin XIIe-
début XIIIe siècle, sans doute fortement restauré
aux XIXe et XXe siècles et une partie
inférieure baroque du XVIIe siècle).
Donc, en ce qui concerne cette basilique, la nef primitive a
été conservée (mais sans doute fortement restaurée à une
période récente). Cette nef était à trois vaisseaux
charpentés. Les piliers devaient être de type R0000
mais ultérieurement, on a accolé des pilastres à ces piliers
aux côtés Nord et Sud (on les a transformés en piliers de
type R0101) afin
de construire les voûtes. Celles du vaisseau central ont été
construites dans le style gothique flamboyant. Petite
remarque : on constate la présence de grands panneaux
aveugles entre les arcs inférieurs et les fenêtres
supérieures. Nous avions fait la même constatation à la
cathédrale Saint-Martin de Mayence (images
6 et 7). Nous avions été surpris de cela car très
souvent il y a à cet emplacement les grandes baies d'une
galerie ou triforium.
Cette disposition intrigue. Une hypothèse : cette
disposition était à l'origine celle de toutes les églises ;
les galeries ou triforiums
que nous datons en général du XIIe siècle ont
fait l'objet d'un aménagement postérieur. Mais alors
pourquoi a-t-on gardé ces deux-là ? Peut-être des questions
de financement ? Peut-être pour un riche décor qu'on a voulu
conserver ?
Datation
envisagée pour l'église Saint-Matthias de Trèves :
an 800 avec un écart de 150 ans.