La cathédrale Sainte-Marie de Spire
Nous avons visité cette cathédrale en
octobre 2006, soit 10 ans avant la publication de la
première page de ce site. Notre étude de cet édifice s'est
inspirée de pages d'Internet (ex : Wikipédia) et de
l'analyse de galeries d'images issues d'Internet. Nous avons
en particulier abondamment consulté le site Internet http
: //romanische-schaetze.blogspot.com/ qui a recueilli
les images de plusieurs centaines de monuments. Notre site
traitant seulement du premier millénaire, nous n'avons
conservé que les monuments susceptibles d'appartenir à cette
période, mais ce site, dont le nom se traduit en français
par « Trésors
romans », est beaucoup plus riche en monuments et
nous en conseillons la lecture. Certaines images ci-dessous
sont extraites de ce site Internet.
Nous nous sommes aussi en partie inspirés du livre Palatinat
Roman de la collection Zodiaque,
écrit par Dithard von Winterfeld, Professeur de l'Histoire
de l'Art de l'Université de Mayence. Nous en conseillons la
lecture.
La page du site Internet Wikipédia consacrée à cette
cathédrale nous apprend ceci :
«
Histoire
Moyen-Âge : Le roi salien et plus tard l’empereur
Conrad II ont probablement commencé la construction en
1025 dans le but d'ériger la plus grande église
d’Occident.
Les sources documentaires sur la fondation de la
cathédrale de Spire n’ont pas subsisté.
La légende raconte que Conrad a posé la première pierre de
l’abbaye de Limbourg (près de Bad Dürkheim) tôt le matin,
puis est monté avec sa femme Gisela et son entourage à
Spire pour poser la première pierre de la cathédrale et du
monastère Saint-Jean, et plus tard de l'abbaye
Saint-Guido, le même jour. Afin d’apporter la quantité de
pierre et de bois nécessaire à la construction à Spire, un
canal a été construit de la forêt du Palatinat au Rhin. Ce
canal pourrait faire référence au déplacement du
Speyerbach (affluent gauche du Rhin supérieur), qui a été
déplacé de quelques kilomètres vers le Sud au plus tard au
Moyen-Âge pour approvisionner Spire. Un éperon, un
sous-sol sec constitué de roche solide, a été choisi comme
site de construction. [...]
Ni
Conrad II ni son fils Henri III ne vécurent assez
longtemps pour voir l’achèvement des travaux. Henri III
fit don de l'Évangile de Spire pour la consécration du
maître-autel en 1046. Ce n’est qu’avec le règne du
petit-fils de Conrad, Henri IV, que l’édifice fut consacré
en 1061. En recherche, cette phase de construction est
appelée “Spire I”. Le bâtiment comprenait un bâtiment
Ouest et une nef à trois vaisseaux avec transept attenant.
Même alors, le chœur était flanqué de deux tours. L'abside
d’origine était rectangulaire à l’extérieur, arrondie à
l’intérieur. Le vaisseau central de la nef avait un
plafond plat, les bas-côtés étaient voûtés; le premier
grand bâtiment voûté post-antique (à l’exception de la
chapelle palatine d’Aix-la-Chapelle) au nord des Alpes a
été construit.
Près
de 20 ans après l’achèvement de Spire I, Henri IV fit
démolir la moitié de la cathédrale et la reconstruisit
encore plus grande : le plafond de la nef centrale fut
enlevé, le bâtiment fut surélevé de cinq mètres. Au lieu
du plafond plat en bois, la plus grande voûte d'arêtes du
territoire de l’ancien empire a été construite et
l’élévation du mur a également été modifiée de manière
décisive. Dans la partie Est, le bâtiment a été démoli
jusqu’aux fondations et reconstruit sur des fondations
jusqu’à huit mètres d’épaisseur. Seuls les étages
inférieurs des tours des flancs du chœur et des parties du
transept ont été conservés. La crypte de Spire I est
restée presque intacte. Le résultat de ces changements
sous Henri IV est distingué dans la recherche de l’église
comme “Spire
II”,
consacrée en 1061.
En
1106, l’année de la mort d’Henri IV, la nouvelle
cathédrale a été achevée : avec une longueur de 444 pieds
romains (134 mètres) et une largeur de 111 pieds romains
(33 mètres), c’était l’un des plus grands bâtiments de son
temps.
Le 7 août 1111, jour des funérailles d’Henri IV dans la
cathédrale de Spire, et le 14 août 1111, Henri V accorda
aux citoyens de la ville de Spire deux privilèges,
[...]
À
cette époque, Spire ne comptait qu’environ 500 citoyens.
C’est probablement pour des raisons politiques que
l’empereur Henri IV a fait construire un si grand bâtiment
dans la petite ville selon les normes d’aujourd’hui. Les
empereurs romains avaient un pouvoir non seulement
temporel, mais aussi ecclésiastique. Le conflit qui en
résulta avec la papauté, qui commençait tout juste à se
renforcer à l’époque, culmina alors dans la dispute
d'investiture entre Henri IV et le pape Grégoire VII. La
taille et la splendeur de la cathédrale de Spire
soulignaient non seulement la prétention politique mais
aussi religieuse au pouvoir de l’empereur.
Après un incendie en 1159, les voûtes du transept ont dû
être renouvelées. [...]
Dans
la nuit du 5 au 6 mai 1450, la cathédrale brûle
complètement.
XVIIe et XVIIIe
siècles : Pendant la guerre de Succession du
Palatinat, Spire est occupée par les troupes françaises le
28 septembre 1688. Le 23 mai 1689, en présence du général
Montclar, l’intendant de guerre français de la Fond
informe les deux maires et conseillers que, sur ordre de
Louis XIV, la ville doit être complètement évacuée dans
les six jours et que tous les biens meubles doivent être
enlevés. [...]
Le
31 mai 1689, la ville est incendiée. [...] Le
lendemain matin, on pouvait voir l’étendue de la
destruction. L’intérieur de la cathédrale a été
complètement brûlé, les travées occidentales et les voûtes
de la nef se sont effondrées et il ne reste qu’une ruine
de l’œuvre Ouest. La partie orientale a également été
gravement endommagée. [...] ».
Commentaires
de ce texte
Nous n'avons pas grand-chose à ajouter. Le texte lui-même
l'affirme, « Les
sources documentaires sur la fondation de la cathédrale de
Spire n’ont pas subsisté. ». Nous voudrions
cependant signaler l'anachronisme de la phrase, « Près
de 20 ans après l’achèvement de Spire I, Henri IV fit
démolir la moitié de la cathédrale et la reconstruisit
encore plus grande ». À titre de comparaison,
imaginons que le viaduc de Millau, construit il y a un peu
plus de 20 ans, soit actuellement à moitié détruit en vue
d'être allongé de 500 mètres. Nous pensons que des gens se
poseraient des questions : pourquoi n'y a -t-on pas pensé
plus tôt ? Est-ce qu'on n'aurait pas pu construire ailleurs
plutôt que de détruire une partie qui nous avait coûté si
cher ? Y avait-il des défauts de construction ? En résumé,
cette phrase nécessite soit une justification (expliquer
pourquoi on décide de détruire un monument 20 ans après
l'avoir construit) soit une interrogation (ajouter à la
phrase « On
ne sait pour quelle raison cela a été fait. »),
soit une rectification (200 ans au lieu de 20). C'est sans
doute cette dernière explication qui doit être la bonne. Les
historiens qui ont étudié l'édifice ont sans doute attribué,
au vu des documents (consécrations de 1046 et de 1061), sa
construction à Henri IV. Mais ils ont par ailleurs constaté
qu'il y avait eu plusieurs étapes de construction (désignées
par Spire I et Spire II). Ils en ont déduit que Spire II
était l’œuvre d'Henri IV et donc que Spire I était
antérieure. Refusant d'accepter l'idée que cette église
puisse être antérieurs à l'an mille (lire à ce sujet l'article
de notre site « Y a-t-il eu une invasion d'Aliens en
l'an 1000 ? »), les auteurs ont évoqué une date postérieure
(« Le
roi salien et plus tard l’empereur Conrad II ont
probablement commencé la construction en 1025... »)
et une fin de construction 15 ans plus tard. Soit l'an 1040.
De 1040 à 1061 il y a bien « Près
de 20 ans ». D'où l'anachronisme qu'ils n'ont
malheureusement pas constaté.
Une
révélation sur le plan historique
Jusqu'à présent nous avons eu une image très édulcorée du
règne de Louis XIV. Il y avait bien au château de
Versailles, de part et d'autre de la Galerie des Glaces, le
salon de la Paix et le salon de la Guerre. Mais il nous
semblait que le premier l'emportait sur le second. Nous
découvrons, au travers de ce texte qu' au XVIIe
siècle, la guerre n'était pas seulement « en dentelles » et
qu'il pouvait y avoir des destructions de monuments
historiques, peut-être organisées par le roi lui-même. Les
livres d'histoire ont une fâcheuse tendance à oublier ces
choses-là. Les livres d'Histoire de France, bien sûr.
Probablement pas ceux d'Allemagne. Ce sont les devoirs de
mémoire d'un côté, les droits d'oubli de l'autre qui
expliquent et justifient toutes les guerres.
Une église très endommagée
Les images 16 et 17 sont
révélatrices des dégâts provoqués par l'incendie de la
cathédrale du 31 mai 1689. L'image
16 a été saisie en 1610 soit 79 ans avant
l'incendie, l'image 17 vers
1750. L'incendie a provoqué la destruction quasi totale de
la moitié de la nef, côté Ouest, et endommagé les parties
hautes du reste de l'édifice. En particulier les toits ont
été remplacés. Le plan de l'image
8 témoigne de ces changements. Les transformations
ne ce sont pas arrêtées là. Ainsi la façade Ouest (image
3) a été l'objet d'une restauration à une période
récente.
Nous avons dit à de nombreuses reprises que les cryptes
n'étaient pas obligatoirement plus anciennes que les églises
qui les surplombaient. Certes, les parois extérieures de ces
cryptes étaient contemporaines des premières constructions
mais l'aménagement intérieur, les piliers les chapiteaux,
les voûtes, c'est-à-dire tout ce qu fait le charme d'une
crypte pouvait être postérieur de plusieurs siècles à la
crypte. On connaît la pratique actuelle : quand on a une
pièce trop élevée et un manque de place, on construit une
mezzanine. Eh bien ! La crypte ce n'est pas autre chose
qu'une mezzanine ! Dans le cas présent, la crypte (images
14 et 15) apparaît postérieure à la nef. Qui plus
est, elle semble avoir été fortement restaurée.
Nous avons écrit plus haut que le livre
Palatinat
Roman de la collection Zodiaque
avait été pour nous très instructif, car il nous avait
révélé que la construction d'une nef d'église pouvait avoir
été faite en plusieurs phases ; au cours de la première
phase, la nef est seulement charpentée ; elle est voûtée par
la suite. C'est la lecture de ce texte qui avait déclenché
notre réflexion. De l'information selon laquelle un édifice
avait été d'abord charpenté, puis voûté, est venue l'idée
que ces deux opérations avaient probablement été séparées
dans le temps, et ce, sur une longue durée, car, dans le cas
contraire, l'église aurait été voûtée dès l'origine.
Parallèlement, s'est petit à petit imposée l'idée que le
passage de la couverture charpentée à la couverture voûtée
n'avait pu se faire qu'à la suite d’une série d'innovations
techniques. Ce cheminement dans le raisonnement a été long.
Nous avons visité la cathédrale de Spire en octobre 2006,
après la lecture du livre. Ce n'est qu'en 2016, soit 10 ans
après, que nous avons commencé à rédiger les pages de ce
site Internet.
Les images 18 et 20 permettent
d'imaginer l'état primitif Spire I de l'église, selon V.
Winterfeld. Les images 19
et 21 montrent quant à elles l'étape suivante
Spire II.
Bien que ces informations aient pu être pour nous sources
d'inspiration, nous ne sommes pas certains que les plans
proposés par Winterfeld décrivent le déroulement dans son
exactitude. Car des questions demeurent.
L'image 22 est une
vue détaillée de l'image
11. On y voit dans la partie inférieure une série
de quatre arcs portés par des piliers dont trois sont
visibles. Le pilier du milieu désigné par la lettre A est
encadré par deux autres piliers désignés par la lettre B. On
constate qu'il y a une différence entre les piliers A et B.
Plus généralement, les piliers A et B sont disposés en
alternance. Ce qui fait immédiatement penser à un système
lié (dans un système lié, chaque travée du vaisseau central
correspond à deux travées des collatéraux). Par ailleurs,
nous avons, sur la même image
22, placé
la lettre C tout à côté d'un chapiteau à crochets. Ce
chapiteau est selon nous caractéristique de la période
gothique, peut-être même du XIVe siècle. Si nous
avons voulu marquer la présence de ce chapiteau, c'est pour
signaler qu'il ne sert à rien : il n'a aucune fonction
portante. Cette remarque peut sembler totalement dépourvue
d'intérêt. En fait, il faut savoir qu'en architecture
préromane ou romane, toute forme architecturale à son
utilité (ce n'est pas toujours le cas en architecture du
gothique flamboyant pour laquelle les formes architecturales
constituent un élément du décor).
Les images 23 et 24 sont
des vues détaillées de l'image
22 représentant une partie de pilier A. Ces images
ont été retouchées de façon à faire apparaître les
transformations. Sur l'image
23, nous
avons fait disparaître la colonne demi-cylindrique qui
séparait verticalement les deux faces avant du pilier. Et
nous avons rétabli (en rouge) la continuité de l'imposte
horizontale telle qu'elle devait exister à l'origine. On
remarque tout d'abord que cette imposte contourne le pilier
autant dans la partie inférieure que dans la partie
supérieure. On remarque cependant une grande différence par
rapport aux modèles rencontrés auparavant. L'épaisseur du
pilier au niveau de l'imposte est plus grande que
l'épaisseur de l'arc surmontant l'imposte. En conséquence,
tout le panneau mural situé au-dessus de cet arc apparaît en
retrait par rapport aux piliers. Sur l'image
24, nous
avons remis (en bleu) la colonne demi-cylindrique que nous
avions fait disparaître auparavant. Et ce, pour appuyer
notre raisonnement. L'imposte en rouge faisait partie d'une
campagne de travaux, la colonne demi-cylindrique en bleu a
été ajoutée après. On l'a fait traverser en travers de
l’imposte. Quelle preuve a-t-on de cette succession de
travaux ? Nous n'avons pas de preuve formelle mais une
présomption liée aux différence de style ; les piliers et
impostes sont à contour anguleux. Les colonnes
demi-circulaires sont à contour arrondi.
Les images 25 et 26 sont
des vues détaillées de l'image
22 représentant une partie de pilier B. On refait
le même raisonnement que précédemment. À la différence près
que selon l'image 25, un pilastre a été
accolé au pilier, côte vaisseau central. La question est de
savoir si ce pilastre a été accolé au pilier au cours d'une
étape de travaux ou s'il était là dès l'origine. Dans le
premier cas, on aurait le déroulement suivant : pose
initiale d'un pilier analogue au pilier A. Puis, au cours
d'une étape suivante, pose du pilastre. Et enfin, pour la
dernière étape, la pose de la demi-colonne. Nous ne sommes
pourtant pas favorables à cette hypothèse car l'imposte
semble n'avoir subi qu'une modification. Cependant des
questions demeurent. Si, dès l'origine, il y a eu alternance
de piliers A et B (représentés par les images
23 et 25), cela signifie que dès le départ, le
système était lié avec des piliers porteurs d'arcs (sur l'image 27,
position 3) portant des voûtes et d'autres qui ne
portent pas d'arc transverse (sur l'image
27, positions
1 et 2).
Datation
Il nous est très difficile de proposer une datation pour
cette église quelque peu « hors normes ». Les raisons ne
manquent pas, de nombreuses parties détruites, des parties
restaurées difficiles à identifier, des images insuffisantes
ou peu précises.
Datation envisagée
pour la cathédrale Sainte-Marie de Spire : an 850 avec un
écart de 200 ans.