Analyse des plans des nefs d’églises 

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Information préliminaire

Ami lecteur,  la page actuelle intitulée Ana_Plan, sigle de « analyse des plans d’églises du Moyen-Âge », constitue la page initiale de toutes une série (Ana_Chev, Ana_Ouest, Ana_ Trans, Ana_Vout). En effet, la démarche consistant à étudier successivement tous les plans d’églises s’avère stérile car il y a presque autant de plans qu’il y a d’églises. Il nous a donc paru préférable de partager la totalité de l’édifice en divers morceaux qui ont chacun leur plan plus détaillé. Il s’agit comme un jeu de Lego dans lequel on assemble des pièces disparates. Ou bien comme un « portrait-robot ». Dans un portrait-robot, on commence par la forme du visage, puis on y met les cheveux, le nez, etc.. Dans le cas des églises romanes, l’idée est de commencer par le plan de la nef (Ana_Plan), puis le plan du chevet (Ana-Chev). Et on poursuit par l’analyse des ouvrages ouest, des ouvrages transversaux (transepts), des modes de couverture (charpentes, voûtes).

Pourquoi commencer par l’analyse de la nef ? Il faut bien comprendre qu’une église est un bâtiment destiné à accueillir des croyants participant à la célébration d’un culte adressé à Dieu. Ce bâtiment peut être accompagné de bâtiments annexes comme des clochers, une sacristie, un transept, un ouvrage ouest. Mais l’essentiel est la salle de prière. C’est cette salle que l’architecte dessine en premier. Cependant, lorsqu’il effectue son premier croquis, il prévoit l’emplacement du sanctuaire où sera célébré le culte divin. Nous appellerons nef le bâtiment accueillant les fidèles et chevet l’ensemble des constructions associées au culte divin.

Bien que, dès le premier plan d’architecte, le sanctuaire soit associé à la nef, et que, pour beaucoup de croyants le sanctuaire soit plus important que celle-ci, c’est bien par la nef qu’il faut commencer. En effet les dimensions de la nef sont réglées en fonction du nombre de fidèles qu’elle doit accueillir. Et, comme c’est une simple halle, une fois qu’elle a été bâtie on n’y touche plus. Sauf pour changer de mode de couverture à intervalles réguliers. Si la population a considérablement augmenté, on peut détruire cette nef et en rebâtir une plus grande sur le même emplacement. Mais le plus souvent, soit on la rallonge, soit on construit un édifice un peu plus loin.

Il en est différemment en ce qui concerne le chevet. Celui-ci peut être soumis à de nombreuses évolutions liées à des contraintes diverses (augmentation du nombre de desservants, nécessité d’une clôture séparant les fidèles du sanctuaire, changement de liturgie, etc.). Pour ces raisons il arrive fréquemment qu’un nouveau chevet ait remplacé totalement un chevet plus ancien. En conséquence, on aura juxtaposition d’une nef ancienne et d’un chevet plus récent.

Certes, pour diverses raisons, le contraire peut exister aussi. Mais il semble moins fréquent.


On distingue deux sortes de nefs : les nefs orientées et les nefs à plan centré.

Les nefs orientées sont de grandes salles à plan au sol rectangulaire. L’axe principal de symétrie de ce rectangle suit la direction ouest-est car le fidèle est invité à adresser sa prière en direction de l’est.

Ces nefs orientées peuvent être à un vaisseau (image 1) ou trois vaisseaux (image 2). Voire, mais c’est très rare, à cinq vaisseaux (non représenté). Les images de 6 à 11 font apparaître les plans en élévation (ou plans verticaux) de nefs à trois vaisseaux. Plans que l’on n’a pas jugé utile de reproduire dans le cas d’une nef à un vaisseau ; mais qu’il est facile d’imaginer.

Les nefs à plan centré ont comme plan au sol une figure géométrique présentant un centre de symétrie. Cette figure géométrique peut être un cercle ou un polygone régulier. Les principaux polygones réguliers repérables en architecture romane sont le carré (4 côtés), l’hexagone (6 côtés), l’octogone (8 côtés). D’autres figures géométriques (triangle équilatéral, heptagone) peuvent exister mais sont beaucoup plus rares.

Les nefs à plan centré peuvent être constituées d’une salle (image 3). Ou de deux salles : la salle centrale et la salle périphérique ou déambulatoire (image 4). Regardons de plus près cette image 4 et imaginons que l’on effectue une coupe du bâtiment par un plan vertical passant par le centre et de direction ouest-est. On obtient un plan en élévation qui reprend exactement les mêmes formes représentées par les images 6, 7, 8, 9.

Enfin il existe une autre forme de plan centré : le plan en forme de croix grecque (image 5).



Une très grosse surprise !

Cette surprise est la suivante : si on résume ce que l’on vient de voir, on ne distingue en tout que six ou sept plans de nefs. Bien entendu, il peut y avoir variation des dimensions. Et, par ailleurs les destructions ou ajouts ont pu altérer les plans initiaux (c’est le cas des nefs à deux vaisseaux). Mais, hormis des cas très particuliers, ce sont les seuls schémas que l’on rencontre.

Seulement six ou sept plans !. A titre de comparaison essayons d’imaginer le nombre de plans différents de maisons ou d’appartements permettant d’héberger une famille moyenne ( appartements avec cuisine, salle à manger, chambres, pièces d’eau + d’autres pièces éventuelles ). Ce nombre de plans différents doit dépasser le million ! Et il s’agit là seulement des plans initiaux. Ne sont pas comprises les adjonctions ultérieures.

Dans de nombreux cas il doit être possible de retrouver le plan initial d’une nef du Haut Moyen-Âge et d’identifier les évolutions qui ont modifié son plan.

Les images 6, 7, 8, 9 font apparaître les évolutions possibles du mode de couverture. Nous aurons l’occasion d’en reparler dans le chapitre concernant l’évolution.



Les images 10 et 11 nous présentent le plan en coupe d’une nef à trois vaisseaux. Ce plan transverse nous montre l’élévation des murs gouttereaux. Ces murs sont percés de fenêtres. Chacun des deux plans fait apparaître ces fenêtres dans une position centrale. C’est à dire, très probablement la position initiale. Si donc, dans un cas particulier d’église, ces fenêtres apparaissent décentrées, cela signifie qu’elles ont été percées ultérieurement. Donc on a là un facteur de datation comparée.

Les images 12 et 13 font apparaître un plan exceptionnel tout à fait différent des plans vus précédemment. Il s’agit là d’une église à nef unique dotée de salles disposées transversalement. Le modèle serait peut-être wisigothique.

Enfin l’image 14 fait apparaître un type d’église ayant deux orientations différentes (mais toujours orientées globalement vers l’est). Une première orientation de la nef et, à quelques degrés près une deuxième orientation du chevet. On trouve souvent cette double orientation dans des édifices modestes comme les églises à chevet carré du Bas-Languedoc. Mais on les trouve aussi dans des églises plus importantes comme la cathédrale de Saint Lizier. Il est difficile d’interpréter cette anomalie comme une erreur d’arpentage ; ou de maçon au moment d’une reprise de la construction, ou à un défaut dû au terrain. Il semblerait donc que cette double orientation soit intentionnelle.

Une petite explication envisageable : durant les premiers siècles de l’ère chrétienne beaucoup d’églises avaient une double dédicace : Saint Pierre et Saint Paul, Saint Gervais et Saint Protais, Saint Nazaire et Saint Celse, Saint Just et Saint Pasteur. Il est possible que la nef ait été placée sous le vocable du premier des deux saints. Et la nef sous le vocable du deuxième. Et chacune des deux parties de l’édifice aurait été orientée en direction de l’apparition du soleil au dessus de l’horizon le jour de la fête du saint. Je dois dire que je n’ai pas essayé de vérifier cette hypothèse qui, hormis des cas de contradiction flagrante, est difficile à prouver. Il y a eu beaucoup trop de changements depuis cette période : les paysages ont changé; les dédicaces ont changé ; les jours de fêtes de saints ont changé : et même le calendrier a changé.



Vous trouverez dans les pages suivantes diverses explications concernant les ouvrages est (chevet), ouest (narthex, atrium, …), transverses (transept) ; ainsi que les piliers et les voûtes. Ces explications ou croquis permettent de reconstituer les plans de nombreuses églises. Pas toutes néanmoins, car certaines parties ont été négligées. Il en est ainsi des portails latéraux, des cryptes ou des clochers.