Historionomie et Historiologie 

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1. L’histoire est-elle une science exacte ? Une science humaine ?

L’objet de la présente réflexion est apparu au cours d’une discussion avec une jeune collègue, enseignante en histoire-géographie.

Je n’ignorais pas, l’ayant appris depuis ma vie d’étudiant, que l’histoire faisait partie des « sciences humaines ». Cependant, depuis peu de temps, je remettais cette idée en question. En conséquence, j’ai expliqué à ma collègue que, selon moi, l’histoire était une science exacte. Et j’ai développé quelques arguments allant en ce sens.

Le premier argument est issu du fait que l’histoire raconte le passé. Ce passé est la réalité : pas la fiction. Les faits historiques ne sont pas issus de l’imagination humaine. Ils se sont réellement déroulés, même si leur interprétation a été éventuellement faussée.

Dans certains cas particuliers - c’est le deuxième argument-, l’exactitude dans la description d’un événement historique est exigée au détriment de l’aspect humain. Ainsi, dans un procès d’assises, il est demandé à chaque juré de répondre par oui on non à la question « l’accusé est-il coupable ? ». De fait, on demande à chaque juré de faire un travail d’historien, même s’il ne s’agit là que d’une petite histoire. Le juré doit répondre à la question « l’accusé est-il coupable ? », non en fonction de ses sentiments personnels, mais de la réalité des événements.

Ce devoir d’exactitude imposé aux jurés d’assises ne pourrait-il pas concerner aussi les témoins conviés au tribunal de l’histoire que sont les historiens ?

Une objection pourrait éventuellement être faite. À savoir qu’il existe beaucoup d’inconnues en histoire. L’histoire est floue. Dans ce domaine, il y a le « vrai », le
« faux », et le « peut-être ». Et dans la plupart des cas, c’est le « peut-être » qui l’emporte. On pourrait donc considérer que cette notion de « flou » est contraire à la notion
« d’exactitude ». Peut-on faire un compte rendu « exact » si on ignore certains détails ? À cette question très logique, il est possible d’apporter la réponse suivante : on sait que les mathématiques constituent le summum des sciences exactes. Or - et c’est là le troisième argument - il existe une branche spéciale des mathématiques, le calcul des probabilités, chargée de gérer la question de la possibilité qu’un événement se produise, c’est-à-dire de gérer le « flou ». L’exactitude consiste aussi à accepter l’existence du flou, du « peut-être ». D’ailleurs, pour en revenir à la question, « l’accusé est-il coupable ? », posée à un juré d’assises, le problème lié au « peut-être », à l’indéterminé, est réglé à l’avance suivant la phrase bien connue : « le doute doit profiter à l’accusé. »

En conséquence, et aussi paradoxal que cela puisse paraître, l’histoire deviendra de plus en plus exacte si on accepte d’y introduire à côté des certitudes établies (mais toujours à vérifier) des incertitudes, des incompréhensions.

À ce plaidoyer en faveur d’une exactitude de l’histoire, mon interlocutrice m’a répondu que cette question avait fait l’objet d’un débat organisé par des professeurs d’université auquel elle avait assisté. De cette confrontation entre historiens, il était ressorti que la stricte objectivité en histoire est impossible. Dans ses recherches et ses commentaires, l’historien fait passer, parfois sans en avoir pris conscience, ses propres idées. En cela, selon elle, l’histoire est bien une science humaine.

La discussion s’est arrêtée là. La sonnerie de fin de récréation avait retenti et mon interlocutrice a dû partir afin d’assurer son cours d’Histoire-Géographie. Nous n’avons pas eu l’occasion de reprendre cette conversation.


2. Astronomie et Astrologie

Cette discussion m’avait cependant incité à approfondir la réflexion et je me suis posé la question suivante : « Est ce que nous n’aurions-nous pas tous les deux eu
raison ? ». Cette question en a aussitôt amené une autre : « Est-ce qu’il n’y aurait pas deux façons de concevoir l’histoire ? L’histoire ne serait-elle pas une science exacte par certains côtés, humaine par d’autres ? ».

L’idée m’est alors venue de comparer l’étude de l’histoire avec l’étude des objets célestes. Car, en ce qui concerne cette dernière, il y a bien deux façons de procéder : l’astronomie et l’astrologie.



3. L’astronomie est une science exacte

Cette affirmation ne devrait susciter aucune objection. Elle ne signifie pas pourtant que toutes les affirmations des astronomes sont vraies. Ils peuvent se tromper. Mais ils partent du principe que tous les phénomènes astronomiques sont rationnellement explicables, indépendants de l’humain ou du divin.



4. L’astrologie est une science humaine

Cette affirmation devrait quant à elle susciter « une volée de bois vert ». En commençant par cette objection : « l’astrologie n’est pas une science ! ». Et il suffit de lire dans le « Dictionnaire de l’Académie Française 1798 » la définition du mot « astrologie » pour comprendre le discrédit dont elle a souffert et souffre encore-auprès des savants : « Art chimérique suivant lequel on croît pouvoir connaître l’avenir par l’inspection des astres. L’Astrologie est une science vaine. La plupart des Astronomes se moquent de l’Astrologie… ». Arrêtons-nous d’abord à cette définition pour montrer qu’elle ne correspond pas tout à fait à la démarche de l’astrologie. En effet, le client de l’astrologue ne cherche pas à connaître l’avenir, mais à le modifier à son profit. S’il sait, à coup sûr, qu’il ne gagnera pas au loto, il n’achètera pas de billet. Dans le cas contraire il se précipitera pour acheter le fameux billet gagnant. En conséquence, sa rencontre avec l’astrologue est censée influer sur son comportement. Et donc sur l’avenir.

Le discours de l’astrologue doit s’adapter à cette situation. En admettant même qu’il connaisse cet avenir – dans certains cas il est tout tracé et ce n’est même pas nécessaire de connaître le parcours des astres pour l’anticiper – il doit s’abstenir de le prédire dans les détails mais aider son client à prendre les bonnes décisions qui permettront de modifier son avenir. Il agit comme le ferait un psychologue. D’ailleurs, il suffit de lire quelques horoscopes pour s’en persuader. L’astrologue s’exprime comme un psychologue. On est donc bien dans une situation concernant les sciences humaines.



5. Petite histoire de l’étude des astres célestes avant les découvertes de Copernic


Nous avons été tellement formatés par les discours mettant en exergue le génie scientifique des grecs ou des romains qu’il nous est difficile de les imaginer crédules et superstitieux. Pourtant, on a conscience en lisant leurs écrits que les événements astronomiques tels que les éclipses ou la position des astres le jour de la naissance d’un prince avaient pour eux une grande importance. Ils avaient recours à des spécialistes pour prédire l’avenir. Au début du premier millénaire, ces spécialistes étaient désignés sous le nom de … mathématiciens. C’est tout de même assez surprenant … et amusant, que l’on ait donné ce nom aux premiers astrologues. Car on apprend que les « mathématiciens » dont il est question prédisent l’avenir. Ils peuvent même subir les conséquences de leurs actes. Ainsi, il est arrivé que certains d’entre eux soient exécutés pour avoir fait de fausses prédictions. C’est d’ailleurs en ces occasions que l’on découvre l’importance de l’astrologie pour les pouvoirs publics ou les potentats. D’une part, le fait de faire appel à des mathématiciens montre que ces pouvoirs publics voulaient obtenir le maximum d’exactitude pour anticiper le mouvement des astres et l’interpréter. D’autre part, le fait de vouloir contrôler les prédictions des mathématiciens-astrologues quitte à faire exécuter ceux-ci si ces prédictions ne leur convenaient pas, montre l’importance qu’ils attachaient à la maîtrise de l’information. Il montre aussi que l’astrologie pouvait être une affaire d’état dans l’empire romain.



6. Plaidoyer en faveur de l’astrologie du passé

La lutte d’influence entre astrologues et astronomes après les découvertes de Copernic a conduit ces derniers à développer une attitude totalement négative vis-à-vis du travail des astrologues d’antan. Effectivement, si le travail des astrologues avait seulement consisté à prévoir le trajet des planètes et autres objets célestes, ils étaient incompétents par rapport aux astronomes modernes. Cependant, le travail des astrologues ne s’arrêtait pas là : ils conseillaient leurs contemporains pour les prises de décision. Et nous sommes persuadés que bien des guerres et des conflits ont été évités grâce aux interventions des astrologues. Nous pensons aussi que vis-à-vis de leurs consultants, leurs comportements devaient être plus proches de ceux des psychologues modernes que de ceux généralement attribués aux gourous ou aux devins. Ils devaient savoir en effet que ce n’est pas en reportant la faute sur les planètes que les problèmes humains seraient résolus.



7. L’astrologie et la religion chrétienne

Nous avons vu dans le paragraphe 5 ci-dessus l’importance du rôle confié aux mathématiciens-astrologues dans l'Antiquité. Mais qu’en était-il durant la période suivante, le Moyen-Âge ?

À cette époque, la recherche était essentiellement dirigée par l’Église Chrétienne. Il faut savoir que pour les questions de croyances en général, et, dans ce cas particulier, de la croyance à l’influence des astres, la position de l’Église Catholique, est, à l’heure actuelle encore, très ambiguë. D’une part, elle sait et affirme que Dieu intervient dans la vie des croyants. D’autre part, elle admet mal l’existence d’intermédiaires entre Dieu et les croyants. Ainsi, les saints ou la Vierge sont des intercesseurs auprès de Dieu : ce ne sont pas eux qui font des miracles, mais Dieu qui les fait sur leur demande. Cette méfiance de l’Église vis à vis des intermédiaires entre Dieu et les hommes devait être encore plus manifeste à l’égard des astres, objets en apparence inanimés. Cependant, l’Église Catholique ne pouvait se priver d’en faire l’étude. D’abord pour des raisons pratiques. Les astres rythment le comportement humain (les heures de prière des moines, l’emploi du temps de la semaine, les travaux des mois, le calendrier des fêtes). Mais aussi pour ne pas laisser à des astrologues indépendants le monopole des prédictions. Nous n’avons pas connaissance de documents, mais il y a eu probablement des astrologues parmi les moines, les prêtres ou les évêques. Toujours est-il que les représentations des astres abondent dans l’iconographie chrétienne du Moyen-Âge. Sont ainsi régulièrement évoqués les 12 signes du Zodiaque alternant avec les 12 travaux des mois. Mais aussi le soleil et la lune souvent représentés sous forme humaine.



8. La recherche en astronomie avant les découvertes du XVIeet XVIIesiècle

Je pense qu’il y avait deux démarches dans cette recherche. Une première démarche « scientifique » consistant à déterminer l’exact mouvement des astres ; une seconde démarche « ésotérique » consistant à évaluer l’influence des astres sur les humains à titre individuel (passions, maladie, mort …) ou collectif (famines, épidémies, guerres, …). Nous pensons que ces deux démarches pouvaient être simultanées, le même savant pratiquant les deux à des degrés divers. Il faut aussi comprendre que cette étude ne s’est pas imposée d’un coup. Elle s’est adaptée en fonction des découvertes. Ainsi, le partage de la circonférence en 360° vient du fait que les astrologues s’étaient aperçus que chaque jour le soleil s’avançait d’un degré (le mot degré vient de dies gradus) dans le cercle du zodiaque. En conséquence de cette observation, dans le premier calendrier romain, l’année était constituée de 360 jours. Pour se conformer à l’année réelle les astrologues romains ajoutaient en fin d’année cinq ou six jours néfastes. En instituant le principe des années bissextiles, le calendrier Julien a, en 46 avant Jésus Christ, amélioré la précision avec une année de 365,25 jours. Plus tard, en 1582, après avoir constaté un décalage de 3 jours tous les 400 ans, le pape Grégoire XIII a imposé dans les états catholiques un nouveau calendrier, le calendrier grégorien. Une telle précision dans les mesures (3 jours sur 400 ans correspondent à une erreur de 2 sur 100 000) ne peut être expliquée que par le soin très particulier employé à leur mise en œuvre : instruments de plus en plus sophistiqués, archives de relevés astronomiques sur plusieurs siècles.

Une étude « ésotérique » a très certainement accompagné l’observation régulière du déplacement des astres dans le ciel. Cette étude « ésotérique » pouvait avoir elle-même un contenu scientifique par la recherche de concordances. Ainsi, l’apparition subite d’une comète pouvant annoncer un malheur, il devait être important de relever tous les malheurs liés à l’apparition d’une comète.

Plus que cela encore ! La démarche ésotérique répondait à une nécessité. Une nécessité liée au fait que tout événement inattendu crée de l’inquiétude. À l’heure actuelle, nous rions des frayeurs des hommes du Moyen Âge lors de l’apparition d’une comète. Mais si nous nous en moquons, c’est parce que nous avons connaissance longtemps à l’avance de l’arrivée de cette comète. Pour nous il n’y a aucune surprise. Qui plus est, nous savons que le phénomène est explicable et qu’il survient régulièrement. À quoi bon s’en émouvoir? Par contre, un événement inattendu et inexpliqué suscitera peurs et émotions. Et nous serons à la recherche d’explications. Explications que nous croirons trouver auprès d’un « connaisseur ». Lequel « connaisseur » devra fournir ces explications s’il veut garder sa réputation de « connaisseur ». Et il arrive que le connaisseur ne connaisse pas la réponse. En ce cas, le « connaisseur » autoproclamé se sentira obligé d’inventer une explication ou de se référer aux explications des anciens, faute de trouver une explication convenable qui lui soit réellement personnelle. C’est ce qui s‘est très probablement passé en ce qui concerne l’astronomie avant les découvertes successives de Copernic, Galilée, Kepler et Newton.


9. Et après Copernic ?

On a donné le nom de « révolution copernicienne » à cette période. Le terme de « révolution » est bien adapté si l’on accepte l’idée que les découvertes de Copernic ont entraîné des changements profonds. Des changements dont on n’a probablement pas encore totalement mesuré l’importance. Car la conception nouvelle d’un univers ouvert et compréhensible a très certainement provoqué des comportements nouveaux. Ainsi, il est possible que la querelle littéraire des « Anciens et des Modernes » ou l’indépendance d’idées des philosophes du XVIIIesiècle soient issues de cette nouvelle vision du monde.

Cependant, le mot de « révolution » est, dans ce cas, inadapté si on l’interprète dans le sens d’un changement subit et inattendu. Car il a fallu beaucoup de temps pour que ce changement soit considéré comme achevé. Il y a très probablement eu un « avant Copernic », une période durant laquelle un certain nombre de chercheurs commençaient à se poser des questions sur le modèle de Ptolémée. Mais surtout il y a eu, après le décès de Copernic, une longue période silencieuse. Les savants de l’époque ont mis beaucoup de temps à adopter cette nouvelle théorie qui bouleversait tout ce qu’ils avaient appris. Le manuscrit De Revolutionibus Orbium Coelestium aurait été achevé vers 1530 et le premier exemplaire imprimé n’est édité qu’en 1543 peu avant la mort de Copernic. Mais ce n’est que très longtemps après que la théorie est définitivement adoptée. En effet, l’ouvrage de Copernic est mis à l’index en 1616, soit 73 ans après avoir été publié pour la première fois. Moins de vingt ans après, en 1633, Galilée, qui défendait la théorie de Copernic, est condamné par l’église catholique. Ce n’est qu’après 1664 que les auteurs en faveur des thèses de Copernic sont retirés de l’index. Les travaux d’Isaac Newton sur la mécanique céleste débutent en 1677. Ils finissent par emporter l’adhésion de la grande majorité des savants, au début du
XVIIIesiècle. « Mis à part l'Angleterre, la France, les Pays-Bas et le Danemark, le reste de l'Europe garde sa position anti-copernicienne pendant encore un siècle. »(phrase extraite de la page consacrée à Copernic du site Internet Wikipedia) . Le même article poursuit un peu plus loin : « Au XVIe siècle, on croit fermement que la Terre est immobile et que la théorie du géocentrisme est la règle universelle . On accepte mal que la Terre soit mobile. Les chercheurs et scientifiques du XVIe siècle acceptent certains éléments de la théorie, en revanche la base de l'héliocentrisme est rejetée.

L'acceptation de la nouvelle théorie va devenir l'enjeu d'une lutte d'influence aux confins de l'Université, de la politique et de la religion. Dès 1533, le pape Clément VII avait connaissance des travaux de Copernic sans les critiquer et, en 1536, le cardinal-archevêque de Capoue, Nikolaus von Schönberg l'encourage à communiquer ses recherches. Fort de cet accueil, Copernic fait parvenir au pape Paul III un exemplaire dédicacé de la première version de son livre De revolutionibus coelestium. De son vivant, à aucun moment, Copernic ne fut inquiété par l'Église.

Cependant, seuls une dizaine de clercs de son époque lui accordent un appui. Mais ces chercheurs travaillent souvent à l'extérieur des universités (subventionnées), dans des cours royales ou impériales, ou encore même tout près de l'Église. Les plus célèbres sont Giordano Bruno et l'astronome allemand Johannes Kepler (1571-1630). En 1582, lors de la grande réforme du calendrier par le pape Grégoire XIII, les travaux de Copernic sur l'héliocentrisme furent utilisés. Ce n'est qu'après, qu'une féroce bataille d'universitaires va déclencher la polémique qui aboutira à la condamnation des travaux de Copernic, malgré des efforts pour tenter de trouver un comprom
is. »

Il y a dans cet article un raccourci un peu trop rapide. Il réside dans la suite de phrases : « Cependant seuls une dizaine de clercs de son époque lui accordent son appui… Les plus célèbres sont … Johannès Kepler (1571-1630) ». Kepler est né à peine moins de 100 ans (98 ans exactement) après Copernic. Il y a donc entre eux deux une différence de trois ou quatre générations. Peut-on dire qu’ils vivaient à la même époque? Il nous faut donc envisager que les quelques dizaines de clercs qui soutenaient initialement Copernic ont fait des émules dans la génération suivante, qui à leur tour ont fait des émules dans la génération d’après. Lesquels ont initié Kepler aux nouvelles théories.

Nous ne connaissons rien de ces émules, de ces personnages qui ont continué à faire vivre le modèle héliocentrique longtemps après la mort du concepteur de cette théorie. Mais il faut accepter l’idée qu’ils ont existé et qu’ils ont au fur et à mesure accumulé des preuves.

On a tort de croire que le procès de Galilée était un combat de la science contre la religion. Le combat a d’abord eu lieu entre scientifiques. C’est en tout cas ce que suggère la phrase : « Mais ces chercheurs travaillent souvent à l'extérieur des universités (subventionnées), dans des cours royales ou impériales, ou encore même tout près de l'Église . ». Les universités censées avoir le monopole du savoir auraient été les plus réticentes à ces théories nouvelles. Les savants coperniciens indépendants avaient sans doute plus de succès auprès des cours royales ou impériales à cause de la précision de leurs calculs. On sait ainsi que Kepler vendait - très cher - des horoscopes : il était capable de prévoir à l’avance la conjonction des planètes ; ce qui donnait du crédit à d’autres prédictions. Finalement, il semblerait que, de toutes les institutions, ce soit l’Église qui ait été le plus en pointe sur ces idées. C’est sans doute pour cela que la condamnation par l’Église des idées de Copernic, puis de Galilée, est devenue une nécessité pour les scientifiques adversaires de ces idées. Ils devenaient de plus en plus à court d’arguments scientifiques. Il leur fallait opposer des raisons religieuses (contradictions avec le texte de la Bible) ou politiques (risques de troubles à l’ordre public de la part d’une populace furieuse qu’on l’ait trompée).

Ce n’est peut-être pas tout à fait un hasard si, au moment même où les ouvrages des coperniciens sont retirés de l’index (1664), est créé l’Observatoire de Paris (1667) sous l’égide de l’Académie des Sciences fondée quant à elle un an plutôt en 1666. Les travaux s’effectueront dans une grande indépendance. On découvre dans cette démarche une véritable révolution dans les mentalités. En effet, elle s’effectue avec au moins l’approbation, si ce n’est sous l’égide, de Colbert. Or Colbert est bien connu pour son interventionnisme en matière économique, interventionnisme que l’on a d’ailleurs qualifié de « colbertisme ». Ici, en ce qui concerne la science, il se révèle très libéral. Il a compris que l’intérêt de l’état résidait plus dans la recherche de la vérité que dans la maîtrise de l’information.



10. Et maintenant l’astronomie ?

Après les créations d’observatoires à Paris (1667), à Londres (Greenwich - 1675) et en d’autres villes d’Europe, il faudra attendre près d’un siècle pour que les idées nouvelles soient adoptées par les scientifiques, puis au moins un siècle de plus pour qu’elles soient généralisées dans l’enseignement. À l’heure actuelle, la grande majorité des humains connaissent deux grandes branches de la science des astres : une science reconnue pour son exactitude, l’astronomie, une science qui s’adresse aux humains, l’astrologie. À remarquer que l’existence de ces deux sciences ne crée pas de conflit chez l’usager qui peut tour à tour utiliser son GPS, pur produit de l’astronomie, et consulter son horoscope, pur produit de l’astrologie ( remarque personnelle : je ne suis pas moi-même intéressé par l’astrologie).


11. Retour à l’Histoire

Les commentaires précédents ont peut être été longs et fastidieux. S’ils ont été ainsi présentés, c’est pour mieux introduire le discours sur l’Histoire. Car il y a, selon moi, analogie entre ce qui s’est passé dans le domaine de la science des objets célestes (astrologie et astronomie) et ce que nous vivons actuellement dans le domaine de l’Histoire.

Il faut bien comprendre que l’Histoire a été, et ce, de tout temps, une construction artificielle donnant une vision déformée de la réalité. Cette construction artificielle peut avoir été faite inconsciemment, par suite de circonstances particulières. Mais elle peut aussi avoir été opérée d’une façon délibérée et volontaire.



12. Les déformations involontaires de la vérité historique

La réalité historique peut être déformée sans que l’historien lui-même en prenne conscience, et ce, de plusieurs façons. La première vient du fait qu'un témoignage, même impartial, est le plus souvent partiel. Un témoin ne raconte que ce qu’il a vu ou ce dont il a eu connaissance. S’il ne détient qu’un seul témoignage, l’historien a tendance à le privilégier, en négligeant toute hypothèse qui pourrait le corriger, suivant le principe : « on a trouvé un témoin cela nous suffit ! ».

Le rapport que l’historien fait du témoignage s’avère être, lui aussi, le plus souvent, partiel. D’ailleurs les historiens eux-mêmes ne s’en cachent pas. Ainsi, lorsque Grégoire de Tours publie son ouvrage sur l’histoire des Francs, il lui donne pour titre « Histoire Ecclésiastique des Francs », réduisant cette histoire à son contenu
« ecclésiastique».

Il faut bien comprendre que ce caractère « partiel » des témoignages ou de leur rapport qu’en fait l’historien constitue un handicap sérieux. Encore plus si le témoignage devait se révéler partial.

Pourtant, la plus grande cause de déformation de la vérité historique semble être l’absence de témoignage. La pratique de « citer ses sources » amène l’historien à reconnaître pour « vrai » un article étayé par des documents indépendants de l’auteur de cet article et « douteux », voire même « faux », un article non étayé considéré alors comme un pur produit de l’imagination de l’auteur. Ce qui n’empêchera pas l’article en question d’être accepté s’il est signé par un universitaire reconnu part ses pairs. Cette approbation par les pairs, non étayée par des preuves tangibles, sera utilisée comme source sûre par d’autres historiens. C’est ce qui s’est passé concernant les monuments du premier millénaire. C’est à dire l’essentiel du contenu de l’actuel site. Les historiens de l’art qui ont étudié ces monuments ont cherché des documents les concernant. Malheureusement, plus on remonte dans le temps, moins on trouve de tels documents. Face à la rareté des documents antérieurs à l’an 1000, les historiens de l’art n’ont pu envisager qu’il pouvait subsister des monuments datant de cette période.



13. Les déformations volontaires de la vérité historique


Tout le monde a entendu parler du négationnisme, cette pratique déviationniste de quelques chercheurs niant l’Holocauste des Juifs dans les années 40. Mais le négationnisme doit il être seulement réduit à la contestation de l’holocauste ? D’autres événements historiques peuvent être volontairement niés par des historiens indépendants. Nous l’avons ainsi constaté pour le débat concernant le nombre de victimes lors du sac de Béziers par les croisés en 1209. Certains historiens estimaient ce nombre à quelques dizaines, alors que d’autres parlaient d ‘une centaine de milliers : évaluations aussi peu crédibles les unes que les autres, mais qui traduisaient plus un débat d’idées qu’un réel travail d’historiens.

Il me semble pourtant que le négationnisme le plus important qui soit est le négationnisme des États. Le terme de « négationnisme » appliqué aux États apparaît à priori très choquant et, à tout le moins, ne concerner que quelques cas particuliers, comme la Turquie qui nie le génocide arménien.

En fait le négationnisme concerne tous les États. Pas seulement d’ailleurs les États, mais aussi les corps constitués tels que les groupes religieux ou les partis politiques. Il faut comprendre qu’il ne s’agit pas à proprement parler de « négationnisme », mais plutôt d’un détournement semi-volontaire de la vérité historique. Chaque État, chaque Corps Constitué, veut créer une cohésion dans le groupe d’individus qui le constitue. Pour cela, il lui faut montrer l’existence d’une communauté de valeurs dans le groupe. En conséquence, l’État ou le Corps Constitué crée sa propre Histoire en maximisant ses succès et en minimisant ses échecs. Il en est ainsi, par exemple, de l’église catholique qui, avec ses vies de saints ou sa Légende Dorée, s’est efforcée durant le Moyen-Âge de montrer le côté positif de son Histoire.

Dans ses ouvrages tels que « La nostalgie des origines », « Le mythe de l’éternel retour », l’historien des religions, Mircea Eliade, a bien décrit le processus de transformation de l’histoire en légende. Je pense qu’il en est de même pour les États. Ils ont besoin de montrer qu’ils ont été établis à partir de valeurs communes à l’ensemble des citoyens. Ainsi, en 1945, au lendemain de la Libération de la France, les français étaient réputés s’être dressés comme un seul homme face à l’envahisseur. On découvre, au fur et mesure des témoignages, que la réalité a été peut-être un peu moins belle : la collaboration, puis les purges après la libération, les bombardements alliés dont certains étaient totalement inutiles et injustifiés, … et sans doute d’autres événements encore passés sous silence.

Cette volonté de montrer la cohésion sociale se fait au détriment de la vérité historique. Je peux témoigner de cette déformation de l’Histoire dans le cas particulier de l’Histoire de France et du Premier Millénaire. Dès le plus jeune âge, une vision édulcorée de cette Histoire m’a été enseignée. Cette vision édulcorée n’a pas été corrigée par la suite, car l’enseignement historique français suit l’ordre chronologique des événements et l’histoire antérieure à l’an 1000 n’est plus inscrite dans les programmes scolaires à partir de l’âge de 12 ans. Si bien que jusqu’à une date relativement récente, mes connaissances sur cette période étaient celles d’un enfant de 12 ans. C’est d’ailleurs après avoir pris conscience de mes insuffisances que j’ai décidé d’étudier plus profondément le premier millénaire. Ma plus grande surprise a été de découvrir que je n’étais pas le seul concerné : les historiens issus de l’université étaient dans le même cas que moi. Ils ont certes appris des méthodes de recherche, mais comme ils se sont spécialisés dans des domaines très particuliers, leurs connaissances générales sur le Haut Moyen-Âge sont restées à l’état embryonnaire et surtout leurs aptitudes à raisonner, à critiquer et à remettre en question des jugements préétablis, aptitudes mises en œuvre pour des périodes récentes, semblent inutilisées pour ces périodes anciennes : on en est encore au bon romain qui construit tout et au méchant barbare qui détruit tout ce que le bon romain avait patiemment construit.

Comprenons bien qu’il n’y a, dans ce que j’écris, aucune volonté de polémique même si mes affirmations risquent d’en mécontenter plus d’un. Je décris un fait. À titre de comparaison, je vais citer Galilée. Lorsque, selon la légende, il s’est insurgé : « Et pourtant elle tourne ! », il décrivait, lui aussi, un fait. Il savait que ce fait était dérangeant pour certains. Devait-il s’abstenir de le dire ?

Quant au fait que je décris, il a été établi sur des bases solides à partir d’observations principalement architecturales effectuées sur plus de 600 « monuments » (églises, châteaux, musées). Il ressort de ces analyses que plus du tiers des édifices qualifiés de « romans » et datés du XIeou du XIIesiècle sont antérieurs à l’an 1000.

Ces analyses sont loin d’être terminées. Mais, en ce qui me concerne, le fait est acquis. Chacun est certes libre d’y croire. Cependant, mes observations ne peuvent être écartées d’un revers de main. Il faut les refaire, les critiquer, proposer éventuellement d’autres solutions plus cohérentes que les miennes.

La question est de savoir si l’obscur chercheur que je suis, qui par ailleurs ne fait pas partie du sérail des historiens, peut avoir raison contre la grande majorité de ceux-ci. De fait, la question ne se pose pas pour moi car jusqu’à présent, aucune objection solide n’est venue mettre mes arguments en défaut. Mais cela étant, la question précédente se repose d’une autre façon : « Comment se fait-il qu’une grande majorité de chercheurs se soient trompés ? ». Il serait peut-être satisfaisant pour moi de parler d’incompétence en ce qui les concerne. Mais je ne pense pas que ce soit le cas. Certaines pratiques de recherche comme la trop grande importance donnée aux textes écrits évoquée dans le paragraphe « Les déformations involontaires de la vérité historique », peuvent être évoquées. Cependant toutes ces justifications sont insuffisantes pour expliquer l’étendue du phénomène. Je suis persuadé que la méconnaissance que nous avons en France de l’histoire du premier millénaire est dûe à l’action de l’État Français qui a voulu créer une image idéalisée des Origines de la France.

Durant longtemps, je n’ai pas compris pour quelles raisons l’Histoire de France était enseignée dans l’ordre chronologique. Il me semblait en effet que, plus on remonte dans le temps, plus il est difficile de comprendre et d’expliquer les événements qui se sont succédés. Et je pensais plus raisonnable d’enseigner l’Histoire des Temps Anciens à des grands adolescents qu’à des enfants. Ce n’est que récemment que j’ai compris le caractère volontaire de construction des programmes en suivant un ordre chronologique. Les petits français doivent savoir comment s’est constituée la France (selon l’interprétation qu’en donne l’État Français). Devenus adultes, ils ne doivent pas en savoir plus. Ils risqueraient de mettre en doute ce qu’on leur avait appris.

Le résultat, on peut l’observer dans certains propos entendus récemment, à forts relents de xénophobie ou de racisme, tels que : « Moi, on m’a appris à l’école que mes ancêtres étaient Gaulois. » (sous-entendu : « Et ils n’étaient pas noirs, arabes ou chinois »).

Cette conception archaïque et orientée de la formation de la France - il en est de même pour beaucoup d’autres pays - a conduit à négliger tous les progrès accomplis durant la période de l’an 400 à l’an 1000. À l’heure actuelle, des périodes comme la préhistoire sont mieux connues et étudiées que celle-ci. Ainsi, une chronologie a pu être établie à partir de l’évolution de la technique de fabrication des outils (paléolithique, néolithique, chalcolithique), chronologie affinée par la suite (solutréen, magdalénien, …). Et ce depuis le XIXesiècle. Il devrait être paradoxal pour tous qu’une méthode analogue n’ait pas été mise en application concernant les évolutions architecturales des basiliques à trois vaisseaux. En admettant même que toutes ces basiliques, dites romanes, soient postérieures à l’an mille comme l’affirment les actuels historiens de l’art, il devrait être possible de définir un classement, de la plus ancienne à la plus récente. À ma connaissance, la seule ébauche d’un tel classement se trouve dans l’actuel site. Suis-je donc un génie pour y avoir pensé ? Certainement pas ! À coup sûr, d’autres y ont pensé avant moi, mais ils n’avaient pas suffisamment d’arguments, de soutiens ou de moyens pour le faire.

Comment se forge le négationnisme des États ? Il ne faut pas s’imaginer que la responsabilité d’un négationnisme d’État doit être imputée aux seuls donneurs d’ordre de cet État : les peuples ont leur mot à dire. Et, dans bien des cas, ils le disent. En prenant pour exemple l’Histoire relativement récente de la Guerre d’Algérie, on voit bien, dans le déchaînement des passions aux moindres allusions, que la vérité est difficile à établir.



14. Une histoire réellement objective est-elle possible ?

Il faut tout d’abord remarquer que, actuellement, les historiens sont beaucoup plus objectifs que ceux d’il y a une centaine d’années. De plus en plus des questions historiques concernant des États particuliers sont traitées par des groupes internationaux d’historiens. Cependant, l’indépendance des historiens par rapport aux États n’est pas encore totalement assurée. On connaît la polémique qui a accompagné le projet de création, il y a quelques années, d’un Musée de l’Histoire de France, polémique si forte que le projet n’a pas abouti. Je ne suis pas parfaitement au courant de ce qui s’est passé, mais je pense qu’il y a eu conflit entre un pouvoir désireux d’interpréter l’Histoire de France en donnant un vision déformée de la réalité, et ce, à des fins pédagogiques, et des historiens soucieux de rétablir une vérité historique. Même si cette polémique a eu un certain retentissement, ce ne pourrait être qu’un épiphénomène, la partie émergée d’un contrôle de l’état sur l’enseignement de l’histoire. Car même si les universités sont déclarées indépendantes, l’État dispose de nombreux leviers d’intervention, comme, par exemple, la possibilité de financer des thèses.



15. Les deux néologismes : « Historionomie » et « Historiologie »


Il faut bien comprendre que l’historien actuel est confronté à deux choix : soit il étudie l’histoire dans sa vérité, soit il fait référence à cette histoire à fins d’éducation ou de modifications de comportement des auditeurs. Dans le premier cas, l’histoire est conçue comme une science exacte, dans le second cas, comme une science humaine. Pour clarifier mon raisonnement, j’ai voulu créer deux néologismes, en analogie avec les mots : « astronomie » et « astrologie ». « L’historionomie » correspondrait à la première situation : l ‘étude de l ‘histoire dans sa vérité. « L’historiologie » serait la seconde : l’enseignement de l’histoire. Sous ce point de vue, l’historien-chercheur en université pourrait être qualifié « d’historionome » alors que l ‘enseignant en histoire serait qualifié « d’historiologue ».

Cependant, en admettant même que ces néologismes soient un jour adoptés, nous sommes loins qu’ils soient conformes à la réalité actuelle. Jusqu’à preuve du contraire, l’universitaire français est toujours au service de la nation française et il lui est difficile d’émettre des points de vue estimés contraires aux intérêts de l’Etat.



16. Mais quels sont les intérêts de l’état ?


On a vu précédemment que l’Histoire - du moins l’Histoire de la formation de chaque état - a été artificiellement transformée en légende de façon a intégrer plus aisément des groupes disparates. Si les États ont agi ainsi, c’est sans doute parce qu’ils y trouvaient leur intérêt. Cependant nous sommes bien obligés de constater que ces expériences d’intégrations de communautés ont pu parfois échouer. La négation d’un passé ou d’une culture propre à une partie d’une nation crée dans cette partie un sentiment d’exclusion, puis une exacerbation qui peut conduire à un désir d’indépendance. Inversement, une meilleure connaissance de l’histoire locale pourrait atténuer les velléités d’indépendance à l’intérieur des nations. Car plus on remonte dans le temps, plus le concept de nation, établi sur la base de critères communément partagés (frontières, langues, religions, cultures) devient complexe. En conséquence, je ne suis pas du tout certain qu’une construction artificielle de l’histoire soit un atout pour une nation.

Mais, dira-t-on, quelle peut donc être l’utilité pour une nation d’enseigner une histoire qu’on ne peut pas trafiquer à sa guise ?

Il nous faut bien réaliser qu’une histoire vraie est source de profits pour celui qui la connaît. Prenons l’exemple d’une œuvre d’art. Cette œuvre n’a de valeur que par l’histoire qui lui est rattachée et non par sa beauté intrinsèque. Le même tableau de Van Gogh qui était méprisé du vivant de l’artiste fait actuellement l’admiration de tous. Ce changement de regard de l’amateur d’art est en grande partie dû à l’histoire qui s’y rapporte. Une histoire qui peut prendre un aspect très élémentaire : l’histoire d’un tableau qui ne valait pas un clou et qui vaut à présent des millions. Imaginons que ce tableau se révèle être un faux. Immédiatement il perdra sa valeur. Non seulement sa valeur vénale, mais aussi sa valeur esthétique. Car tous ceux qui auparavant s’étaient efforcés d’expliquer la beauté de ce tableau se tairont subitement.



17. Comment devient-on « historionome » ?


La grande majorité des historiens le sont déjà dans la pratique. Cependant, il existe des blocages au niveau des questions abordées. Ces blocages sont le fait des États ou des Corps Constitués. Ils le sont principalement au niveau des origines du groupe : mythes de création pour des groupes religieux, mythes de fondation pour des sociétés. Ces blocages peuvent aussi exister pour des périodes récentes lorsque le groupe refuse d’endosser sa responsabilité dans des actes répréhensibles. Face à ces blocages, l’historien, aussi objectif qu’il soit, ne dispose pas des crédits nécessaires à ses recherches et doit les interrompre.

À l’heure actuelle, la seule façon de contourner ces obstacles serait de créer des instituts d’histoire indépendants des états. Tout comme il existe une Cour Pénale internationale, il pourrait exister une (ou plusieurs) Faculté(s) Internationale(s) d’Histoire. Ou plutôt d’Historionomie, si ce mot ou un autre ayant le même sens devait être adopté.

On m’objectera sans doute l’inutilité d’une telle opération pour la France : « Qu’apportera donc cette création ? En France tout a été déjà correctement traité ! ». Je peux témoigner que, en ce qui concerne le premier millénaire, on est loin du compte !

Mais l’intérêt d’une telle institution pourrait ne pas se limiter au rétablissement de la vérité historique avec, pour corollaire, la redécouverte de patrimoines ignorés. Elle pourrait aussi fournir des bases objectives et indiscutables en vue de règlements de conflits. Enfin, cette institution pourrait proposer des pistes de réflexion sur les méthodes de recherche en histoire. Actuellement cette recherche est essentiellement basée sur les textes écrits. Une nouvelle compréhension de l’histoire devrait permettre de raisonner dans les cas d’absence ou de rareté de documents écrits.

En attendant la création de tels Instituts Internationaux d’Historionomie, une création qui pourrait attendre des siècles, le relais pourrait être assuré par des particuliers ou des Sociétés Savantes. On sait que dans un passé relativement récent (XVIIIe- XIXesiècle), des initiatives privées soutenues par des Sociétés Savantes, et sans aide de l’État, ont permis l’émergence de nouvelles branches de la science (Paléontologie, Archéologie, Botanique, etc.). Comme l’astronomie avant elle, l’historionomie pourrait être une de ces branches nouvellement créée.

Norbert Breton