La Gaule et les Gaulois (fin du 4e siècle : les cités) 

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Au hasard du rangement des livres d'une bibliothèque, nous avons découvert un livre intitulé « Catalogue des Provinces romaines », traduction d'un ouvrage composé selon toute apparence du temps de Théodose (383-395). Cette œuvre sans prétention établissait une liste de onze régions de l'Empire Romain qui, en tout, renfermaient 113 provinces.

Les onze régions de l’Empire Romain étaient les suivantes : l’Italie (17 provinces), la Gaule (17 provinces), l’Afrique (6 provinces), l’Espagne (7 provinces), l’Illyrie (19 provinces), la Thrace (6 provinces), l’Asie (12 provinces), l’Orient (10 provinces), le Pont (8 provinces), l’Égypte (6 provinces), la (Grande) Bretagne (5 provinces).

Suivaient les villes des provinces gauloises (remarque : cette partie paraît avoir été ajoutée au Catalogue des Provinces Romaines par un auteur Gaulois et elle n’est pas complète, puisqu’elle ne comporte que neuf régions sur les dix-sept).

On a donc la liste suivante :

La Province Viennoise comprend quatorze villes : La métropole Vienne (Viennensium), Genève (Genavensium), Grenoble (Gratianopolitanorum), Albe (Aps-Albensium), aujourd’hui Viviers (Vivario), Die (Doensium), Valence (Valentinorum), Avignon (Avennicorum), Arles (Arelatensium), Carpentras (Carpentoractentis), aujourd’hui Vindescas (Viodesca), Marseille (Massilensium), Saint-Paul-Trois-Châteaux (Tricastinorum), Vaison (Vasionensium), Orange (Arausiorum), Cavaillon (Cabellicorum).

La Province Narbonnaise Première comprend huit villes : La métropole Narbonne (Narbonnentium), Toulouse ou Tolosa (Tolosatium id est Tolosa), Béziers (Biterrensium), Agde (Agathensium), Nimes (Nemausensium), Maguelonne (Magalaunensium), le château de Lodève ou Luteva-Castrum (Lutevensium id est Luteva castrum), le château d’Uzès (castrum Ucciense).

La Province Narbonnaise Deuxième comprend sept villes : La métropole Aix (Aquensium), Apt (Aptensium), Riez ou Rejas (Regentium id est Rejas), Fréjus (Forrejuliensium), Gap (Vappiocensium), Sisteron (Segesterorum), Antibes (Antipolitana).

La Province Aquitaine Première comprend huit villes : La métropole Bourges (Bituricum), Clermont (Arvenorum), Rodez (Rutenorum), Albi (Albiensium), Cahors (Cadurcorum), Limoges (Lemovicum), Antérieux (Gabalum), Saint-Paulien (Vella vorum).

La Province Aquitaine Deuxième comprend six villes : la métropole Bordeaux (Bordegalensium), Agen (Agenensium), Angoulème (Ecolimensium), Saintes (Santonum), Poitiers (Pictavorum), Périgueux (Petrocororium).

La Province Novempopulanie comprend douze villes : La métropole Eauze (Ausciorum), Bagnières (Aquensium), Lectoure (Latoratium), Comminges (Convenarum), Saint-Lizier (Consorancorum), La Teste-de-Buch ou Bot (Boatium qui est Bot), Pau (Benarnensium), Aire (Aturensium), Bazas (Vasatica), Tarbes où est le Château de Bigorre (Turbo ubi est Castrum Bigorra), Oloron (Elloronensium), Auch (Elosiatum).

La Province des Alpes Martimes comprend huit villes : La métropole Embrun (Ebredunum), Digne (Diniensium), Chorges (Rogomagrorium), Castellane (Solliniensium), Senez ou Sanicio (Saniciensium id est Sanicio), Glandèves (Glanateva), Cimiez (Cemedenensium), Vence ou Ventio (Venceasium).

La Province de Belgique Première comprend quatre villes : La métropole Trèves (Trevirorum), Metz (Mediomatricorum id est Metis), Toul (Leucorium id est Tullum), Verdun (Veroduniensum).

La Province Belgique Deuxième comprend douze villes : La métropole Reims (Remorum), Soissons (Suessionum), Chalons-sur-Marne (Catahurorum), Saint-Quentin (Veromandorum), Arras (Atrebatum),  Cambrai (Cameracensium), Senlis (Silvanectum), Tournai (Tornacensium), Beauvais (Bellovacorum), Amiens (Ambianensium), Terouanne ou Pontiacum (Morinum id est Pontiacum), Boulogne-sur-Mer (Bononiensium).

Il manquait dans ces précisions huit autres provinces gauloises. Le site Wikipedia donne les métropoles de ces provinces (mais pas les villes principales).

Germanie Première : Mayence, Germanie Deuxième : Cologne;  Grande Séquanaise : Besançon; Alpes Grecques ou Pennines : Moutiers en Tarentaise; Lyonnaise Première : Lyon, Lyonnaise Deuxième : Rouen (La Lyonnaise II a été détachée de la Lyonnaise I sous Constantin), Lyonnaise Troisième : Tours, Lyonnaise Quatrième ou Lyonnaise Séquanaise : Sens.

L’article de Wikipedia signalait de plus que la Viennoise a été subdivisée après la notice précédente, c’est-à-dire au Ve siècle. À partir de cette date, on a la Viennoise I, avec pour métropole Vienne et la Viennoise II, avec pour métropole Arles.

Le Catalogue étant incomplet, il était difficile de faire une recherche plus poussée sur les principales villes de la Gaule. Fort heureusement, une petite découverte nous a permis de reconstituer la partie manquante.

C’est par le plus grand des hasards qu'en lisant les premières pages de la Galla Christiania, nous avons pu retrouver les noms des principales villes des provinces non documentées.

Mais lisons tout d'abord la copie ci-dessous (images 1, 2, 3) de la Galla Christiana, extraite du site Gallican. Sur deux colonnes, sont inscrites les régions de la Gaule Romaine avec en-dessous les villes les plus importantes de ces régions. Sur les deux colonnes sont affichées les régions successives : Lunaison Première, Lunaison seconde, Lunaison Troisième, Lunaison Axonaise, Belgique Première, Belgique Seconde, Germanie Première, Germanie Seconde, Grande Séquanaise, Alpes Grecques et Pennines, Viennoise, Aquitaine Première, Aquitaine Seconde, Novempopulanie, Narbonnaise Première, Narbonnaise Seconde, Alpes Maritimes. On retrouve le même nombre de régions que dans le Catalogue des Provinces Romaines. Même nombre … mais aussi mêmes noms !

Qui plus est, à l’intérieur des listes de chacune des 9 régions documentées, on retrouve à peu de choses près les mêmes nombres et noms de villes importantes. Seules différences : les villes de Carpentras, en Viennoise, Agde et Maguelonne, en Narbonnaise Première, citées dans le Catalogue, sont absentes de la Galla Christiania. Autre différence notable : dans le Catalogue, la ville dénommée Ausciorum est citée comme métropole de Novempopulanie. Alors que dans la Galla Christiania la métropole est appelée Eustatisme. Cependant, le jeu se complique par le fait que dans la traduction en français de la Galla Christiania, « Civilisas Ausciorum » est traduit par « Auch » et « Civilisas Eustatisme » par « Eauze », alors que dans le Catalogue c’est le contraire (il semblerait que la bonne traduction soit celle de la Galla Christiana). Si bien que quel que soit le document emprunté, Eauze devient la métropole de Novempopulanie. Manifestement, ces contradictions font apparaître que l'une des deux devait être la première capitale de Novempopulanie mais que l'autre l’a supplantée ou a voulu la supplanter par des tours de passe-passe ou de fausses traductions.


Les deux textes apparaissent comme très proches, issus d’une même source qui pourrait être le Catalogue dans sa version originale en latin. En conséquence, on peut envisager que la partie manquante du Catalogue se trouve dans la Gallia Christiania. Et donc on peut compléter le Catalogue par les informations suivantes :

La Lyonnaise Première comprend 5 villes : La métropole Lyon (Lugdunensium), Autun (Aeduorum), Langres (Lingorum), le château de Châlons (sur Saône) (Castrum Cabilocense), le château de Mâcon (Castrum Maciscocense).

La Lyonnaise Seconde comprend 7 villes : La métropole Rouen (Rocomagensium), Bayeux (Baliocassicum), Avranches (Abrincarum), Évreux (Ebroïcorum), Séez (Sagiorum), Lisieux (Lexovorum), Coutances (Constancia).

La Lyonnaise Troisième comprend 9 villes : La métropole Tours(Turonorum) , Le Mans (Cenomanciorum), Rennes (Redonum), Angers (Andicavorum), Nantes (Namnetum), Courseul ? (Coriosopirum), Vannes (Venetuna), ????? (Ossismorum), ????? (Diablintum).

La Lyonnaise Senonaise comprend 7 villes : La métropole Sens (Senonum), Chartres (Carnotum), Auxerre (Aucissiororum), Troyes (Tricassium), Orléans (Aurelianorum), Paris (Parisiorum), Meaux (Melidorum).

La Germanie Première comprend 4 villes : La métropole Mayence (Mogoraciensium), Strasbourg (Argentoratacensium), Spire (Nemetum), Worms (Vangionum).

La Germanie Seconde comprend 2 villes : La métropole Cologne (Agrippinensium), Tongres (Tungrorum).

La Grande Séquanaise comprend 8 villes : La métropole Besançon (Vesentierentium), Nyon (Novoidurus), Avenches (Aventicus), Bâle (Basilensium), le château de Vindisch (castrum Vindonissense), le château de Yverdun (castrum ebrodonense), le château d'Augst (castrum Rauracense), le port de ????? (portu Abucini).

La région des Alpes Grecques ou Pennines comprend 2 villes : La métropole de Tarentaise (Centronum Darantasia = Moutiers), Martiny-en-Valais (Valensium Octoduro).

L’identification de 120 des 123 villes citées n’a posé aucun problème. Pour chacune, l’étymologie du nom de lieu ainsi que d’autres documents permettaient de conclure. Il y a néanmoins peut-être eu une confusion entre Aire et Dax en Novempopulanie. En LyonnaiseTroisième, la localisation de la ville de « Osismorum » fait débat. Un bon nombre d’historiens affirment qu’il s’agit de Carhaix, en Bretagne, mais la preuve formelle n’est pas faite et un doute raisonnable est possible. Néanmoins, nous avons placé cette ville à Carhaix. Toujours en Lyonnaise Troisième, la ville de « Diablintum » n’a pu être localisée. Par ailleurs, en Grande Séquanaise, le port d'Abucini n’a pu être localisé. Il s’agit sans doute d’un port situé sur le Rhin. Il a dû être recouvert par les alluvions du Rhin et toutes les traces ont disparu sous des mètres de limon.

Nous avons eu l’idée de pointer sur une carte de France chacune des villes en la dotant d’un petit disque coloré censé représenter son territoire. Pour une ville métropole le diamètre du disque coloré a été augmenté. Une couleur spécifique a été attribuée à chaque province. Le résultat constitue l’image 4  ci-dessous.


Cette première carte fait apparaître une sorte de mitage du territoire. Il s’agit d’un mitage irrégulier. Certaines zones comme l’ouest des Pyrénées, le Bas-Languedoc, la Vallée du Rhône ou les vallées Alpines semblent densément peuplées. Ce qui n’est pas le cas d’autres régions. À remarquer que parmi ces régions, deux d’entre-elles, la Narbonnaise Première (Bas-Languedoc) et la Viennoise (Vallée du Rhône) sont aussi celles qui ont conservé les plus importants restes de monuments romains : Narbonne, Béziers, Nimes, Arles, Orange, Vaison, Cavaillon, Vienne, Marseille. Hors de ces deux régions, on ne trouve que Lyon (très proche de Vienne), Autun, Saintes, Paris, Trèves et Cologne.

Dans un deuxième temps, il nous a fallu faire apparaître les diverses régions en traçant les frontières. C’est ce qui a été fait dans l’image 5 ci-dessous. Pour y arriver, ont été pris les milieux entre les villes les plus proches de deux provinces différentes. Lorsque les villes étaient trop éloignées entre elles, cela pouvait signifier qu’il existait une zone tampon entre deux frontières. Ou si l’on préfère que deux provinces différentes étaient séparées par un désert humain. En conséquence, et afin de visualiser ces zones, deux villes appartenant à des provinces différentes et trop éloignées l’une de l’autre ont été séparées par deux traits frontaliers et non un seul. Le résultat est dans la carte ci-dessous.


Pour terminer, ces zones « désertiques » ont été colorées en beige afin de les rendre plus apparentes. Mais ce n’est pas tout ! Il a été constaté que dans la province Aquitaine Première qui correspond au Massif Central, les villes se situaient en périphérie. En conséquence, la partie centrale considérée comme zone « désertique » a été colorée en beige. Il restait à comparer les densités d’occupation par provinces. La Bretagne (Lyonnaise Troisième) et la Normandie (Lyonnaise Seconde), moins peuplées, ont été colorées en beige clair. Le résultat est sur l'image 6 ci-dessous.


Conclusions

Quelles sont les constations que l’on peut tirer de ces cartes ?

La première, c’est que ce partage en provinces n’est pas du tout conforme à ce que l’on pouvait attendre. En particulier, il ne correspond pas au découpage actuel de nos régions.

C’est encore plus vrai si on essaie de regrouper les provinces en fonction de leur dénomination. Ainsi, si on admet que la Narbonaise Première et la Narbonaise Seconde faisaient primitivement partie d’une même province, on constate qu’elles sont à présent séparées par la Viennoise. Ce découpage semble fait en dépit du bon sens. Ainsi la Narbonnaise Seconde prend les Alpes-Maritimes en tenailles, comme actuellement la Croatie vis-à-vis de la Bosnie.

Remarquons aussi que les métropoles de provinces sont en général situées en limites de province. C’est le cas de Vienne, Aix, Bourges, Bordeaux, Embrun, Trèves, Lyon, Rouen, Tours, Mayence, Besançon. Quant aux autres métropoles, aucune n’occupe une région centrale dans la province qu’elles sont censées diriger.

Le peuplement des diverses régions semble poser aussi quelques problèmes. D’une part, il est parfaitement logique que les régions proches de la Méditerranée et donc de Rome soient plus densément peuplées. Il est tout aussi logique que des régions de sols pauvres, comme la Bretagne, soient moins peuplées que les autres. Il en est de même des régions montagneuses comme les plateaux du Massif Central, les Cévennes, les monts du Forez, le Morvan, les Vosges, les Ardennes. Mais comment expliquer la forte occupation des Alpes ou du Piémont Pyrénéen ? S’agit-il pour ce qui concerne les Alpes du contrôle des cols Alpins sur les routes menant à Rome ?

Ce découpage ne semble pas correspondre non plus aux cartes élaborées dans la page précédente. En particulier pas à la carte des noms en « dindondun ». Nous rappelons que cette carte établissait la position des forteresses celtiques établies en Gaule avant la conquête romaine. Nous en déduisons que, avant l'arrivée des romains, l'emprise des peuples celtes sur les populations locales était moins importante qu'on pourrait s'imaginer. Les celtes étaient un peuple colonisateur qui a subi la colonisation des romains en même temps que les peuples qu'il avait colonisés. Comparativement aux autres découpages de cartes de la page précédente faisant apparaître 4 à 5 régions (la Narbonaise, l'Aquitaine, la Celtique (avec une sous-région l'Armorique) et la Belgique, celui défini par le Catalogue n'entre pas en contradiction mais redécoupe ces régions. Ainsi la Narbonnaise est partagée en quatre : Narbonnaise Première, Narbonnaise Seconde, Alpes Maritimes, Viennoise. L'Aquitaine est partagée en trois : Aquitaine Première, Aquitaine Seconde et la Novempopulanie.. La Lyonnaise est partagée en quatre : Lyonnaise Première, Lyonnaise Seconde, Lyonnaise Troisième, Lyonnaise Avignonnaise. La Belgique est partagée en deux : Belgique Première, Belgique Seconde. Et à cela on ajoute les Alpes Pennines et la Germanie, partagée en trois : Germanie Première, Germanie Seconde, Grande Séquanaise.

À remarquer que les métropoles sont souvent excentrées par rapport à la région. Ce sont souvent des ports maritimes (Bordeaux, Narbonne) ou fluviaux (Vienne, Trèves, Cologne, Mayence, Lyon, Tours) ou, comme Aix, à proximité de voies navigables. On retrouve là une idée développée auparavant : la colonisation par les mers ou les voies navigables. A cet effet, les villes de Germanie confirment cela. Leur territoire apparaît isolé par rapport au reste de la Gaule. En fait, le Rhin les y relie.