La basilique Saint-Ambroise de Milan 

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Nous avons visité cette basilique en octobre 2009. La majorité des images ci-dessous est issue de cette visite.

La basilique Saint-Ambroise a été décrite en détail par Sandro Chierici dans l'ouvrage « Lombardie Romane » de la collection Zodiaque. Voici des extraits de ce texte :

« L'histoire de la basilique débute avec l'épiscopat d'Ambroise à Milan, qui commença en 374. [...] Sans doute aussitôt après la nomination d'Ambroise, eut lieu le commencement des travaux de ce qui s'appela “basilica martyrum” et constitua la mère de l'actuelle basilique ambrosienne. Ce titre de “basilica martyrum” lui vient de ce qu'elle abrita les reliques des saints martyrs Gervais et Protais ; consacrée en 386, elle se présentait sous la forme d'un édifice à trois nefs et une abside, traversée par deux files de treize colonnes chacune, qui séparaient les vaisseaux. Les dimensions du corps de l'église, sans le sanctuaire et le chœur, sont celles-là mêmes de la future église romane. Ambroise, après sa mort survenue en 397, y fut enseveli auprès des dépouilles des deux martyrs. [...] Nous ne nous arrêterons pas sur la période de domination barbare sur Milan, mais nous en viendrons aussitôt à un fait important, celui de 784 : cette année-là, l'archevêque Pierre fonde le nouveau monastère bénédictin qui occupe la basilique et en nomme le premier abbé, Benoît. En 789, arrive la première confirmation impériale de ces fondations et nomination et, deux années plus tard, Charlemagne décrète qu'outre les moines, il y aura place également dans la basilique pour deux chanoines (custodes). Il en résulta une cohabitation qui ne fut pas toujours facile et eut de multiples répercussions sur la vie de l'édifice. De ces faits, l'on peut conjecturer que débuta alors la reconstruction de la basilique dans le style roman, entreprise par les moines qui souhaitaient adapter l'église aux exigences liturgiques de leur communauté naissante. [...] »

Arrêtons provisoirement la lecture des extraits de ce texte afin de commenter la première partie. Le lecteur assidu de notre site risque de se lasser de nos critiques. Néanmoins, nous les estimons nécessaires pour une meilleure compréhension de l'édifice. Ainsi Monsieur Chierici parle d'une première basilique consacrée en 386 et il nous la décrit avec une certaine précision : « [...] édifice à trois nefs et une abside, traversée par deux files de treize colonnes chacune, qui séparaient les vaisseaux. Les dimensions du corps de l'église, sans le sanctuaire et le chœur, sont celles-là mêmes de la future église romane. ». La précision (an 386, treize colonnes, dimensions identiques) est telle qu'on ne peut imaginer qu'elle soit un pur produit de l'imagination de l'auteur. Elle doit être issue d'un texte ou de découvertes archéologiques.
À l'inverse, l'hypothèse avancée d'une reconstruction de la basilique peu après l'an 789 semble ne pas reposer sur des bases solides : ainsi les dates de 784, de 789 et 791 seraient liées à des actes concernant la vie de la communauté et non aux bâtiments de cette communauté. Ceci ne signifie pas forcément qu'il n'y a pas eu reconstruction de la basilique peu après l'an 791. De toute façon, un tel monument ne peut avoir survécu pendant plus de seize siècles sans avoir subi de nombreuses campagnes de travaux de restauration, de consolidation ou de reconstruction totale ou partielle.

À travers ce texte, M Chierici affiche le parti qu'il a pris d'emblée sans s'appuyer sur des preuves tangibles : l'église actuelle n'est pas la basilique ambrosienne, la « basilica martyrum ». Il faut cependant ajouter que cette opinion semble recueillir la majorité quasi unanime des historiens de l'art. Outre le manque de preuves, on note la démarche suivante, elle aussi commune aux historiens de l'art : si un texte ancien existe, il faut le mettre en exergue ; s'il n'y a pas de texte, alors il n'y a pas d'événement. Cette démarche, elle est présente dans la phrase : « Nous ne nous arrêterons pas sur la période de domination barbare sur Milan ». Si M Chierici ne veut pas s'arrêter sur cette période de domination barbare - en fait, il est probable qu'il n'y a pas eu de « domination barbare » mais une cogestion des territoires -, c'est parce qu'il ne dispose sans doute pas de texte écrit remontant à cette période comprise entre 386 et 784. Pourquoi ne pas le dire ? Ignorer cette méconnaissance se traduit chez le lecteur par l'idée qu'il ne s'est rien passé durant 400 ans. Surtout si l'information a été traitée par un dédaigneux « Nous ne nous arrêterons pas {...] ». Pourtant, il s'est bien passé quelque chose. En témoignent les chapiteaux de l'atrium. Ce sont, pour la plupart, des sculptures à décor d'entrelacs de feuillages, un décor d'inspiration barbare fort différent du décor romain antérieur à l'an 400, et du décor roman, postérieur à l'an mille. Et même du décor dit « carolingien » ou « ottonien » (période [800-1000]).


Manifestement, Monsieur Chierici - et avec lui bon nombre d'historiens de l'art - est incapable d'imaginer que ces chapiteaux puissent être identifiés comme «barbares». Mais, par contre, il imagine fort bien le comportement de la communauté bénédictine après 794. Nous ne pensons pas, en effet, que la phrase suivante, qui justifierait selon lui la reconstruction de la basilique après 794, « ... les moines ... souhaitaient adapter l'église aux exigences liturgiques de leur communauté naissante ... » , soit directement issue de textes d'époque.



Les deux campaniles (images 2 et 3)

Reprenons la lecture du texte de Monsieur Chierici : « [...] La partie orientale, derrière l'abside, fut amplifiée ; le sanctuaire, surélevé au moyen d'une crypte ... autel d'or donné par Angilbert II, évêque entre 822 e 859. Peu après, eut lieu l'érection du clocher dit “des moines”, qui se trouve adossé au côté méridional de l'église (image 2). [...]  En même temps, les litiges continuels entre moines et chanoines, qui caractérisaient déjà leur difficile coexistence, se cristallisèrent autour de la la décision de bâtir un deuxième clocher, dit “des chanoines”, que l'on adossa au côté septentrional de l'église ; son érection dura de 1128 à 1144 (images 3 et 4). Avec lui, la reconstruction de la basilique dans ses formes romanes peut être considérée comme achevée ».

Cette partie de texte de M Chierici se révèle très intéressante pour plusieurs raisons. La première d'entre elles serait la possibilité de dater le deuxième clocher caractérisé par ses « arcatures lombardes ». Nous avons beaucoup de difficultés à dater les édifices à arcatures lombardes. Nous estimons seulement que leur érection s'est effectuée sur plusieurs siècles et que, durant cette période, leur style a pu évoluer. Mais il nous manque des références qui nous permettent de dater une étape de cette évolution avec une certaine précision. Il faudrait connaître la traduction exacte du texte ancien permettant à Monsieur Chierci d'affirmer que l'érection de ce deuxième clocher eut lieu entre 1128 et 1144. L'autre intérêt est historique en faisant apparaître un litige entre moines et chanoines. Nous pensons que ce type de conflit ne doit pas être minimisé. Même s'il s'agit d'une « querelle de clochers », on ne doit pas l’interpréter comme une « simple querelle de clochers ». Il doit y avoir, derrière tout cela, une querelle de pouvoirs : clergé séculier - clergé régulier ? pouvoir féodal - pouvoir urbain ? lutte sacerdoce - empire ?

Avant de passer à la suite, il faut noter que la partie Est de l'église (le chevet) et le croisillon Nord du transept ont été fortement endommagés par un bombardement allié en 1943. Par extraordinaire, la majestueuse tour octogonale de croisée du transept a été préservée (images 7 et 8). Très probablement, il est resté très peu d'éléments de la splendide mosaïque de fond d'abside ( mosaïque restaurée : image 30).


La chronologie des constructions selon Mrs Reggiori et Cherici

Poursuivons la lecture du texte de M. Cherici : « [...] Une phase ultérieure des travaux, celle qui eut le plus d'influence sur l'histoire de la basilique romane, eut lieu - selon Reggiori - sous les épiscopats d'Aribert d'Intimignano et de ses successeurs les plus immédiats : entre les années 1018 et 1050, les colonnes antiques du IVesiècle furent remplacées par deux files de piliers composés dans le dessein de conforter la basilique au moyen d'une voûte. En premier lieu, on prépara une couverture en charpente ; aussitôt après, on entreprit la construction des voûtes latérales sans nervure. Puis l'on commença la construction de l'atrium - rénovation plutôt car celui qu'on attribuait à Anspert (?) existait encore ; une pierre encastrée dans la paroi frontale indique la date de 1098, ce qui peut être tenu pour vraisemblable. Toujours pendant cette phase, on fit ériger une première tour-lanterne, assez peu élevée, sur la travée terminale. Enfin, on lança aussi les voûtes sur la nef centrale, amples, avec nervures diagonales à section rectangulaire. » Rappelons enfin, que, toujours selon M Chierici, l'érection du clocher « des chanoines » entre 1128 et 1144 marque la fin des travaux de la partie romane.

Il semblerait donc, d'après ce que nous dit M. Chierici qui reprend les thèses de Reggiori, que l'ensemble des constructions (nef + atrium), révélées par les images ci-contre, ont été opérées entre les années 1018 et 1144. Ou entre les années 1050 (fin de remplacement des piliers) et 1128 (début de construction du clocher « des chanoines »). Pour lui, il ne resterait rien de la basilique ambrosienne représentée sur l'image 29 (piliers cylindriques, existence d'un atrium analogue à l'atrium actuel).

Nous pensons que cette partie de texte de Monsieur Chierici entre en contradiction,, non seulement avec nos propres théories, mais aussi avec les conceptions architecturales dans leur ensemble. Ainsi lorsqu'il écrit, « [...] par deux files de piliers composés dans le dessein de conforter la basilique au moyen d'une voûte [...] », il semble ignorer qu'une voûte ne conforte pas une église mais la détruit par la pression qu'elle exerce sur les parois latérales.

Mais, plus que cela, le déroulé de son histoire entre en contradiction avec la démarche de l'architecte. Reprenons cette phrase,  « Entre les années 1018 et 1050 les colonnes antiques du IVesiècle furent remplacées par deux files de piliers composés dans le dessein de conforter la basilique au moyen d'une voûte. », et traduisons la en termes simples. Au début du XIesiècle, il a été décidé de voûter l'église. Ce projet a été confié à un architecte qui a dit qu'il fallait changer les piliers anciens. Ce qui a été fait. Le vaisseau principal a été charpenté, les vaisseaux secondaires ont été voûtés d'arêtes. Le vaisseau principal a été voûté un siècle plus tard. Ami lecteur, voyez- vous l'erreur ? Non ? Reprenons notre histoire d'une autre façon : à la fin du XXesiècle, on a confié à un certain Norman Foster la mission de construire un viaduc à proximité de la ville de Millau. L'architecte a construit les piles de ce pont. Concernant le tablier, il l'a construit en bois et ça sert de passerelle pour les piétons ! Pour la circulation automobile, il faudra attendre un siècle ! À présent, ami lecteur, vous voyez l'erreur. Si l'architecte du début du XIesiècle avait prévu de voûter l'église, il aurait mis son projet en application et n'aurait pas attendu qu'un autre le fasse 100 ans plus tard.

Il faut donc envisager que ces piliers n'ont pas été initialement prévus dans le but de voûter les vaisseaux de la nef. Par contre, ils ont très certainement subi des transformations au cours du temps et, à la fin, grâce à des innovations techniques, les vaisseaux ont pu être dotés de voûtes. Une remarque : Monsieur Chierici semble dater la construction des voûtes en croisées d'ogives de la nef, de la première moitié du XIIesiècle. Nous pensons que l'invention de la croisée d'ogives est plus tardive d'au moins un demi-siècle. C'est, selon nous, l'invention majeure de l'art gothique : une innovation beaucoup plus caractéristique que l'arc brisé ou l'arc boutant. Cette invention aurait eu une diffusion rapide à partit la fin du XIIesiècle. Mais les voûtes de grande portée comme celles-ci auraient été plus tardives encore, de la fin du
XIIIesiècle ?



Éléments de décors


Le ciborium (image 14). Nous avouons notre méconnaissance sur ce type d'ouvrage, probablement gothique du XIIIesiècle, mais fortement restauré ultérieurement.

Ensemble de deux chapiteaux de la nef (image 15). Cet ensemble de deux chapiteaux et de leurs tailloirs respectifs se révèle d'un grand intérêt pour plusieurs raisons.

Tout d'abord une discontinuité de l'ensemble. Alors que les deux systèmes chapiteau + tailloir sont de même hauteur, le tailloir de gauche est moins haut que celui de droite et, à l'inverse, le chapiteau de gauche est de plus grande hauteur que celui de droite. La discontinuité se révèle aussi dans les formes : le chapiteau de gauche est à base carrée, celui de droite est à base semi-circulaire.

Sur la face avant du chapiteau de gauche, une croix pattée hampée est encadrée par deux corps de taureaux. Les têtes de ces corps sont réunies en une seule tête avec les corps des taureaux des faces latérales. On constate que ces corps de taureaux sont décorés de stries parallèles. Autant par le thème (croix pattée), que par le décor de stries, ce chapiteau est caractéristique d'un style préroman (antérieur à l'an mille).

Il en est différemment pour le chapiteau de droite. Le thème de l'aigle impérial est fréquent dans l'art roman (postérieur à l'an mille). Cependant, dans le cas présent, le décor plus stylisé que d'habitude pourrait faire envisager une date antérieure à la période romane.

Constatons enfin l’empiétement respectif des deux chapiteaux. Sur la face latérale de celui de gauche, le corps du taureau est franchement coupé. Et sur celui de droite, l'aile de l'aigle est partiellement entamée. Cette situation est anormale pour une œuvre du Moyen-Âge. Si l'artiste avait conçu l'ensemble de l’œuvre, il aurait évité de couper les corps quitte à les déformer. Tout se passe comme si le chapiteau de droite avait été inséré dans le chapiteau de gauche, chacun des deux chapiteaux étant endommagé dans l'opération.

La chaire (image 16). C'est bien une chaire et non un ambon. La chaire utilisée pour la prédication aurait été introduite aux XVIIeet XVIIIesiècles à la suite des décisions du Concile de Trente. Les ambons réservés aux lectures des textes sacrés sont quant à eux plus anciens. Nous ignorons pour quelles raisons ils sont plus fréquents en Italie. Lors de la construction des chaires, nombre de pièces de ces ambons ont été utilisées en remploi. Dans le cas présent, la chaire est en partie soutenue par un sarcophage antique visible sous les arcades.

Face latérale du sarcophage antique de la chaire (image 17). Nous étudierons plus en détail le couvercle de ce sarcophage dans nos commentaires sur l'image 22. Concernant la face latérale, nous ne connaissons pas l'interprétation de la scène représentée.

Autre vue de la face latérale du sarcophage antique (image 18).

Face avant du sarcophage antique de la chaire (image 19). La scène sculptée sur la cuve pourrait représenter Jésus-Enfant devant les Docteurs de la Loi, au nombre de douze comme les apôtres. En dessous de Jésus, la Nativité vue d'une façon symbolique : Marie et Joseph accueillant l'Agnus Dei. Le bas-relief situé au-dessus de cette cuve provient sans doute du couvercle d'un autre sarcophage ; un couple de défunts y est célébré. À gauche, un homme semble vénérer une idole païenne.

Autre face latérale du sarcophage antique de la chaire (image 20). L'ensemble de la scène demeure assez énigmatique. On trouve néanmoins des références chrétiennes. Essayons de les interpréter correctement. À gauche, le Christ, à la longue chevelure, semble accueillir deux personnages (un homme et une femme ?) plus petits que lui. Il est debout. Sa main gauche, malheureusement endommagée, pourrait désigner un char tiré par quatre chevaux. On a là le symbolisme du char solaire qui emporte les âmes des défunts vers la mort, mais aussi vers la résurrection. La scène représentée en dessous est plus claire encore. C'est le Péché Originel : Adam et Ėve entourant l'Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal. C'est à cause de ce Péché que nous sommes entraînés dans les eaux de la Mort (ondes faisant suite à la scène du Péché Originel). Plus à droiten on retrouve deux personnages : l'homme et la femme du début ? Cette dernière sort d'une boîte : un sarcophage ? Une main un peu démesurée apparaît sur le corps de la femme. Est-ce la sienne ? il est difficile de le dire. La main, elle aussi démesurée, qui apparaît sur le corps de l'homme n'est ni la sienne, ni celle de sa femme (remarquer qu'on est passé insensiblement d'«une» femme, à «sa» femme). Cette main, c'est celle de quelqu'un d'autre. Et on devine de qui il s'agit : c'est la main de Dieu. Une main que l'on retrouve plus haut émergeant d'une arcade.

Atlante de la chaire (image 21). Cette pièce ainsi que le molosse, le lion et les entrelacs de feuillages, proviennent probablement d'un ancien ambon.

Ange de la chaire (image 22). Cette pièce, ainsi que le cerf et les entrelacs, proviennent probablement d'un ancien ambon. Datation envisagée : an 850 avec un écart de 100 ans.


Image 23 : Couvercle du sarcophage antique de l'image 17. Nous avons là plusieurs pièces à étudier. Immédiatement au dessus de la cuve du sarcophage, on découvre deux figures apparemment fort différentes. Celle de gauche est une tête humaine sculptée en ronde bosse ? Et, par contre, la partie de droite est sculptée en bas-relief. Notre première réaction a été d'en conclure à l'utilisation de deux blocs différents. Pourtant, il semblerait bien - mais il faudrait le vérifier - qu'on soit en présence d'un seul bloc. L'ensemble ferait partie d'un couvercle de sarcophage en forme de toit à deux pentes et à acrotères (quatre têtes humaines aux angles). La partie de droite en forme de toit en bâtière est décorée d'un chrisme entouré par deux oiseaux ; aux coins extrêmes, deux autres oiseaux picorent, semble-t-il, un épi de blé et une grappe de raisin.

Au dessus de ces scènes, une autre pierre, probablement issue d'un linteau de porte est décorée de deux hybrides opposés à corps de lion, queue de serpent, terminés en queue de poisson.

Image 24 : Bas-relief placé au-dessus du couvercle du sarcophage antique de l'image 17. Cette pièce provient très probablement d'un tympan de porte préroman. Elle représente la scène devenue très classique des «oiseaux au canthare».

Image 25 :  Bas-relief placé au-dessus du couvercle du sarcophage antique de l'image 17. Cette pièce provient très probablement d'un tympan de porte préroman. L'image est énigmatique. Il est possible que le personnage du milieu tenant les deux arbres représente le pouvoir seigneurial qui contrôle à la fois l'agriculture (un faucheur) et l'industrie (un sabotier ?).

Linteau de porte (image 26). Un hybride et un lion sont opposés. Remarquer que, à l'inverse de la plupart des représentations des lions à queue feuillue, la queue du lion ne remonte pas sur le corps du lion.

L'image 27 est probablement la vue de « l'autel d'or donné par Angilbet II évêque de 822 et 859 ». Nous n'avons malheureusement pas de vue détaillée de cet ouvrage afin de savoir s'il est réellement ancien ou fortement restauré.


Notre estimation de l'évolution de l'architecture de ce bâtiment

Nous avons précédemment relevé dans le discours de Monsieur Cherici, qui s'appuie souvent sur les déclarations de ses collègues, d'une part un manque d'imagination concernant les périodes antérieures à l'an mille, et d'autre part, un trop plein d'imagination concernant les périodes postérieures à l'an mille. Nous avons aussi remarqué que la description précise qu'il faisait de la basilique ambrosienne (nef de trois travées, 13 rangées de deux piliers, dimensions comparables à celles de l'église actuelle, remplacement des piliers anciens par les piliers actuels) permettait d'envisager que les archéologues ayant étudié ce bâtiment ont pu obtenir leurs renseignements grâce à des sources anciennes. Sources que nous aimerions bien connaître.

L'analyse architecturale nous permet cependant d'avoir un début d'explication. Observons la façade Ouest, grande muraille séparant l'atrium de la nef de l'église.

Nous avons constaté à de nombreuses reprises que, dans le cas des basiliques primitives - un «primitif» qui a duré près de 500 ans - , les façades occidentales reproduisaient presque intégralement le plan en coupe de la nef intérieure. Ainsi, par exemple, si la nef est à trois vaisseaux, les trois vaisseaux avec leurs toits en pente sont reproduits sur la façade occidentale. La règle est presque systématique avec une nuance cependant : elle peut se révéler fausse pour les parties hautes, celles-ci étant soumises à des modifications au cours du temps : abaissement ou surélévation du toit, voûtement, suppression d'un vaisseau, etc.).

Regardons sur l'image 6 le plan en coupe de la nef de l'église actuelle : une nef à trois vaisseaux. Cela devrait représenter le plan en coupe de l'église primitive. À la différence près que, actuellement, la nef est recouverte d'un unique toit à deux pentes, alors qu'à l'origine elle devrait être recouverte d'un toit à 4 pentes (2 pour le vaisseau central, 1 pour chaque bas-côté avec décrochement par rapport au toit correspondant du vaisseau central). En conséquence et moyennant un réajustement des lignes des toits, on obtient le plan en coupe de la nef primitive ... et donc la vision schématique la façade occidentale ... vision que l'on doit retrouver sur la façade actuelle. Et on constate sur l'image 28 ... que ce n'est pas ça ! La façade de l'image 28 est celle d'une nef à 5 vaisseaux et non 3 ! Et on retrouve cela sur le plan de l'image 32. Le corps de bâtiment séparant la nef de l'atrium appelé narthex a la largeur d'une travée de nef et il est formé de 5 vaisseaux.

D'où l'idée qui nous est venue : la nef primitive n'était pas à trois vaisseaux mais à 5 vaisseaux. Le bâtiment appelé narthex n'était pas un ouvrage Ouest différent de la nef mais faisait partie de la nef : c'était une travée de nef. Sur le plan de l'image 32, nous avons dessiné en rouge les piliers de la nef, piliers qui ont été supprimés lors du voûtement en croisée d'ogives. Mais ce n'est pas tout. A cause de la parfaite continuité des collatéraux de la nef, puis du narthex, puis des galeries de l'atrium nous avions envisagé que l'extension de la nef de la basilique ne s'arrêtait pas au narthex mais prenait en compte tout l'atrium. Et nous avons marqué en rouge l'emplacement des piliers disparus à l'intérieur de l'atrium. Nous avons indiqué en rouge sur le plan en coupe de l'image 31 une hypothèse de plan de cette nef à 5 vaisseaux. Une autre hypothèse inspirée par les dispositions des églises San Simpliciano de Milan et San Pietro de Pavie est envisageable, mais nous devons étudier ces églises avant d'en parler.

Il faut bien comprendre que l'étude de l'architecture de cet édifice est complexe. Nous avons déjà émis l'hypothèse que les chapiteaux à base circulaire avaient pu être insérés dans les piliers, endommageant partiellement les chapiteaux à base rectangulaire. De même, on constate sur l'image 33 que le chapiteau à deux personnages est partiellement tronqué, anomalie due probablement à une insertion postérieure. Il faut bien comprendre que si les maçons de l'époque faisaient de telles insertions, c'est parce qu'ils avaient des raisons de le faire.

L'étape suivante de la recherche sur cette église devrait être un examen, pilier par pilier, à la recherche des anomalies et d'une explication de ces anomalies.


Nous pensons que la construction de cette basilique s'est faite en plusieurs étapes. La basilique primitive «ambrosienne» devait être à piliers rectangulaires. Il resterait de cette église les chapiteaux à base rectangulaire. Les piliers n'étaient pas reliés entre eux par des arcs, mais ils devaient porter des architraves en bois. La datation envisagée pour cette basilique primitive est l'an 450 avec un écart de 200 ans. Plus tard vers l'an 800, avec un écart de 150 ans, on aurait décidé de remplacer ces architraves par des arcs. Pour cela, on aurait adossé aux piliers des colonnes demi-cylindriques portant les chapiteaux à base demi-circulaire, lesquels portaient les arcs reliant les piliers. Pour l'étape d'après (an 1050 avec un écart de 150 ans), on aurait voûté les collatéraux en voûtes d'arêtes. Le voûtement de la nef serait plus tardif
encore :  an 1300 avec un écart de 100 ans.