La basilique Saint-Pierre-et-Saint-Paul et le baptistère d'Agliate  

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Nous n'avons pas visité cette église. Les images ci-après sont extraites d'Internet.

Elle a fait l'objet d'une description détaillée écrite par Sandro Chierici dans l'ouvrage « Lombardie Romane » de la collection Zodiaque.

Concernant cette église, Sandro Chierici nous révèle qu'il ne dispose que de peu de documents et en déduit la difficulté de dater les édifices  : « Sur la datation de l'ensemble d'Agliate, les archéologues balancent entre le IXeet le XIesiècle : en effet, le problème se présente comme complexe en raison des caractères d'archaïsme et d'inorganicité (sic) que dénote l'ensemble. Mais ces caractères sont ils dus à l'antiquité de la construction ou à une plus lente adaptation des territoires de la province à l'évolution des formes architecturales parties de la cité ? Étant donné le manque de documents, le problème reste insoluble et l'on conçoit qu'il soit destiné à demeurer presque indéfiniment dans cet état. »

Nous pensons que les documents auxquels M Chierici fait allusion sont des textes écrits. En cela il se comporte comme la plupart des historiens de l'art qui privilégient les textes écrits au détriment de toute autre considération. Il faut cependant noter une différence notable entre le discours de M Chierici et celui de la plupart des historiens. Sa phrase, « les archéologues balancent entre le IXeet le XIesiècle », accrédite l'idée que les monuments d'Agliate pourraient être antérieurs à l'an mille. Hypothèse que les historiens de l'art écartent d'emblée.

Nous pensons, quant à nous, que les textes écrits ont été plus un inconvénient qu'un avantage en ce qui concerne les datations. En effet, ils ont été dans de nombreux cas mal interprétés et cela a conduit à des erreurs de datation, erreurs persistantes car les successeurs des premiers évaluateurs n'ont pas pris soin de vérifier.

Nous pensons que la meilleure façon de dater doit s'établir sur les données architecturales. Un style d'architecture caractérise une époque. La question que pose
M Chierici : « Mais ces caractères sont ils dus à l'antiquité de la construction ou à une plus lente adaptation des territoires de la province à l'évolution des formes architecturales parties de la cité ? » correspond à l'idée : ces monuments sont ils anciens (sous-entendu, du IXesiècle) ? Ou plus récents (sous-entendu, du XIesiècle) mais très en retard par rapport aux monuments construits dans les villes voisines ? La réponse à cette question est pour nous très simple : en architecture, l'innovation se répand très rapidement. Il est, selon nous, impossible qu'à Agliate et ailleurs, les architectes aient construit une édifice analogue à ceux qui étaient construits deux à trois siècles auparavant dans la ville voisine. Certes, on nous objectera qu'on a bien construit au XIXesiècle des églises néoromanes. Mais les structures et les matériaux de construction étaient bien différents de ceux des églises romanes qu'on essayait de copier. Dans sa dernière phrase,  « Étant donné le manque de documents, le problème reste insoluble et l'on conçoit qu'il soit destiné à demeurer presque indéfiniment dans cet état. », M Chierici exprime ouvertement son pessimisme face à la résolution du problème de datation. Nous le sommes beaucoup moins. D'une part, nous ignorons quelles peuvent être les avancées techniques futures comme l'ont été la datation au C14 ou la dendrochronologie. D'autre part, nous sommes persuadés que la barre de l'an mille considérée infranchissable par les historiens de l'art constitue le principal frein pour la recherche d'une datation comparée. La faire sauter, remettre en question la priorité donnée aux documents écrits, devrait permettre de libérer cette recherche. À titre de comparaison, les paléontologues, qui ne disposaient pourtant pas de documents écrits autres que la Bible, ont bien mieux réussi en matière de datation. Mais ils ont repoussé la date de la création à plusieurs millions d'années et ils ont utilisé la méthode stratigraphique. Une méthode comparable peut être mise en application pour nos églises dites romanes. En cela la référence de M Chierici à une « inorganicité » (sic) de l'ensemble d'Agliate est pour nous significative d'une succession de travaux. La reconnaissance de cette succession de travaux, reconnaissance qui ne peut être faite que par une visite approfondie, n'apporterait certainement pas de réponse au problème de datation d'Agliate. Mais, répétée sur des centaines de monuments grâce à des centaines de collaborateurs locaux, elle permettrait d'envisager des réponses sur la totalité des édifices.


Venons-en à l'étude de cet ensemble :


Le campanile (image 4)

Composé de lits de moellons dégrossis et de briques disposés en alternance, il est « décoré » d'arcatures lombardes. En fait, nous ne pensons plus que le système des arcatures lombardes soit un simple décor, mais plutôt une structure architectonique innovante permettant d'ériger des tours élancées de grande hauteur. Selon nous, la construction d'arcatures lombardes se serait étalée sur plusieurs siècles. Celles-ci feraient partie d'une première génération d'arcatures lombardes (l'appareil des arcatures est plus régulier que l'appareil des murs qu'elles couvrent). Notons aussi le très grand (trop grand ?) écart concernant la datation de la construction en alternance de lits de pierres et de briques : entre le IXeet le XIesiècle dans le cas présent, le IVesiècle pour les fortifications dites du Bas Empire. Tout en estimant que ces fortifications sont plus tardives, nous n'avons pas encore de réponse définitive à la question. Concernant le campanile d'Agliate, notre évaluation est l'an 950 avec un écart dé 100 ans.


L'extérieur de la basilique Saint-Pierre-et-Saint-Paul

Selon M Chierici, l'abside principale avec sa galerie supérieure qui en fait le tour (image 2) aurait suscité beaucoup de débats entre archéologues. Sans certitude avérée, nous envisageons une construction en deux temps du chevet. Dans un premier temps, les absides sont charpentées. Dans un deuxième temps, on décide de les voûter ainsi que la première travée de la nef. Afin de réaliser ce voûtement, on les rabaisse, on renforce les murs en les doublant côté extérieur et en cloisonnant côté intérieur. Le doublement des murs a permis l'installation de la galerie de circulation. Un problème : à quoi a-t-elle pu servir ?

Toujours selon M Chierici la façade Ouest (image 3) serait le résultat d'une restauration au XIXesiècle. En tout cas, elle est à l'image des façades des premières églises paléochrétiennes.


L'intérieur de la basilique Saint-Pierre-et-Saint-Paul

La nef (plan de l'image 5, images de 6 à 9) est formée de trois vaisseaux charpentés. Les piliers porteurs du vaisseau central sont cylindriques. Ce sont des colonnes monolithes On remarque que ces colonnes sont dépareillées. Il en est de même pour les chapiteaux qu'elles portent. Les historiens de l'art ont une réponse à cette anomalie : ces colonnes ont été récupérées sur des monuments romains ruinés. Cette explication est plausible en ce qui concerne les cryptes, ouvrages de moindre intérêt architectural pour la plupart d'entre elles. Elle l'est beaucoup moins en ce qui concerne les grandes basiliques qui, à l'origine, devaient présenter tous les signes de la perfection architecturale, et, en particulier, des colonnes identiques entre elles, des chapiteaux identiques entre eux. Mais comme toutes les constructions humaines, les églises subissent des transformations, soit à la suite de causes naturelles, soit du fait des humains. Et parfois, face à une urgence, un maçon peut être contraint de remplacer une colonne par une autre récupérée sur un monument détruit. En tout cas, pour cette église, il semble bien que nombre de travaux ont été faits en sous-œuvre (remplacement d'une colonne par une autre, d'un chapiteau par un autre).

Les arcs reliant ces piliers sont simples. Cette particularité nous fait envisager une haute datation.

L'absence de transept constitue aussi pour nous un indice d'ancienneté. Nous estimons en effet que les premiers transepts apparaissent vers l'an 800 (avec une grande marge d'erreur) et qu'avant l'an mille, ils sont généralisés pour toutes les constructions nouvelles.



La crypte
(images 10 et 11)


À demi enterrée, elle est située sous le maître autel. On accède à celui-ci par un escalier placé à l'extrémité Est de la nef. Les cryptes ont pu être aménagées ultérieurement à l'intérieur de l'église, soit par creusement de l'espace du sanctuaire, soit par comblement de la nef. Nous ignorons quelle a été la solution choisie ici. Sans doute la seconde.

Le chapiteau de l'image 12 décrit une variante de la scène des « oiseaux au canthare », scène représentée un grand nombre de fois sur notre site. Ici, il y a bien le canthare mais en fait d'oiseaux, ce sont apparemment des monstres (marins?) et un trident émerge du vase.


Le baptistère

Son plan (image 17) s'apparente à celui d'un octogone. Nous pensons qu'initialement; son plan était celui d'un octogone régulier. L'abside de forme demi-circulaire est, selon nous, un ajout ultérieur. D'ailleurs elle apparaît comme une verrue sur les images 2 et 14. Nous pensons aussi que, primitivement, ce baptistère pouvait être charpenté. Il aurait été voûté ultérieurement grâce à un doublement des murs extérieurs, la pose d'arcatures lombardes et l'aménagement d'une galerie de circulation au sommet des murs. Là encore, nous ne savons pas quel pouvait être l'usage de cette galerie de circulation.

La cuve baptismale (image 18) témoigne d'une pratique du baptême par immersion, qui caractérise les premiers siècles de l'ère chrétienne.


Datation envisagée pour la basilique Saint-Pierre-et-Saint-Paul d'Agliate : an 700 avec un écart de 200 ans.

Datation envisagée pour le baptistère de la basilique Saint-Pierre-et-Saint-Paul : an 700 avec un écart de 200 ans.