La basilique Sant’Abbondio de Côme
Nous n'avons pas visité cette église.
Les images ci-dessous sont extraites d'Internet.
Elle a fait l'objet d'une description détaillée écrite par
Sandro Chierici dans l'ouvrage « Lombardie
Romane » de la collection Zodiaque.
En voici des extraits concernant la chronologie de
construction :
« On a coutume de faire
remonter la fondation de la première basilique dédiée aux
saints Pierre et Paul - basilique située à l'endroit où
s'élève Sant 'Abondio - au milieu du Vesiècle
; la tradition voulait la voir fondée par Amanzio, 3eévêque
de Côme. L'unique date certaine que nous possédions est
celle inscrite sur des pierres enserrées dans le pavement
de l'antique basilique ; ces pierres remises au jour
durant les fouilles du siècle dernier (il s'agit du
XIXesiècle)
portent l'année 485, qui pourrait constituer un terminus
ad quem ; toutefois la découverte d'un plan semblable à
celui de la basilique dans l'église Saint-Sulpicien de
Milan et qui remonte, lui, à 385, peut permettre
d'anticiper la datation.
D'un privilège de Louis
le Pieux remontant à 818, on peut déduire qu'à cette
époque, la basilique avait déjà reçu le nom actuel de
Saint Abbondio, saint qui y était enseveli.
En 1007, l'évêque Albéric transfère le siège épiscopal de
Sant’Abbondio à Sainte-Marie-Majeure, située au coeur de
la cité, et trois années plus tard, donne la vieille
église aux moines bénédictins ; cette donation est
confirmée en 1013. [...]
1015 : l'empereur Henri
II donne au monastère bénédictin quelques possessions en
Valteline. C'est la première donation de toute une série.
[...] Elles auront une
importance considérable dans les débats sur la datation de
la nouvelle basilique. En effet, nous savons avec
certitude qu'au cours de ce siècle, les bénédictins
réédifièrent entièrement la basilique dans ses formes
actuelles, mais les archéologues ne sont pas d'accord
quant à la période exacte à laquelle il faut assigner
cette reconstruction. La majorité a lié les travaux aux
dates des donations, soutenant que ceux-ci auraient été
commencés dès la prise de possession de l'édifice par les
moines ; d'autres tenant mieux compte de la date de
consécration ont préféré placer cette reconstruction à la
fin du siècle.
Le 3 juin 1095, la
basilique est solennellement consacrée par le pape Urbain
II ; le fait est établi par un bref pontifical. »
Sur ce texte précédent, on aimerait
avoir quelques éclaircissements. Ainsi l'auteur nous apprend
ceci : « En effet, nous
savons avec certitude qu'au cours de ce siècle, les
bénédictins réédifièrent entièrement la basilique [...]
». Sur quelles données factuelles l'auteur peut-il savoir «avec certitude» ?
Autre interrogation : d'une part M. Chierici nous parle « d'un plan semblable à celui
de la basilique dans l'église Saint-Sulpicien de Milan et
qui remonte, lui, à 385, [...] ». Et d'autre part,
il nous affirme « avec
certitude qu'au cours de ce siècle (le XIe)
les bénédictins
réédifièrent entièrement la basilique [...] ». Si
l'église a été entièrement refaite au XIesiècle,
quel était le plan de l'église du IVeou Vesiècle
? Et si ce plan a été découvert au cours de fouilles,
pourquoi ne le mentionne-t-il pas ?
Par ailleurs, on découvre à travers ce texte une possible
surinterprétation des textes anciens par les historiens de
l'art - nommés «archéologues»
par l'auteur - du Moyen-Âge. Ces textes anciens sont en
général très imprécis. Une donation à un organisme n'est pas
forcément destinée à la construction d'un édifice. Et
lorsqu'un projet de construction est évoqué, cela ne
concerne pas obligatoirement l'ensemble de l'édifice mais
peut-être une partie, voire un bâtiment annexe. Nous pensons
que, dans le cas présent, si les écrits des donations à
partir de 1015 avaient été précis, Monsieur Chierici
n'aurait pas hésité à les reproduire dans le détail.
Autre remarque : Monsieur Chierici insiste sur l'importance
de la consécration de 1095, en évoquant l'hypothèse dont il
semble être partisan : « d'autres
tenant mieux compte de la date de consécration ont préféré
placer cette reconstruction à la fin du siècle. ».
Nous estimons que les historiens de l'art ont attaché une
trop grande importance à ces cérémonies de consécration en
les assimilant à des inaugurations de nouveaux bâtiments. La
consécration concerne, non un bâtiment, mais un autel à
l'intérieur de ce bâtiment. Elle confirme le droit de
célébrer le culte divin sur cet autel. En conséquence, pour
certains bâtiments, on dispose de plusieurs dates de
consécrations et pour d'autres, d'aucune. C'est en
particulier le cas des bâtiments très anciens. M. Chierici
nous parle d'une église du IVeou Vesiècle.
Quelle est la date de consécration de l'autel principal de
cette église ? M. Chierici ne la donne pas ! Pourquoi donc ?
Tout simplement parce que cette date a été perdue ! Et c'est
le cas pour la presque totalité des églises antérieures à
l'an mille. Ce qui est d'ailleurs tout à fait normal au vu
de la rareté des archives concernant ces périodes. Il est
d'ailleurs arrivé que des églises soient reconsacrées. En ce
qui concerne celle-ci, le changement de dédicace de
Saint-Pierre-et-Saint-Paul en Saint-Abbondio a été très
certainement certifié par une consécration dont nous ne
connaissons pas la date exacte.
Cela étant, s'il ne faut pas exagérer l'importance de la
consécration de 1095, il ne faut pas non plus la minimiser.
Très certainement, cette consécration a été accompagnée de
fêtes, d'embellissement de la cité et aussi d'inaugurations
de nouveaux bâtiments. Peut-être d'une nouvelle église ?
Plus sûrement d'une nouvelle structure à l'intérieur de
l'ancienne église. Pour cette période, on songe surtout à
une confession ou à une crypte.
Nous avons émis cette dernière hypothèse seulement à partir
de la lecture du texte de Monsieur Chierici. Examinons à
présent le plan de l'image
7.
Ce plan est paradoxal car il apparaît à la fois parfait et
déséquilibré. Parfait, il l'est dans la partie nef : une nef
à cinq vaisseaux charpentés. L.es piliers porteurs du
vaisseau central sont cylindriques, bâtis en moellons. Les
piliers séparant les vaisseau secondaires sont des colonnes
monolithes. Quatre absidioles sont situées dans le
prolongement des vaisseaux secondaires. Elles sont insérées
dans la maçonnerie. Le tout parfaitement symétrique. Cette
symétrie réside aussi dans les deux tours placées au-dessus
des absidioles encadrant le vaisseau central (images
3 et 4). On retrouve la même perfection liée à la
symétrie dans la partie suivante formée de l’avant-chœur et
du chœur. Mais inversement, ce plan témoigne du déséquilibre
entre ces deux parties. Ne serait-ce que du fait que la nef
est à cinq vaisseaux et l’avant-chœur, à un seul vaisseau.
Notre idée est la suivante : ces deux parties, nef et
sanctuaire (avant-chœur + chœur), sont indépendantes.
Commençons par la nef : elle est typique d'une nef de
basilique romaine. La seule différence avec celles-ci est
que ces nefs étaient dotées d'une abside semi-circulaire, le
demi-cercle étant greffé directement sur le mur Ouest. Le
sanctuaire quant à lui est selon nous, typiquement roman :
existence d'un avant-chœur séparant la nef réservée aux
fidèles du chœur, réservé au célébrant, abside fortement
éclairée par de grandes fenêtres, et, à l'extérieur,
pourtour des fenêtres orné d'un décor sculpté (image
9). Cependant, il ne s'agit pas d'un chevet à
déambulatoire caractéristique selon nous d'une seconde
période de l'art roman. La datation du XIesiècle
est donc envisageable pour cet ensemble (avant-chœur +
chœur).
Notre hypothèse est donc celle d'une construction en au
moins deux étapes de travaux. La première se serait déroulée
au cours des premiers premiers siècles de la chrétienté :
construction de la nef à 5 vaisseaux, le vaisseau central
étant prolongé par une abside semi-circulaire. Au cours de
la deuxième étape, l'abside aurait été supprimée et
remplacée par le chevet (avant-chœur + chœur). L'existence
des deux tours jumelles pose problème. Nous pensons que leur
construction a été effectuée entre les deux étapes de
travaux.
Il faut enfin remarquer que l'ensemble apparaît presque trop
neuf. Il nous semble impossible qu'une nef de l'époque
paléochrétienne montre un tel état de fraîcheur, que les
arcatures lombardes visibles sur la nef et le clocher (images 3 et 4) aient
été intégralement conservées. Nous pensons donc que cette
église a subi de fortes restaurations, probablement au XIXesiècle.
Datation
envisagée pour la nef de basilique Sant'Abbondio
de Côme : an 450 avec un écart de 150 ans.
Datation envisagée
pour le chevet (avant-chœur + chœur) de Sant'Abbondio de
Côme : an 1050 avec un écart de 150 ans.