Le monastère du Saint-Sauveur de Capo di Ponte
Nous n'avons pas visité cette église.
Les images ci-après ont été recueillies sur Internet.
Elle a fait l'objet d'une description détaillée écrite par
Sandro Chierici dans l'ouvrage « Lombardie
Romane » de la collection Zodiaque.
En voici un extrait :
« Le monastère de
Saint-Sauveur de Terziis marque une des étapes les plus
importantes qui soient parvenues jusqu'à nous de la
pénétration clunisienne dans l'Italie septentrionale à la
fin du XIesiècle. Importantes non seulement
en raison de la fortune du monastère, qui déclina en peu
de siècles jusqu'à tomber en commende en 1570, mais en
raison du témoignage architectural qu'il a laissé d'une
église demeurée presque intacte dans ses formes
originelles et dans laquelle, en conséquence, on peut
observer le type de construction clunisien en tous ses
éléments de nouveauté par rapport aux constructions
précédentes.
L'absence quasi totale de
documents concernant le monastère ne permet d'entrevoir
que de brefs éclairs sur son histoire à partir desquels il
est possible de reconstruire l'aventure de cette fondation
dans ses lignes essentielles. Elle figure en effet dans
une liste de fondations clunisiennes qui fut rédigée par
Hugues, abbé de Cluny, en 1095, à l'occasion du concile de
Piacenza, comme un monastère florissant ; ses possessions
sur les terres environnantes sont attestées jusqu'à la fin
du XIVesiècle, période à laquelle commence
la décadence. [...] »
Par la suite, M. Chierici décrit avec
précision l'ensemble des éléments constitutifs de cet
édifice. On découvre en particulier que l'édifice devait
être précédé d'un ouvrage Ouest (ou narthex) qui a disparu.
Et que nous n'avions pas repéré à partir de l'image
1 ou du plan de l'image
5. Cependant, nous n'avons pas pu observer, à
travers cette description minutieuse, les images qu'il
présente ainsi que les nouvelles issues d'Internet , «
le type de construction
clunisien en tous ses éléments de nouveauté par rapport
aux constructions précédentes. ». À dire vrai, c'est
un discours classique : on nous parle « de
modèle clunisien », « d'architecture
clunisienne », mais personne ne semble avoir décrit
avec précision quelles en sont les caractéristiques. Et face
à une église quelconque, nous sommes bien en peine de
définir à quelle modèle elle appartient : clunisien ?
augustinien ? denisien ? cistercien ? ou, plus simplement,
sachant qu'un évêché, un archevêché ou une région ont pu
être à l'origine de la création d'un modèle - c'est
d'ailleurs la démarche des éditions Zodiaque
qui développent l'idée de modèles régionaux - diocésain ? Et
aussi à quel modèle elle n'appartient pas.
On retrouve aussi la démarche bien connue des historiens de
l'art : ils recherchent le document le plus ancien faisant
référence au monument qu'ils étudient - dans le cas présent,
la « liste de fondations
clunisiennes qui fut rédigée par Hugues, abbé de Cluny, en
1095. » -. Ils déduisent de ce document la datation
du monument - dans le cas présent, la « fin
du XIesiècle »-. Il ne leur vient pas
à l'idée que le document en question est un rescapé de tout
un ensemble d'archives en grande partie définitivement
détruites. Dans le cas présent, il est fort possible que le
monastère Saint-Sauveur ait été une possession de Cluny bien
avant l'an 1095. Hypothèse d'autant plus crédible qu'il est
dit : « le figure ... dans
une liste de fondations clunisiennes ... en 1095 ... comme
un monastère florissant ». À ces considérations, il
faut en ajouter une dont nous n'avons pas suffisamment
conscience : les communautés monastiques sont à l'image de
toutes les communautés humaines ; elles sont fluctuantes.
Elles évoluent en fonction des conjonctures intérieures (
disputes internes, non respect de la règle;) ou extérieures
(relations avec les autres communautés religieuses ou les
autorités politiques). Ainsi, il est fort possible qu'une
communauté en remplace une autre. Que, dans le cas présent,
l'abbaye Saint-Sauveur, une abbaye préexistante, ait été
confiée à Cluny pour une « reprise en main ». Nous ignorons ce
qu'il en était au Moyen-Âge, mais, en ce qui concerne la
période actuelle, le cas est fréquent.
Essayons à présent de faire le point sur cette église.
Il s'agit d'une église à nef à trois vaisseaux. Le vaisseau
principal est voûté d'arêtes mas l'implantation des arêtes
directement sur les murs permet d'envisager que ce voûtement
est tardif : l'église primitive devait être charpentée. Cela
a dû être pareil pour les bas-côtés mais nous ne pouvons
l'affirmer.
Fait peu fréquent dans cette région, l'église est dotée d'un
transept et d'une tour de croisée. C'est peut-être dans ce
point de détail que l'on décèle une influence française.
Très probablement ce transept a été installé à l'intérieur
d'une nef déjà construite. Il existe en effet une rupture de
style entre les piliers massifs du transept et les colonnes
graciles de la nef.
Primitivement, les piliers porteurs du vaisseau central
devaient être cylindriques à l'image des 4 qui subsistent.
Mais l'installation du transept et de l’avant-chœur en ont
supprimé au moins 4, peut-être 6. Les arcs reliant ces
piliers cylindriques sont simples. En ce qui concerne les
nefs à piliers de type rectangulaire, nous avons considéré
que les arcs doubles constituent une innovation par rapport
aux arcs simples et nous avons situé à l'an 800 la date de
mise en application de cette innovation (avec une grande
marge d'incertitude : en premier lieu, il faut du temps
entre l'invention d'un modèle architectural, sa première
mise en chantier et sa généralisation à toute nouvelle
construction). Nous estimons de plus que la construction
d'arcs doubles était plus difficile à réaliser pour des nefs
à piliers cylindriques. Il existe pourtant en Italie des
nefs à arcs doubles posés sur des piliers cylindriques, mais
elles sont rares et probablement tardives. Nous pensons donc
que, dans le cas des nefs à piliers cylindriques,
l'introduction de l'arc double a été plus tardive, après
l'an 950 (toujours avec une grande marge d'incertitude).
En conséquence, la nef primitive de l'église Saint-Sauveur
peut avoir été construite près de l'an 900.
Par ailleurs, le fait que le chevet soit composé de trois
absides situées dans le prolongement des vaisseaux de la nef
est caractéristique d'une ancienneté. Notons aussi la
présence d'arcatures lombardes sur ce chevet.
A-t-elle été construite avant l'an 800 ? Nous pensons que
c'est peu probable. Car il y a les chapiteaux des piliers
cylindriques (images de
8 à 12). Ces chapiteaux semblent avoir été
installés dès la construction initiale. Bien que d'aspect
archaïque, ils développent des thèmes que nous pouvons
qualifier de « romans ». Des thèmes que nous retrouvons dans
de nombreux endroits, et, en particulier, en France. Ces
thèmes sont : la sirène à deux queues (image
9), l'aigle impérial (image
10), l'hybride dévorant. Celui-ci est moins
fréquent : deux hybrides sont réunis en une seule tête de
lion ; leur corps est à écailles ; ils ont des ailes
d'oiseau et une queue de serpent ... terminée par la tête du
serpent (image 11).
Un autre hybride dévorant est visible sur l'image
12.
Datation
envisagée pour l'abbatiale du Saint-Sauveur de Capo
di Ponte (nef primitive) : an 950 avec un écart de 100 ans.
Datation envisagée
pour le transept de Saint-Sauveur de Capo di Ponte : an 1100
avec un écart de 100 ans.