L'abbaye des Trois Fontaines de Rome 

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N’ayant pas visité cette église, les images ci-après ont été recueillies sur Internet.

La page du site Internet Wikipedia consacrée à cette église est riche en information. En voici des extraits : « Histoire : L’endroit était connu dès avant l’ère chrétienne pour ses Aquae salvae. Les Romains y venaient chercher des eaux curatives.

Les Trois Fontaines : D’après une tradition du Vesiècle, c'est aux Aquae salviae, sur la via Laurentina, qu'a été décapité l’apôtre saint Paul. Selon la légende, la tête de saint Paul aurait rebondi trois fois sur le sol, et à chacun de ces trois emplacements, une source aurait miraculeusement jailli : d’où le nom de « Trois-Fontaines ». On a trouvé trace d’un édifice sacré datant du Vesiècle et construit à la mémoire de Paul.

Une église est construite dans laquelle on peut voir ces trois sources aménagées. Dans une chapelle latérale, une grande peinture murale moderne raconte le prodige. Dans la crypte de l'église, se trouve un réduit où Paul aurait été emprisonné.  [...]

Au même endroit, de nombreux soldats chrétiens, autour du tribun Zénon, subissent le martyre durant la persécution de Dioclétien vers 298.

Monastère gréco-arménien : Durant la seconde moitié du VIesiècle, un monastère est construit par des moines grecs, ayant peut-être fui leur pays lors de l’invasion arabe de la Cilicie. [...]

Au VIIesiècle, un monastère gréco-arménien est attesté. [...]

Un guide de pèlerinage datant de 650 indique l’itinéraire à suivre pour visiter le monastère Ad Aquae salviae « où se trouvent les reliques de saint Anastase et où fut décapité saint Paul ». [...]

Monastère et église sont détruits par le feu à la fin du VIIIesiècle. Une notice biographique sur le pape Adrien I er (772-795) mentionne en passant : « par l’incurie des moines et dans le silence de la nuit, le monastère du bienheureux martyr du Christ, Anastase, est détruit par le feu ». Reconstruction et restauration commencent aussitôt, par la faveur du même pape Adrien I er.

En 805, après une victoire inespérée contre les Lombards, obtenue par l’intercession de saint Anastase, Charlemagne, allié du pape Léon III, fait don à l’abbaye de larges domaines situés dan la région d'Orbetello et Ansedonia (en Toscane).

Monastère clunisien : Ces possessions n’empêchent pas un lent déclin du monastère. La situation de décadence et d’abandon est telle qu'en 1080, le pape Grégoire VII, grand réformateur, prend des mesures. Tout en confirmant les droits et possessions de l’abbaye, il entreprend sa restauration et fait venir des moines bénédictins issus de Cluny, alors à la pointe du renouveau monastique en Occident, pour y reprendre une vie monastique régulière.

Après le grand schisme de 1054, la plupart des monastères grecs en Italie sont progressivement repris par des moines occidentaux, à l’exception du monastère de Grottaferrata qui, bien que grec et basilien, restera durant toute son histoire en communion avec le pape.

Les Annales parlent peu de la période clunisienne. Elle prend fin en 1140. Une nouvelle intervention papale d'Innocent II confie l’abbaye à Bernard de Clairvaux et aux moines cisterciens. L’ordre de Citeaux est alors en pleine expansion. Bernard soutient vigoureusement les droits d’Innocent II contre les agissements de l’antipape Anaclet II, soutenu par les moines clunisiens.

C’est de cette époque que date l’église abbatiale, l’église Saints-Vincent-et-Anastase, et la structure de l’abbaye telle qu'elle est visible aujourd’hui. Un document de 1161 mentionne pour la première fois les trois églises de Tre Fontane : l’église abbatiale, celle de la Décapitation-de-Saint-Paul (des Trois Fontaines), et l'église Sainte-Marie Scala Coeli (commémorant une vision de saint Bernard). [...] »


Nous avons une autre source d'information. En effet, ce monument a fait l'objet d'une monographie approfondie écrite par Serena Romano dans le livre « Rome et Latium romans » de la Collection Zodiaque. En voici des extraits :

« L'abbaye des Trois Fontaines (Tre Fontane) constitue une contradiction extraordinaire, peut-être unique, dans l'architecture de la Rome du XIIesiècle. Au style des basiliques, de l'antique, au rapport étroit entre la papauté triomphante et la nouvelle parure des églises et de la Cité, s'oppose, aux Trois Fontaines, une esthétique différente et assez antithétique, dont les principes sont étrangers au milieu roman et qui - du moins initialement - semble tout à fait indifférente au monde qui l'entoure.

Les circonstances et la signification de ce monument cistercien à Rome ont été relevées par Mme Romanini (1982) qui a tracé une lecture très claire du monument. Nous en relèverons les points essentiels.

En 1140, le pape Innocent II donne aux moines cisterciens de Saint Bernard de Claivaux « hoc a se retauratum monasterium »  : il faut donc entendre que le don consiste en un ensemble conventuel déjà en cours de restauration par ordre du pontife. [...] »

Par la suite, Mme Romano effectue une description de cet ensemble monastique. Son analyse est parfois ambiguë, comme le montre cette phrase : « Les cisterciens - toujours selon Mme Romanini - utilisèrent à leur arrivée les constructions qu'ils trouvèrent déjà sur place, dans la zone des bâtiments conventuels et les soumirent à la rigueur géométrique et fonctionnelle requise par la Règle de Bernard : le « projet bernardin ». [...] » . Nous comprenons très bien qu'on puisse imposer une Règle à des hommes. De même, on peut imposer une Règle à un projet à construire ; les architectes conçoivent leurs plans avec règle et compas. Mais il nous semble difficile d'imposer une Règle à un bâtiment déjà construit ; soit on le garde tel quel, soit on le détruit pour en faire un autre qui respecte la règle. Mme Romano ne nous dit pas quels sont les bâtiments que les cisterciens ont gardé et quels sont ceux qu'ils ont détruit. On retient d'elle ces deux fragments de phrase : « dans l'architecture de la Rome du XIIesiècle » et « de ce monument cistercien » qui permettent de penser que Mme Romano date ce monument du XIIesiècle. Et même après 1140.

Dans les pages précédentes consacrées aux monuments du Latium, nous avons constaté que les historiens de l'art médiéval de cette province d'Italie, Ernesto Parlato et Serna Romano, négligeaient systématiquement les informations antérieures à l'an mille et dataient presque aussi systématiquement du XIIesiècle des monuments qu'ils estimaient romans, des monuments pourtant fort différents d'autres monuments romans d'Europe. Le texte ci-dessus est conforme à cet état d'esprit.

Bien sûr, ce texte n'est pas conforme avec nos propres idées. Mme Romano a parfaitement raison de remarquer que l'abbatiale de Tre Fontane ne ressemble à aucune des autres églises de Rome. Mais elle ressemble encore moins aux églises cisterciennes. Même pas aux églises clunisiennes. Si Mme Romano cherche une ressemblance, elle la trouvera à la Madeleine de Béziers et dans une foule d'autres églises dispersées un peu partout en Europe.


À présent, étudions de plus près cette église.

Il s'agit d'une église à nef à trois vaisseaux. Le vaisseau central est charpenté. Les deux vaisseaux secondaires sont voûtés en voûtes d'arêtes.

Les piliers porteurs du vaisseau central sont à section rectangulaire de type R0000. Les arcs reliant ces piliers sont simples. Les impostes qui supportent ces arcs sont à chanfrein dans toutes les directions. Le modèle de référence est l'église Sainte-Madeleine de Béziers, estimée antérieure à l'an 800.

Une remarque cependant : à la Madeleine de Béziers, les collatéraux ne sont pas voûtés d'arêtes. Nous en déduisons que cette église doit être postérieure à la Madeleine de Béziers.

Détaillons quelques images.

Image 2 puis image 5. Portail d'entrée à l'enclos du monastère. Il est appelé « Arc de Charlemagne ». On serait tenté de dire « C'est une légende ! Charlemagne n'est pas passé par là ! ». Mais n'y aurait-il pas un fond de vérité ? Ce portail est en fait un portique. Un monastère était un espace sacré qui avait le privilège d'exterritorialité. Un peu comme une ambassade. Le portique servait à la fois à l'accueil des visiteurs importants et à leur protection (voir sur ce site la page consacré aux portiques). On sait que plusieurs des successeurs de Charlemagne ont écrit des actes à partir de l'abbaye Saint-Sernin de Toulouse. Sans doute aussi à partir d'autres résidences royales. Les souverains carolingiens qui se déplaçaient énormément avaient très certainement un pied-à-terre à Rome. Pourquoi pas Tre Fontane ?

Image 3 et image 4 (détail de l'image 3) : fresques de l'arc de Charlemagne. Madame Romano les date du XIIesiècle. Nous ne sommes pas encore en mesure de proposer une datation.

Image 7. Le transept (ici le croisillon Sud) est débordant et bas (c'est- à-dire plus bas que la nef). Un transept bas est pour nous un signe d'ancienneté (antérieur à l'an mille).

Image 10. Les fresques sur les piliers sont récentes. Mais primitivement, les murs devaient être décorés de fresques.


Datation envisagée pour l'abbatiale des Trois Fontaines de Rome : an 850 avec un écart de 200 ans.