La basilique Saint-Jean devant la Porte-Latine de Rome 

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Nous n'avons pas visité cette église. Les images ci-après sont extraites d'Internet.

Dans les pages précédentes consacrées aux monuments du Latium, nous avons constaté que les historiens de l'art médiéval de cette province d'Italie, Ernesto Parlato et Serna Romano, négligeaient systématiquement les informations antérieures à l'an mille et dataient presque aussi systématiquement du XIIesiècle des monuments qu'ils estimaient romans, des monuments pourtant fort différents d'autres monuments romans d'Europe.

Ce monument a fait l'objet d'une étude approfondie par Serena Romano dans le livre « Rome et Latium romans » de la Collection Zodiaque. En voici un bref extrait :
«  Dans la vie d'Adrien I er (772-795), le Liber Pontificalis nous apprend que le divin pontife “in omnibus noviter renovavit” la basilique près de la Porte Latine. »

Les éléments caractéristiques de cette église sont les suivants : sa nef est formée de trois vaisseaux, les trois vaisseaux sont charpentés. Les piliers porteurs du vaisseau central sont cylindriques (de type C0000). Ce sont des colonnes monolithes en marbre. On remarque que ces colonnes sont dépareillées. Certaines sont cannelées, d'autres ont un fût lisse. Cependant, on observe une certaine symétrie dans la composition. Par exemple, les colonnes cannelées se font face. Les chapiteaux sont tous de style ioniques. Nous pensons que l'ensemble est trop bien organisé pour que l'on puisse évoquer la réparation de la nef en urgence et l'utilisation de matériaux en remploi. Ce serait volontairement que les paires de piliers soient différentes entre elles. Pour quelles raisons ? Nous l'ignorons.

Par son plan, ses colonnes, ses chapiteaux, cette église apparaît plus proche des basiliques paléochrétiennes du IVesiècle que des églises romanes du XIIesiècle. On aurait donc tendance à la dater du VIeou VIIesiècle. Cependant, la densité importante de ce type d'église dans le Latium et d'autres régions de l'Italie nous amène à penser qu'il a pu régner ici un conservatisme des formes.

Serena Romano est très prolixe en ce qui concerne les fresques dont malheureusement nous n'avons pas pu télécharger d'images à partir d'Internet. Le livre de Zodiaque en présente plusieurs. Les thèmes représentés sont extraits de l'Apocalypse (du côté de l'abside : Vieillards de l'Apocalypse, les quatre Vivants sous les traits des Évangélistes et de leurs symboles respectifs), du livre de la Genèse (dans la nef : Création du Monde avec le Christ représenté imberbe, Création d'Adam, Création d'Ėve, Péché Originel, Condamnation d'Adam et d'Ėve, Expulsion du Paradis, Sacrifices de Caïn et d'Abel, Un Chérubin, Meurtre d'Abel, Condamnation de Caïn, Ordre donné à Noé, Entrée dans l'Arche, Abraham et les trois anges, Sacrifice d'Isaac, Isaac bénit Jacob, Lutte de Jacob avec l'ange, Songe de Jacob), Nouveau Testament (dans la nef : Annonciation, Visitation, Voyage à Bethléem, Nativité, Annonce aux bergers, Adoration des Mages, Songe de Joseph, Fuite en Égypte, Massacre des Innocents, Le Christ et les docteurs, Baptême du Christ, Transfiguration, Résurrection de Lazare, Entrée à Jérusalem, Dernière Cène, Lavement des pieds, Portement de Croix, Crucifixion, Déposition de Croix, L'ange au tombeau, Les Saintes Femmes au tombeau, Apparition aux pèlerins d'Emmaüs, Sur la route d'Emmaüs, Repas d'Emmaüs, Les pèlerins racontent l'Apparition d'Emmaüs, Incrédulité de Saint Thomas, Apparition de Tibériade, Jugement Dernier).

Madame Romano donne une datation « assez précise » de ces fresques, « à rattacher selon toute vraisemblance à l'année de la dédicace, vers 1190 ».

Qu'il nous soit permis de faire la remarque suivante. Si l'on veut vraiment rattacher la date des fresques à une année de dédicace, nous avons une autre date à proposer : les environs de 790, au cours du pontificat d'Adrien I er, voire de son successeur si Adrien I er est décédé avant l'achèvement des travaux. Mais, direz-vous, rien ne prouve qu'il y a eu une dédicace vers l'an 790. La réponse à cela ! Vous en connaissez beaucoup d'hommes politiques qui entreprennent de lourds travaux avec l'espoir d'assister à leur inauguration 400 ans plus tard ?

Disons-le tout de suite, rien ne prouve que ces fresques datent de 790. Mais rien aussi ne prouve qu'elles datent de 1190. Ou d'une date différente de ces deux-là. Car il est fort possible qu'il y ait eu des travaux importants entre ces deux dates, travaux dont nous n'avons pas connaissance, les textes les relatant ayant été définitivement perdus.

Revenons à ces fresques. La description ci-dessus des scènes représentées peut sembler fastidieuse. Nous pensons qu'elle peut se révéler intéressante pour la recherche en datation que nous effectuons. Car elle nous indique l'importance que les croyants d'une époque attribuaient à certaines représentations au détriment d'autres.

Au début de notre recherche en matière d'iconographie, nous avons privilégié les représentations sculptées (chapiteaux, tympans). Mais nous avons rencontré des difficultés inattendues : des symboles incompréhensibles ... et qui pourtant traversaient les siècles. Nous commençons à réaliser que, hormis quelques thèmes essentiels (le Péché Originel, l'Annonciation, l'Adoration des Mages, le Christ en Gloire), le message ne passe pas à travers les représentations sculptées. Ce n'est que plus tard, dans la deuxième moitié du XIIesiècle, que l'on voit apparaître sur des chapiteaux des thèmes bibliques secondaires. Et cela ne dure pas longtemps. L'Histoire Sainte en images, on peut la voir sur les vitraux à partir du XIIIesiècle. Nous pensons à présent que des éléments importants de cette Histoire Sainte devaient être révélés avant l'an mille. Mais pas sur les chapiteaux ! Sur les murs ! Grâce aux mosaïques d'abord, puis aux fresques.

Nous pensons à présent qu'il existe plusieurs périodes qui restent encore à identifier clairement : la période de l'Antiquité Tardive (mosaïques de Ravenne), la période de l'Apocalypse, la période biblique. Ces deux dernières périodes sont présentes sur les fresques de Saint-Jean devant la Porte-Latine. L'Apocalypse dans la zone absidiale, L'Ancien et le Nouveau Testament dans la nef. Selon nous, les scènes liées à l'Apocalypse seraient antérieures à l'an 1000 (790 ? L'ouvrage des Commentaires de l'Apocalypse de Beatus de Liébana date de cette période). Quant aux scènes liées à la Bible, elles pourraient être antérieures au XIIesiècle.


Datation envisagée pour la basilique Saint-Jean-Porte-Latine de Rome :

Le fait que le Liber Pontificalis signale de grands travaux de rénovation vers 790 signifie qu'il existait auparavant une église en cet emplacement ; s'agit-il de l'église actuelle ? Nous l'ignorons mais, par précaution, nous préférons dater l'église actuelle des restaurations d'Adrien I er : an 775 avec un écart de 175 ans (Rappel : nous avons établi une base de fragmentation temporelle de 25 ans en 25 ans que nous essayons de respecter).