La Casa dei Crescenzi à Rome
Nous n'avons pas visité ce monument. Les
images de cette page sont extraites d'Internet.
Dans les pages précédentes consacrées aux monuments du
Latium, nous avons constaté que les historiens de l'art
médiéval de cette province d'Italie, Ernesto Parlato et
Serna Romano, négligeaient systématiquement les informations
antérieures à l'an mille et dataient presque aussi
systématiquement du XIIesiècle des monuments
qu'ils estimaient romans, des monuments pourtant fort
différents d'autres monuments romans d'Europe. Le texte de
Serena Romano, dont on donne ci-dessous des extraits, est
conforme à cet état d'esprit et, bien sûr, non conforme
avec nos propres idées : « La
récupération de l'antique, dont usa le pouvoir pontifical
... Ainsi peut-on comprendre pourquoi l'on a voulu souvent
lier la construction de la maison des Crescenzi à la
naissance de la commune de Rome en 1143. En réalité, des
points d'appui chronologique sûrs manquent totalement,
étant donné l'impossibilité d'identifier avec certitude le
propriétaire; aussi seul le concept de “goût” peut
suppléer et suggérer une datation correspondant aux
événements du renouveau de la Réforme : entre la fin du XIesiècle et le début du XIIesiècle
... ». Le propriétaire dont il est ici question
est un certain Nicolaus qui a laissé une inscription
affirmant « qu'il
n'a pas été mu par un désir de vaine gloire, mais a érigé
cette maison Romae veterem renovare decorem ». L'idée qui est
ici distillée est que Nicolaus, qui vivait aux alentours de
l'an 1100, a fait construire intégralement cette habitation
dans l'imitation de l'antique. Nous avons une autre lecture
de la même inscription. Nicolaus est à l'image de nombre de
nos contemporains qui, ayant conscience de la beauté d'un
monument ancien, s'efforcent de le restaurer, de le
réhabiliter. Comme Nicolaus, ils ne le font pas pas pour en
retirer une vaine gloire, mais parce qu'ils se désolent de
voir se dégrader ce témoignage des temps anciens.
À cette argumentation, il faut ajouter d'autres
considérations. La première d'entre elles consiste à dire
que le style d'ornementation - ce que Serena Romano appelle
« le concept de “goût” » - ne correspond en rien au
style roman. Ainsi, par exemple, la colonnade insérée dans
un mur (image 3)
n'est pas romane. Elle a été construite dans un but
volontairement esthétique : les colonnes qui apparaissent
insérées dans le mur n'ont pas été recouvertes par ce mur.
Il arrive en effet parfois que les grandes ouvertures
ménagées par une colonnade soient ultérieurement recouvertes
par des pans de murs. Mais ce n'est pas le cas ici. La
réalisation minutieuse de cette partie ne témoigne pas d'une
modification ou d'un rajout postérieur. Le style développé
ici n'est donc pas roman. Il serait plutôt romain. De même,
le style des décors à base d'oves, de rosaces, de
modillons, plus romains du troisième siècle que romans
du XIIesiècle.
Il y a enfin une question d'architecture globale du
bâtiment. Nous connaissons tous des réalisations
architecturales inspirées de l'art antique. Certaines datent
de la Renaissance, d'autres sont plus contemporaines.
Examinons par exemple les immeubles réalisés pas
l'architecte catalan Ricardo Bofill, au quartier d'Antigone,
à Montpellier. À première vue, on croirait être en présence
de temples issues de l'Antiquité. Mais on découvre vite que
ce sont des simples immeubles d'appartements pourvus de
fenêtres rectangulaires toutes identiques. Avec le tout
agrémenté d'un décor à l'antique. M. Bofill avait mission de
construire des appartements bien éclairés, pas des temples
obscurs. De même, si Nicolaus avait voulu faire construire à
ses frais une maison entièrement nouvelle avec un décor
copié de l'antique, il aurait copié le plan d'une maison
romane de l'époque, avec en rez-de-chaussée les hangars et
boutiques, et, à l'étage, le lieu d'habitation éclairé par
des fenêtres géminées. On n'a rien de tel ici. Nous pensons
plutôt que cette maison utilise les restes d'un temple
romain (an 250 avec un écart de 200 ans).
L'examen détaillé de certaines des
sculptures - nous n'avons malheureusement pas pu avoir des
images précises de certaines d'entre elles - nous permet de
repérer quelques thèmes principaux antiques.
Image 5 : Homme
entre deux griffons. Nous pensons que ce thème aura une
continuité durant le Haut-Moyen-Âge avec la représentation
d'un homme entre deux lions. Puis plus tard, dans le
Bas-Moyen-Âge, ce même thème sera expliqué comme étant
« Daniel et les Lions
»
Image 6. Les
modillons portent des scènes sculpèes : deux personnages
ailés (anges ? victoires ? dieux lares ?). À droite,
un couple, homme et femme représentés nus.
Image 7 : Scènes
analogues à celles de l'image précédente.
Image 8 : Scène -
très dégradée - de chasse au sanglier. Les scènes de chasse
sont apparemment des scènes profanes. Cependant, de nombreux
indices permettent de penser qu'un sens symbolique fort,
voire même une dimension religieuse, pouvaient être associés
à la chasse.
Image 9 : Un homme
et une femme s'embrassant.
Datation
envisagée pour la Casa dei Crescenzi : an 250 avec
un écart de 200 ans.