L'église San Giovanni di Argentella de Palombara Sabina
Nous n'avons pas visité cette église.
Les images ci-dessous sont extraites d'Internet.
Ce monument a fait l'objet d'une étude approfondie par
Serena Romano dans le livre « Rome
et Latium romans » de la Collection Zodiaque.
En voici des extraits :
« L'abbaye de San
Giovanni di Argentella pose un problème d'architecture qui
n'a encore aucunement été étudié ni clarifié. L'édifice, à
trois nefs et trois absides, avec des arcades lisses en
plein cintre et des fenêtres simples, pourvu d'une crypte
et précédé d'une sorte de narthex à trois travées,
présente une série d'éléments irréguliers et anormaux,
bien visibles même en plan (image
6). La
séparation des nefs est confiée à quatre colonnes de
remploi de chaque côté et à des piliers qui délimitent la
zone du sanctuaire, et à l'extrême opposé, la première
travée où s'insère le clocher. La zone du sanctuaire est
fortement asymétrique et se trouve en biais par rapport à
l'orientation des nefs comme pour respecter des structures
préexistantes. [...]
La disposition actuelle
de l'église, qui avait d'ailleurs des origines plus
anciennes, et dont l'existence comme abbaye bénédictine
est attestée de façon sûre au Xesiècle
(documents de 998, 999), garde des traces d'une
implantation du Haut Moyen-Âge mais remonte probablement
dans son ensemble à l'époque romane, peut-être à la
première moitié du XIIesiècle. [...]
»
Nous sommes encore une fois en présence d'un texte montrant
l'attrait des historiens de l'art pour le XIIesiècle,
alors que depuis les édits de Constantin, vers 330 après
Jésus-Christ, plus de huit siècles se sont écoulés. Et comme
dans de nombreuses autres cas précédemment examinés, il y a
plus qu'un attrait pour le XIIesiècle. Il y a
aussi négation des siècles antérieurs. L'historien de l'art
sait qu'il existait un établissement avant le XIIesiècle
(dans le cas présent , en 998). Et même, il le dit. Peut-il
en être autrement ? S'il ne le faisait pas, un autre
spécialiste lui en ferait le reproche. Mais une fois que la
chose est dite («
attestée de façon sûre au Xesiècle (
documents de 998, 999)
»), on l'oublie. Ou on la néglige (« garde
des traces d'une implantation du Haut Moyen-Âge ». Lesquelles ?
Pouvez-vous préciser ? Ça nous intéresserait pour notre site
Internet).
Cependant, à la différence d'autres
historiens de l'art qui ont réponse à toutes les questions,
y compris celles qu'ils ne se sont pas posées, Madame Romano
a le mérite de poser des questions. Pour lesquelles elle
avoue - seconde qualité - n'avoir pas de réponse.
Et il faut dire que le plan de cette église (image
6) pose effectivement question. Madame Romano a
parfaitement raison d'insister sur la dissymétrie du plan.
L'étude minutieuse d'un plan, de la duplication des volumes
par des transformations géométriques simples (symétries,
translations) constitue une des bases de notre recherche.
Nous estimons en effet que l'architecte de l'édifice
primitif a voulu construire une édifice parfait.
C'est-à-dire un édifice respectant des règles d'équilibre
(symétries, translations). Les architectes qui ont effectué
ultérieurement des transformations sur cet édifice n'ont pas
toujours eu la possibilité - ou la volonté - de respecter le
souci de perfection de leur prédécesseur. Il s'en est suivi
une irrégularité du plan de l'édifice modifié. En
conséquence de cette observation, nous recherchons à travers
les irrégularités d'un plan d'édifice des traces de
régularité. Et ce, afin de retrouver le plan de l'édifice
primitif. Et c'est ce plan que nous essayons avant tout de
dater.
Bien sûr, pour un édifice aussi complexe que semble l'être
San Giovanni di Argentella, nous ne pouvons prétendre le
connaître à partir de la seule étude d'un plan. Il nous faut
aussi le visiter ... et à plusieurs reprises, ... prendre
des centaines de photographies, ... les examiner dans les
moindres détails, ... et aussi beaucoup d'autres
investigations. Toutes ces choses-là, nous ne pouvons pas
les faire. Par manque de temps et parce qu'il faut passer à
autre chose. Mais le relais peut être assuré par d'autres
que nous résidant sur place ou à proximité. Le problème des
irrégularités posé par Madame Romano n'est peut-être pas
aussi complexe qu'il apparaît à un premier examen. Relisons
en effet le texte de Madame Romano : « remonte
probablement dans son ensemble à l'époque romane,
peut-être à la première moitié du
XIIesiècle
». Si on accepte son idée d'une construction globale
de l'édifice sur un demi-siècle, on est effectivement
confronté à un gros problème. Mais si on accepte l'idée
d'une construction échelonnée sur huit siècles, le problème
devient beaucoup moins important. Et il est encore moins
important si on conteste le mot
« construction échelonnée
» , mot qui suppose que le résultat d'ensemble obéit
à un schéma initial inamovible. La réalité est toute autre.
À l'origine, il y a eu un maître d’œuvre qui a construit un
plan parfait. En fait un plan qu'il pensait parfait. Car
trois siècles plus tard, un ecclésiastique impétueux a dit
: « Quel est ce con d'architecte qui a eu l'idée de ce
plan ? Je m'en vais te le changer
». Il a
effectivement changé le plan. Ou du moins la partie du plan
concernant la transformation qu'il voulait donner à cette
église ... Deux siècles plus tard, il y a eu d'autres
transformations. Et ainsi de suite ...
Peut-on à partir de ce plan échafauder
des hypothèses ? L'exercice n'est pas facile.
Selon nous, il y aurait eu au moins trois étapes de
construction.
De l'édifice primitif, il ne resterait qu'une partie de la
nef, aux colonnes monolithes. Comme pour les autres églises
du Latium, cette nef devait être prolongée d'un chevet doté
d'une abside unique.
Datation envisagée
pour cette partie de nef : an 550 avec un écart de 200 ans.
Plusieurs siècles après, on décide de reconstruire le chevet
qui sera doté de trois absides et d'agrandir la nef (travée
du clocher). C'est la partie de la nef, aux piliers
rectangulaires.
Datation envisagée
pour cette deuxième partie de nef et le chevet à trois
absides : an 750 avec un écart de 200 ans.
Enfin, il y a construction du clocher et du narthex. Pas de
datation envisagée pour ces éléments, car nous ne disposons
pas d'informations suffisantes.
En fait, ce ne sont là que des estimations globales. Dans le
détail, cela doit être plus complexe. Ainsi par exemple,
nous nous posons la question des arcatures lombardes qui
ornent le chevet. et le mur gouttereau du vaisseau central.
Sont elles contemporaines du chevet ? ou postérieures à
celui-ci ?